Critiques de notre temps

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Sur la morale


Militantisme et réchauffement climatique : Quels principes éthiques ou moraux à l’œuvre

Militantisme et réchauffement climatique : Quels principes éthiques ou moraux à l’œuvre ?

Par Saucratès 

Saint-Denis de La Reunion, samedi 18 février 2023


Mon but principal est d’essayer de comprendre comment notre monde fonctionne. Que ce soit l’économie et la finance, les crises financières, la Morale et l’Ethique, et aujourd’hui, l’écologie punitive et tous ceux qui luttent contre le réchauffement climatique et l’inaction des États et des entreprises. Je ne parlerais ici que de cette dernière réflexion.

La place des jeunes

On pourrait déjà s’intéresser aux jeunes qui comme Greta Thurnberg sont devenus les égéries de la lutte contre le réchauffement climatique. Mais il n’y a pas uniquement elle. Elles sont des dizaines à chercher à être des stars de la Lutte, à avoir des photos dans la presse, quitte à monter des bobards pour se poser en victimes : Loukina Tille, Luisa Neubauer, Isabelle Axelsson et Vanessa Nakate.

 

Cf. le bordel d’une photographie recadrée lors du forum de Davos le vendredi 24 janvier 2020. 
https://saucrates.blog4ever.com/l-affaire-de-la-photographie-recadree-de-vanessa-nakate-ou-quand-l-absence-d-hommes-de-cette-photographie-me-parait-bien-plus-problematique-1

 

Et pourtant aujourd’hui une seule d’entre elle est devenue une star planétaire détestée ou adulée par le plus grand nombre : Greta Thurnberg. En quoi leur starisation en égérie de la lutte contre le réchauffement climatique va-t-il apporter quelque chose à la Lutte elle-même, au combat lui-même ? 

Est-il d’ailleurs normal que de jeunes activistes se voient accorder une telle importance par les médias internationaux ou nationaux ? Est-il normal qu’on leur donne la parole dans des enceintes internationales comme celle de Davos, dans les grandes messes du GIEC ou des Conférences des parties sur le climat (COP) ? Non, ce n’est absolument pas normal, de la même manière qu’il n’est pas normal que le président ukrainien parle devant toutes les assemblées internationales.

 

De mon temps, les jeunes s’investissaient également au lycée (rarement au collège) dans des actions pour sauver le monde, contre la faim dans le monde, pour creuser des puits dans le désert, ou pour aider au fonctionnement des écoles en Afrique. J’étais dans une telle association, dans un lycée de Bretagne, et j’ai fait partie d’une telle association. Les filles y étaient déjà les plus investies, pour trouver des idées, pour penser des actions. Mais il ne me serait pas venu à l’idée d’apostropher les adultes parce qu’ils n’intervenaient pas pour sauver ces enfants, ces villageois et villageoises, ces pays en détresse.

 

J’imagine les proviseurs et CPE de tous les lycées de France qui ont vu depuis des générations se monter années après années de tels groupes, de telles associations, de tels gamins et gamines, qui ont vu ces programmes, ces objets de combat évoluer années après années, qui ont vu leurs moyens d’action changer ou se ressembler. Les moyens utilisés pour récolter quelques sommes puis les transmettre à des associations. J’imagine que ces proviseurs et CPE ont dû voir quelques arnaqueurs tenter de manipuler des gamins crédules. Comme ceux qui œuvraient autour de L’arche de Zoé, qui ont ainsi dû arnaquer nombre de lycéens, nombre d’associations de jeunes lycéens pour qu’ils leur fournissent de l’argent pour faire fonctionner leur association ou leur projet au Tchad. Il doit y avoir tout un écosystème avec des prédateurs et des proies dans ce marché des associations lycéennes.


Entre parenthèses, que font les jeunes des lycees des pays africains? Cherchent-ils à collecter de l’argent ou des pulls pour les jeunes europeens en détresse? Ou pour les populations plus pauvres qu’eux?

 

Du coup, je ne peux comprendre ni ces jeunes qui mettent en cause adultes et institutions, ni les médias qui relaient leurs inepties, ni même les institutions elles-mêmes qui leur donnent du crédit, de l’importance. Mais pourquoi donc le forum de Davos leur donne-t-il la parole ? Je rêve !

 

Mais en même temps, je sais que les jeunes, les étudiants, les lycéens, se sont toujours intéressés à ce qui se passait dans le reste du monde et ont toujours cherché à faire des choses pour améliorer le monde. C’est humain. C’est la jeunesse.


Quelle morale, quelle éthique est ici à l’œuvre ?

Lorsque j’entends des personnes, jeunes ou vieux, demander à ce que tout le monde soit interdit de faire telle ou telle chose parce qu’elles s’interdisent elles-mêmes de consommer telles choses ou de faire telles choses, je me demande sur quels fondamentaux éthiques cela peut donc reposer. 

Pour moi, l’Ethique ou la Morale, ou la Méta-Morale, reposent sur un certain nombre de principes ou d’écoles. Il y a l’école de la déontologie (il faut à tout prix faire telle chose ou telle chose pour qu’une action soit morale), il y a l’école de l’éthique des vertus et il y a enfin les écoles conséquentialistes, dans lesquelles nos actions morales ne valent, ne sont jugées qu’en fonction de leurs conséquences.

 

Mais dans aucune de ces écoles, on ne prévoit qu’il soit possible d’interdire telle ou telle action parce que la personne qui promeut cette vision des choses a telle ou telle croyance, s’interdît telle ou telle chose. Par exemple, «je ne mange pas de viande, donc il faut interdire à tout le monde de manger de la viande parce que c’est mauvais pour la planète ou parce que c’est cause de réchauffement climatique !» Ou idem pour les voitures. «Je fais du vélo ou je me déplace à pied, donc il faut interdire les voitures individuelles, et je veux crever les pneus de ceux qui osent braver les interdits. Ils polluent la planète, ou plutôt, ils participent à la pollution de la planète.»

 

Tout ceci me met fort mal à l’aise. On n’est plus dans l’ordre de la Morale ou de l’Ethique. On est dans l’ordre de la dictature écologique. On est dans l’ordre de l’envie, de la jalousie, ou de l’uniformisation des comportements. Et pourtant, c’est ce qui est l’œuvre aujourd’hui dans notre monde occidental, et plus largement dans le monde. L’envie et la jalousie sont devenus le leitmotiv de toutes les politiques publiques, d’une majorité de publications médiatiques. Il y a des oukases, des groupes de pression, dont le poids n’est plus financier, mais médiatique. Ils traîneront dans la boue tels ou tels décideurs politiques parce qu’ils ne respectent pas tels ou tels de leurs diktats, de leurs oukases. À moins que ces décideurs ne soient persuadés d’oeuvrer pour sauver la planète, à moins que tels ou tels jugés administratifs ou civils soient persuadés d’œuvrer pour sauver la planète.

 

Nous entrons donc dans une ère où, en fonction de sa propre popularité médiatique, on peut imposer au reste de la planète, ou au reste de sa propre Nation, ses propres oukazes, opinions, envies, diktats. Et ces oukases, envies, décisions personnelles s’imposeront au reste de nos concitoyens parce que tels ou tels médias les relaient aveuglement. Et tout ceci semble parfaitement normal à tout le monde, alors que c’est totalement aberrant, immoral, contraire à toute forme d’éthique. 

Sommes-nous rentrés dans un monde où la légitimité du vote du peuple, du vote populaire, peut être remplacé par la simple popularité médiatique de tel ou tel individu ? Devant laquelle la représentation nationale devra se plier, à laquelle la représentation nationale devra obéir, devant laquelle elle devra se plier ? 

Une nouvelle branche de la philosophie est-elle en train de naître ? Une branche de la philosophie et de l’éthique qui aura pour nom dictature, qui aura pour principe conducteur l’envie et la jalousie. La philosophie du futur, la philosophie de la dictature écologiste.

 
 

Saucratès 


18/02/2023
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Work in progress - Réflexions personnelles sur l'éthique et la morale (suite)

Saint-Denis de La Réunion, dimanche 14 avril 2019

Une conception individuelle ou infra-personnelle de la morale

 

Mes écrits de la semaine dernière sur la morale s'intéressaient à la morale en économie et en politique. Dans ma réflexion, cela signifiait de répondre à la question : qu'est-ce qu'être moral, et peut-on être à la fois puissant et moral ?

 

Comme je l'écrivais la semaine dernière :

 

«... on peut se demander si le monde que je vois existant autour de moi, composé de toutes ces grandes entreprises qui régissent d'un bout à l'autre nos vies, de tous ces chefs et dirigeants d'entreprises, de tous ces cadres et hauts managers prônant l'efficacité technocratique, si toutes ces entités, ces personnes, ces puissants connaissent la morale et agissent en fonction d'une morale immanente., supérieure à leur seul intérêt et à l'intérêt de leur caste ? Je pose la question mais j'en connais déjà la réponse : Non !»

 

https://saucrates.blog4ever.com/work-in-progress-reflexions-personnelles-sur-l-ethique-et-la-morale

 

Mais il s'agit d'une vision que je considère comme collective de la morale. C'est une vision politique ou générale des rapports sociaux et de la morale au sein de ces rapports sociaux, de ce que j'estimais être une mesure de la morale. Et en aucun cas, il ne s'agit d'une vision intime de la morale, parce que la morale, c'est aussi et avant tout cela : un rapport personnel, intime à la morale et à la moralité. On ne peut réellement répondre à la question de savoir si on est ou non un être moral, un être titulaire d'une moralité et agissant ou non en conformité à cette moralité que dans son for interieur, dans son intimité ! Une personne en dehors de nous peut estimer que l'on est ou non un être humain moral, agissant conformément à la morale, mais dans les faits, cet autre humain ne nous juge que conformement à ses propres valeurs morales. Mais cela ne répond pas véritablement à la question qui nous intéresse réellement, à savoir cet homme-là (ou cette femme-là) est-il (ou est-elle) moral ?

 

Il est ainsi tout à fait possible que des personnes telles que Carlos Ghosn de Renault, ou des tueurs, des assassins ou des terroristes de l'OEI puissent se considérer personnellement comme parfaitement moraux, même s'ils ont éventuellement pu frauder ou voler leur entreprise ou le fisc français ou japonais, s'ils ont pu tuer ou assassiner des hommes, des femmes ou des enfants ou poser des bombes. Il leur suffit de penser qu'on leur doit cet argent, que ce n'est qu'un juste retour pour leur sacrifice, ou que leurs victimes ne méritent pas de vivre ou que celles-ci n'appartiennent pas à l'espèce humaine. Ces personnes-là peuvent tout à fait se considérer comme parfaitement morales, dignes d'être admirées ou d'atteindre le Paradis céleste. 

 

Les valeurs morales ont ainsi l'inconvénient d'être strictement personnelles et ce n'est que lorsque l'on se trouve confronté au regard de l'autre, à l'altérité, voire à l'opinion publique, que l'on peut comparer nos valeurs morales à celles des autres. Et elles ont aussi un deuxieme inconvénient, elles evoluent en fonction de ce que l'on fait, de la manière dont on évolue. Les valeurs morales s'effacent au fur et à mesure que l'on agit mal, en contradiction avec elles. Jusqu'à disparaître complètement, pour ne plus laisser place qu'à une bouillie informe. Ce qui nous paraissait si amoral la première fois peut tout à fait nous paraître beaucoup moins grave à la dixième ou centième violation. Le sens moral peut s'émousser, s'étouffer au fur et à mesure que l'on se trouve confronter au Mal. 

 

On se retrouve donc toujours face à cette question primordiale et centrale que tous les philosophes se sont posées : puisque nos valeurs morales sont par essence personnelles, et qu'elles évoluent en fonction de nos propres actes, il n'existe donc aucune mesure unique de la morale, mais uniquement des valeurs communes qu'on imagine partagée par un plus grand nombre de personnes. On se construit ainsi intimement sur la base de valeurs morales que nous ont inculquées nos parents, nos proches, par la façon dont nous les avons comprises, interprétées, par les manières dont nous les avons combinées avec nos propres expériences, par les événements de notre vie, depuis notre plus tendre enfance. Ainsi, certaines personnes peuvent estimer que le plus important à leurs yeux est leur propre intérêt, leur propre confort, leur propre devenir, et que tout le reste, tous les autres ne comptent pas. Ils peuvent être très serviables, très au service des autres, mais à leurs yeux, ils ne penseront parfois qu'à eux, parce que cela seul compte pour eux. Ils pourront s'estimer parfaitement moraux parce qu'ils se sont construits ainsi. Parce qu'un sourire, la serviabilité est pour eux la première des qualités, de la moralité.

 

Qui suis-je pour m'ériger en censeur de la moralité des autres ? Qui suis-je pour imaginer que mes propres valeurs morales sont l'alpha et l'oméga de la moralité, et que tout autre comportement divergant de mes propres valeurs morales est une forme d'amoralité, une forme d'immoralité ?

 

Et pourtant, c'est notre lieu commun. Nous jugeons, nous apprécions tous les comportements de tout le monde en fonction de nos propres valeurs morales. Et ceux dont les comportements diffèrent trop de nos propres valeurs morales ne pourront être que rejetés, repoussés. Difficile d'accepter, d'être ami avec une personne dont les valeurs morales semblent pratiquement incompatibles avec nos propres valeurs, dont les actes et les comportements semblent aux antipodes par rapport à ce qui nous semble être la morale, le bien, le bon. Heureusement, c'est très rarement le cas dans la vie réelle. Il y a rarement des personnes dont les valeurs morales sont aux antipodes des nôtres. Il y a forcément très souvent des divergences, parfois importantes, d'autres fois des personnes peuvent sembler tant nous ressembler que nous pouvons nous confier et les aimer. Mais forcément, il y a des différences. Parce que nul ne peut avoir été éduqué exactement de la même manière, ni avoir vécu exactement les mêmes choses, ni surtout les avoir vécu, intégré de la même façon. 

 

Il y a aussi une dernière chose : je ne peux pas nier aux autres la faculté d'agir conformément à une morale, à une éthique, à leur morale. Même si ce sont des dirigeants de grandes entreprises, des hommes politiques ou des puissants. Je ne peux pas leur nier le droit d'être moraux ou éthiques, d'agir conformément à la morale ou l'éthique. 

 

Et on n'en arrive alors à une dernière facette de ce que j'appelle la moralité. On ne peut se considérer comme moral que si on est ouvert aux autres, si on est tolérant aux autres, aux divergences des autres. La tolérance est certainement la plus difficile des valeurs à intégrer, mais cela permet d'accepter ceux qui ont des valeurs morales differentes des nôtres, qui vivent et agissent différemment de nous. Terrible exercice que la tolérance, essentiellement parce que l'intolérance, le rejet de l'autre, est la plus simple et la plus facile des façons de vivre. Et parce que nul ne sait où peut nous mener la tolérance : ne doit-on pas en raison de la tolérance accepter les terroristes et les assassins ? Ne doit-on pas accepter qu'ils nous nient notre droit de vivre et de nous considérer comme humain ?

 

Où doit s'arrêter la tolérance ? Et où commence la moralité ? Je n'ai pas de réponse. Ce sera tout pour ce dimanche soir !

 

 

Saucratès


14/04/2019
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Réflexions personnelles sur l'éthique et la morale

Saint-Denis de La Réunion, mardi 2 avril 2019

Réflexion une - Une conception collective de la morale

 

S'il est bien un sujet qui me passionne, c'est bien le sujet de l'éthique et de la morale. Pour répondre à cette question de savoir qu'est-ce qu'une vie conforme à la morale ou à l'éthique ? Ou autrement pensé, que serait une Société humaine fonctionnant conformement à l'éthique et à la morale ? 

 

Et je vais ici citer Jean-Francois Mattéi, dans «Éthique et histoire» :

 

«On pourrait aisement soutenir, sans cultiver le paradoxe, que la naissance de l'éthique dans le monde moderne à signé la mort de la morale, ou que, à tout le moins, le renouveau contemporain de la réflexion éthique, désormais appliquée à toutes les sphères de la vie sociale, s'est accompli sur les cendres de la pratique morale traditionnelle brûlée à la flamme de l'histoire. Car c'est bien la conscience historique de l'homme moderne, appréhendée sur le mode immanent d'un devenir à la recherche de son propre sens, qui a progressivement évacué les principes moraux traditionnels fondés sur des commandements ou des absolus transcendants.»

 

Je ne sais pas si j'irais jusqu'à dire, comme le fait Jean François Mattéi, que notre monde moderne ne reconnaît plus la morale, qu'il n'y a plus de morale. Les œuvres morales des plus grands philosophes de l'histoire n'ont jamais été aussi accessibles, à quelques clics de souris, certes cachées au milieu d'un amoncellement d'informations beaucoup plus populaires, mais jamais leurs pensées n'ont été aussi accessibles. Il y a aussi foison de philosophes formés dans les universités ou écoles de tous les pays, sans que je puisse dire si l'un d'entre eux aura un jour l'importance d'Emmanuel Kant, de Camus ou de Jean-Paul Sartre. 

 

Mais c'est vrai en même temps que l'on peut se demander si le monde que je vois existant autour de moi, composé de toutes ces grandes entreprises qui régissent d'un bout à l'autre nos vies, de tous ces chefs et dirigeants d'entreprises, de tous ces cadres et hauts managers prônant l'efficacité technocratique, si toutes ces entités, ces personnes, ces puissants connaissent la morale et agissent en fonction d'une morale immanente., supérieure à leur seul intérêt et à l'intérêt de leur caste ? Je pose la question mais j'en connais déjà la réponse : Non !

 

Et pourtant, dans chacune de leurs entreprises, ces dirigeants, ces chefs d'entreprise, ces puissants, ces hauts managers, ces obscurs dépendants, bénéficiaires de la charité d'un autre plus puissant qui les a intronisé comme dirigeants d'une petite parcelle de son réseau, ont édicté et imposent à leur personnel de respecter des chartes éthiques ou des codes de déontologie, qui dans la réalité correspondent à des sommes de règles idiotes, de choses à faire, surtout de choses à ne pas faire, d'interdictions aussi diverses que variées ... et quelques obligations, comme notamment d'être de bons petits soldats .... et surtout une obligation de fidélité à l'entreprise et à ses dirigeants, pendant le temps de travail mais aussi le plus souvent en dehors, pendant les temps de repos ! Même Carlos Ghosn a dû pondre de telles chartes éthiques ou codes de déontologie pour les salariés et les employés de chez Renault ou de chez Nissan, même si lui, personnellement, n'était peut-être pas un parangon de vertu et de déontologie !

 

Donc effectivement, lorsque l'on parle du «renouveau contemporain de la réflexion éthique, désormais appliquée à toutes les sphères de la vie sociale», je ne peux m'empêcher de penser à ces multiples codes éthiques qu'il est de bon ton dans les entreprises 'in' d'arborer, comme leurs dirigeants arborent la rosette de leur légion d'honneur à leur veston. On peut peut-être considérer que la moralité de ces dirigeants et de leurs entreprises est inversement proportionnelle à l'existence d'un code éthique, qui n'existe que pour permettre à ses dirigeants de contrôler et d'avoir barre sur leurs salariés et pour pouvoir trouver une raison pour les licencier lorsqu'ils en auront envie. Et tout ceci n'est en rien pour moi synonyme d'éthique ou de morale. Il ne s'agit pas tant de morale que de contrôle !

 

Ces mêmes dirigeants (et là je ne parle pas seulement de Carlos Ghosn) sont-ils moraux, agissent-ils conformément à l'éthique et à la morale (la vraie, non pas le ramassis d'interdictions qu'ils ont pondus dans leurs codes internes) dans leur vie, dans la gestion des entreprises qu'ils dirigent et dans leurs rapports avec les autres, avec leur multitude de subalternes ? Mais évidemment je dois avant tout définir ce que j'entends par «vraie morale» et «vraie éthique», sinon je risque simplement d'opposer deux conceptions différentes de l'éthique et de la morale ! 

 

Je continuerais is en continuant de citer un philosophe, Jean-Pierre Ivaldi, préfaçant un ouvrage de Jean-Francois Mattéi :

 

«L'éthique s'est muée de nos jours en une science liée à la politique et à l'économie. L'économie en tant que système d'échanges de produits, de services et d'informations, est régulée par des contrats. Elle se doit de respecter les clauses et les termes du contrat. Si les contractants tentent de corrompre leurs vis-à-vis ou se laissent eux-mêmes corrompre, ils basculent dans l'immoralité.

 

Economie et politique souffrent de plus en plus de l'absence de l'éthique et des règles et préceptes qui sont les siens dans la vie sociale de la cité, à quelques pays qu'elle appartienne. Si bien que la conscience se fait mauvaise conscience. Cette absence qui n'échappe pas aux acteurs politiques et économiques, les taraudent insidieusement, car ils savent leurs manquements et le châtiment qu'ils encourent. Trop souvent le recours à l'éthique n'est-il qu'un faux semblant destiné à masquer ou travestir leurs turpitudes.»

 

Comme lui j'assimile les puissants aux mondes de la politique et de l'économie, les puissants et dirigeants des entreprises et du secteur public, ou aux élus. Comme moi, il considère les recours à l'éthique comme des faux-semblants destinés à camoufler l'immoralité de ces puissants, de ces acteurs économiques et politiques. Mais limiter l'éthique et la morale au seul respect des clauses et termes des contrats conclus me semblent désespérément réducteur !

 

«Mattéi se détourne du strict point de vue de l'éthique pour considérer qu'un système économique, des lors qu'il régit les échanges entre les hommes, n'est ni moral ni immoral ; il est efficace ou non, et l'efficacité ne relève pas de la morale. Ceci le conduit à constater que nous sommes face à deux difficultés. La première consiste à récuser l'autonomie de l'économie. La seconde tient à ce principe éthique supérieur qui permettrait de juger les systemes économiques selon une échelle de valeurs déterminée. Le servage serait moins immoral que l'esclavage, et le travail salarié moins immoral que le servage, bien que, en toute forme d'économie, l'homme soit contraint de s'adonner au travail. Les nécessités des échanges économiques sont indifférentes par nature, aux normes de la moralité qui sont d'un tout autre ordre. L'économie relève de la contrainte là où la morale relève de l'obligation.»

 

La morale en économie, dans le monde des affaires, dans le domaine politique, doit être bien plus large que le seule respect des clauses et termes des contrats, ou le respect des lois. De nos jours, ces deux mondes, ces deux sphères, sont amorales ; elles ne connaissent pas la morale. Et c'est pour cette raison que notre monde peut être dans cet état-là, rempli d'opulence pour un tout petit nombre et de misères pour le plus grand nombre, pour l'immense majorité. Parce que les puissants qui nous dirigent ne sont contraints par aucune réglementation morale, aucune obligation morale. Il n'existe qu'une seule règle : le laisser-faire moral, le culte de l'argent-roi, le tribunal de leurs seules envies ! 

 

Je citerai pour finir une une dernière fois Jean-Pierre Ivaldi :

 

«On attend de l'éthique une justification des pratiques et des institutions sociales. Ceux qui y sont soumis peuvent se rebeller contre elles et attendent de l'éthique qu'elle leur fournisse des arguments pour légitimer leur refus. Mais ceux qui les imposent attendent également de l'éthique qu'elle les justifie afin de légitimer leurs décisions. Cette convergence, pour ne pas dire, cette complicité, du recours à l'éthique, entre ceux qui commandent et ceux qui obéissent, n'est jamais aussi apparente que dans le cas de l'impôt.»

 

On se retrouve ainsi à nouveau devant une opposition entre deux conceptions de la morale et de l'éthique. Et en quoi mon interprétation de la loi morale peut-elle etre supérieure à celle minimaliste des puissants et dirigeants de ce monde, qui se contentent de penser en terme d'efficacité, de respect des clauses et des termes des contrats, et de bienfaits de la libre entreprise et des marchés concurrentiels ?

 

Je conclurais de la manière suivante : puisque l'économie et la politique sont amorales, indifférentes à la morale, il faut donc soit qu'une force supraindividuelle leur impose des règles morales, qu'ils ne puissent transgresser, soit que les puissants et dirigeants de ces mondes soient moralement et éthiquement irréprochables.

 

Encore faut-il que l'amoralité et l'immoralité ne soit pas justement un trait distinctif de ces puissants et dirigeants de ce monde, la raison pour laquelle ils sont arrivés au sommet de la hiérarchie en écrasant et en éliminant tous leurs concurrents !

 

 

Saucratès


02/04/2019
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Du contrat social

 

Réflexion une (mardi 9 janvier 2018)

De l'existence d'un contrat social ou de son application dans le cadre de notre société française 

 

Qu'est-ce que le «contrat social» ? Il est sensé s'agir d'une construction mentale des philosophes des Lumières, du dix-huitième siècle, popularisé notamment par Jean-Jacques Rousseau. Le contrat social serait donc mythique, un mythe permettant d'expliciter le fait par lequel des humains accepteraient/auraient accepté de quitter la vie sauvage pour vivre en communauté, en société. À la différence des mythes des sociétés anciennes ou premières, il s'agirait d'un mythe construit pour nos sociétés modernes, sur la base d'une idée fondée sur l'organisation des sociétés premières telles qu'elles étaient observées à l'époque de Jean-Jacques Rousseau, et reposant sur une certaine image idéalisée ou non de l'homme sauvage : bon sauvage ou loup pour l'homme, selon que l'on écoute Jean-Jacques Rousseau ou Thomas Hobbes. 

 

Si on suit ces philosophes du dix-huitième siècle, le contrat social serait donc un temps précis, une époque précise, où des hommes sauvages auraient accepté la vie en société en signant un pacte, un contrat entre eux, acceptant de fait des limitations à leurs libertés en échange d'une sécurité apportée par le groupe, par le nombre, par l'instrumentalisation ou par l'institutionnalisation de la violence légitime. Pour certains de ces philosophes, l'homme était bon avant la vie en société et était devenu mauvais après (Jean-Jacques Rousseau), ou inversement (Thomas Hobbes). Pour d'autres comme Etienne de la Boetie, c'est la violence de l'un sur les autres en sein de la société, c'est-à-dire cette violence institutionnalisée, qui était incompréhensible selon lui. Ou comment un homme seul peut-il dominer un pays entier ! Des centaines, des milliers, des dizaines de milliers de sujets !

 

Des philosophes récents ont repris à leur compte cette interprétation des fondements de la vie en société. Je veux parler notamment de John Rawls. L'instant de la conclusion de ce contrat social est toujours un instant mythologique selon Rawls, mais celui-ci est surtout célèbre pour avoir théorisé la forme de la mise en forme du contrat social, de ce moment où des hommes énoncent les règles de leur future vie en société. C'est ce que John Rawls a appelé le voile d'ignorance. 

 

En effet, si on demandait à des hommes ou des femmes de définir les règles d'une société et les statuts des uns et des autres, qui ne seraient pas tentés de se voir promu roi ou reine, ou membre de la noblesse ? Le voile d'ignorance permet de théoriser une manière de s'assurer que chaque homme ou femme est ignorant de sa place exact au sein de la société, de sa force, de son sexe voire de sa santé. Et chaque homme ou femme sera alors conduit à proposer des règles de société où chacun sera plus ou moins traité de manière égale, de facon à minimiser le risque et le désappointement de tomber dans les plus bas statuts sociaux !

 

Les débats vont évidemment beaucoup plus loin ou sont beaucoup plus complexes. D'autres philosophes ont peut-être theorisé d'autres réponses ou d'autres interprétations du contrat social depuis Rawls, ce dont je doute néanmoins. Evidemment, toute une branche de la philosophie politique depuis Rousseau et depuis Rawls a démontré qu'il n'était nul besoin d'un tel contrat social, d'une analyse ou d'une approche en terme de contractualisation de la vie sociale. Il s'agit de tout le débat opposant le conséquentialisme (ou analyse de la justesse de nos choix en fonction de leurs conséquences), l'utilitarisme (où la justesse de nos actes dépend de leur utilité) qui n'est qu'une variation du conséquentialisme, la déontologie (ou science des devoirs) dont font partie les théories d'Emmanuel Kant et de John Rawls, et l'éthique des vertus (ou perfectionnisme moral).

 

Apres avoir donc explicité ce que j'entends par «contrat social» et en avoir rapidement situé les sources philosophiques, je voudrais en revenir à mon idée première, à savoir que le contrat social est un composant actuel pertinent pour définir la vie en société dans une société comme la nôtre, comme la société francaise, justement traversée par des événements comme les émeutes urbaines, comme la radicalisation islamique et terroriste d'une partie de la jeunesse d'origine immigrée, d'Afrique du Nord ou d'Afrique noire, ou parles evenements du jour de l'an où des émeutiers ont tabassé/lynché deux fonctionnaires de police sur lesquels ils étaient tombés. Car, ces comportements émeutiers, terroristes, islamiques ou agressifs ne sont qu'une et même seule chose ; le fait que ces jeunes ou moins jeunes, ces supposés ou non exclus de notre société ne se reconnaissent pas dans la société française, dans ses valeurs, dans ses principes, dans ses engagements, dans ses droits et dans ses devoirs. 

 

Ces jeunes ou moins jeunes, principalement issus des cités urbaines, principalement issus des minorités d'origine immigrés d'Afrique, de la première, de la deuxième ou troisième génération, s'estiment souvent exclus de la société, non intégrés ou non attendus dans le monde du travail, et trouvent hors des règles de la société française la reconnaissance qu'ils pourraient en attendre. D'où la radicalisation islamique de nombre d'entre eux, mais pas uniquement d'eux (puisque les radicalisés islamiques en Syrie viennent de toute origine et de tout milieu), d'où les émeutes urbaines, pendant lesquelles le fait de brûler des voitures ou d'affronter les forces de l'ordre ou les forces de secours (pompiers) devient un rite de passage marquant l'entrée dans l'âge adulte, d'où la haine des forces de l'ordre ! 

 

Derrière ces images, il s'agit simplement d'un rejet par cette jeunesse (ou ces moins jeunes) du contrat social sur lequel repose notre société. Et j'en arrive donc à cette conclusion, contrairement à ce que pouvait penser Jean-Jacques Rousseau autrefois ou John Rawls plus récemment, que le contrat social n'est pas un instant mythique, appartenant à l'histoire ancienne, une construction mythologique théorique, mais que l'adhésion au contrat social est une décision permanente, régulière pour chaque individu. Chaque individu, au cours de sa vie, au cours de la construction de son être, de sa vie et de son devenir d'adulte, se trouve confronté à ce choix d'adhérer ou non au contrat social tel qu'il l'appréhende, tel que la société française l'a construit, avec le respect de ses institutions, de ses règles, et de la place et du statut social que la société peut lui proposer.

 

Le contrat social n'est ainsi pas qu'une construction de philosophe, qu'un souvenir mythologique. Le contrat social est une décision individuelle de chacun d'entre nous, une construction mentale, et par malheur, pour notre choix, nous ne sommes pas confrontés à ce fameux voile d'ignorance. Nous savons quel rôle et quelle place nous sera réservé dans cette société, et évidemment, il doit être plus difficile d'accepter ce contrat social lorsque l'on se sait déjà exclu, originaire d'une cité urbaine en voie de déclassement, sans perspective d'avenir, brillant ou non, que lorsque l'on se sait membre de la jeunesse dorée, héritier d'une grande fortune, privilégié En un mot !

 

Et pourtant, c'est cela le contrat social. À chaque génération, pour chacun d'entre nous, nous trouvons tous autant que nous sommes confrontés à cette décision. Accepter ou non notre place dans la société. Accepter ou non de signer le contrat social qui régit la société dans laquelle nous nous insérons ! C'est un choix d'une certaine façon de tous les instants ; accepter les règles qui sous-tendent notre vie et nos relations aux autres. Accepter les règles qui nous avantagent, qui nous protègent comme celles qui nous contraignent, qui nous désavantagent. C'est un choix souvent que nous comprenons tardivement, après que nous ayons réellement fait ce choix. Par exemple, c'est un choix qu'on fait les jeunes qui ont choisi la voie de la radicalisation islamique, du terrorisme islamique. Peut-être pas simplement ceux qui ont choisi de partir faire le djihâd en Syrie. Pas forcément non plus ceux qui se sont acharnés sur les deux policiers le jour de l'an. Parce qu'ils se sont peut-être laissés emportés par la foule, par l'effet de foule, cette force qui vous fait croire que vous êtes plus forts, aptes à attaquer ceux qui représentent l'Etat, que, en cet instant, vous croyez plus fort, que vous croyez être l'ennemi.

 

Je pense donc que le contrat social est nécessairement accepté et ressigné par chacun d'entre nous, à un moment ou un autre de notre vie, par chaque génération. Ce contrat social intègre tous les droits et devoirs que la société octroie et impose à chacun d'entre nous, ainsi que l'ensemble des institutions qui représentent la société, qui donnent corps à la société. Se pose alors le probleme du comportement à adopter envers tous ceux qui n'acceptent pas ce contrat social, ou qui dévient à un moment donné, choisissant de tuer et d'être des criminels ou des voleurs ? Mais il y a surtout tous ceux qui choisissant la voie de l'exclusion, ne comprennent pas l'existence de ce contrat social putatif. Parce que c'est sûrement là qu'il y a un souci, c'est qu'à aucun moment, personne ne vient vous indiquer que ce contrat social existe et que l'on vous demande de le signer. Et que votre choix conditionnera votre vie future. Parce qu'on ne le comprend que très tard, trop tard sûrement pour beaucoup d'entre nous !

 

 

Saucratès


09/01/2018
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Sur la morale (5)

 

Réflexion quarante (19 août 2012)
Valeurs, normes et morale (suite)

L'intérêt de ce livre («Les concepts de l'éthique» de Ruwen Ogien et Christine Tappolet) est de s'interroger sur ces concepts de 'normes' et de 'valeurs', sur les réalités qu'ils recouvrent. Intéressante question également que de s'interroger sur ce qui justifie les normes elles-mêmes. En même temps, pourquoi s'interroger uniquement sur cette justification et pas sur ce qui justifierait aussi les valeurs ? Les auteurs défendent en fait une position conséquentialiste, reposant sur les 'valeurs' (qu'ils appellent 'éthique des conséquences'). Au fond, riche interrogation que de discuter des 'normes' (qui posent des obligations, des interdictions, des permissions) et des 'valeurs' (qui disent ce qui est bien ou désirable). Je n'adhère pas du tout à leurs démonstrations que je trouve insuffisantes.

 

Toutes leurs argumentations contre la primauté donnée aux normes reposent sur le respect absolu que les déontologues sont supposés reconnaître aux interdictions morales telles tu ne tueras pas ou tu ne tortueras pas ton semblable. Selon les auteurs, pour sauver des centaines de personnes, on doit pouvoir désobéir à de telles interdictions même s'il faut sacrifier un pour cela ! Il s'agit vraisemblablement du pire dilemne moral auquel on peut être confronté. Tuer de manière délibéré une personne pour tenter d'en sauver peut-être plusieurs ... Parce qu'il n'y a jamais de certitude que ce sacrifice permettra réellement de sauver des vies ... Et peut-on vraiment jouer à la roulette russe avec la vie des gens ? N'y a-t-il pas un risque qu'on ne puisse trouver chaque jour une multitude de raison de sacrifier toujours plus de personnes pour sauver hypothétiquement d'autres personnes ? De même, à partir de combien de vies sauvées est-il rentable de sacrifier une vie ? Deux, trois, dix ? Qui le détermine ? Toutes les vies ont-elles la même valeur ? Les riches valent-ils plus que les pauvres ? Les millionnaires que les clochards ? Les hommes que les femmes et les enfants ?

 

Ce genre d'interdictions (morales) existe selon moi parce que leur négation ouvrirait une boîte de Pandorre. On ne doit pouvoir disposer que de sa propre vie. Libre à nous de la sacrifier si on pense de la sorte pouvoir sauver d'autres vies, et si on en a le courage. Toute autre levée de cette interdiction peut tout aussi bien être la réponse d'un pleutre incapable de se sacrifier mais qui se ferait fort d'exhaurter les autres à le faire. Et on peut dire la même chose des autres règles comme de ne pas torturer ; quelle certitude a-t-on que la personne soit coupable et qu'elle puisse nous donner des renseignements primordiaux ? Et si on se trompe et que cette personne est innocente ou qu'elle ne sait rien ?

 

Derrière une réflexion intéressante, je n'adhère ainsi absolument pas à leurs idées et à leurs arguments, que je trouve stériles. De même, selon les auteurs, ce qui différencient les 'normes' et les 'valeurs', c'est que les 'valeurs' peuvent être respectées de manière graduelle, et pas les 'normes'. Je pense que c'est également faux et que les 'normes' peuvent aussi être graduelles. Il nous est interdit de blesser quelqu'un, physiquement ou moralement, et pourtant même les meilleurs blesseront par des mots d'autres personnes. On refusera un caprice à un enfant même si cela lui fait de la peine pour lui apprendre la vie, pour qu'il grandisse.

 

D'une certaine façon, un argument qui invalide peut-être toutes leurs démonstrations est très simple : le concept de 'bien' sur lequel ils fondent toute leur théorie n'est d'une certaine manière rien d'autre qu'une norme ! Le bien (ou le juste) n'est qu'une vue de l'esprit, une norme sociale, et on aurait très bien pu imaginer exactement l'inverse. Autrement dit, la distinction entre le bien et le mal, entre ce qui est considéré comme juste ou injuste, n'est rien d'autre qu'une convention sociale ; elle appartient au domaine du normatif. Le cannibalisme est ainsi considéré comme une obligation dans certaines cultures (ennemis ou proches parents) et comme un acte de sauvagerie et de barbarie dans d'autres cultures  comme la nôtre. De sorte que les normes (ou les conventions sociales) justifient bien effectivement aussi les valeurs. Je ne crois avoir vu de réponses à cette argumentation dans leur livre (ils ne parlent que de la réduction des valeurs aux normes).

 

Enfin, derrière ces quelques questionnements sur les 'normes' et les 'valeurs', je retiendrais également de ce livre un autre problème fondamental sur ce que signifie le fait de faire le bien, ce que le conséquentialisme appelle «la promotion du bien». Doit-on toujours agir pour faire le maximum de bien autour de nous, ou simplement pour tenter de ne pas faire consciemment le mal ? Peut-on vivre tranquillement en sachant que certains meurent de faim dans le monde ou faut-il tout faire pour combattre la faim dans le monde ? Il se trouve évidemment que j'oublie totalement la misère qui nous entoure dans ma vie de tous les jours. Mais est-ce que je pense même simplement encore à faire le moins de mal possible ou bien est-ce que je ne vis pas simplement en ne pensant qu'à mon simple confort et mon seul plaisir ? En ce sens, ce dernier questionnement me parle en me faisant prendre conscience du fait que je m'éloigne peu à peu d'une bonne éthique de vie en prenant de l'âge. 

 

Réflexion trente-neuf (12 août 2012)
Valeurs, normes et morale

Je suis en train de lire un livre sur l'éthique intitulé «Les concepts de l'éthique» de Ruwen Ogien et Christine Tappolet, avec lequel je suis plutôt en désaccord, comme d'habitude. Je n'adhère pas en fait à leur méthode de démonstration, à leur façon de démontrer leurs affirmations.

Le questionnement de leur livre tourne autour du lien existant entre 'valeurs' et 'normes', et sur la possibilité de réduire l'une à l'autre ou inversement. Qu'entendent-ils par 'normes' et 'valeurs' ? Ce n'est selon moi pas très clair. Les 'normes' ou jugements normatifs sont constitués de tout ce qui a trait à l'obligatoire, au permis, à l'interdit. Les 'valeurs' ou jugements axiologiques correspondraient par opposition à tout ce qui est évaluatifs, c'est-à-dire appréciatifs ou dépréciatifs.

Pour ma part (ce qui peut expliquer ma prévention à l'égard des thèses développées dans ce livre), j'accorde plus d'importance aux normes impératives qu'aux simples jugements de valeur qui impliquent forcément leur égale importance ou inimportance. De sorte que l'on aurait tout aussi bien pu avoir une morale qui aurait pu élever au rang de paradigme fondateur le vol ou le meurtre si on se contentait des jugements de valeur des uns et des autres.

 

L'un des arguments, l'une des démonstrations des auteurs qui me posent problème est le suivant : «(...) étant donné que les faits naturels ne peuvent fonder ou justifier les normes, ce sont ou bien les normes ou bien les valeurs qui pourraient le faire. Si nous avons des raisons de penser que les normes ne le peuvent pas, il ne restera plus que la possibilité de faire porter le poids justificatif aux valeurs.» (page 109).

 

Cette argumentation sera réutilisée à d'autres reprises par les auteurs. Mais elle repose sur un présupposé non démontré par les auteurs, à savoir qu'il n'existe pas une autre justification (une quatrième) possible aux normes ! Ce qui ne me semble pas si évident ... Je pense aux préceptes bibliques comme fondements des normes, édictés directement par un Dieu. Mais on pourrait aussi sûrement imaginer d'autres fondements moins divins, plus humains, comme la génétique.

 

Normes, valeurs, vertu. Pour ma part, je crois que nos actions reposent sur un condensé de ces trois principes. On agirait ainsi en fonction de normes parfois, de valeurs personnelles d'autre fois, de devoirs/besoins de vertu enfin. Les normes se répartissent en de multiples niveaux, des plus impératives à celles qui n'ont qu'une simple valeur juridique. Mais dans le cadre de l'action, on se retrouve tous face à un choix moral : se conformer à ce que nous dictent les normes (il faut faire cela ou ne pas faire cela), nos valeurs (ce serait bien/mieux de faire cela ou pas cela) ou la vertu ... D'une certaine façon, cela semble assez proche, et d'une certaine manière, ce livre vient éclairer ces différences.


Saucratès


Mes précédents écrits sur la Morale
1.https://saucrates.blog4ever.com/blog/lire-article-447196-2002623-sur_la_morale_1.html
2.https://saucrates.blog4ever.com/blog/lire-article-447196-2002665-sur_la_morale_2.html
3.https://saucrates.blog4ever.com/blog/lire-article-447196-2002708-sur_la_morale_3.html
4.https://saucrates.blog4ever.com/blog/lire-article-447196-9385886-sur_la_morale_4.html


12/08/2012
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