Lecture du livre de Heide Goettner-Abendroth, «Les sociétés matriarcales» - Suite
Saint-Denis de La Réunion, le 5 décembre 2020
Dans un précédent article de ce blog, je réagissais à la vision ultra-féministe de Heide Goettner-Abendroth tel qu’elle transparaissait dans son livre sur «Les sociétés matriarcales - Recherches sur les cultures autochtones à travers le monde». Je m’y attachais essentiellement à contester ce discours ultra-feministe, et beaucoup moins à me pencher sur les autres thèses, ethnologiques ou migratoires, qu’elle exposait et sur lesquelles elle appuyait sa réflexion.
Je tâcherai donc dans ce deuxième article de discuter ces théories qui sous-tendent toutes les recherches matriarcales de Heide Goettner-Abendrot.
L’une des principales thèses développées dans ce bouquin semble être l’origine migratoire de tous les peuples du Pacifique, à savoir les peuples polynésiens, mélanésiens, micronésiens.
«Dans toute la zone Pacifique, les Micronésiens et les Polynésiens ont apporté avec eux l’architecture mégalithique hautement développée qui trouve son origine chez les peuples matriarcaux d’Asie du Sud-Est et d’Indonésie. Des preuves de cette connexion sont apportées par la recherche linguistique sur les langues austronésiennes, qui les fait remonter à des racines asiatiques sud-orientales, en particulier taïwanaises, tandis que l’archéologie et l’ethnologie fournissent des preuves supplémentaires. Les recherches les plus récentes sur le génome humain ainsi que sur la bactériologie humaine montrent aussi que les premiers habitants du Pacifique venaient initialement d’Asie du Sud-Est (Taïwan).»
(pages 239-240)
On retrouve la même théorie mieux explicitée quelques pages auparavant dans le livre, lorsque l’auteur évoque les anciennes sociétés matriarcales chinoises :
«A son apogée, la culture Yue a non seulement exercé son influence sur l’empire chinois patriarcal naissant, mais elle s’est aussi largement répandue dans toute la partie asiatique de la ceinture du Pacifique. Après tout, les Yue étaient l’ancien peuple navigateur de Chine à l’origine d’une culture maritime hautement développée et extrêmement mobile. Nombre de chercheurs ont été impressionnés par la nette ressemblance entre la culture des peuples Yue sino-tibétains et celle des peuples malayo-polynésiens qui vivent dans tout le Pacifique. D’anciens éléments mégalithiques chinois tels que des autels de terre et des temples dédiés aux ancêtres ont été découverts sur toutes les côtes et les îles habitables du Pacifique. S’appuyant sur l’archéologie des premiers temps de l’histoire et sur l’anthropologie, certaines chercheuses et certains chercheurs ont affirmé qu’ont eu lieu au Néolithique (base de notre investigation en tant que période de développement des sociétés matriarcales classiques) les événements suivants :
- premièrement, les peuples indonésiens sont venus de la Chine méridionale (peuples des îles d’Asie orientale ou Yue) ; via l’Indochine et la Malaisie, navigant d’île en île sur leurs bateaux sans cesse améliorés, ils se sont établis dans tout l’archipel indonésien ;
- deuxièmement, les premiers Polynésiens sont venus de la Chine du nord, en particulier du delta du Huanghe (fleuve Jaune), et ont pu, grâce à leur maîtrise constamment perfectionnée de la navigation, se risquer à des voyages toujours plus lointains en haute mer, s’établissant à Taïwan, dans les Philippine, en Micronésie, à Hawai’i et en Polynésie ; leur habileté dans le domaine de la navigation les a finalement conduits en Nouvelle-Zélande, au sud, ainsi que dans l’Ile de Pâques et sur la côte sud-américaine, à l’extrême est ;
- troisièmement, les peuples mélanésiens ont également migré loin de la côte de l’Asie orientale, se sont croisés avec les peuples de diverses tribus à la peau sombre, et se sont établis au cours de leurs migrations en Mélanésiens et en Australie.»
(pages 165-166)
Ce qui me gêne, c’est que sur la base de quelques ressemblances linguistiques ou archéologiques, et en évoquant quelques certitudes basées sur le génome humain ou sur la bactériologie humaine (mais invérifiables), l’auteure Heide Goettner-Abendroth construit toute cette théorie. Sans oublier que selon elle, cela explique surtout la transmission des caractères matriarcales de toutes ces civilisations mélanésiennes, polynésiennes, taïwannaises, japonaises ou indonésiennes !
Disons que je ne croirais pas sans démonstration et sans preuve argumentée qu’un peuple sino-tibétain ait pu essaimer dans tout le sud-est asiatique et dans tout le Pacifique. Il existe d’ailleurs d’autres théories qui datent la culture Jomon japonaise à -16.000 jusqu’à -20.000 ans BF (before present), et qui insistent également sur des ressemblances archéologiques (poteries) pour faire de la culture Jomon un ancêtre des peuples polynésiens. Je n’ai rien personnellement contre les théories de Heide Goettner-Abendroth mais je les trouve excessivement fragiles, excessives, ne reposant sur rien de concret. Mais après tout, elle a indiqué elle-même s’être placée à l’écart de la recherche académique patriarcale pour developer ses propres axes de recherche autour des cultures matriarcales. Ce qu’elle avance n’a ainsi pas à être véridique ou vérifiable ou démontrable. Il suffit que cela corresponde à sa thèse centrale sur la suprématie du matriarcat et à son antériorité sur le patriarcat !
Le problème est aussi certainement que les connaissances sur les origines génétiques des peuples évoluent en permanence et que chacun peut être tenté de vouloir démontrer la véracité de sa propre théorie. Ainsi par exemple la civilisation des Lapitas ou la démonstration de l’existence de liens entre amérindiens et polynésiens (qui ne contredit factuellement en rien ni la théorie Jomon ni la théorie Yue, entre autre théorie existante).
https://www.lemonde.fr/sciences/article/2020/07/08/des-croisements-anciens-entre-polynesiens-et-amerindiens-mis-en-evidence-par-la-genetique_6045631_1650684.html
https://next.liberation.fr/culture/2010/11/06/lapita-source-de-l-oceanie_691751
Pour conclure en quelques mots, je ne crois pas en l’existence d’une société matriarcale antérieure à toute forme d’organisation sociale patriarcale, telle que développée par Mme Heide Goettner-Abendroth dans son livre sur «Les sociétés matriarcales - Recherches sur les cultures autochtones à travers le monde». Au fond, je crois en l’égalité des sexes, et en aucun cas à aucune forme de privilège ou d’exclusion accordée ou imposée à quelque sexe que ce soit. Et je ne crois qu’en l’existence de deux seuls sexes, et non pas en une multitude de sexes LGBTplus. Autrement dit, je suis contre toute forme de repentance mémorielle imposée à quelques sociétés occidentales évoluées.
Saucratès
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