Critiques de notre temps

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Finance offshore et évasion fiscale

Réflexion une (jeudi 9 novembre 2017)

La finance offshore

 

Le Monde et l'ICIJ viennent de publier une nouvelle enquête sur le monde de la finance offshore.

http://www.lemonde.fr/idees/article/2017/11/06/paradise-papers-l-envers-de-la-mondialisation_5210798_3232.html

 

Il y a dix-huit mois, en avril 2016, Le Monde et des médias partenaires de l'ICIJ («International consortium of Investigative Journalists» ou «Consortium pour un journalisme d'investigation») avaient décortiqué des milliers de documents provenant du cabinet Mossack Fonseca, installé dans l'Etat du Panama. Cette fuite avait pris le nom des «Panama Papers».

https://www.lesechos.fr/04/04/2016/lesechos.fr/021815208784_--panama-papers-----revelations-sur-la-finance-offshore-mondiale.htm

 

Ces documents avaient permis de mettre en lumière des pratiques de blanchiment et de financement occulte de grandes entreprises et de nombreux hommes politiques du monde entier. Il y était notamment question d'hommes politiques connus islandais ou de quelques autres pays qui avaient utilisé ce cabinet pour échapper à l'impôt et masquer des biens ou leur patrimoine. 

 

Qu'en était-il ressorti de cette affaire des «Panama Papers» au final ? Le cabinet Mossack Fonseca n'a pas cessé ses activités pour autant. Même si cette histoire a dû lui faire du tord ; ce genre de clients cherchant avant tout la discrétion et la confidentialité. Quelques hommes politiques, notamment en Islande, avaient dû démissionner ou plutôt avaient été contraints par la rue et la presse de démissionner de leurs responsabilités gouvernementales ... Mais soyons sûr qu'ils reviendront tôt ou tard ; les électeurs n'ayant qu'une très faible mémoire des fautes et erreurs des hommes politiques qu'ils élisent. Quelques fraudeurs ont bien dû être rattrapés par le fisc français ou par les fisc étrangers, et quelques centaines de contribuables ont dû choisir de profiter des services de la cellule de rapatriement de leurs avoirs en France en payant une partie des impôts qu'ils auraient dû payer. On avait aussi découvert que certains grands établissements bancaires francais continuaient de travailler dans les Etats offshore alors que les dirigeants de ces établissements avaient assuré qu'ils n'avaient aucun lien avec ces Etats là et avec le monde de la finance offshore.

 

Quelques années auparavant déjà, les mêmes médias et l'ICIJ avaient deja fait sortir des milliers de documents provenant de deux sociétés très actives dans le monde de l'offshore : Commonwealth Trust Limited, située dans les Îles Vierges britanniques, et Portcullis Trustnet, basée à Singapour. C'était en avril 2013.

http://www.france24.com/fr/20130404-offshore-leaks-secrets-paradis-fiscaux-icij-enquete-revelation-medias

 

Les 6 et 7 novembre 2017, Le Monde, ainsi que de nombreux autres journaux et médias de par le monde, publient donc une nouvelle enquête sur la finance offshore. Cette enquête se base sur 6,8 millions de documents internes du cabinet d'avocats Appleby aux Bermudes, de 0,6 million de documents internes du cabinet Asiaciti Trust de Singapour, et de 6,2 millions de documents issus des registres confidentiels des sociétes de dix-neuf paradis fiscaux (Antigua-et-Barbuda, Aruba, Bahamas, Barbade, Bermudes, Dominique, Grenade, Îles Caïmans, Îles Cook, Îles Marshall, Labuan, Liban, Malte, Saint-Kitts-et-Nevis, Sainte-Lucie, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Samoa, Trinité-et-Tobago, Vanuatu). Les médias ont donné à cette affaire le nom de «Paradise Papers».

 

Par différence d'avec les «Panama Papers», il ne semble pas que ces documents internes démontrent des montages illégaux ou de financement de blanchiment ou d'argent sale. Ils montrent les dessous du Monde de la finance et de l'évasion fiscale.

 

«Ces histoires mises bout à bout composent un monde à part, où l'impôt n'existe pas. Un Monde réservé aux élites du XXIe siècle, qui souligne le problème de l'équité fiscale et du partage de l'impôt entre des contribuables qui ont le pouvoir d'y échapper et d'autres qui ne peuvent agir sur leur facture fiscale. Un monde enfin, qui se joue des tentatives de régulation des États.» Jérémie Barush, Jean-Baptiste Chastand, Anne Michel et Maxime Vaudano, Le Monde.

 

Cette nouvelle affaire est presque désespérante. Apres 2013 et 2016, après les «offshore leaks» puis les «Panama papers», rien ne semble devoir changer. Des hommes politiques à chaque fois avaient été mis en cause, mais cette nouvelle enquête démontre encore que les plus puissants sont les premiers à utiliser ces systèmes d'optimisation fiscale pour échapper à l'impôt. La couronne britannique, de nombreux membres du gouvernement américain parmi les proches du nouveau president Trump, des proches de Trudeau au Canada ... Et puis surtout, malgré tout ce qui est dit et écrit sur la finance offshore, rien ne change. 2013, 2016, 2017 ... combien faudra-t-il d'articles de presse, de fuites de documents, pour que quelque chose bouge ? À moins qu'en fait cela ne serve à rien. Que les coupables ne soient jamais inquiétés, que la finance offshore continue de prospérer et de croître, et que l'opinion publique ne s'en accommode et trouve cela normal.

 

Faut-il désespérer ?

 

 

 

Saucratès



09/11/2017
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