Critiques de notre temps

Critiques de notre temps

Le cinéma et les agressions

La question du viol, de l’agression sexuelle, des relations hommes-femmes, des relations humaines et de tout ce qu’elles charrient comme fantasmes, comme rêves, comme envies, comme désirs, comme risques et comme dangers, mériteraient un article intelligent. Ce ne sera pas mon essai.

 

Les procès intentés contre des monstres sacrés du monde du cinéma peuvent s’expliquer comme une volonté de nettoyer ce monde … ce qui pourrait ressembler à un des douze travaux d’Hercule : Nettoyer les écuries d’Augias. Mais je ne rejoins pas cet acharnement à l’encontre de monstres autrefois sacrés. Comment peut-on brûler aujourd’hui nos idoles d’hier ? Parce que le monde a changé ? Ou parce qu’une nouvelle horreur se répand sur notre monde ? L’horreur de la pensée féministe intransigeante, extrémiste, qui prône l’énucléation et l’émasculation de tous ceux qui ne sont pas des femmes, coupables simplement d’être des hommes. 

Alors effectivement, le milieu du cinéma est un milieu abominable, un milieu où l’on peut devenir une star, un phénomène, où l’on peut gagner des cachets invraisemblables en faisant un métier incroyable, en jouant la comédie, en se mettant en scène … Mais c’est un monde extrêmement dangereux, et tout le monde le sait. Aussi dangereux si ce n’est pire que le monde carcéral, le monde de la prison. 

 

Personne n’a envie d’aller en prison pour cette raison. Tout le monde est au courant. Seuls les voyous n’y craignent rien. Par contre le monde du cinéma fait rêver, des jeunes rêveurs et des jeunes rêveuses se laissent hypnotiser par ses lumières. Et ils ou elles se font dévorer et voient leurs rêves s’envoler, s’écrouler.

 

C’est un monde où il n’y a que très peu d’élus. Et où les échecs sont légions. Sommes-nous responsables de l’effondrement des rêves de gloire des ingénues ? Et pourtant certaines ont décidé de s’attaquer à l’horreur qui y règne. La ruine des rêves des rêveurs et des rêveuses ne doit pas rester impunie aux yeux de ces justiciers.

 

Derrière le procès contre Depardieu, on ne parle pas d’un prédateur, mais de milliers de prédateurs qui y règnent. Depardieu n’est ainsi qu’une victime expiatoire, un bouc émissaire commode pour ceux et celles qui cherchent à y faire un exemple. Évidemment, Depardieu est présenté comme le monstre ultime, l’horrible abominable qui transgresse toutes les règles. Je n’y crois pas. On reconnaît la puissance d’un homme au nombre et à la puissance de ses ennemis. À ce décompte-là, Depardieu était véritablement un géant … Et non pas un de ces quelconques minables qui l’attaquent et qui cherchent une notoriété facilement acquise. L’histoire oubliera leur nom ; nul n’oubliera Depardieu !

Cet article permet au moins de relativiser ses actes parce qu’ils sont des milliers à agir de la même manière. Un inventaire à la Prévert des milliers de comportements pour certains stupides, innocents, qui ne font réagir que les féministes extrémistes, d’autres évidemment problématiques, mais le cinéma n’est pas un monde de bisounours, ce n’est pas la forêt des rêves bleus, c’est un monde de requins où des forts dévorent les faibles, et cela le restera …

 

https://www.lemonde.fr/culture/article/2025/04/08/je-les-connais-les-salopes-dans-ton-genre-qui-veulent-reussir_6592802_3246.html

  • Qu’il s’agisse de ce professeur en classe préparatoire cinéma qui qualifie une scène de viol de “plus belle scène d’amour jamais vue” ;
  • du directeur de production qui lance à un réalisateur, à propos d’une scripte : “tu peux l’engager, elle, elle est pas chiante !” ;
  • du réalisateur qui indique à la scripte un matin : “je préférais comme t’étais habillée hier” ;
  • du second assistant caméra qui répond à la scripte qui lui demande une information technique : “je te donne le nombre de gigas si tu me suces” ;
  • du scénariste césarisé qui propose des conseils à une étudiante de la Fémis en échange d’une fellation ;
  • du directeur de collection qui demande à un jeune scénariste : “quand est-ce que tu me suces ?” ;
  • du chef opérateur qui demande à la scripte ses positions sexuelles préférées ;
  • de celui qui demande à une actrice racisée si elle [couche] aussi avec des Blancs” ;
  • de la cheffe décoratrice qui répond à une régisseuse harcelée moralement que “le harcèlement, ça n’existe pas, c’est comme MeToo, c’est un effet de mode” ;
  • du producteur qui refuse de recourir à un coiffeur formé pour un acteur racisé, qui devra donc s’occuper lui-même de ses cheveux pendant le tournage ;
  • de cette maquilleuse qui proposera à cette actrice racisée un fond de teint qui doit lui aller puisque c’est “le même que celui de Firmine Richard” ;
  • du critique de cinéma qui lance à sa jeune collègue : “tu ressembles à une actrice porno […] assise comme ça au milieu de la pièce, tu pourrais te faire gang bang par tout le monde” ;
  • du rôle principal qui plaque une stagiaire contre un mur et essaye de la toucher ;
  • du réalisateur qui demande à une actrice de passer un casting en utilisant son vibromasseur ;
  • du directeur de casting qui invite de jeunes comédiens au théâtre dans la perspective d’un possible rôle et leur touche par surprise le sexe pendant la pièce ;
  • de celui qui met au défi une jeune actrice de se mettre un œuf dans le vagin pour démontrer son talent ;
  • du réalisateur qui attrape les seins de “sa” scripte ;
  • du directeur d’un célèbre festival de musique qui demande à l’oreille d’une jeune artiste qui vient de se produire, sans lui avoir jamais parlé, en lui caressant la main, “tu as mouillé ta culotte, avant de monter sur scène ?” ;
  • du comédien qui embrasse par surprise une comédienne pendant une scène, puis regardera au “combo” la scène intime qu’elle tourne ensuite, alors qu’il n’a rien à faire à ce poste ;
  • de la professeure de théâtre qui demande à une élève de mimer une fellation ;
  • du réalisateur qui lance, à la cantonade, que “tout le monde veut toucher [le] beau cul” de telle actrice ;
  • de l’acteur principal d’un film qui n’interpelle une actrice qu’en faisant référence à ses seins ;
  • du milliardaire qui, avec la complicité d’un réalisateur connu dont il finance les films, harcèle une jeune mannequin rêvant de devenir actrice ;
  • de cet écrivain et réalisateur qui lance publiquement à l’actrice qui a refusé ses avances sexuelles plus qu’insistantes : “t’es une merde, une petite pute ; je les connais, les salopes dans ton genre qui veulent réussir, tu ne t’approches plus de moi et de mes amis”;
  • de ce réalisateur qui invite une actrice à venir dessiner dans sa chambre, puis la harcèle ensuite pendant toute la durée du tournage, en lui enjoignant notamment, en public, d’aller se “laver la chatte” ;
  • du professeur de flûte d’une école de musique qui incite une élève à jouer “un peu plus pute, comme si de la confiture dégoulinait de [son]décolleté” ;
  • du comédien qui convoque l’assistante à la réalisation sous de fausses raisons, et la reçoit dans sa loge le pantalon baissé ;
  • de cet autre comédien qui a pour habitude de se promener nu sur le plateau ;
  • de l’animateur star d’une matinale radio qui demande à sa coanimatrice si elle a “déjà mis ses gros doigts dans son gros cul” et si elle a la “chatte acide” ;
  • de ce producteur qui harcèle une jeune technicienne en étant sous l’emprise de toxiques à un pot de tournage ;
  • de ce réalisateur qui caste toutes les actrices de Paris sur une scène où il doit leur embrasser les seins, dont il insiste pour filmer l’aréole ;
  • du comédien qui plaque une jeune assistante contre un mur dans un couloir désert pour l’embrasser de force ;
  • du figurant qui profite d’une scène de danse maintes fois répétée pour toucher sa partenaire, qui ne demande pas à en changer de peur que la scène ne soit plus “raccord” ;
  • du réalisateur qui appose ses mains sur les seins de la scripte ;
  • du réalisateur qui filme la vulve d’une comédienne après son refus exprès, et utilise les images dans la bande-annonce du film ;
  • du comédien qui soulève le haut d’une maquilleuse ;
  • de ce professeur de danse qui lance des chaises sur ses élèves lorsque ses consignes ne sont pas appliquées ;
  • du directeur de production qui continue d’embaucher son ami technicien suspecté de viol ;
  • du comédien qui, sous le couvert d’improvisation, met son pouce dans la bouche de l’actrice en la traitant de “salope” ;
  • de cet acteur qui profite d’une scène d’intimité pour mettre le sein de l’actrice dans sa bouche ;
  • de l’animateur radio qui mord jusqu’au sang les fesses d’une collègue au travers de ses habits ;
  • de l’animateur télé qui mord jusqu’au sang la bouche de sa collègue ;
  • du producteur d’une émission de radio qui, sous le couvert d’incarner un satyre, se frotte lascivement, de force, contre une collaboratrice, sous le regard médusé de ses collègues ;
  • de ce musicien qui tente de violer une fan dans le bus de tournée, celle-ci étant sauvée in extremis par le chauffeur qui la dépose sur une aire d’autoroute ;
  • du réalisateur qui tente de violer une jeune stagiaire en lui faisant miroiter des essais avec un directeur de casting influent ;
  • du producteur qui tente de violer l’assistante mise en scène dans les locaux de la production ;
  • du machiniste qui s’introduit dans la chambre de l’assistante scripte et tente de la violer ;
  • de l’acteur de théâtre qui viole une stagiaire en l’attirant à son domicile, où sa femme et ses enfants sont supposés l’attendre ;
  • de l’assistant réalisateur qui prétexte un rendez-vous pour des essais et impose une fellation à un jeune acteur ;
  • du chef opérateur qui viole la jeune technicienne qu’il héberge lors d’un tournage ;
  • du journaliste qui viole le jeune pigiste qu’il héberge à son arrivée à Paris ;
  • de l’acteur qui, lors d’une scène d’intimité sous un drap, viole sa partenaire ;
  • de la jeune critique de cinéma violée par un critique d’âge mûr, lors d’une soirée en marge du Festival de Cannes,
  • etc., etc., etc.

 

Au fond tout ceci est très naturel. Certaines de ces assertions sont sans intérêt, démontrant juste la susceptibilité excessive de certains ou certaines. D’autres assertions démontrent juste que sous couvert de #metoo, certains ou certaines sont outrageusement naïfs ou naïves et n’ont simplement pas eu de chance … Tout ceci ne démontre qu’une chose : les hommes et les femmes n’ont pas les mêmes fantasmes, les mêmes rêves … Autrefois, les artistes en devenir étaient prêts à tout pour percer, pour être remarqués, pour émerger. Désormais, ils cherchent à changer les règles du jeu. Le grand mélange de tout, c’est leur truc.

 
 
Saucratès 



10/05/2025
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