Environnement
Éthique et écologie
La question éthique est probablement le point le plus critique de la révolution écologique et économique qui frappe nos sociétés. Et cette éthique est fondamentalement multiple et plurielle, multitude et diversité en raison principalement de la toute aussi grande multitude des aspects écologiques que l’on a à étudier, à prendre en compte, à tenir compte.
Des raisons transgénérationnelles et internationales
Cette réflexion doit être éthique en raison d’abord des raisons et des conséquences de la question écologique elle-même. Ceux qui sont principalement les responsables des émissions passées des gaz à effet de serre ne sont majoritairement pas ceux qui en subiront les conséquences, qu’il s’agisse des oppositions générationnelles qu’on va y voir à l’œuvre, ou des oppositions entre pays riches et pays pauvres. Ceux qui ont majoritairement pollué la planète sont la génération des retraités actuels et ceux qui sont désormais proches de la retraite, et n’aspirent qu’à partir à la retraite, majoritairement dans les riches pays occidentaux, tandis que les jeunes générations qui se sentent désormais concernés n’ont que peu participé à ces émissions de gaz à effet de serre néfastes pour le climat.
De la même manière, l’opposition géographique sépare des pays riches peu concernés immédiatement par les conséquences du réchauffement climatique sur leurs écosystèmes, sauf exception comme aux Etats-Unis actuellement ou en Australie avec des mégafeux incontrôlables, et des pays en développement ou faiblement industrialisés qui sont plus directement touchés par les désordres climatiques (inondations, cyclones, sécheresses …).
Des raisons politiques et de justice sociale
Mais cette réflexion est surtout éthiquement importante en raison des conséquences des politiques climatiques sur les populations, sur les travailleurs, tout particulièrement sur les classes les plus pauvres de chaque État et des impacts populistes qui découlent de l’absence de prise en compte, autre que médiatique, des impacts délétères des politiques environnementales. Pour les gens intelligents qui nous dirigent, pour les gens intelligents qui analysent ces situations économiques et écologistes, la masse des électeurs est stupide, bornée et cette masse vote avec délectation et par stupidité pour des populistes manipulateurs qui les attirent avec des slogans haineux et faciles. Ceux-ci pensent certainement que si seuls les gens instruits et intelligents avaient le droit de vote, les populistes n’auraient aucune chance d’être élus et d’arriver au pouvoir.
C’est notamment parce que les politiques environnementales ne prennent pas en compte les impacts sociaux et symboliques de leurs actions, de leurs lois, de leurs décisions, que l’on peut observer le divorce grandissant entre la masse du peuple et des élites dans lesquels le peuple ne se reconnait plus et que les élites ne comprennent pas plus.
L’Agence française de développement propose ainsi un webinaire sur des compte-rendus de recherche sur «l’impact de la transition écologique sur un élément clé du système de protection sociale en Colombie, son système de retraites».
«La transformation structurelle de l'économie colombienne, visant à réduire l'empreinte environnementale, devrait modifier la disponibilité de certains types d'emplois, bénéficiant à certains travailleurs tout en laissant d'autres de côté. Ces dynamiques auront des implications importantes pour les systèmes de sécurité sociale, particulièrement dans les pays en développement où les filets de sécurité sociale et les systèmes de retraite contributifs sont moins développés.»
«Alors que le monde évolue vers une économie plus verte, le succès de cette transition ne se mesurera pas uniquement à la décarbonation, mais également à la mise en place d'alternatives favorisant un développement inclusif. Une inclusion équitable nécessite des systèmes de protection sociale solides pour soutenir les ménages susceptibles de rencontrer des difficultés au cours de cette transformation.»
Agence française de développement, webinaire du 5 février 2025.
C’est là qu’il nous faut parler d’éthique. Comment est-il possible que nul ne s’interroge sur la légitimité de ces décisions politico-environnementales qui visent à faire disparaître certains types d’emplois pour en promouvoir d’autres qui bénéficieront à certains travailleurs tout en laissant d’autres sur le côté de la route. L’Afd estime ainsi que dans un pays non développé comme la Colombie, il faut réfléchir au système de protection sociale alors qu’en France, qui bénéficie d’un solide système de protection sociale, ce n’est pas utile, qu’un travailleur qui perdrait son travail bénéficierait du chômage ou de la retraite.
Mais où se trouve l’éthique là-dedans, pour tous les travailleurs laissés sur le carreau ? Qui peut estimer que telle ou telle norme environnementale est plus importante que le sort de travailleurs ?
Il en va exactement de même avec les concepts de ZFE (ou zones à faible émission) dans lesquelles ce sont les véhicules indispensables des travailleurs pauvres et des classes moyennes qui se trouvent rejeter à l’écart des grandes agglomérations, interdits d’y circuler parce que leurs vieilles guimbardes polluent. Ces mêmes agglomérations dans lesquelles se sont réfugiés tous les services publics et les hôpitaux. Comment une telle relégation des classes populaires loin des centres de vie des grandes agglomérations a-t-elle pu être pensé par des membres des élites administratives et politiques sans que personne ne soit choqué par la violence symbolique de cette relégation des classes populaires ?
L’absence de toute forme de réflexion éthique dans les diktats politico-écologiques décidés par les élites administratives et politiques, par les penseurs et les économistes, qui décident à la place du peuple de ce qui est bon et beau, et qui maudissent par la suite ce même peuple parce qu’ils sont obtus, manipulables et qu’ils votent mal, et le véritable problème de notre époque. En ce début de vingt-et-unième siècle, il apparaît désormais clairement que l’on ne peut plus faire comme si le peuple ne comptait pas, on ne peut plus l’ignorer et dire que son vote est sans importance, parce qu’il nourrit désormais la montée des extrêmes et tout particulièrement de l’extrême-droite.
Autres questionnements en éthique
Mais il existe aussi évidemment de multiples autres dimensions à l’éthique en écologie. Comment oublier l’aspect éthique indissociable vis-à-vis du reste du monde animal ? Comment parler d’éthique sans parler de la souffrance animale liée à l’exploitation humaine via l’élevage, l’engraissage en vue de la consommation ou de la destruction des écosystèmes ?
De la même manière que l’homme blanc occidental s’est persuadé d’être le seul humain intelligent et doté d’une âme immortelle au cours des siècles précédents, l’homme, le plus souvent blanc et occidental, est également aujourd’hui persuadé d’être la seule espèce terrestre dotée d’intelligence et de sapience. C’est moins vrai pour les autres peuples dans d’autres sociétés, qui ont souvent entretenu des liens étroits symbiotiques avec certaines espèces animales. Même s’ils les exploitent et s’en nourrissent, ils les considèrent malgré tout comme proches d’eux, proches de leur famille. Un peu comme nos anciens paysans dans nos pays occidentaux qui vivaient beaucoup plus en symbiose avec leurs animaux que de nos jours, dans nos grandes exploitations agricoles industrielles, où les animaux sont traités comme des marchandises qu’il faut exploiter le plus industriellement possible et le plus rentablement possible.
La question devient néanmoins, là aussi, de se demander comment on peut concilier la nécessité de nourrir convenablement huit milliards d’humains sur Terre en même temps que le respect d’une éthique vis-à-vis du reste du monde animal qui nous sert essentiellement de nourriture. Si nous sommes incapables de donner la parole aux multiples voix de l’humanité, si nous sommes incapables de prendre en compte leurs souhaits, leurs attentes et les conséquences qu’ils vivront à la suite des mesures politiques que nos dirigeants prendront, comment pourrait-on penser prendre en compte le reste du règne animal ?
Au fond, l’écologie est une philosophie ou une science dans laquelle l’ordre des priorités est inversé. L’écologie donne plus de valeurs à la vie terrestre non humaine qu’aux désidératas des humains eux-mêmes qu’il leur faut éduquer et redresser. Pourquoi perdre son temps à répondre aux désidératas de l’humanité puisque celle-ci est mal éduquée, que ses priorités sont néfastes pour la planète et qu’elle ne cherche qu’à polluer toujours plus. D’où cette philosophie du redressement, de la contrainte, des normes imposées que représente le fascisme écologique.
Saucratès
Retour sur quelques idées tirées des podcasts Chaleur humaine
Vous trouverez ci-après quelques commentaires sur des idées exposées dans des podcasts du Monde de l’émission Chaleur humaine.
Au fond, je suis très souvent sceptique sur les idées que l’animateur ou ses invités présentent. Les interventions du présentateur de cette émission, M. Nabil Wakim, tourne souvent autour de la question du comment on peut obliger, contraindre, imposer, aux gens d’appliquer telle ou telle idée, qu’ils considèrent comme bonne pour le climat, pour la planète ou pour l’homme. Et ce genre de préoccupations fascisantes m’insupportent profondément.
Mais rarement, certaines de leurs idées me semblent intéressantes. Je vais ainsi revenir vers quelques uns des derniers podcasts que Nabil Wakim avait réalisé pour le début de l’année 2025, pour nous aider dans nos bonnes résolutions pour 2025.
Ce septième épisode de Chaleur humaine est un contre-exemple. Je ne suis pas en accord avec l’idée qui y est évoquée, pas plus que je n’étais en accord avec le deuxième épisode de cette série qui proposait d’inverser la logique des banques.
https://saucrates.blog4ever.com/de-la-necessaire-lutte-contre-lecologie
Nabil Wakim y reçoit ainsi un médecin qu’il présente comme épidémiologiste, Jean-David Zeitoun. Au fond, je n’ai pas grand chose à dire contre la généralisation du nutri-score qu’il évoque, sauf que les propositions de ce monsieur ne s’arrêtent évidemment pas là. Le nutri-score lui-même ne me dérange pas même si je ne l’ai jamais regardé dans un supermarché avant d’acheter un produit. L’idée de le généraliser à tous les produits me semble déjà limite sachant que dans son idée, tous les produits végétaux ont un nutri-score excellent et les produits issus de l’animal ont des mauvais nutri-scores. Que ce nutri-score pénalise des produits ultra-transformés, cela me semble normal. Qu’il cible aussi tous les produits du règne animal parce qu’ils seraient mauvais pour la santé ou pour la planète, je trouve cela très moyen. Selon moi, on quitte la science pour toucher au politique, à l’opinion, en reniant toute notre humanisation. Sans la salaison ou la fumaison des viandes, il n’y aurait jamais eu de sociétés humaines, ni de possibilité de conservations des denrées alimentaires, de résistance aux épisodes de famine ou de périodes de soudure alimentaire. On ne peut pas renier tout ce qui fait de nous des humains par extrémisme écologique !
Les idées de Jean-David Zeitoum vont évidement plus loin. Il faut agir selon lui à travers le nutri-score soit légalement en interdisant la publicité ou la vente, pour freiner leur consommation, soit économiquement en taxant la consommation des produits avec un mauvais nutri-score. Selon lui, on cherche tous à manger sainement et c’est par ignorance que l’on achète du Nuttela ou des délicieuses entrecôtes. Il en arrive surtout à sortir avec aplomb des stupidités en tant que certitudes économiques. Les entreprises qui fabriquent des produits mal nutri-scorés coûtent beaucoup plus d’argent à la collectivité qu’elles n’en rapportent (parce que le PIB ne tient pas compte des coûts induits). En même temps, selon lui, aucun industriel touché par le nutri-score n’a jamais été contraint de mettre en œuvre de plan social (vu le nombre de plans sociaux se produisant chaque année et l’explosion actuelle, cela me semble cavalier). Et toujours selon lui, cela signifie que ce nutri-score n’a pas d’impacts sur la santé des entreprises et qu’il est bon pour le commerce (mais il propose en même temps de changer l’impact du nutri-score en imposant des taxes et il veut faire payer les industriels pour les effets supposés induits). Mais du coup, le nutri-score n’aurait aucun intérêt. Pourquoi les industriels le combattraient-ils ?
En clair, cet épisode de Chaleur humaine avec Jean-David Zeitoum et Nabil Wikimedia n’est qu’une énième variation autour du fascisme écologique et de la dictature environnementale et du nutri-score. Vous donnez un doigt à un extrémiste écologiste ; il vous bouffera le bras.
J’adhère beaucoup plus facilement au huitième épisode de Chaleur humaine sur la fast-fashion et l’ultra-fast-fashion (la vente de vêtements à jeter après avoir été portés). Évidemment, cela ne touche pas un élément aussi important pour moi que la nourriture et mon droit de manger une bonne entrecôte grillée. Est-ce pour cela que je n’y suis aucunement opposé ?
J’adore acheter des vêtements le plus rarement possible qui me dureront des années et des années. L’invitée de Nabil Wakim pour cet épisode est Julia Faure, fondatrice de la marque Loom. Elle plaide pour une taxe sur la fast-fashion, ces produits fabriqués à bas coût et vendu pour presque rien. Sa démonstration est néanmoins selon moi assez hésitante sur les coûts inhérents à la fast-fashion. Au fond, elle ne peut pas expliquer comment une taxe appliquée maintenant sauverait l’industrie textile survivante française, qui de toute façon, demeurera concurrencée par les productions polonaises ou espagnoles ou turques. Je partage la même opinion qu’elle mais je trouve son argumentation fragile, sommaire. Taxer la fast-fashion est bien sûr important, subventionner la production proche de vêtements est également central, mais cela ne relèvera pas le salaire des travailleurs du Bangladesh. Les groupes qui se fournissent là-bas chercheront à encore baisser les prix pour faire absorber la taxe par leurs fournisseurs afin de préserver leurs marges. Tant que des consommateurs achèteront ces produits, il y aura des entreprises pour les lui fournir.
Elle n’aborde pas non plus le principal impact de la fast-fashion sur le climat, à travers le transport de ces milliards de vêtements entre les pays de fabrication et les pays de consommation, ainsi que le coût environnemental et écologique du recyclage de ces vêtements à jeter après avoir été porté quelques fois. On n’y aborde pas le coût en matières premières pour leur fabrication et l’impact environnemental de cette fabrication.
Quelle autre solution pourra-t-on trouver ? Il faudra sûrement inventer un système d’étiquette, d’information, de nutri-score qui donnera des informations au consommateur souhaitant savoir la décomposition du prix qu’on lui demande de payer, l’identité de l’entreprise fabricante et le salaire mensuel touché par le salarié pour la fabrication (ou le salaire minimum appliqué par cette entreprise. Parce qu’entre un polo Lacoste ou Raph Lauren à 100 ou 150 euros, et un polo tout simple siglé Décathlon ou d’une marque de distributeur à 25 ou 30 euros, je ne suis pas sûr que les salariés du fabricant des premiers soient payés quatre fois ou six fois plus que les salariés du fabricant du second. Mais je vais aussi difficilement accepter de payer quatre ou six fois plus cher sans réfléchir.
Ce genre d’étiquetage aurait un intérêt. Déjà en forçant les entreprises multinationales à s’intéresser à ces questions chez leurs sous-traitants (le salaire des travailleurs et travailleuses). Il faudra évidemment des amendes en cas d’informations fausses mentionnées, capables de faire réfléchir de tels groupes. Il faudra vraisemblablement le rendre obligatoire ou espérer que les consommateurs privilégieront les marques jouant le jeu aux autres marques. Mais un bon extrémiste écologiste voudra surtout forcer le consommateur à regarder cette étiquette, le taxer si le consommateur ne regarde pas longuement l’étiquette ou ne valide pas qu’il a lu ces informations !
Bien plus qu’une taxe aux résultats incertains, un tel étiquetage et la responsabilisation pénale des vendeurs finaux sur la véracité des informations indiquées devraient avoir un très fort impact sur les rémunérations des travailleurs et travailleuses dans les pays à bas coût de main d’œuvre.
Une fois n’est pas coutume, je suis totalement en accord avec cet épisode de Chaleur humaine. Nabil Wakim y recevait le chercheur Nicolas Bricas, qui propose de lancer 300 conventions citoyennes de l'alimentation pour associer consommateurs, agriculteurs, distributeurs, experts et élus locaux dans des assemblées destinées à reprendre en main notre alimentation.
Il y donne les exemples d’une expérimentation menée à Montpellier d’un groupe qui combine une participation fonction des revenus des gens et un questionnement et un subventionnement des produits et de structures. Et cette idée me paraît tellement intéressante qu’il me semble qu’elle devrait être proposée à la Réunion. L’idée de généraliser de nombreuses conventions citoyennes ou de projets citoyens qui se rencontrent, qui discutent, autour de l’alimentation, entre citoyens, entre agriculteurs, entre commerçants au sujet des produits qui seraient favorisés, privilégiés, préférables me semble extrêmement intéressante.
La généralisation des cotisations demandées aux membres me semble aussi intéressante. De 1 euro à 150 euros selon les revenus, permettant de reverser une aide de 100 euros par personne, à dépenser dans les magasins partenaires. Sortir de l’idée que les citoyens n’ont que des droits et attendent des aides. On pourrait aussi envisager une participation des collectivités locales pour accroître cette aide. Mon seul désaccord avec Nicolas Bricas porte sur l’intérêt de la présence indispensable d’experts dans ces conventions citoyennes ou ces associations. Cette présence viserait à se protéger de la diffusion de fausses informations. Mais pour quelle raison un ou des experts aurait-il le droit de décider de ce qui peut être dit et de ce qui ne peut pas être dit ? Pour quelle raison le libre exercice de la démocratie et de la libre expression des opinions des uns et des autres ne pourrait pas suffire ? Pour quelle raison la simple possibilité d’une expression d’une opinion divergente dans une seule de ces conventions citoyennes serait-elle si dangereuse ? Mais hormis ce point, j’adhère totalement à la mise en œuvre d’une telle proposition. Et non pas 300, mais autant de conventions ou d’associations que les gens veulent organiser. Nicolas Bricas n’est pas d’ailleurs très clair sur le périmètre de sa proposition. Trois par département ou autant qu’il n’y a de communes ou de villes par département ?
Bonne écoute à tous.
Saucratès
Les dilemmes de l’écologie (suite)
Les dilemmes de l’écologie
Ou les limites du débat écologique
Par Saucratès
Saint-Denis de La Reunion, mardi 15 novembre 2022
Il y a plusieurs sujets de débat qui me semblent faire dilemme à ce jour en matière d’écologie. Le premier de ces débats est de questionner la nécessité de réduire l’ensemble de notre rythme de vie pour préserver la planète, ou au contraire de ne s’attaquer qu’aux mécanismes les plus polluants, qu’aux systèmes expliquant la plus grande partie du réchauffement climatique.
Est-il ainsi utile de s’attaquer à tous les petits usages, toutes les petites exagérations de chacun d’entre nous, pour réduire de quelques millionnièmes de pour-cents les émissions de gaz à effet de serre, sans toucher à l’agro-industrie qui est à l’origine de près de 40% de l’ensemble de la consommation de ressources énergétiques mondiales, de 40% de toutes les émissions de gaz à effet de serre ?
L’autre sujet de débat est démographique et concerne l’augmentation de la population mondiale et sa répartition mondiale. Ce débat rejoint en partie le débat précédent : qui décide de ce qui est autorisé ou combattu ? Et au nom de quels principes, de quelles justifications, de quelle légitimité ?
Sont-ce les seuls enjeux de débats au sein de l’écologie ? Je pense que tous les débats tournent autour de ces deux tentations ?
1) Un combat contre le seul complexe agro-industriel suffirait-il à sauver et à empêcher l’emballement climatique, et qu’est-ce que ce complexe agro-industriel ?
L’agro-industrie correspond à l’ensemble du mode de production occidental, d’une agriculture extensive et monoculture utilisant des semences modifiées, OGM désormais, et des intrants (engrais, herbicides, eau) en nombre conséquent pour maintenir des rendements élevés. C’est également les chaines de transport et de traitement, les fabricants de semences, d’engrais, d’herbicides. C’est le combat historique des mouvements écologistes comme par exemple contre Mosanto.
La question est bien de savoir quelle fraction de nos besoins alimentaires ce monstre fournit ? Aide-t-il à combattre la faim dans le monde ? Sans lui, la faim dans le monde serait-elle encore plus grave ? Ou bien au contraire, ces gens-là fabriquent-ils la faim dans le monde pour se rendre toujours plus riches, toujours plus indispensables ? D’après Vandana Shiva, le complexe agro-industriel ne fournirait que 40% des besoins alimentaires mondiaux, tout en utilisant plus de 70% des ressources énergétiques disponibles. On pourrait tout à fait s’en passer, revenir à une agriculture respectueuse des hommes et de la nature si les moyens et les terres utilisés par l’agro-industrie étaient affectés à l’agriculture respectueuse.
S’attaquer à cette agro-industrie pourrait suffire à abaisser considérablement les émissions de gaz à effet de serre qu’elle produit, fabrique, ou qu’elle utilise à travers sa consommation d’intrants. Mais c’est vraisemblablement la volonté politique internationale qui manque : ces firmes sont soit américaines, soit occidentales. Voilà un objet de combat que les consommateurs de tous pays pourraient combattre, même si cela entrainerait la disparition de nombre de nos habitudes alimentaires (les céréales Kellogs, la viande de Kobé ou Black-Angus cultivée à l’autre bout du monde).
Mais il y a deux problèmes. Le premier concerne la capacité du complexe à nier sa responsabilité, à réécrire l’histoire. Ou plutôt, ce problème est lié à l’existence de plusieurs histoires concomitantes, et au fait que l’histoire est écrite par les vainqueurs, par l’Occident, par le complexe. Ainsi, d’un côté, la révolution verte du Pendjab a-t-elle été imposée à l’Inde par les Nations Unies et les États-Unis à la suite d’une famine, ou bien est-elle le fruit «d’innovations agricoles mises a point dans les annees 1960 par des chercheurs indiens et étrangers» (instituts internationaux de recherche publique au Mexique pour le blé et aux Philippines pour le riz)», comme l’indique l’Ecole normale supérieure de Lyon ?
http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/revolution-verte
Le fait que l’ENS Lyon puisse masquer la responsabilité de l’Occident dans cette révolution verte est inquiétant car il s’agit de l’un des Instituts les plus prestigieux de la recherche française. Et pourtant le prix Nobel de la paix en 1970 a bien été attribué à l’américain Norman Ernest Borlaug, considéré comme le père de la Révolution Verte, sans même cependant que son nom soit mentionné par l’ENS Lyon, ni mentionné surtout la responsabilité de l’Occident dans la destruction écologique mise en œuvre. Le prix Nobel 1970 n’a été attribué ni à un savant indien, ni à un savant mexicain ou indonésien !
Le deuxième problème concerne l’inaction potentielle des milliers de militants écologistes occidentaux dans ce combat contre le complexe. Contre qui pourraient-ils se battre au quotidien, contre quoi pourraient-ils se battre au quotidien, s’il ne s’agissait que de combattre les géants de l’agro-industrie ? Il faut bien qu’ils se trouvent des cibles proches, plus faciles à attaquer, plus simples à combattre ! Comment pourraient-ils se sentir utiles, qui pourraient-ils insulter, maudire, rendre responsables du réchauffement climatique ? Il est tellement plus facile, jouissif de s’attaquer à des 4x4, à des quidams comme leurs voisins, plutôt que de s’attaquer à des multinationales toutes-puissantes ? Il suffit de les voir à la COP27, à tourner en rond plutôt que d’affronter les geôles égyptiennes. Tellement plus simple de braver les autorités dans une démocratie que lorsque l’on risque véritablement quelque chose, pour de vrai !
2) Faut-il que la lutte écologique s’attaque à notre vie de tous les jours ?
Il y a évidemment une deuxième façon de voir ce problème du champ de combat de l’écologie. Chacun d’entre nous, chaque militant, chaque citoyen qui se sent concerné par la question climatique, peut avoir envie de faire quelque chose à titre personnel, à titre individuel. Pourquoi continuer à polluer ou à participer à la pollution ou la dégradation de la planète même si combattre le complexe agro-industriel pourra suffire à freiner le réchauffement climatique ? Il est donc normal de chercher à réduire individuellement son empreinte carbone.
Mais le militant écologique se trouve confronté à un dilemme. Pourquoi laisser son voisin continuer à polluer si lui-même se prive ? On en arrive alors très vite à l’activisme écologique, qui n’a pas forcément pour origine de nobles aspirations écologiques, mais plutôt de plus basses et beaucoup plus triviales motivations liées à la jalousie et à l’envie.
La dictature écologique n’est alors plus très loin. Celle de Rebellion Extinction. Celle de la Nupes, des Insoumis, d’Europe Écologie Les Verts. Et on en arrive alors à la question centrale de ce dilemme : «Qui décide de ce qui est autorisé ou combattu ? Et au nom de quels principes, de quelles justifications, de quelle légitimité ?»
- Quid de la climatisation des maisons et appartements personnels, surtout quand on sait que les écologistes habitent majoritairement dans l’Ouest de la Réunion, dans les zones des plages de l’île, qui se trouvent aussi les plus chaudes du département ? Mais la climatisation des voitures est par contre mauvaise ?
- Quid des déplacements aériens vs les déplacements routiers pour aller travailler ? Les écologistes veulent criminaliser l’usage d’un véhicule de transport individuel pour leurs voisins, mais ils ne sont pas gênés par l’idée de voyager en avion aux quatre coins du monde pour observer les changements de la planète ou participer à des mouvements de lutte pour la planète.
Que je sache, les altermondialistes et militants du climat ne se sont pas rendus à Charm El-Cheikh, en Égypte, à la rame ou à la nage ? Combien de tonnes d’équivalent CO2 ont-ils dilapidé pour peser sur les négociations sur le climat, ou bien juste pour s’afficher, chercher à capter un peu de lumière, un peu d’exposition médiatique ? De combien de millionièmes de degrés de réchauffement seront-ils responsables pour exister et se faire voir ?
On laisse donc quelques hurluberlus d’Extinction Rébellion, d’EELV ou quelques politiques se croyant investis d’une mission divine, comme les louves alpha d’EELV, comme par exemple de combattre les barbecues (et les hommes qui s’en occupent) … Ce sont donc ces hurluberlus et ces louves alpha qui pourront décider de tout :
- de ce que l’on pourra faire et ne pas faire,
- utiliser comme moyen de transport et ne pas utiliser,
- manger et ne pas manger,
- façon de cuire et façon de ne pas cuire
- acheter et ne pas acheter
Tout ceci fonder sur quoi ? Fonder sur quelle légitimité ? Du droit de celui qui crie le plus fort ? De celui qui manifeste le plus violemment ? Si tout ceci ne s’apparente pas à une dictature, écologique, qu’est-ce donc ?
Une dictature en plus où les droits de chacun seront différents, où certains pourront se déplacer à l’autre bout de la planète pour observer, vérifier la fonte des banquises, pour participer à de grands rassemblements de lutte pour le climat, quand la masse des anonymes devra rester bien sagement sur place, se déplaçant à vélo pour ne pas trop polluer … Horrible monde que ces hurluberlus nous préparent !
3) Pourquoi ce silence vis-à-vis des solutions démographiques ?
Il reste donc la question démographique ; question primordiale en ce jour où nous sommes désormais officiellement huit milliards d’humains sur Terre.
Et l’ONU qui prévoit que l’on attendra un maximum de 10,5 milliards d’humain vers les années 2080 jusqu’en 2100. Et le plus invraisemblable, c’est que cela ne semble inquiéter personne de savant. Ou plutôt si, mais c’est juste le fait que la population terrestre pourrait commencer à décroître après 2100 !
Donc effectivement, il n’y a pas grand chose à attendre des médias, des politiques et des experts qui travaillent pour eux. Car comment la Terre et la Nature pourrait-elle encore supporter 2 milliards d’humains de plus ? À porter, à nourrir. Sans espoir.
C’est dès cet instant qu’il faut prendre des mesures drastiques de contrôle voire d’interdiction des naissances. Et aucune COP, aucune instance internationale ne se saisit du problème.
Tellement plus simple de ne pas pouvoir nourrir ses propres concitoyens, ses propres enfants, et d’organiser leurs migrations massives pour qu’ils partent coloniser souterrainement d’autres États, d’autres pays riches, d’autres continents.
… Il y a eu la colonisation occidentale du monde dans les années 1600-1900, où l’Occident s’est répandu dans le monde entier en colonisant, accaparant, renversant les pouvoirs en place, pour coloniser le monde entier, la moindre terre, la moindre île. Il y aura désormais la colonisation africaine du monde des années 2000-2020, invasion rampante, masquée, par poignées, par petits groupes, une barque à la fois …
Et là encore, on se retrouve face à la même interrogation : Qui décide de ce qui est autorisé ou combattu ? Et au nom de quels principes, de quelles justifications, de quelle légitimité ? Parce que certains ont le pouvoir de décider et d’autres non ? Parce que certains crient plus fort que d’autres ? Parce que certains médias jouent la carte de la culpabilisation de l’homme blanc, qui pour être pardonné de ses erreurs passées, de ses émissions de gaz à effet de serre passées, doit s’ouvrir et accueillir toute la misère du monde, les pauvres migrants, les sauver en pleine mer, en plein océan, et doit aussi payer pour développer le reste du monde et indemniser les autres États en développement ?
Nous sommes déjà 8 milliards d’humains sur Terre, demain toujours plus ! On nous parle de famine, de jour du dépassement, et j’en arrive à espérer quelques epidemies meurtrières qui puissent éradiquer la moitié ou les trois quarts de la population terrestre comme la peste noire au quatorzième siècle. Souhaiter le retour du bacille ‘Yersinia Pestis’ ; n’est-ce pas abominable ? Mais la Terre aurait enfin le temps de souffler un peu …
Saucratès
Le dilemme de l’écologie
Le dilemme de l’écologie
Par Saucratès
Saint-Denis de la Réunion, mardi 8 novembre 2022
En parlant d’écologie, je pense écologie politique et militantisme ou extrémisme, écologiste ou collapsologiste. Et en parlant de dilemme, je veux penser opposition potentielle entre plusieurs visions concurrentes et adversaires de ce qu’il faut entendre par la lutte pour l’écologie et de ce qu’il faut mener et conduire comme combats.
Il existe ainsi de très nombreux mouvements écologistes dont les plus célèbres sont évidemment «Europe Écologie Les Verts», «Extinction Rébellion» ou Greenpeace, entre des milliers ou des millions. Mais on pourrait aussi parler du GIEC ou de l’ONU.
Je ne me reconnais pas dans le militantisme écologique ni dans l’écologie politique. Je ne me reconnais pas dans un discours de haine, dans un discours d’exclusion de tous ceux qui pense différemment, même entre écologistes, puisque certains écologistes extrémistes considèrent d’autres écologistes comme trop tièdes ou insuffisamment féministes. Au fond, en regardant EELV, un bon écologiste ne doit pas être trop dragueur, ne pas s’intéresser aux femmes, sinon il risquera de devenir la proie de celles qui se font appeler les louves alpha, de ces groupes informels de féministes écologistes, très vraisemblablement homosexuelles, comme si seule l’homosexualité masculine et féminine était tolérée à EELV.
Quel donc ce dilemme devant lequel se trouve placé l’écologie politique ou militante ? Simon Persico dans une tribune pour Le Monde, indiquait que :
—> L’écologie politique était «marquée par la tension entre responsabilité et radicalité». Selon lui, «les écologistes se divisent quant aux répertoires d’actions les plus appropriées pour faire entendre leur cause.
La dernière escarmouche, par graffitis et caméras interposés, entre Yannick Jadot et les opposants les plus radicaux au projet de mégabassines dans les Deux-Sèvres, soutenus à demi-mot par Sandrine Rousseau, illustre ce désaccord. L’ancien candidat à la présidentielle, présent à la manifestation, paye, selon la députée de Paris, la manière dont il présente l’écologie, le choix d’une campagne raisonnable et pragmatique qui finit loin de l’ambition affichée.»
… «Autre exemple de ces divisions sur la méthode, les réserves exprimées par des personnalités écologistes visibles dans l’espace médiatique comme Hugo Clément ou François Gemenne envers les happenings muséaux de Just Stop Oil (contre un tableau de Van Gogh à Londres) ou Letzte Generation (contre un tableau de Monet à Potsdam). Dans ce cas, c’est au contraire la radicalité symbolique qui est mise en accusation : le goût du buzz de jeunes activistes décrédibiliserait le message aux yeux du grand public.
Les coups d’éclat médiatiques, mais aussi les blocages, les occupations ou les manifestations ont fait partie de la boîte à outils de l’écologie politique depuis ses origines. On pense aux mobilisations contre le camp militaire au Larzac, aux occupations temporaires de sites nucléaires ou aux fauchages d’OGM. La désobéissance civile, le non-respect de règles légales comme moyen d’action, est vieille comme les mouvements d’émancipation qui ont inspiré les écologistes.
L’histoire de l’écologie politique est marquée par la tension entre responsabilité et radicalité. Quand des activistes canadiens décidèrent de fonder Greenpeace en 1971, c’est bien parce qu’ils considéraient que les méthodes utilisées par les grandes ONG de l’époque étaient trop consensuelles pour être efficaces dans la lutte contre les essais nucléaires. De même, c’est parce qu’ils estimaient que les organisations existantes (dont Greenpeace) agissaient trop mollement que des militants britanniques ont fondé Extinction Rebellion en 2018.»
Simon Persico, Le Monde
Tous les partis politiques ont je le pense un problème d’extrémisme en politique. Très bizarrement, l’extrémisme ne gêne énormément les médias et le gouvernement que lorsque cet extrémisme est d’extrême-droite, touche aux frontières de ce que l’on entend par racisme. Le gouvernement n’aime pas non plus l’extrémisme d’extrême-gauche surtout lorsqu’ils l’apparentent au terrorisme (et aujourd’hui à l’éco-terrorisme). Il suffit de se rappeler de l’affaire du groupe de Tarnac. EELV a évidemment un problème d’extrémisme dans ses rangs, parce que EELV défend un discours pluriforme de combat contre tous les actes supposés renforcés le réchauffement climatique.
La cacophonie ambiante et l’impossibilité d’entendre le discours écologiste et de trouver des solutions pérennes ne s’expliquent pas uniquement par la puissance des lobbyistes des industriels, de l’agro-industrie et des chimistes-semenciers, mais aussi et avant tout par les combats tout azimut menés par les mouvements écologistes et qui visent chacun d’entre nous, chaque citoyen du monde entier. Les seuls épargnés sont les citoyens du monde que nos écologistes ne verront jamais, qu’ils parent de toutes les vertus parce qu’ils sont pauvres, étrangers, et privés d’accès aux médias internationaux. Tous les autres citoyens occidentaux sont supposés être responsables des dégradations de l’environnement par leur consommation ou leur inaction, ou simplement l’insuffisance de leurs actions.
Comment adhérer aux thèses d’extrémistes, d’éco-terroristes (même si l’usage de ce mot est considéré comme impropre par les thuriféraires des médias qui n’aiment combattre que les seuls fascistes et populistes … l’éco-terrorisme est si glamour !) lorsque leurs actions visent les véhicules des particuliers (SUV, 4x4, sportives ou diesel), le fait de faire des barbecues ou de manger de la viande bovine, de se déplacer en avion pour ses vacances ou de faire des croisières sur des paquebots, d’accéder aux centre-villes de nos cités, ou d’entartrer ou d’asperger des toiles de maître de sauce tomate ou de peinture ?
Comment adhérer à l’idéologie d’un parti politique qui se revendique de l’écologie lorsque celui-ci attaque la façon de vivre de la très grande majorité des citoyens d’un État. Comment adhérer à une idéologie politique punitive, privative, d’une étroitesse renversante, comme si la préservation et la sauvegarde de la vie sur Terre devait s’accompagner de larmes et de privation ? Comment adhérer à l‘idéologie des dirigeants d’un parti qui font assaut permanent de propositions toute plus punitives les unes que les autres, toutes plus privatives, toutes plus moroses …
Evidemment, c’est comme dans une famille, avec des parents qui pourraient toujours trouver une nouvelle punition, une nouvelle chose dont ils pourront priver leur enfant. Mais on sait bien qu’une telle forme d’éducation n’est pas viable, n’est pas acceptable ni promouvable. Et pourtant, voilà l’écologie et ses milliers de combats quotidiens, ses milliers d’idées pour pourrir la vie de ceux qu’elles estiment être des pollueurs. Même lorsqu’il s’agit des propres dirigeants d’EELV trop timorés à leurs goûts.
Lorsque l’on voit les actions de Sandrine Rousseau, on se rend compte du danger de ce que l’on pourrait appeler une dictature écologique ; une dictature qui régirait chaque parcelle de nos vies privées, de nos actes de consommation, de nos loisirs, de nos achats et investissements, qui pourraient à tout moment nous juger médiatiquement et nous condamner, spolier sous prétexte qu’on mettrait la planète en danger, qu’on consommerait plus que la norme autorisée, ou qu’on aurait un comportement avec les femmes, ou avec les animaux, ou avec les étrangers qui n’irait pas. Avec Sandrine Rousseau et tous les éco-terroristes en herbe, on se trouve aux portes de la dictature écologique.
Et pourtant, l’écologie a des combats fondamentaux à conduire, à mener, qui au fond, correspond aux débats portés par Jadot au nom de l’écologie. Et ce combat vise l’impact de l’agro-industrie. La lecture du livre de Vandana Shiva, intitulé «Qui nourrit réellement l’humanité?», est éclairant à cet égard. On a facilement l’impression que les grandes exploitations agricoles extensives des Etats-Unis, de la France, d’Amérique du Sud, nourrissent la majeure partie de l’himanité, et que sans elles, on mourrait de faim. Inversement, Vandana Shiva assure que «les petits paysans, les exploitations familiales et les jardiniers ont beau n’utiliser que 30% des ressources mondiales, ils créent 70% de la nourriture de la planète.»
Comme elle l’écrivait sous une forme différente :
«Bien que le système corporatif de l’agriculture industrielle crée la faim, bien qu’il ne contribue qu’à 25% de la production alimentaire mondiale tout en utilisant 75% des ressources de la planète, et alors même qu’il constitue une force dominante de destruction écologique et de destabilisation des cycles naturels dont dépend la production alimentaire, on perpétue l’idée fausse selon laquelle on ne pourrait nourrir l’humanité sans lui.»
Voilà le véritable responsable de la surconsommation de la planète. Voilà l’ennemi que l’on doit renverser pour ralentir le réchauffement climatique. Si l’écologie cessait de s’acharner sur ces cibles immediates, proches, faciles, comme la petite paysannerie, le petit consommateur, le particulier et son véhicule nécessaire pour se déplacer pour travailler, et s’attaquait à nos véritables ennemis, l’écologie serait entendu.
Si on prend l’exemple du nazisme et du populisme des années 1940 et de ses débordements racistes et antisémites, si on prend l’exemple du communisme et de ses débordements du vingtième siecle, il est à craindre qu’il nous faudra de nombreuses decennies pour supporter la prochaine dictature écologique, ses diktats, ses oukases, son extrémisme, avant que l’on ne comprenne que l’on peut faire autrement, en respectant les libertés publiques sans police des moeurs et des modes de consommation.
Saucratès
La COP 15 sur la désertification de mai 2022 et la question foncière
La COP 15 sur la désertification de mai 2022 et la question foncière
Par Saucratès
Istanbul, samedi 13 août 2022
Tout le monde a plus ou moins entendu parlé des COP sur le climat qui traitent du réchauffement climatique et des mesures à prendre pour limiter les hausses des températures terrestres. On en est à quelle COP déjà ? En fait, on en est arrivé à la COP 26, qui s’est tenue du 31 octobre au 12 novembre 2021 à Glasgow, au Royaume-Uni.
Mais la convention cadre sur le climat des Nations-Unies n’est pas la seule convention cadre des Nations Unis pour laquelle sont organisées des COP (conférences des parties). Ainsi, le 20 mai 2022, à Abidjan, s’est achevéé la quinzième conférence des parties (COP15) contre la désertification. D’ailleurs on parle aussi des conférences sur la biodiversité.
Pas de mouvements des jeunes écologistes et collapsologistes occidentaux (et surtout européens), lors de cette COP15 sur la désertification. Pas de couverture médiatique en Occident et en France notamment. Un article du Monde au debut de la COP15 et un article à la clôture de la COP15 ; voilà tout ce que Le Monde juge important de raconter sur cette convention. Pas d’articles tous les jours, pas d’articles dithyrambiques sur les futurs annonces de M. Macron. Rien. Le strict minimum syndical.
L’histoire nous dira si même un seul représentant du gouvernement français était présent à cette conférence, s’il avait fait le déplacement. Très vraisemblablement, on y trouvait quelques dirigeants ou cadres de l’Agence française de développement, s’il n’avait rien de mieux à faire ce jour-là. Au cas vraisemblablement où il y aurait quelques juteux contrats de prêts à signer. Mais l’Afrique intéresse-t-elle encore la France et l’AFD (à moins que cette dernière n’est encore changée de nom pour faire disparaitre les quelques liens qui subsistent encore avec son auguste histoire de la Caisse centrale de la France libre) ? Mais participer à une conférence où il n’y a même pas un grand dirigeant d’un pays occidental présente-t-il le moindre intérêt ?
La COP 15 (qui s’est tenue du 9 mai au 20 mai à Abidjan) contre la désertification s’achève donc sur une impression d´insuffisence et d’insatisfaction. Son président était Alain-Richard Donwahi, président ivoirien de la COP 15. Les mesures prises à l’issue de cette conférence telles qu’indiquées par le journal Le Monde:
- Accélération de la restauration d’un milliard d’hectares de terres dégradées d’ici à 2030
- Renforcement de la résilience face à la sécheresse en identifiant l’expansion des zones arides
- Amélioration de l’implication des femmes dans la gestion des terres
- Prise en compte, pour la première fois, de la question foncière. La mise en place d’un régime foncier constitue un pré requis indispensable à une lutte efficace contre la dégradation des terres, et par conséquent, à la survenance des conflits et des déplacements de populations.
Et sur ces points-là que je souhaite intervenir. D’abord sur cette redécouverte de l’implication des femmes dans la gestion des terres. Je ne pense pas correspondre à ce que l’on appelle un féministe convaincu ; bien au contraire. Je me vois plutôt comme un masculiniste. Et pourtant, sur ce point-là, je ne comprends pas. Dans toutes ses sociétés africaines ou non africaines touchées par ce processus de désertification, les femmes ont culturellement toujours été chargée de la gestion des terres, de la gestion des ressources issues de la terre, de la même manière que les hommes étaient majoritairement chargés, en lien, avec l’activité de la chasse. Que l’on ait pu retirer aux femmes africaines, dans les sociétés étatiques, la gestion traditionnelle des terres et de la nature est une totale aberration.
Je crois que je dois reconnaître ma profonde erreur sur mon refus de reconnaissance de l’existence d’une organisation patriarcale de la société occidentale, et plus largement mondiale, qui a administrativement combattu et détruit l’organisation matriarcale, ou simplement équilibrée, des sociétés humaines antérieures au contacts avec les sociétés patriarcales occidentales ou chinoises, en un mot modernes.
Je devrais notamment faire mon mea culpa à l’égard d’une anthropologue que j’ai violemment critiquée sur ce point. Il existe un biais, qu’il faut bien appeler ‘patriarcal’, qui cherche à nier et à retirer toute existence et toute responsabilité, non pas aux femmes, mais au féminin. Une femme qui agit comme un homme ne gêne pas l’organisation patriarcale de la société (ainsi des dirigeantes comme Thatcher ou Merkel) ; elle lui donne un vernis d'égalité entre les sexes. Non, ce qui semble gêner le système patriarcal, c’est l’existence d’un pôle féminin différent et fondateur au sein de la société traditionnelle.
De la sorte, que la COP 15 reconnaisse simplement le rôle des femmes, du genre, n’est pas une grande avancée. C’est juste triste qu’il faille attendre 2022 pour que des dirigeants de grands pays africains ou autres reconnaissent la place légitime, centrale, primordiale que les femmes ont occupé de tous temps dans toutes les sociétés humaines, et encore plus dans les sociétés traditionnelles.
Le deuxième point qui m’affole concerne la question foncière. «La mise en place d’un régime foncier constituerait-il vraiment un pré requis indispensable à une lutte efficace contre la dégradation des terres ?» En dehors de l’Europe, il n’existait pas de régime d’accaparement par des individus des terres agricoles. Seule existait par le passé la propriété collective par des communautés des terres lui appartenant, dont la communauté pouvait confier l’entretien et l’usage à certains de ses membres, en fonction de leur besoin. Cela a été le principe qui a gouverné le monde jusqu’à l’ère moderne. Et seule la colonisation du monde par les occidentaux a conduit à généraliser la privatisation et l’accaparement des terres par des grands propriétaires, le plus souvent occidentaux. La possession des terres par des communautés villageoises est le fondement de toutes les sociétés humaines, de toutes les organisations humaines hors de l’Europe.
Seule la gestion par des communautés du foncier peut permettre de régler les questions de son entretien, de sa gestion. Les aborigènes australiens avaient organisé la mise à feu régulière des terres qui appartenaient à leurs communautés. Ces mises à feu régulières et contrôlées de leurs terres permettaient à chacune de ces communautés d’éviter la survenance des grands incendies que l’on observe désormais.
L’existence d’une propriété foncière n’est pas le premier pas vers une gestion raisonnée des ressources. C’est le premier pas vers l’accaparement des terres. C’est le premier pas pour priver des communautés de la propriété collective de leurs terres communes. C’est le nouveau combat contre les enclosures, entre la privatisation et la collectivisation des terres, entre les tenants du capitalisme et les communautés villageoises.
Mettre au devant de la réflexion la mise en place d’un régime foncier dans les zones sahéliennes ou désertiques, c’est se conformer à une vision occidentale de la propriété privée, de la confiscation des terres et un préalable à leur accaparement par des intérêts privés ou des multinationales. Mettre en place un régime foncier ne réglera aucun problème de désertification, que la propriété collective par des communautés villageoises ou par des tribus peut parfaitement gérer. Cela ne fera que régler, ordonnancer le monde en fonction des désidérata, des règles des occidentaux et des financeurs !
Comment se fait-il que les points de vue des communautés villageoises soient à ce point ignorées et niées par les instances telles les Nations Unies ou les financeurs internationaux, ou simplement par les COP sur la désertification qui les concernent en premier lieu ?
Saucratès