Critiques de notre temps

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Où l’on se parle de notre petite voix intérieure

Où l’on se parle de notre petite voix intérieure
Par Saucratès 

 

Saint-Denis de la Réunion, mercredi 26 janvier 2022

 

Voilà un article extrêmement intéressant du site «ça m’intéresse» sur «notre petite voix intérieure». Au fond, je ne m’étais jamais vraiment posé la question de savoir si c’était normal ou non, d’avoir des pensées qui s’entrechoquent dans la tête, d’avoir une petite voix dans la tête qui tourne en boucle. Et cet article répond en fait très bien à cette interrogation et j’ai eu envie de le partager avec vous.

 

https://actu.caminteresse.fr/psychologie/dou-vient-notre-petite-voix-interieure-11182038/

 

Chers lecteurs et chères lectrices, vivez-vous donc avec une petite voix intérieure dans la tête qui vous parle presque tout le temps ? Si la réponse est oui, c’est donc que vous êtes normaux/normales. Selon Russel Hurlburt ou Charles Fernyhough, on soliloque en moyenne «en silence 23% du temps éveillé» mais chez certains d’entre nous, «ce taux peut atteindre 94%» du temps. Et «si la pensée passe le plus souvent par le langage, la voix intérieure peut aussi s’appuyer sur des images».

 

Je suis donc normal ! Non pas que je me sois réellement interrogé précédemment sur ma normalité. On vit depuis qu’on est tout petit avec cette aptitude, ou cette malédiction, de se parler à soi-même, de se raconter des histoires, d’imaginer des choses, et cela nous paraît totalement naturel au fil des années. Au pire, on peut se demander juste si d’autres personnes sont comme nous, si tout le monde est comme nous ou au contraire si on est spécifique, spécial, particulier, anormal. Mais au fil des années, on ne fait plus vraiment attention. On s’habitue à faire avec cette petite voix intérieure. On lui fait imaginer des histoires merveilleuses où on est un héros tout puissant, où on vit des aventures extraordinaires.

 

Ou bien on arrête peut-être d’y faire attention. On arrête peut-être totalement de l’écouter en estimant être devenu un adulte responsable, un homme ou une femme importante, et qu’un adulte ne s’amuse pas à rêver. Cette petite voix intérieure nous sert peut-être alors à rôder nos arguments, à nous préparer aux réunions ou aux rencontres importantes, à imaginer les réactions des personnes que nous allons affronter ou que nous allons rencontrer.

 

Qui n’a pas entendu les gens, les autres enfants, les enseignants de notre enfance, nos responsables hiérarchiques, se moquaient d’un de nos camarades qui avait la tête dans la lune, qui rêvassait bêtement, qui baillait aux corneilles. Tant d’expressions négatives sur ceux qui rêvent trop, qui vivent supposément dans un autre monde.

 

Alors oui, on a effectivement appris à vivre avec cette petite voix intérieure, à la laisser s’exprimer, à lui laisser la bribe au cou dans certains moments, lorsque l’on est plus tranquille. Même si au fond, elle est pourtant toujours là. Comment imaginer que cette même petite voix, c’est aussi la voix de notre conscience, celle qui nous arrête lorsque l’on pense à se venger sur une quelconque personne qui nous a insulté, brûlé une priorité sur la route, ou avec laquelle on a un conflit. Cette petite voix qui nous dit : «tu ne peux pas souhaiter ça à quelqu’un sinon cela risque de se retourner contre toi». «Ce que l’on souhaite aux autres risque de t’arriver à toi-même». Au fil des années, on a pris l’habitude de prendre cette petite voix pour notre conscience, pour notre âme, pour notre instance de contrôle, pour notre MOI ou au contraire pour notre ÇA lorsque nos pensées nous semblent abjectes, incorrectes, violentes, primitives.

 

Au fil des années, on a pris l’habitude de prendre cette petite voix pour notre côté humain, civilisé, policé, pour ce qui nous rend bon, pour notre conscience ou notre âme. Un peu à la manière de Gémini Cricket. Et à tenter de rejeter cette partie de notre petite voix intérieure qui nous donne de mauvais conseils, qui nous fait penser à des choses que l’on refuse, cette partie que l’on prend pour notre côté ÇA ; la bête qui sommeille en nous. Il est des moments où cette petite voix intérieure peut fonctionner à plein régime, ou je la laisse déambuler tranquillement, sans contrôle, sans laisse ou entrave au cou ; ces moments, ce sont lorsque je marche seul, lorsque tous mes efforts inconscients ou conscients sont tournés vers l’effort ou vers la souffrance. Et au bout de plusieurs kilomètres, je me rends compte que j’étais parti dans un autre monde, porté par mes pensées, ailleurs. 

 

Notre petite voix intérieure est tellement naturelle que l’on ne pourrait pas imaginer faire autrement

 

L’article indique que «les recherches en imagerie montrent que pendant que nous lisons un texte en silence, les aires auditives du cerveau s’activent : nous entendons bien cette voix dans notre tête, souligne Hélène Loevenbruck». Effectivement, quand je lis, mais aussi quand j’écris comme maintenant, j’entends ce que je lis ou écris. Je prononce dans ma tête les mots que je lis ou que j’écris. C’est un mécanisme automatique et je ne saurais faire autrement. Et je n’aurais jamais pu penser qu’il puisse éventuellement en être autrement.

 

Imaginez-vous qu’il vous soit possible de lire un livre sans entendre le texte dans votre tête ? Certains en sont-ils capables ?  Est-il possible d’écrire un tel article sans entendre les mots, les phrases, se constituer dans votre tête ? Où il apparaît donc que cette petite voix intérieure occupe toutes mes pensées presque de manière permanente, et qu’il me serait presque totalement impossible de différencier l’écrit d’une certaine forme d’oralité intérieure. De manière assez amusante, je me rends aussi compte que je ne verbalise pas ce que j’entends à la télévision, ou dans les films. Ma petite voix intérieure se tait dans ces moments-là, ce qui donne une telle impression d’immersion dans une réalité alternative au cinéma ou à la télévision. Voire c’est ce qui peut aussi expliquer le danger d’une trop grande immersion pour les jeunes enfants devant la télévision.

 

Si on peut donc regarder un film ou la télévision, ou écouter une émission de radio, sans avoir besoin d’épeler tout ce que l’on entend, c’est donc qu’il est tout à fait possible que d’autres d’entre nous puissent lire ou écrire sans avoir besoin non plus d’user de la petite voix intérieure. D’autres peuvent en avoir besoin pour écouter ou voir probablement. C’est donc simplement fonction de notre type de mémoire ou d’intelligence que nous devons recourir à la verbalisation du langage écrit, à moins que ce ne soit lié à notre type d’apprentissage de l’écriture et de la lecture. Il reste ainsi de très nombreuses pistes de recherche à explorer, sur l’universalité de l’existence de la petite voix intérieure.

 

Autre information intéressante, sur l’âge d’apparition de cette petite voix intérieure.

 

«Les bébés développent une pensée verbalisée dès l’âge de 21 mois, avant même de parler ! Ensuite, les enfants pensent souvent à voix haute, pendant qu’ils jouent, puis intègrent vers 7 ans les inhibitions sociales liées au fait de parler tout seul, souligne Hélène Loevenbruck. Comme l’a montré le psychologue biélorusse Lev Vygotski, les conversations avec les parents alimentent les discours à voix haute des bambins. Les enfants intègrent ces dialogues dans un discours privé puis silencieux, afin de parfaire leur langage et de réguler leurs émotions. Les enfants élevés dans des familles aux habitudes de communication fécondes développent plus tôt cette composante de discours intérieur, commente le psychologue américain Ethan Kross dans À l’écoute de ma voix (éd. Kero, 2021).»

 

Normalité ou maladie mentale ?

 

Cet article du site «ça m’intéresse» présente aussi l’intérêt de répondre à la question qui peut tarauder certains d’entre nous sur leur anormalité et sur l’absence de maladie mentale. Comme indiqué dans l’article, certains d’entre nous peuvent entendre une autre voix que la leur au titre de leur petite voix intérieur, sans que cela ne soit un signe de maladie mentale. Certains peuvent avoir l’impression qu’ils entendent réellement une petite voix intérieure venant de l’extérieur, qu’il serait les seuls à entendre. Il doit être encore plus tentant de croire à une sorte de conscience extérieure, la voix d’un Dieu, ou la voix d’un démon, voire même de croire à une forme de mysticisme dans de tel cas.

 

«Enfin, certaines personnes entendent des voix qu’elles perçoivent comme extérieures. Comment l’expliquer ? Quand voulez prononcer le son “i”, le cerveau envoie une commande motrice pour que la langue et les lèvres se positionnent, explique Hélène Loevenbruck. Il met aussi en place un système de prédiction afin de s’assurer que le son émis sera conforme au son planifié. En plus de rendre notre parole fluide, ce système permet de savoir que nous sommes bien celui ou celle en train de parler. Lorsque l’on veut dire “i” dans sa tête, on déroule le même mécanisme, sauf que l’exécution motrice est inhibée. La sensation de voix résulte du simulateur interne qui génère un son prédit. Les signaux prédits et planifiés correspondent et l’on sait que le “i” que l’on entend dans notre tête a bien été produit par nous-même. Mais parfois ce système dysfonctionne, les signaux prédits et planifiés sont désynchronisés et les voix paraissent venir d’ailleurs. C’est un symptôme courant de la schizophrénie, mais ces hallucinations touchent aussi des personnes ne souffrant pas de troubles psychiques. Les entendeurs de voix ont longtemps lutté contre elles. Désormais, ils tentent d’apprendre à vivre en harmonie avec elles. Car, qu’elles soient uniques ou multiples, les voix intérieures sont partie intégrante de nous.

 

Entre 3 et 5 % de la population, sans trouble psychologique, entend des voix. Des voix rassurantes de proches, d’inconnus, de célébrités mais aussi des voix malveillantes, insultantes… D’après le psychologue Stéphane Raffard, qui a fondé la Clinique des voix à Montpellier (Hérault), ces personnes entendent 50 % de voix positives, 50 % de négatives (contre 90 % de négatives chez les schizophrènes). Ces hallucinations acoustico-verbales (HAV) apparaissent souvent après un traumatisme (agression, deuil…). Dans les cas les plus graves, les patients sont souvent traités avec des antipsychotiques. Dans des cas moins problématiques mais qui génèrent de la détresse, les entendeurs peuvent, grâce à des thérapies comportementales, les apprivoiser et prendre de la distance avec les plus toxiques.»

 

Si vous êtes dans un tel cas, vous n’êtes donc pas forcément fous … D’ailleurs, comment savoir que la voix silencieuse (mais pas vraiment) que j’entends dans ma tête est bien la mienne, est bien ma propre voix ? Après tout, qui n’a pas écouté un enregistrement de sa propre voix sans être capable de se reconnaître ? Cette petite voix chevrotante, haut perchée, ou au contraire terriblement grave … qui est tellement éloignée de la voix que vous entendez silencieusement, ou celle qui résonne dans votre gorge, dans votre tête, quand vous vous exprimez à haute et intelligible voix. 

 

Conclusion de cet article ? Dire que je pourrais entendre la voix de Maitre Yoda comme petite voix intérieure ; ce serait quand même sacrément TOP. Inversement, imaginons que j’entendrais la voix d’Emmanuel Macron comme petite voix intérieure, petite voix qui me susurrerait : « fais-toi vacciner, fais-toi vacciner »… On est d’accord ; là, ça serait carrément craignosse !!!

 

Bonne lecture intérieure

 

 
Saucratès



26/01/2022
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