Critiques de notre temps

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Réflexions sur la relation Chine-Afrique

Réflexions sur la relation Chine-Afrique

Par Saucratès 

 

Saint-Denis de la Réunion, samedi 1er janvier 2022

 

L’Afrique, son histoire ancienne et son développement sont mes sujets de prédilection. Mon intérêt pour l’anthropologie depuis mes jeunes années d’étudiant a essentiellement trait à cette histoire africaine, et en aucun cas pour celle d’Amérique du sud, d’Amérique du nord ou de l’Australie comme tant d’autres grands anthropologues français comme Pierre Clastres, Marcel Mauss ou Durkheim. Sans oublier Claude Levi-Strauss même si lui c’est aussi intéressé à l’Afrique.
 

En ces premiers jours de 2022, je m’intéresserais donc à la relation ambiguë entre la Chine et l’Afrique en matière de développement et de finance. Je me réfèrerais pour cela à quelques articles du Monde traitant de ce sujet.  

 

https://www.lemonde.fr/afrique/article/2021/03/16/au-bout-de-vingt-ans-la-success-story-de-la-chinafrique-a-des-consequences-qui-posent-probleme_6073324_3212.html

 

https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/03/06/les-chinois-sont-encore-tres-ignorants-des-cultures-du-continent-africain-et-de-ses-diasporas_5266565_3212.html

 

https://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/03/28/pourquoi-les-chinois-veulent-la-peau-des-anes-africains_5101859_3212.html 

 

La plupart des États africains ont retrouvé leur indépendance entre les années 1950 et les années 1970-1975. Mais la colonisation par les États européens (et non pas occidentaux, les USA et le Japon n’ayant point eu de colonies en Afrique) a marqué durablement ses États balbutiants, notamment en ayant créé arbitrairement des frontières géographiques qui n’avaient aucun fondement ethnique ou étatique antérieur. Il semble que les frontières en Afrique soient une création du colonisateur européen. 

L’économie du développement est née au cours de ces mêmes années, entre les années 1950 et 1970, et il est extraordinairement triste de voir les échanges, la relation entre la Chine et l’Afrique, suivre exactement les mêmes voies de garage, reproduire les mêmes erreurs, que celles rencontrées avec les Etats occidentaux. 

- Financement de grands projets pharaoniques, dits «éléphants blancs», qui n’apportent rien aux populations locales, sont sur-dimensionnés par rapport à leurs besoins, mais répondent à un objectif de prestige de leurs dirigeants ou simplement aux intérêts de leurs constructeurs occidentaux. 

- Endettement et charge de la dette croissant entraînant une dépendance de ces États à leurs créanciers étrangers, au lieu de permettre l’émergence d’une classe possédante apte à financer le développement de leur pays.

 

- Accaparement des principales richesses minières, terriennes ou naturelles au bénéfice de firmes étrangères et des anciens colonisateurs.

 

Et alors que l’Afrique n’est pas encore sortie de cette situation de dépendance à l’égard de leur ancienne métropole, de leur ancien colonisateur, le rejet de l’influence de ces derniers a jeté ces états africains dans les bras de la Chine qui avait promis une autre relation. Mais les routes de la soie sont passées par là. Et au fond, même si les intérêts de la Chine différent de ceux des occidentaux, le résultat affiché au fond le même : accaparer les richesses africaines et régenter les décisions et la politique intérieure et exterieure de leurs débiteurs, afin de les contraindre à agir dans l’intérêt de Pékin et de ses entreprises publiques ou privées. 

Je n’irais pas jusqu’à dire que jamais les européens ne sont allés assez loin que leurs successeurs chinois ou coréens. A Madagascar, un groupe coréen avait préempté plusieurs millions d’hectares après de l’Etat malgache, mais je sais que la France a peut-être fait pareil en son temps, notamment à l’époque de la Sakaï ; il devait bien y avoir des tribus propriétaires des terres dont la gestion et l’administration avaient été confiées aux colons réunionnais de la Sakaï, dans les années 1950-1960 ?

 

De la même manière, les possessions de Framatone/Areva/Orano et son projet d’exploitation de gisements d’Uranium au Niger, ou la main mise des diamantaires anglais ou belges sur les mines sud-africaines et sur la commercialisation des diamants, impliquent bien que les occidentaux ont mis la main sur les richesses minières africaines, au mépris des intérêts des peuples d’Afrique et des états africains. Il restera à démontrer qu’en Europe, les richesses minières ont d’abord été exploités au bénéfice des États et de leurs citoyens, et non pas au bénéfice de quelques riches fonderies ou dirigeants de sociétés capitalistes. Dans le cas contraire, est-il vraiment condamnable que ceux qui s’enrichissent ne soient pas de riches nationaux mais simplement des groupes étrangers, chinois ou occidentaux ? 

La seule différence est en fait l’apparition d’une classe possédante nationale dont les intérêts sont plus ou moins intriqués avec ceux de leurs États, même si aujourd’hui, pratiquement toutes les dettes de tous les pays sont en fait détenues majoritairement par des emprunteurs étrangers ou internationaux. La crise du système monétaire européen, appelé à l’époque «Serpent monétaire européen» des années 1992-1993 s’expliquait notamment par les débuts de ce que l’on a ensuite appelé les spéculateurs internationaux. La crise du SME des années 1992-1993 fit la fortune de Georges Sorros, lorsque celui-ci réussit à battre les banques centrales europeennes les contraignant à laisser flotter leurs devises, à élargir leurs bandes de fluctuation.

 

Si les banques centrales françaises, anglaises et allemandes ne réussirent pas en 1992-1993 à battre les forces des speculateurs occidentaux, comment les banques centrales des États africains, ou d’un autre pays, pourraient-elles aujourd’hui les combattre, trente années de profit plus tard ?

 

Cette réflexion est intéressante parce qu’elle permet de restituer l’importance prise par la Chine en Afrique à l’aune des problèmes qu’elle produit. Au point de devenir l’un des principaux prêteurs de l’Afrique, et de se retrouver au prise avec les appels à effacer les dettes des États africains. Sauf que la Chine n’appartient pas au Club de Paris, qu’elle n’accepte pas un droit de regard international sur les prêts qu’elle accorde à ses débiteurs, qu’elle n’accepte pas d’effacer les dettes de ses Etats débiteurs. Mais seulement de consentir de nouveaux prêts à des taux toujours plus élevés.

 

Avec le risque que tout le processus international existant aujourd’hui autour de l’initiative de renégociation et d’annulation des dettes des États africains existant autour du Club de Paris ne disparaisse corps et âme si les annulations de dettes des États occidentaux servent en fait juste à accroître l’endettement des États africains auprès de la Chine, et ne soit utilisé par celle-ci que pour continuer d’honorer ses remboursements à ses créanciers chinois !

 

Cet effacement des dettes des États africains avait-il un sens ? Permettre à ces débiteurs de pouvoir face au service de leur dette intérieure ou extérieure ? Ou bien de ne pas avoir à se prononcer sur l’intérêt réel des investissements financés par ces dettes, sur l’enrichissement personnel des dirigeants africains permis par le détournement des sommes prêtées sans précaution par les financeurs étrangers ? Effacer la dette ancienne pour permettre de pouvoir réemprunter auprès des mêmes financeurs ou auprès de nouveaux intervenants comme la Chine ?

 

https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/04/15/la-chine-elle-aussi-doit-annuler-des-dettes-africaines_6036655_3232.html

 

 

Saucratès



01/01/2022
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