Mouvements sociaux
Recours au 49.3 - Vive la chienlit
Recours au 49.3 - Vive la chienlit !
Par Saucratès
Saint-Denis de la Réunion, mardi 21 mars 2023
Hier, devant ma télévision, devant la chaîne parlementaire retransmettant les discours précédant le vote de la Motion de censure du groupe parlementaire LIOT, je me suis rendu compte que deux camps inconciliables, irréductiblement opposés, se faisaient face. Deux camps opposés, sans compter évidemment la rue, dont la rage contre le gouvernement n’est pas prête à disparaître.
Par souci de transparence, je suis évidemment contre cette réforme des retraites, même si beaucoup de gens ne peuvent pas oublier que les mêmes qui aujourd’hui combattent le projet du gouvernement et la politique de Macron sont les mêmes que ceux qui ont appelé à voter pour lui pour le deuxième tour de la Présidentielle en 2022, directement ou indirectement, avec le succès que l’on sait.
Je dois aussi reconnaitre que j’eusse aimé que cette motion de censure passe, que des députés de la Macronie choisissent de voter la censure et abandonnent le camp macroniste. Malheureusement, ce n’est pas arrivé, à neuf voix près.
J’ai évidemment préféré les discours de l’opposition, la comparaison de Macron avec Caligula, et détesté le petit discours d’Elisabeth Borne. Comparer les députés de l’opposition avec des ennemis de la Nation, c’est abominable ! Appeler violence le fait de chanter les couplets de la marseillaise en plein hémicycle est d’une stupidité sans nom. Alors qu’évidemment, ce que je considère comme des violences, c’est tous les artifices constitutionnels utilisés par Macron et Borne pour empêcher le libre examen de ce projet de loi par le Parlement. Comme le recours à l’article 49.3, comme le fait de recourir à un examen du texte en commission mixte paritaire après une première lecture, pour un texte qui n’avait même pas encore été voté par l’Assemblée nationale, tout cela sont de véritables violences, sont des attaques menées contre le peuple français.
Le Gorafi a sorti quelques blagues bien amusantes sur ces épisodes. Sur ce 49.3 qui a échappé à la surveillance d’Elisabeth Borne, qui s’est enfui de Matignon, et qui a mis le bordel un peu partout en France pendant la nuit.
Sur l’Education nationale (ou le SNU) qu’Emmanuel Macron a choisi de renommer en «Jeunesse macronienne» pour lui donner un second souffle ! En rappelant une diatribe de Macron qui avait dit : «Il faut savoir s’inspirer de l’histoire!»
Comme des millions de français, je fais donc grève par procuration, en laissant ceux qui ont appelé à voter pour Macron, se battre pour empêcher ce projet de passer, malgré la fin de l’examen du texte devant le Parlement. J’apprécie aussi tout particulièrement le processus enclenché de notabilisation et de la respectabilisation du Rassemblement National permis par les votes de ces motions de censure autour la motion non partisane du groupe LIOT.
Ce que je trouve néanmoins particulièrement pathétique, ce sont les appels désespérés des parlementaires macronistes, ou macro-compatibles, à l’appui des préfets et des forces de l’ordre pour sécuriser leurs permanences et leurs domiciles. La violence des manifestations se comprend parfaitement lorsqu’on peut voir un gouvernement totalement autiste face au rejet de son texte et de son projet par l’immense majorité des français. Il leur faut assumer leur vote de ce texte et faire face, affronter, la fureur des français et des opposants à Macron qu’ils ont choisi de soutenir. Qu’ils assument !
Saucratès
La France, une dictature ou une démocratie, si on en croit Emmanuel Macron ?
Saint-Denis de La Réunion, vendredi 24 janvier 2020
Prenons donc le Président de La République francaise à son propre jeu. Au jeu de ses propres mots. Dans des interviews données dans l'avion présidentiel (qui les ramenait de Tel Aviv à Paris) à des journalistes de trois journaux, dont Le Monde, le Président de La République aurait dénoncé «les discours justifiant la violence en France et l'affaiblissement de notre démocratie».
Voilà les mots qui lui sont attribués :
«Aujourd’hui s’est installé dans notre société, et de manière séditieuse, par des discours politiques extraordinairement coupables, l’idée que nous ne serions plus dans une démocratie. Qu’il y a une forme de dictature qui s’est installée. Mais allez en dictature ! La dictature c’est un régime où une personne ou un clan décide des lois. Une dictature c’est un régime où l’on ne change pas les dirigeants, jamais. Si la France c’est ça, essayez la dictature et vous verrez ! La dictature, elle justifie la haine. La dictature, elle justifie la violence pour en sortir. Mais il y a en démocratie un principe fondamental : le respect de l’autre, l’interdiction de la violence, la haine à combattre.»
... ou encore ...
«Une démocratie, c’est un système politique où l’on choisit nos dirigeants. C’est un système politique où l’on choisit des représentants qui auront à voter librement les lois qui régissent la société. Cela a beaucoup d’exigence, cela veut dire que la liberté du peuple et sa souveraineté sont reconnues. Mais cela a une contrepartie, c’est que dans une démocratie, on a un devoir de respect à l’égard de ceux qui représentent et votent cette loi, parce que précisément, on a le pouvoir de les révoquer. On a l’interdiction de la haine, parce qu’on a le pouvoir de les changer !»
Evidemment, je connais un grand nombre de personnes, le doigt sur la couture du pantalon, qui avalent avec gourmandise ce genre d'inepties, qui partagent ce genre d'opinions, pour lesquels il ne faut surtout pas contredire ou attaquer Emmanuel Macron. Ni le critiquer. Ils représentent pas loin de 25% des électeurs qui votent aux élections nationales, européennes ou législatives. Des personnes qui comme leur maitre, opinent à grand renfort de coups de menton bravaches.
Quitte à décevoir toutes ces bonnes âmes et ces braves membres de la grande famille des ultralibéraux décomplexés, je ne partage pas ce discours sur la dictature ou la démocratie à la française. L'élection d'Emmanuel Macron à la Présidence de la République française est le déclencheur d'une crise de notre démocratie, le signe que cette démocratie s'est fourvoyée, que nous ne sommes désormais plus dans une démocratie, et que les critères avancés par Emmanuel Macron ne sont justement plus applicables, reconnaissables. Il est amusant que ce soit justement lui-même qui nous explique à quoi devrait ressembler une démocratie, alors que sa propre élection puis celle de sa majorité législative en est justement l'exact contraire, l'exact contre-exemple.
«La dictature c’est un régime où une personne ou un clan décide des lois.» Justement, le gouvernement de la France d'aujourd'hui, c'est un groupe de personnes qui ne représentent qu'eux-mêmes, choisis parmi d'anciens députés socialistes ou de droite macro-compatibles, et des représentants soi-disant de la société civile, mais dans les faits issus du haut management des grandes entreprises francaises ou étrangères, qui décident, votent et appliquent dans leur coin des lois et des réformes que leurs maîtres décident, dont leurs maîtres ont besoin, et pour lesquels leur envoyé à la tête de la République estime avoir été élu. C'est dans le programme électoral du candidat Macron : argument ressassé régulièrement par les uns ou les autres !
N'y a-t-il pas un clan qui dirige la France ? Macron et le Parti de la République en Marche ne correspondent-ils pas à la définition d'un clan ? Non pas un clan mafieux, mais un clan de maçons ? Un clan dont le lien commun est l'appartenance aux réseaux de la Franc-Maçonnerie ?
«Une dictature c’est un régime où l’on ne change pas les dirigeants, jamais.» Emmanuel Macron développe aussi à un autre moment la même idée sous-jacente, lorsqu'il indique également : «dans une démocratie, on a un devoir de respect à l’égard de ceux qui représentent et votent cette loi, parce que précisément, on a le pouvoir de les révoquer. On a l’interdiction de la haine, parce qu’on a le pouvoir de les changer !»
Mais on n'a pas en France le pouvoir de révoquer ces élus de la République en Marche, pas plus que l'on a le pouvoir de révoquer Emmanuel Macron. Ce droit n'existe tout simplement pas en France. Il existe pour les représentants du personnel élus, il existe pour les délégué syndicaux, ces personnes que le clan macroniste abhorre et méprise. Mais il n'existe en aucun cas dans la démocratie française pour les élus de la République. Et de la même manière, on n'a aucune certitude qu'on pourra changer un jour Emmanuel Macron et ses séides, qu'ils accepteront de laisser la place, ou que l'on n'élira pas à sa suite, apres un, deux, trois mandats ou plus, un autre représentant des mêmes maîtres, des mêmes décideurs, des mêmes marionnettistes ! Aucune certitude que comme son modèle Vladimir Poutine, il n'intervertira pas sa place avec son fidèle lieutenant Edouard Philippe, ou une autre des âmes damnées qui servent les mêmes maîtres que lui !
Je n'aurais pas le droit d'écrire cela ? Mais s'est-on posé la question des raisons pour lesquelles tous les journaux détenus par les plus grandes fortunes de France, jusqu'au Journal Le Monde, ont défendu et appuyé sa candidature et l'action de son gouvernement, dans un silence assourdissant ? S'est-on demandé ce qui relie tous ces gens qui nous dirigent, tous ces patrons des grandes entreprises, tous ces députés qui ont été choisis pour constituer l'armée d'Emmanuel Macron, s'est-on demandé quels étaient les liens qui les unissaient, qui les rassemblaient ? Une immense majorité de ces personnes appartiennent aux réseaux occultes de la Franc-Maçonnerie. C'est vrai pour les dirigeants d'un grand nombre d'administrations et d'entreprises publiques ou privées francaises. C'est très vraisemblablement vrai pour bon nombres de ces ministres, très certainement d'Emmanuel Macron lui-même, et pour nombre des députés qu'il a choisi et qui ont été élus à la suite de son élection.
Le fait même d'être franc-maçon n'est pas honteux ni choquant. Je dois en connaître certains. On en connaît forcément quelques uns dans notre entourage. La franc-maçonnerie est un lieu de recherche, de travail sur soi-même et sur la société. Mais certains Franc-maçons ne recherchent pas que cela. Ils recherchent avant tout le pouvoir, l'influence. Et je pense, comme nombre d'autres gens, que ce sont ces personnes qui ont pris aujourd'hui le pouvoir en France. Et comme il s'agit d'une influence souterraine, cachée, masquée, ce n'est plus un principe d'un fonctionnement démocratique.
«Une démocratie, c’est un système politique où l’on choisit nos dirigeants. C’est un système politique où l’on choisit des représentants qui auront à voter librement les lois qui régissent la société.» Pour cette autre définition de la démocratie donnée, utilisée par Emmanuel Macron pour définir ce que doit être une democratie, là non plus, je ne pense pas que le gouvernement et le parlement macroniste y correspondent. Les français n'ont majoritairement pas choisi librement leur dirigeant, mais leur choix, leur opinion ont été manipulés par la presse, par les médias. Lors de cette élection présidentielle, comme lors des élections suivantes, nous avons eu la démonstration que les français étaient bêtes, manipulables, influençables. Rien ne les sépare réellement de leurs homologues de 1848, qui avaient élu le premier Président de la République francaise parce qu'il portait simplement le même nom que l'empereur Napoléon Bonaparte. Plus de 160 ans plus tard, les électeurs français se sont découverts aussi bêtes, aussi majoritairement influençables, malgré l'évolution ou peut-être justement à cause de l'évolution des technologies et des médias qui permirent l'élection d'Emmanuel Macron comme nouveau Président de la République française.
Ces différents exemples de ce qui devrait différencier une démocratie d'une dictature me semblent tous sujet à caution et à contestation. Et lorsqu'il nous appelle à aller vivre dans une dictature pour savoir ce que serait une vraie dictature, cela nous renvoie à ce dont il n'a pas parlé, l'action des forces de l'ordre et les opérations de maintien de l'ordre. Et il est utile de citer immédiatement cet autre article du Monde qui traite de la répression policière en France.
Alors certes, oui, il existe évidemment des dictatures pires que la dictature macroniste/philipiste française de part le monde ! Mais est-on pour autant encore en démocratie en France ? Non et la répression policière et pénale en France à l'époque des contestations de la loi travail sous le gouvernement Hollande/Valls ou aujourd'hui lors des événements des gilets jaunes ou des contestations contre les retraites vient tristement le démontrer.
Je voudrais terminer par ces quelques mots du philosophe Jacques Rancière, là-aussi tiré d'un article du Monde (Journal que je critique pour son appui à Macron et à son gouvernement, mais qui semble aussi défendre parfois d'autres positions moins favorables à ce gouvernement).
«C’est cette réalité concrète du collectif solidaire dont les puissants de notre monde ne veulent plus. C’est cet édifice qu’ils ont entrepris de démolir pièce à pièce. Ce qu’ils veulent, c’est qu’il n’y ait plus de propriété collective, plus de collectifs de travailleurs, plus de solidarité qui parte d’en bas. Ils veulent qu’il n’y ait plus que des individus, possédant leur force de travail comme un petit capital qu’on fait fructifier en le louant à des plus gros. Des individus qui, en se vendant au jour le jour, accumulent pour eux-mêmes et seulement pour eux-mêmes des points, en attendant un avenir où les retraites ne seront plus fondées sur le travail mais sur le capital, c’est-à-dire sur l’exploitation et l’autoexploitation.
C’est pour ça que la réforme des retraites est pour eux si décisive, que c’est beaucoup plus qu’une question concrète de financement. C’est une question de principe. La retraite, c’est comment du temps de travail produit du temps de vie et comment chacun de nous est lié à un monde collectif. Toute la question est de savoir ce qui opère ce lien : la solidarité ou l’intérêt privé. Démolir le système des retraites fondé sur la lutte collective et l’organisation solidaire, c’est pour nos gouvernants la victoire décisive. Deux fois déjà ils ont lancé toutes leurs forces dans cette bataille et ils ont perdu. Il faut tout faire aujourd’hui pour qu’ils perdent une troisième fois et que ça leur fasse passer définitivement le goût de cette bataille.»
Tout n'est pas dit. On nous parle d'une réforme sensée nous donner à tous les mêmes droits. Mais nous ne sommes pas tous égaux, pas tous les mêmes. Le droit du travail français s'est construit sur la généralisation d'acquis différents. C'est parce que certaines entreprises emblématiques avaient obtenu des choses particulières, en avance sur leur temps, que nos droits collectifs ont pu évoluer, progresser. Si on suit le raisonnement du gouvernement sur cette réforme pour tous, alors il faudrait aussi abandonner tous les régimes sur-complémentaires offerts dans certaines entreprises, qui accordent à leurs salariés des avantages de retraites supérieurs au droit commun. Mais il faudrait aussi s'interdire, ou interdire aux plus riches de cotiser à des régimes supplemntaires pour leur retraite ...
Il m'est difficile d'appeler à combattre ce gouvernement, puisque je ne le combats que par quelques mots, par quelques phrases. Mais il faut dire la vérité. La France n'est plus une démocratie, et elle n'en a jamais été aussi éloignée que depuis l'élection d'Emmanuel Macron. Et les francais sont victimes de violences policières ; il n'est plus sans risque de faire état de son opposition au gouvernement et de le contester dans la rue ou sur internet.
Saucratès
Manifestations, manifestants, émeutiers et retraite
Saint-Denis de la Réunion, dimanche 15 décembre 2019
Quelques mots sur le sujet des retraites et des manifestations. Comment pourrais-je parler du temps présent sans les évoquer ? Les syndicats ont-ils des raisons légitimes de contester ce projet du gouvernement, cette réforme promise par le candidat Macron ? Et comment pourrait-on vouloir des manifestations qui se déroulent dans le calme (et sans blocage) alors que le gouvernement met en place un programme sécuritaire monstrueux en vue de se protéger de tout potentiel dérapage (ou au contraire pour inciter à l'affrontement afin de discréditer ce mouvement social).
J'écris tout ceci de très loin, à 9 ou 10.000 kilomètres de distance de Paris. Le soleil se couche, un ciel sans nuage me surplombe sur ma terrasse, et il fait très loin d'y faire les températures hivernales parisiennes. Mais il y a une semaine, j'étais au cœur de la zone occupée de Paris, à tenter de m'extraire des mailles de la nasse qui enfermait la place de La République à Paris, au cœur de l'appareil sécuritaire protégeant Macron et ses ministres, ses députés et les hauts (ou petits) fonctionnaires qui le serve. Un pouvoir qui tient par la peur et la contrainte d'un appareil policier peut-il encore être appelé un gouvernement democratique ? Je ne le pense pas. Pour la même raison que l'on ne peut pas dire que le Vénézuela de Maduro est encore un régime démocratique.
Je lisais ainsi un article du Journal Le Monde qui tentait d'expliciter le phénomène «black blocs». Un article écrit par Sylvain Boulouque, enseignant à l'ESPE, intitulé «Loin des visions complotiste sur les black blocs ne sont pas une création de la police» (Le Monde du 5 décembre 2019). Son interprétation de ce phénomène «black blocs», c'est que c'est «une pratique manifestante à laquelle toute personne peut se joindre.»
«... Derrière les coupe-vent, les sweet-shirts noirs et les lunettes de piscine, n'importe quel manifestant - femme ou homme, jeune ou moins jeune, de toutes catégories socioprofessionnelles - pas forcément violent, peut, en adoptant cette tenue, se montrer solidaire sans participer à l'affrontement.
Il existe (je continue de le citer) une partie importante de la population prête à remettre en cause l'ordre imposé, soit en donnant un autre cours à une manifestation officielle soit dans des affrontements directs avec les forces de l'ordre. Il suffit de suivre certains concerts de rap ou de rock, de se pencher sur les statistiques de consultation des sites pro-insurrection ou d'observer les comportements des manifestants, pour constater qu'il existe en France actuellement une certaine sympathie pour ces pratiques.
La tentation émeutière demeure minoritaire mais elle attire et participe d'une nouvelle forme de révolte mondialisée, une contestation qui s'étend de Hongkong à Santiago en passant par Paris et, loin des visions complotistes, qui défie les pouvoirs.»
Je ne le rejoins pas totalement à ce sujet. C'est selon moi la violence policière (et accessoirement la haine d'un gouvernement considéré comme illégitime) qui créé lui-même les conditions d'apparition du mouvement «black blocs». Evidemment, je ne parle pas de la poignée de manifestants professionnels, ultra-gauchistes ou d'extrême-droite, comme il y en a toujours eu depuis les années soixante et pour lesquels combattre la police et le gouvernement est leur principale activité, leur principale raison d'être et leur raison d'exister ! Et pourtant, même pour eux, la violence policière et d'Etat est la principale explication de leur radicalisation. Ils ne combattent que parce qu'il y a une force policière à combattre. Le droit de manifester n'est plus en droit reconnu en France et l'ultra-gauche comme l'extrême-droite ne sont aujourd'hui que la résultante de ce droit bafoué ! Evidemment, les violences de l'extrême-droite préexistaient sans lien avec l'existence de la police, de même que des mouvements terroristes d'extrême gauche comme «Fraction Armée rouge» ou «La bande à Bader». Ce n'est pas ce que je dis.
Ce que je dis, c'est que n'importe quel manifestant pacifiste, bon père de famille, normalement constitué, peut se radicaliser, peut se transformer en un «black bloc», dans une manifestation, confronter à la violence policière, à la violence institutionnalisée et autorisée ... Ce qui n'est pas très différent de ce qu'écrit Sylvain Boulouque ... Mais là où je m'en séparerais, c'est que je ne pense pas que ces personnes «remettent en cause l'ordre imposé». Selon moi, tout manifestant peut se radicaliser et se transformer en «black bloc» face à la violence illégitime et institutionnalisée des forces de l'ordre, quelque soit son âge, son origine, son milieu social. Pour l'avoir moi-même vécu, face aux violences policières, on peut facilement basculer dans des scènes de guérillas et voir dans les militaires qui nous font face un ennemi à abattre.
La disproportion des moyens engagés, des deux côtés des manifestations, que j'ai pu mesurer jeudi dernier place de la République à Paris, alors qu'il fallait un sacré courage pour affluer place de la République, devant l'immensité des moyens militaires mis en œuvre pour cadenasser cette place le long de toutes les artères y menant, alors que tout avait été prévu pour les forces de l'ordre pour transformer cette place en une souricière, entourée de milliers de militaires armés de fusils mitrailleurs et de forces anti-émeutes ... cette disproportion est la principale explication de l'apparition du mouvement «black blocs».
Au-delà de ces manifestations et des éventuels débordements, que puis-je écrire d'autre sur le sujet des réformes. Je citerais un livre relativement célèbre d'un grand économiste français, Thomas Piketty (livre écrit avec un autre économiste, Antoine Bozio), qui étudie et propose des pistes sur les systèmes de retraites («Pour un nouveau système de retraite: des comptes individuels de cotisations financés par répartition»).
http://piketty.pse.ens.fr/files/BozioPiketty2008.pdf
On pourrait croire que Thomas Piketty, qui est également à l'origine d'une autre innovation des présidents Hollande et Macron (à savoir le prélèvement de l'impôt à la source), est derrière le projet gouvernemental de réforme des retraites. Mais il n'en semble rien être, puisque Thomas Piketty est signataire d'un appel à s'associer aux mouvements jaune, vert, rouge, noir ou arc-en-ciel publié également dans le Monde du 5 décembre 2019, qui vise à soutenir «celles et ceux qui luttent» :
«Face aux offensives d'un gouvernement néolibéral et autoritaire, nous estimons qu'il est de notre responsabilité d'affirmer que notre présent et notre avenir émergeront des luttes sociales et politiques ...»
Sur le fond de ce sujet, à savoir le principe et la nécessité même d'une réforme de notre régime de retraite, il me faudra un autre article. Ce qui me semble malgré tout frappant, c'est que derrière l'idée érigée en dogme du gouvernement de créer un régime universel unique afin de faire disparaître supposément l'ensemble des régimes spéciaux, le gouvernement oublie et tait l'existence de certains régimes spéciaux auxquels ils ne s'attaquent pas, les plus iniques et les plus avantageux, comme ceux des ministres, des députés ou des sénateurs (cf. lien). Ou bien le recul très rapide du gouvernement sur le régime spécial des policiers et des gendarmes qui avaient menacé eux-aussi de rejoindre le mouvement de grève, ou plutôt de faire grève. Ce régime spécial des policiers continuera donc d'exister (cf. lien). Exit donc Le principe même d'un régime universel unique ! Comme par le passé, il existera des régimes spéciaux, mais ils concerneront seulement les nouveaux maîtres de notre société et leurs chiens de garde. Mais ces régimes spéciaux ne doivent plus profiter aux petits besogneux présentés comme des nantis, tels les cheminots, les fonctionnaires ...
Et aujourd'hui, le gouvernement entend faire pression sur les cheminots pour qu'ils fassent une pause pendant les fêtes de Noël ?
Dernier commentaire sur ce projet de réforme des retraites de ce gouvernement, au sujet du hold-up que représente cette décision de transférer sur les réserves financières de tous les actifs, des caisses de retraite complémentaires, des réserves récupérées sur les régimes spéciaux, les engagements de retraites dûs au titre de la carrière passée des fonctionnaires, enseignants et autres. L'Etat français et les collectivités territoriales peuvent-ils transférer à la collectivité des engagements de retraites qu'ils se sont engagés statutairement à payer aux fonctionnaires lors de leur départ en retraite, sans verser au nouveau régime supposément universel les réserves financières correspondant aux engagements qui sont transférés ? Aujourd'hui, les retraites versées aux fonctionnaires retraités sont imputées sur le budget de l'Etat ou des collectivités territoriales. Il s'agit d'une dépense publique au même titre que le paiement des traitements des fonctionnaires. Demain, avec cette réforme prétendument universelle, les retraites des fonctionnaires seront payées comme pour tous les retraités à l'aide des cotisations perçues par l'ensemble des salariés, fonctionnaires compris vraisemblablement, mais le coût pour le budget de l'Etat en sera vraisemblablemment allégé. L'Etat peut-il transférer à des institutions privées ou un établissement public une charge sans en transférer les produits correspondants ? En transférant versement des retraites aux fonctionnaires retraités à cette nouvelle caisse, en transférant seulement des cotisations pour les droits futurs, mais sans couvrir les engagements dûs au titre des années de carrière passées de ces fonctionnaires, l'Etat ne lui transfere-t-il pas une charge future sans lui avoir fourni les recettes correspondantes ?
Ce «gouvernement néolibéral et autoritaire» ne craint aucune honte, aucune manipulation, aucune forfaiture !
Saucratès
Du traitement médiatique du mouvement social du 5 décembre 2019
Saint-Denis de La Réunion, samedi 7 décembre 2019
A quel jeu jouent les médias qui servent à nous informer ? Bien avant la grève du jeudi 5 décembre 2019, ils ne cessaient de se faire l'écho de l'importance à venir de ce mouvement social, de la convergence en cours des différentes colères, des différentes luttes, qui semblaient pouvoir se rencontrer à cette occasion, contre ce projet gouvernemental de réforme des retraites. Et, même s'il ne faut pas s'en plaindre, leur traitement de l'information le jour venu ne fut pas une occasion de minimiser une nouvelle fois les manifestations et le nombre de manifestants. Bien au contraire. Ils titraient sur «des syndicats légitimés». Puis le lendemain venu, ces mêmes médias titraient sur les réponses possibles du gouvernement. «Le gouvernement sous pression». Ils titraient même déjà sur la fin du mouvement social, comme si le gouvernement avait déjà lâché des concessions majeures.
Et c'est là que le danger guette. Ce mouvement social que les médias ont légitimisés, jouant contre le gouvernement, ils peuvent tout autant le rendre invisible médiatiquement, illégitime s'ils décident de considérer que de possibles annonces du gouvernement sont des avancées majeures qui retirent tout objet à la grève. Les médias n'ont-ils pas une autre raison de s'attaquer, de s'opposer à ce gouvernement que la simple bonne volonté de rendre compte, d'offrir une bonne couverture de l'information ? La raison pourrait elle en être l'institution d'un conseil de l'ordre des médias qu'ils combattent, de cette institution d'une commission de déontologie de la presse écrite ? Pour faire reculer le gouvernement sur ce conseil de l'ordre, sur ce conseil externe de déontologue, ne cherchent-ils pas à démontrer au gouvernement leur pouvoir de nuisance, pour faire reculer le gouvernement sur le sujet qui les intéresse réellement, ce conseil de l'ordre ?
Une manière de rappeler à ce gouvernement que, de la même manière qu'ils ont pu favoriser son élection et lui donner une légitimité, les médias peuvent tout autant donner de l'importance, offrir une caisse de résonance à ce mouvement social, aider les syndicats à mobiliser leurs troupes en présentant leur combat comme légitime.
Car le traitement de la grève du jeudi 5 décembre, rompt avec le traitement de tous les autres mouvements de grève, toutes les autres manifestations depuis l'élection d'Emmanuel Macron. Voilà un mouvement social qui n'est pas ridiculisé, dont l'importance n'est pas remise en cause, mais qui bien au contraire, est mis en avant bien avant le 5 décembre, de façon à ce que le gouvernement, les décideurs n'oublient pas que ce mouvement arrive et qu'il sera un obstacle majeur sur leur route. Un test majeur. Je ne peux en déduire qu'une chose. Soit les médias ont une capacité invraisemblable à capter l'essence du temps, la réalité des choses, et je ne peux là que m'extasier devant la qualité de leur capacité à appréhender le réel, les événements qui vont arriver ; soit les médias ont démontré une nouvelle fois à cette occasion leur capacité d'influencer leurs auditeurs, leurs lecteurs, leur public en arrivant à les persuader qu'il leur fallait manifester ce jour-là, malgré les risques d'affrontement.
Ou bien y a-t-il un peu des deux ?
Car pour avoir été autour de la place de la République ce jour-là, il fallait du courage pour s'enfoncer dans ce qui ressemblait à une souricière, passer devant ces milliers de forces de l'ordre, ces milliers de fourgons alignés les uns derrière les autres dans toutes les avenues ou rues menant à la place de la République, ces gendarmes ou ces militaires armés de fusils mittrailleurs, prêts à en découdre, prêts à refermer la nasse, un peu comme un poisson qui verrait des milliers de pêcheurs converger vers un même point où justement il lui faudrait aller ! Il fallait un certain courage ou une certaine forme d'inconscience pour se jeter ce jeudi 5 décembre dans le piège de la place de la République, à Paris !
Autre interprétation possible ... Ce traitement médiatique rompt notamment totalement avec le traitement réalisé à l'occasion du mouvement des gilets jaunes. Au minimum, les médias français (même au-delà du Monde) semblent très favorables à ce mouvement de contestation, comme si ce mouvement leur était intelligible, à la différence du mouvement des gilets jaunes !
Saucratès
Mouvements sociaux et représentativité
Saint-Denis de La Réunion, mercredi 21 février 2019
Une scène récente dont les journaux télévisés ont rendu compte m'a rendu perplexe ; celle de ces jeunes lycéens et étudiants qui avaient envahi vendredi après-midi le ministère parisien de la transition écologique et solidaire (ex-écologie et développement durable), mais qui ont refusé de désigner une délégation en leur sein pour être reçu par le ministre. Alors que certains des étudiants et des lycéens présents semblaient vouloir désigner une délégation apte à être reçue, une autre partie du groupe refusait une telle désignation et souhaitait que la négociation est lieu dans la cour du ministère, en public, devant tout le monde.
J'ai vu dans cet épisode surprenant une conséquence du mouvement des gilets jaunes, puisque c'est justement le mode de fonctionnement privilégié des gilets jaunes, remettant en cause et refusant de reconnaître la légitimité de toute forme de désignation démocratique ou de toute forme de représentativité, et qui les conduit depuis trois mois à ne pas pouvoir se reconnaître de porte-parole ou de représentants. Épisode surprenant parce que l'ensemble des mouvements estudiantins ou lycéens ont toujours pu se doter de représentants, de dirigeants, de leaders, éventuellement facilement révocables, mais aptes à les représenter en coordination nationale ou face aux interlocuteurs du gouvernement. À ma connaissance, ce devait être l'une des premières fois où un mouvement étudiant se refusait à participer à ce dialogue qu'ils semblaient appeler de leurs vœux ... Sinon pourquoi se rendre dans un ministère ?
J'ai senti dans cet épisode l'influence des gilets jaunes. Mais à lire ou écouter Martin Gurri ou Nicolas Colin, il s'agirait d'un mouvement plus large, que Martin Gurri fait remonter aux années des printemps arabes.
«Autour de 2011, année du printemps arabe, il [Martin Gurri] a observé une rupture brutale dans le rapport du grand public à l’information. Dans le monde entier, des informations émanant d’individus sans affiliation ou d’organisations émergentes ont commencé à prendre l’ascendant sur celles issues de sources plus institutionnelles. Les idées se sont mises à être diffusées en réseau plutôt que d’être imposées par le haut. Les autorités autrefois les plus respectées, comme les pouvoirs publics, les grands organes de presse, les universités et les think tanks, ont été peu à peu marginalisées.»
L'article du Monde intitulé «Les réseaux d'individus sur internet se caractérisent par la colère» de Nicolas Colin
Le mouvement des gilets jaunes ne serait alors qu'un simple exemple d'un mouvement plus large de marginalisation des hommes politiques, des journalistes, des organes de presse et des intellectuels au sens large. Cet épisode d'occupation d'un ministère sans que ces jeunes ne soient prêts à désigner des représentants ne serait alors qu'un autre exemple de cette remise en cause de la légitimité de toute forme de représentation.
Ces deux épisodes (gilets jaunes et occupation estudiantine) font apparaître un même malaise, plus facilement perceptible dans l'épisode estudiantin. Ces lycéens et étudiants ont énoncé une liste de revendications, et il appartient selon eux au ministre, au gouvernement, de les mettre en application. Il y a une forme d'autisme, de morgue et de suffisance chez ses jeunes étudiants ou lycéens. Cette certitude qu'ils connaissent une vérité absolue qu'il revient aux dirigeants de mettre en application, de mette en œuvre. Ces jeunes sont imbus d'eux-mêmes. Mais c'est peut-être tout à fait naturel, nous étions peut-être nous-mêmes comme ca lorsque nous étions jeunes ?
A un autre niveau, il y a certainement du comparable dans le mouvement des gilets jaunes, une même morgue, une même suffisance, les conduisant à s'estimer représentatifs de l'ensemble du peuple (cette même forme de représentation qu'ils refusent pourtant de reconnaître pour eux-mêmes) et qu'en tant que représentants du peuple réel, ils savent ce qui est nécessaire et ce qu'il convient de faire. Sauf que bien évidemment, la France des ronds-points est tellement dispersée, le nombre de gilets jaunes est tellement important, leurs idées sont tellement diverses et variées, leurs propositions sont tellement disparates, qu'ils sont pour l'instant apparemment incapables d'énoncer cette liste de revendications que le gouvernement pourrait être sommé de mettre en oeuvre, de mettre en application !
Cette analyse ne se veut pas néanmoins critique. Les hurlements indignés du gouvernement à l'encontre de toute personne insuffisamment critique des débordements de foule, de tout débordement lors des manifestations, me rendent bien plus malade à vomir que cette découverte d'un nouveau mode de fonctionnement qui ne serait plus représentatif, mais qui échoue aujourd'hui apparemment à fonctionner. De la même manière, l'acharnement judiciaire contre tel ou tel gilet jaune me semble tout autant inqualifiable. Que je pense au boxeur Christophe Dettinger condamné à 30 mois de prison, ou à des leaders des gilets jaunes, qu'ils veulent condamner à la prison pour appel à une manifestation non déclarée ! Et pendant ce temps là, des policiers et des gendarmes peuvent écloper ou énucléer des gilets jaunes sans être aucunement inquiétés, sans être poursuivis ! Le moindre dérapage est instrumentalisé pendant que ces pitres de LRM paradent à la télévision où se posent en défenseurs des veuves et des orphelins. Oui j'enrage !
Je pensais aussi aux hurlements indignés des députés de la majorité, si on les menace de la guillotine, ou bien si le president du mouvement Debout la France appelle à ne pas les laisser partir vivants du pouvoir ! Ces cris d'orfraie me laissent mort de rire !
Quelle peuvent être les conséquences de cette évolution/révolution des mouvements sociaux, car c'est bien de cela dont il est ici question ? Premièrement, ce mouvement atypique et incontrôlable a réussi ce qu'aucun autre mouvement n'avait réussi à faire depuis bien longtemps : perdurer trois mois durant malgré le froid, les intempéries et les fêtes de Noel. Rares sont les mouvements depuis mai 1968 à avoir réussi à durer aussi longtemps. Il est donc incorrect de dire que ce mouvement à échouer à se structurer ou qu'il a échoué. Il s'est juste structuré d'une manière qu'on ne peut encore analyser, qu'on ne peut encore comprendre.
Deuxièmement, que peut devenir ce mouvement ? Comme au début des années 2010, est-il possible que comme au cours des printemps arabes, le mouvement des gilets jaunes peut-il conduire à un renversement victorieux du gouvernement de Macron et de ses séides ? Est-ce même souhaitable ? Après tout, de quoi les printemps arabes ont-ils accouché ? De gouvernements assez ressemblants à ceux qui les avaient précédés, après quelques temps d'anarchisme et de pillage. Les événements observés lors de ce dernier samedi, avec des menaces antisémites à l'encontre d'un grand philosophe, ou à l'encontre d'une de leur porte-paroles, pourraient devenir récurrentes et normales !
Certes ! Mais la criminalisation que conduit actuellement le gouvernement et les forces de police et de gendarmerie à l'encontre du mouvement des gilets jaunes et de toute contestation sociale, sur ordre du pouvoir, me semble tout autant dangereux et inacceptable ! Ce n'est pas seulement contre l'antisémitisme qu'il faudrait manifester ce mardi, mais aussi pour le droit de manifester, d'être écouté, d'être entendu et d'être respecté !
Saucratès