Critiques de notre temps

Critiques de notre temps

Psychologie


L’esprit bicaméral - Où l’on reparle de notre petite voix intérieure

L’esprit bicaméral
Où l’on reparle de notre petite voix intérieure

Par Saucratès 

Saint-Denis de la Réunion, jeudi 29 décembre 2022

 

Il y a pratiquement un an, exactement il y a onze mois, je vous avais parlé de notre petite voix intérieure, à l’issue de la lecture d’un article extrêmement intéressant du site «ça m’intéresse».

  

https://actu.caminteresse.fr/psychologie/dou-vient-notre-petite-voix-interieure-11182038/

 

Depuis l’écriture de cet article, depuis janvier 2022, je n’ai pas pu tester plus profondément si l’existence d’une petite voix intérieure était véritablement généralisée chez les gens que je connais, que je fréquente, que je croise. Même pas chez mes très chers lecteurs et encore plus chères lectrices, ni même d’ailleurs chez mes proches. Au fond, cette preuve de normalité que l’on a plutôt l’impression de vivre comme une forme de bizarrerie, d’anormalité, que l’éducation que nous avons reçu a eu tendance à classer dans les aspects qu’il vaut mieux cacher à nos parents, à nos enseignants, de la même manière que l’on nous a appris à cesser de parler de tout seul, de parler dans notre coin, de se parler à haute voix, que l’on nous a présenté comme une forme de folie, comme un prémisse de la folie.

 

En fait, il est très difficile de trouver une façon de traiter de ce sujet, ou d’aborder ce sujet. Parce qu’en fait, cette petite voix est tellement intériorisée que l’on ne se rend même plus compte qu’elle est présente, qu’elle nous accompagne depuis les premiers mois de notre vie, c’est-à-dire dans mon cas depuis plus de cinquante ans.

 

Pour rappel, selon Russel Hurlburt ou Charles Fernyhough, on soliloque en moyenne «en silence 23% du temps éveillé» mais chez certains d’entre nous, «ce taux peut atteindre 94%» du temps. Et «si la pensée passe le plus souvent par le langage, la voix intérieure peut aussi s’appuyer sur des images».

 

Quant à la théorie de l’esprit bicaméral, c’est une théorie de l’apparition de la conscience humaine. Une théorie est désormais invalidée, depuis sa découverte ou depuis son invention. Selon Wikipédia,

 

«la bicaméralité (ou l’esprit bicaméral) est une hypothèse sur l’origine de la conscience développée par le psychologue américain Julian Jaynes dans son ouvrage  ‘La naissance de la conscience dans l'effondrement de l'esprit [bicaméral]’ publié originellement en 1976. Elle propose que l’esprit humain, avant d'être conscient, était divisé en deux parties, l'une qui parlait et l'autre qui écoutait et obéissait.»

 

C’est l’une des thèses ou idées développées dans la série ‘WestWorld’ sur l’intelligence artificielle. Les hôtes de ce parc futuristes (les robots), «entendaient leur programmation comme si c’était un monologue intérieur. C’était une manière d’amorcer la conscience.»

 

La théorie de l’esprit bicaméral me semble parfaitement en corrélation avec cette petite voix intérieure qui accompagne nos pensées, mes pensées, cette petite voix intérieure qui me parle parfois, qui me modère parfois, qui soliloque si souvent et qui me dit : «ne fait pas ci», «ne fait pas ça», «tu devrais ça», «laisse-le passer» … Cette petite voix intérieure qui d’une certaine façon me sert de morale, de conscience, de guide moral. Une sorte de Jepeto, de petit criquet, pour le petit pantin de bois ou de chair que nous sommes tous peut-être.


Évidemment, au bout de plusieurs dizaines d’années, on est tellement habitué à cette petite voix intérieure qu’on l’oublie complètement, jusqu’à la penser naturelle, normale. On n’y pense plus comme à une morale, à une conscience morale même si elle fait souvent office de conscience, nous arrête dans certaines situations. Parfois, on ne l’écoute même plus, on ne l’entend même plus. Il y a aussi des situations où je ne l’entends pas, où elle ne s’exprime pas. C’est notamment le cas en situation de conduite automobile, mais aussi en regardant des films.

 

Et il est intéressant de noter que c’est justement les situations de conduite automobile où je pense que les hommes et les femmes sont le plus dans la situation de la jungle, où c’est le plus fort, le plus gros, le plus puissant qui l’emporte, qui double, qui est prioritaire.

 

C’est justement dans une situation où je n’ai pas accès à cette petite voix intérieure qui me sert de conscience, de morale, que j’estime être le plus dans une situation de nature, où le vernis de la civilité s’effrite, où seule la force prime, où je pourrais disjoncter et me transformer en tueur fou …

 

La théorie de l’esprit bicaméral présuppose que l’homme des temps anciens entendaient des voix, et que son esprit était partagé en deux, l’une qui lui disait quoi faire, l’autre qui obéissait. Peut-on considérer que cette petite voix intérieure que certains entendent, ou selon les positions des uns et des autres, que tout le monde entend, plus ou moins régulièrement, plus ou moins constamment, peut-on dire que cette petite voix intérieure est notre esprit, notre conscience, notre âme, notre morale ?

 

Est-ce si simple ? Les commentaires, les choses que cette petite voix intérieure nous dit, tout ceci est-il d’essence divine, venant de Dieu ou de quelque soit l’Être ou l’Esprit qui est au dessus de nous, ou bien cette petite voix intérieure n’est-elle que le produit de notre éducation, l’intériorisation des normes de comportement qui nous ont été imposées par la société, par nos parents, par nos enseignants, par nos camarades ou par tous ceux qui nous ont jugé, moqué, insulté, méprisé ?

 

Pour ma part, je préfère penser que cette petite voix intérieure est une parcelle de divinité, une parcelle de la parole divine, une intériorisation de la loi divine, quelque puisse être la nature de celui ou ce que l’on appelle Dieu, ou conscience supérieure, dès lors qu’IL ou ELLE dépasse notre plan de conscience, qu’il existe des RÈGLES et des LOIS supérieures à l’homme.

De très loin, je préfère cette solution à cette autre possibilité affligeante que cette petite voix intérieure ne soit que le produit des contraintes sociales et familiales qui nous ont été appliquées depuis notre petite enfance. Ou bien qu’elle corresponde à l’intériorisation de toutes les moqueries, tous les jugements négatifs, tous les ordres, toutes les injonctions contradictoires qui nous ont été imposés au cours de notre enfance puis de notre vie d’adulte. Rien ne serait plus triste …

 

Mais dans ce cas, est-ce que cette petite voix intérieure est la nôtre, ou directement la voix de Dieu ? Après tout, connaissons-nous vraiment le son de notre voix ? Au bout de tant d’années, ne pouvons-nous pas avoir intériorisé le son de cette voix divine pour imaginer que c’est notre voix intérieure. Mais Dieu peut-IL réellement parler à chacun d’entre nous, conseiller chacun d’entre nous ? Non n’est-ce pas ?

 

Cette petite voix intérieure ? Notre conscience ? Notre voix morale ? Une parcelle de la parole divine ? Ou rien d’autre qu’une petite voix qui ne veut rien dire d’autre que ce qu’elle semble être, une fraction de notre pensée ?

 

 

Saucratès  

 

 

Réflexion précédente : 

Où l’on se parle de notre petite voix intérieure

Saint-Denis de la Réunion, mercredi 26 janvier 2022

 

Voilà un article extrêmement intéressant du site «ça m’intéresse» sur «notre petite voix intérieure». Au fond, je ne m’étais jamais vraiment posé la question de savoir si c’était normal ou non, d’avoir des pensées qui s’entrechoquent dans la tête, d’avoir une petite voix dans la tête qui tourne en boucle. Et cet article répond en fait très bien à cette interrogation et j’ai eu envie de le partager avec vous.

 

https://actu.caminteresse.fr/psychologie/dou-vient-notre-petite-voix-interieure-11182038/

 

Chers lecteurs et chères lectrices, vivez-vous donc avec une petite voix intérieure dans la tête qui vous parle presque tout le temps ? Si la réponse est oui, c’est donc que vous êtes normaux/normales. Selon Russel Hurlburt ou Charles Fernyhough, on soliloque en moyenne «en silence 23% du temps éveillé» mais chez certains d’entre nous, «ce taux peut atteindre 94%» du temps. Et «si la pensée passe le plus souvent par le langage, la voix intérieure peut aussi s’appuyer sur des images».

 

Je suis donc normal ! Non pas que je me sois réellement interrogé précédemment sur ma normalité. On vit depuis qu’on est tout petit avec cette aptitude, ou cette malédiction, de se parler à soi-même, de se raconter des histoires, d’imaginer des choses, et cela nous paraît totalement naturel au fil des années. Au pire, on peut se demander juste si d’autres personnes sont comme nous, si tout le monde est comme nous ou au contraire si on est spécifique, spécial, particulier, anormal. Mais au fil des années, on ne fait plus vraiment attention. On s’habitue à faire avec cette petite voix intérieure. On lui fait imaginer des histoires merveilleuses où on est un héros tout puissant, où on vit des aventures extraordinaires.

 

Ou bien on arrête peut-être d’y faire attention. On arrête peut-être totalement de l’écouter en estimant être devenu un adulte responsable, un homme ou une femme importante, et qu’un adulte ne s’amuse pas à rêver. Cette petite voix intérieure nous sert peut-être alors à rôder nos arguments, à nous préparer aux réunions ou aux rencontres importantes, à imaginer les réactions des personnes que nous allons affronter ou que nous allons rencontrer.

 

Qui n’a pas entendu les gens, les autres enfants, les enseignants de notre enfance, nos responsables hiérarchiques, se moquaient d’un de nos camarades qui avait la tête dans la lune, qui rêvassait bêtement, qui baillait aux corneilles. Tant d’expressions négatives sur ceux qui rêvent trop, qui vivent supposément dans un autre monde.

 

Alors oui, on a effectivement appris à vivre avec cette petite voix intérieure, à la laisser s’exprimer, à lui laisser la bribe au cou dans certains moments, lorsque l’on est plus tranquille. Même si au fond, elle est pourtant toujours là. Comment imaginer que cette même petite voix, c’est aussi la voix de notre conscience, celle qui nous arrête lorsque l’on pense à se venger sur une quelconque personne qui nous a insulté, brûlé une priorité sur la route, ou avec laquelle on a un conflit. Cette petite voix qui nous dit : «tu ne peux pas souhaiter ça à quelqu’un sinon cela risque de se retourner contre toi». «Ce que l’on souhaite aux autres risque de t’arriver à toi-même». Au fil des années, on a pris l’habitude de prendre cette petite voix pour notre conscience, pour notre âme, pour notre instance de contrôle, pour notre MOI ou au contraire pour notre ÇA lorsque nos pensées nous semblent abjectes, incorrectes, violentes, primitives.

 

Au fil des années, on a pris l’habitude de prendre cette petite voix pour notre côté humain, civilisé, policé, pour ce qui nous rend bon, pour notre conscience ou notre âme. Un peu à la manière de Gémini Cricket. Et à tenter de rejeter cette partie de notre petite voix intérieure qui nous donne de mauvais conseils, qui nous fait penser à des choses que l’on refuse, cette partie que l’on prend pour notre côté ÇA ; la bête qui sommeille en nous. Il est des moments où cette petite voix intérieure peut fonctionner à plein régime, ou je la laisse déambuler tranquillement, sans contrôle, sans laisse ou entrave au cou ; ces moments, ce sont lorsque je marche seul, lorsque tous mes efforts inconscients ou conscients sont tournés vers l’effort ou vers la souffrance. Et au bout de plusieurs kilomètres, je me rends compte que j’étais parti dans un autre monde, porté par mes pensées, ailleurs. 

 

Notre petite voix intérieure est tellement naturelle que l’on ne pourrait pas imaginer faire autrement

 

L’article indique que «les recherches en imagerie montrent que pendant que nous lisons un texte en silence, les aires auditives du cerveau s’activent : nous entendons bien cette voix dans notre tête, souligne Hélène Loevenbruck». Effectivement, quand je lis, mais aussi quand j’écris comme maintenant, j’entends ce que je lis ou écris. Je prononce dans ma tête les mots que je lis ou que j’écris. C’est un mécanisme automatique et je ne saurais faire autrement. Et je n’aurais jamais pu penser qu’il puisse éventuellement en être autrement.

 

Imaginez-vous qu’il vous soit possible de lire un livre sans entendre le texte dans votre tête ? Certains en sont-ils capables ?  Est-il possible d’écrire un tel article sans entendre les mots, les phrases, se constituer dans votre tête ? Où il apparaît donc que cette petite voix intérieure occupe toutes mes pensées presque de manière permanente, et qu’il me serait presque totalement impossible de différencier l’écrit d’une certaine forme d’oralité intérieure. De manière assez amusante, je me rends aussi compte que je ne verbalise pas ce que j’entends à la télévision, ou dans les films. Ma petite voix intérieure se tait dans ces moments-là, ce qui donne une telle impression d’immersion dans une réalité alternative au cinéma ou à la télévision. Voire c’est ce qui peut aussi expliquer le danger d’une trop grande immersion pour les jeunes enfants devant la télévision.

 

Si on peut donc regarder un film ou la télévision, ou écouter une émission de radio, sans avoir besoin d’épeler tout ce que l’on entend, c’est donc qu’il est tout à fait possible que d’autres d’entre nous puissent lire ou écrire sans avoir besoin non plus d’user de la petite voix intérieure. D’autres peuvent en avoir besoin pour écouter ou voir probablement. C’est donc simplement fonction de notre type de mémoire ou d’intelligence que nous devons recourir à la verbalisation du langage écrit, à moins que ce ne soit lié à notre type d’apprentissage de l’écriture et de la lecture. Il reste ainsi de très nombreuses pistes de recherche à explorer, sur l’universalité de l’existence de la petite voix intérieure.

 

Autre information intéressante, sur l’âge d’apparition de cette petite voix intérieure.

 

«Les bébés développent une pensée verbalisée dès l’âge de 21 mois, avant même de parler ! Ensuite, les enfants pensent souvent à voix haute, pendant qu’ils jouent, puis intègrent vers 7 ans les inhibitions sociales liées au fait de parler tout seul, souligne Hélène Loevenbruck. Comme l’a montré le psychologue biélorusse Lev Vygotski, les conversations avec les parents alimentent les discours à voix haute des bambins. Les enfants intègrent ces dialogues dans un discours privé puis silencieux, afin de parfaire leur langage et de réguler leurs émotions. Les enfants élevés dans des familles aux habitudes de communication fécondes développent plus tôt cette composante de discours intérieur, commente le psychologue américain Ethan Kross dans À l’écoute de ma voix (éd. Kero, 2021).»

 

Normalité ou maladie mentale ?

 

Cet article du site «ça m’intéresse» présente aussi l’intérêt de répondre à la question qui peut tarauder certains d’entre nous sur leur anormalité et sur l’absence de maladie mentale. Comme indiqué dans l’article, certains d’entre nous peuvent entendre une autre voix que la leur au titre de leur petite voix intérieur, sans que cela ne soit un signe de maladie mentale. Certains peuvent avoir l’impression qu’ils entendent réellement une petite voix intérieure venant de l’extérieur, qu’il serait les seuls à entendre. Il doit être encore plus tentant de croire à une sorte de conscience extérieure, la voix d’un Dieu, ou la voix d’un démon, voire même de croire à une forme de mysticisme dans de tel cas.

 

«Enfin, certaines personnes entendent des voix qu’elles perçoivent comme extérieures. Comment l’expliquer ? Quand voulez prononcer le son “i”, le cerveau envoie une commande motrice pour que la langue et les lèvres se positionnent, explique Hélène Loevenbruck. Il met aussi en place un système de prédiction afin de s’assurer que le son émis sera conforme au son planifié. En plus de rendre notre parole fluide, ce système permet de savoir que nous sommes bien celui ou celle en train de parler. Lorsque l’on veut dire “i” dans sa tête, on déroule le même mécanisme, sauf que l’exécution motrice est inhibée. La sensation de voix résulte du simulateur interne qui génère un son prédit. Les signaux prédits et planifiés correspondent et l’on sait que le “i” que l’on entend dans notre tête a bien été produit par nous-même. Mais parfois ce système dysfonctionne, les signaux prédits et planifiés sont désynchronisés et les voix paraissent venir d’ailleurs. C’est un symptôme courant de la schizophrénie, mais ces hallucinations touchent aussi des personnes ne souffrant pas de troubles psychiques. Les entendeurs de voix ont longtemps lutté contre elles. Désormais, ils tentent d’apprendre à vivre en harmonie avec elles. Car, qu’elles soient uniques ou multiples, les voix intérieures sont partie intégrante de nous.

 

Entre 3 et 5 % de la population, sans trouble psychologique, entend des voix. Des voix rassurantes de proches, d’inconnus, de célébrités mais aussi des voix malveillantes, insultantes… D’après le psychologue Stéphane Raffard, qui a fondé la Clinique des voix à Montpellier (Hérault), ces personnes entendent 50 % de voix positives, 50 % de négatives (contre 90 % de négatives chez les schizophrènes). Ces hallucinations acoustico-verbales (HAV) apparaissent souvent après un traumatisme (agression, deuil…). Dans les cas les plus graves, les patients sont souvent traités avec des antipsychotiques. Dans des cas moins problématiques mais qui génèrent de la détresse, les entendeurs peuvent, grâce à des thérapies comportementales, les apprivoiser et prendre de la distance avec les plus toxiques.»

 

Si vous êtes dans un tel cas, vous n’êtes donc pas forcément fous … D’ailleurs, comment savoir que la voix silencieuse (mais pas vraiment) que j’entends dans ma tête est bien la mienne, est bien ma propre voix ? Après tout, qui n’a pas écouté un enregistrement de sa propre voix sans être capable de se reconnaître ? Cette petite voix chevrotante, haut perchée, ou au contraire terriblement grave … qui est tellement éloignée de la voix que vous entendez silencieusement, ou celle qui résonne dans votre gorge, dans votre tête, quand vous vous exprimez à haute et intelligible voix. 

 

Conclusion de cet article ? Dire que je pourrais entendre la voix de Maitre Yoda comme petite voix intérieure ; ce serait quand même sacrément TOP. Inversement, imaginons que j’entendrais la voix d’Emmanuel Macron comme petite voix intérieure, petite voix qui me susurrerait : « fais-toi vacciner, fais-toi vacciner »… On est d’accord ; là, ça serait carrément craignosse !!!

 

Bonne lecture intérieure

 

 
Saucratès


31/12/2022
0 Poster un commentaire

Pourquoi cherche-t-on toujours un responsable aux drames qui nous frappent

Pourquoi cherche-t-on toujours un responsable, un coupable aux drames qui nous frappent ?

 

Par Saucratès 

 

Saint-Denis de La Réunion, mardi 31 mai 2022

 

Il parait qu’il faut toujours trouver un ou des responsables aux drames qui nous touchent, et c’est vraisemblablement encore plus vrai lorsque ce sont nos enfants qui meurent. 


L’affaire du balcon effondré de la résidence Surcouf à Angers vient démontrer la véracité de cette hypothèse. En 2016, le balcon d’un appartement s’effondre pendant une fête étudiante. Il s’effondrera de quatre étages, emportant avec lui les balcons des étages qui sont en dessous de lui. Quatre étudiants décèderont dans cet accident. 

On pense forcément malfaçon, et pas inconscience. C’est en tout ce que le tribunal a jugé en condamnant trois des cinq prévenus à des peines de prison, même s’il a relaxé deux des cinq prévenus poursuivis. 

 

https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/05/31/balcon-effondre-a-angers-prison-avec-sursis-pour-trois-prevenus-et-deux-relaxes_6128322_3224.html

 

Et pourtant, sur un balcon au final relativement petit, ce sont dix-huit etudiants et étudiantes qui y étaient massés lorsque ce balcon s’est effondré, «dans un craquement glaçant» dixit Le Monde. Dix-huit jeunes massés sur un balcon de quelques mètres carrés ! Si ce n’est pas de la plus grande inconscience, qu’est-ce qu’il leur faut ! Plus d’une tonne de gamins entassés sur un balcon ! Même si les normes de construction devaient permettre à ce balcon de résister à un tel poids, à un tel effet de levier, à la base, c’est l’inconscience des dix-huit gamins qui aurait dû être pointée du doigt, et leur responsabilité engagée vis-à-vis des quatre d’entre eux décédés. 

https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/02/08/drame-des-balcons-effondres-quatre-semaines-de-proces-a-angers_6112769_3224.html

 

0A63D94E-219A-4ADD-A95E-EA28AF337E21.jpeg

(nota, on voit à l’autre bout de la façade du bâtiment l’équivalent des balcons qui se sont effondrés - photo du 16 octobre 2016, lendemain du drame)

 

Mais évidemment, le monde est ainsi fait que ces quatorze jeunes blessés dans l’effondrement du balcon, et les quatre jeunes décédés, sont des victimes innocentes, et que les responsables sont forcément les méchants architectes, responsables des travaux, et chef d’entreprise, qui ont participé à la construction de cette résidence. 

Alors oui, effectivement, comment dire à des familles effondrées, en pleurs, plus de cinq ans après le drame, que c’est l’inconscience et la connerie de leurs gamins et de leurs gamines qui est responsable de ces morts et des blessures des survivants et des survivantes ? Le tribunal ne le pouvait pas apparemment.

 

Parce que dix-huit jeunes inconscients se sont perchés sur un balcon, on va chercher et trouver la responsabilité de ceux qui ont participé à la construction de l’immeuble. Résultat, on doit faire des balcons capables de résister à des charges de 40 ou 100 personnes sous prétexte que des inconscients pourraient se masser à un tel nombre sur un balcon maintenu par quelques ferraillages sans aucun autre bras d’appui. Et effectivement, face à la justice, face à ses parents aigris et cherchant un responsable, il est forcément de bon ton de reconnaitre sa faute, de s’excuser, de se dire profondément affecté par ce drame. 

Mais merde, dix-huit gamins ou gamines sur le balcon au moment où il s’effondre, et combien quelques minutes auparavant … C’est de la pure inconscience. 

Comment aucun des parents présents lors de ce procès n’a-t-il eu l’intelligence, la capacité de reconnaître que leurs enfants étaient des fous et que c’était eux, en fait, leurs enfants, les véritables responsables de cette tragédie, et non pas les coupables poursuivis ! Mais ces pauvres parents qui auraient osé reconnaître cette responsabilité auraient vraisemblablement été immédiatement mis à mort par les autres parents !

 

Cette soif de trouver un responsable, de rendre responsable quelqu’un, n’importe qui, du drame qui nous frappe, semble être une constance de l’humain. Triste humanité !

 

 

Saucratès

 

 

Nota : ci-après un article à peine postérieur à cet accident mortel interrogeant les normes de résistance des balcons au poids. Apparemment, un balcon de ce type devait être capable de supporter le poids d’une vingtaine de personnes. Mais on met aussi en garde contre le poids des jardinières suspendues aux balustrades des balcons ! L’article interroge aussi les traces d’humidité que l’on voit sous les balcons.

 

https://www.batiactu.com/edito/que-disent-normes-construction-balcons-46646.php


31/05/2022
0 Poster un commentaire

Où l’on se parle de notre petite voix intérieure

Où l’on se parle de notre petite voix intérieure
Par Saucratès 

 

Saint-Denis de la Réunion, mercredi 26 janvier 2022

 

Voilà un article extrêmement intéressant du site «ça m’intéresse» sur «notre petite voix intérieure». Au fond, je ne m’étais jamais vraiment posé la question de savoir si c’était normal ou non, d’avoir des pensées qui s’entrechoquent dans la tête, d’avoir une petite voix dans la tête qui tourne en boucle. Et cet article répond en fait très bien à cette interrogation et j’ai eu envie de le partager avec vous.

 

https://actu.caminteresse.fr/psychologie/dou-vient-notre-petite-voix-interieure-11182038/

 

Chers lecteurs et chères lectrices, vivez-vous donc avec une petite voix intérieure dans la tête qui vous parle presque tout le temps ? Si la réponse est oui, c’est donc que vous êtes normaux/normales. Selon Russel Hurlburt ou Charles Fernyhough, on soliloque en moyenne «en silence 23% du temps éveillé» mais chez certains d’entre nous, «ce taux peut atteindre 94%» du temps. Et «si la pensée passe le plus souvent par le langage, la voix intérieure peut aussi s’appuyer sur des images».

 

Je suis donc normal ! Non pas que je me sois réellement interrogé précédemment sur ma normalité. On vit depuis qu’on est tout petit avec cette aptitude, ou cette malédiction, de se parler à soi-même, de se raconter des histoires, d’imaginer des choses, et cela nous paraît totalement naturel au fil des années. Au pire, on peut se demander juste si d’autres personnes sont comme nous, si tout le monde est comme nous ou au contraire si on est spécifique, spécial, particulier, anormal. Mais au fil des années, on ne fait plus vraiment attention. On s’habitue à faire avec cette petite voix intérieure. On lui fait imaginer des histoires merveilleuses où on est un héros tout puissant, où on vit des aventures extraordinaires.

 

Ou bien on arrête peut-être d’y faire attention. On arrête peut-être totalement de l’écouter en estimant être devenu un adulte responsable, un homme ou une femme importante, et qu’un adulte ne s’amuse pas à rêver. Cette petite voix intérieure nous sert peut-être alors à rôder nos arguments, à nous préparer aux réunions ou aux rencontres importantes, à imaginer les réactions des personnes que nous allons affronter ou que nous allons rencontrer.

 

Qui n’a pas entendu les gens, les autres enfants, les enseignants de notre enfance, nos responsables hiérarchiques, se moquaient d’un de nos camarades qui avait la tête dans la lune, qui rêvassait bêtement, qui baillait aux corneilles. Tant d’expressions négatives sur ceux qui rêvent trop, qui vivent supposément dans un autre monde.

 

Alors oui, on a effectivement appris à vivre avec cette petite voix intérieure, à la laisser s’exprimer, à lui laisser la bribe au cou dans certains moments, lorsque l’on est plus tranquille. Même si au fond, elle est pourtant toujours là. Comment imaginer que cette même petite voix, c’est aussi la voix de notre conscience, celle qui nous arrête lorsque l’on pense à se venger sur une quelconque personne qui nous a insulté, brûlé une priorité sur la route, ou avec laquelle on a un conflit. Cette petite voix qui nous dit : «tu ne peux pas souhaiter ça à quelqu’un sinon cela risque de se retourner contre toi». «Ce que l’on souhaite aux autres risque de t’arriver à toi-même». Au fil des années, on a pris l’habitude de prendre cette petite voix pour notre conscience, pour notre âme, pour notre instance de contrôle, pour notre MOI ou au contraire pour notre ÇA lorsque nos pensées nous semblent abjectes, incorrectes, violentes, primitives.

 

Au fil des années, on a pris l’habitude de prendre cette petite voix pour notre côté humain, civilisé, policé, pour ce qui nous rend bon, pour notre conscience ou notre âme. Un peu à la manière de Gémini Cricket. Et à tenter de rejeter cette partie de notre petite voix intérieure qui nous donne de mauvais conseils, qui nous fait penser à des choses que l’on refuse, cette partie que l’on prend pour notre côté ÇA ; la bête qui sommeille en nous. Il est des moments où cette petite voix intérieure peut fonctionner à plein régime, ou je la laisse déambuler tranquillement, sans contrôle, sans laisse ou entrave au cou ; ces moments, ce sont lorsque je marche seul, lorsque tous mes efforts inconscients ou conscients sont tournés vers l’effort ou vers la souffrance. Et au bout de plusieurs kilomètres, je me rends compte que j’étais parti dans un autre monde, porté par mes pensées, ailleurs. 

 

Notre petite voix intérieure est tellement naturelle que l’on ne pourrait pas imaginer faire autrement

 

L’article indique que «les recherches en imagerie montrent que pendant que nous lisons un texte en silence, les aires auditives du cerveau s’activent : nous entendons bien cette voix dans notre tête, souligne Hélène Loevenbruck». Effectivement, quand je lis, mais aussi quand j’écris comme maintenant, j’entends ce que je lis ou écris. Je prononce dans ma tête les mots que je lis ou que j’écris. C’est un mécanisme automatique et je ne saurais faire autrement. Et je n’aurais jamais pu penser qu’il puisse éventuellement en être autrement.

 

Imaginez-vous qu’il vous soit possible de lire un livre sans entendre le texte dans votre tête ? Certains en sont-ils capables ?  Est-il possible d’écrire un tel article sans entendre les mots, les phrases, se constituer dans votre tête ? Où il apparaît donc que cette petite voix intérieure occupe toutes mes pensées presque de manière permanente, et qu’il me serait presque totalement impossible de différencier l’écrit d’une certaine forme d’oralité intérieure. De manière assez amusante, je me rends aussi compte que je ne verbalise pas ce que j’entends à la télévision, ou dans les films. Ma petite voix intérieure se tait dans ces moments-là, ce qui donne une telle impression d’immersion dans une réalité alternative au cinéma ou à la télévision. Voire c’est ce qui peut aussi expliquer le danger d’une trop grande immersion pour les jeunes enfants devant la télévision.

 

Si on peut donc regarder un film ou la télévision, ou écouter une émission de radio, sans avoir besoin d’épeler tout ce que l’on entend, c’est donc qu’il est tout à fait possible que d’autres d’entre nous puissent lire ou écrire sans avoir besoin non plus d’user de la petite voix intérieure. D’autres peuvent en avoir besoin pour écouter ou voir probablement. C’est donc simplement fonction de notre type de mémoire ou d’intelligence que nous devons recourir à la verbalisation du langage écrit, à moins que ce ne soit lié à notre type d’apprentissage de l’écriture et de la lecture. Il reste ainsi de très nombreuses pistes de recherche à explorer, sur l’universalité de l’existence de la petite voix intérieure.

 

Autre information intéressante, sur l’âge d’apparition de cette petite voix intérieure.

 

«Les bébés développent une pensée verbalisée dès l’âge de 21 mois, avant même de parler ! Ensuite, les enfants pensent souvent à voix haute, pendant qu’ils jouent, puis intègrent vers 7 ans les inhibitions sociales liées au fait de parler tout seul, souligne Hélène Loevenbruck. Comme l’a montré le psychologue biélorusse Lev Vygotski, les conversations avec les parents alimentent les discours à voix haute des bambins. Les enfants intègrent ces dialogues dans un discours privé puis silencieux, afin de parfaire leur langage et de réguler leurs émotions. Les enfants élevés dans des familles aux habitudes de communication fécondes développent plus tôt cette composante de discours intérieur, commente le psychologue américain Ethan Kross dans À l’écoute de ma voix (éd. Kero, 2021).»

 

Normalité ou maladie mentale ?

 

Cet article du site «ça m’intéresse» présente aussi l’intérêt de répondre à la question qui peut tarauder certains d’entre nous sur leur anormalité et sur l’absence de maladie mentale. Comme indiqué dans l’article, certains d’entre nous peuvent entendre une autre voix que la leur au titre de leur petite voix intérieur, sans que cela ne soit un signe de maladie mentale. Certains peuvent avoir l’impression qu’ils entendent réellement une petite voix intérieure venant de l’extérieur, qu’il serait les seuls à entendre. Il doit être encore plus tentant de croire à une sorte de conscience extérieure, la voix d’un Dieu, ou la voix d’un démon, voire même de croire à une forme de mysticisme dans de tel cas.

 

«Enfin, certaines personnes entendent des voix qu’elles perçoivent comme extérieures. Comment l’expliquer ? Quand voulez prononcer le son “i”, le cerveau envoie une commande motrice pour que la langue et les lèvres se positionnent, explique Hélène Loevenbruck. Il met aussi en place un système de prédiction afin de s’assurer que le son émis sera conforme au son planifié. En plus de rendre notre parole fluide, ce système permet de savoir que nous sommes bien celui ou celle en train de parler. Lorsque l’on veut dire “i” dans sa tête, on déroule le même mécanisme, sauf que l’exécution motrice est inhibée. La sensation de voix résulte du simulateur interne qui génère un son prédit. Les signaux prédits et planifiés correspondent et l’on sait que le “i” que l’on entend dans notre tête a bien été produit par nous-même. Mais parfois ce système dysfonctionne, les signaux prédits et planifiés sont désynchronisés et les voix paraissent venir d’ailleurs. C’est un symptôme courant de la schizophrénie, mais ces hallucinations touchent aussi des personnes ne souffrant pas de troubles psychiques. Les entendeurs de voix ont longtemps lutté contre elles. Désormais, ils tentent d’apprendre à vivre en harmonie avec elles. Car, qu’elles soient uniques ou multiples, les voix intérieures sont partie intégrante de nous.

 

Entre 3 et 5 % de la population, sans trouble psychologique, entend des voix. Des voix rassurantes de proches, d’inconnus, de célébrités mais aussi des voix malveillantes, insultantes… D’après le psychologue Stéphane Raffard, qui a fondé la Clinique des voix à Montpellier (Hérault), ces personnes entendent 50 % de voix positives, 50 % de négatives (contre 90 % de négatives chez les schizophrènes). Ces hallucinations acoustico-verbales (HAV) apparaissent souvent après un traumatisme (agression, deuil…). Dans les cas les plus graves, les patients sont souvent traités avec des antipsychotiques. Dans des cas moins problématiques mais qui génèrent de la détresse, les entendeurs peuvent, grâce à des thérapies comportementales, les apprivoiser et prendre de la distance avec les plus toxiques.»

 

Si vous êtes dans un tel cas, vous n’êtes donc pas forcément fous … D’ailleurs, comment savoir que la voix silencieuse (mais pas vraiment) que j’entends dans ma tête est bien la mienne, est bien ma propre voix ? Après tout, qui n’a pas écouté un enregistrement de sa propre voix sans être capable de se reconnaître ? Cette petite voix chevrotante, haut perchée, ou au contraire terriblement grave … qui est tellement éloignée de la voix que vous entendez silencieusement, ou celle qui résonne dans votre gorge, dans votre tête, quand vous vous exprimez à haute et intelligible voix. 

 

Conclusion de cet article ? Dire que je pourrais entendre la voix de Maitre Yoda comme petite voix intérieure ; ce serait quand même sacrément TOP. Inversement, imaginons que j’entendrais la voix d’Emmanuel Macron comme petite voix intérieure, petite voix qui me susurrerait : « fais-toi vacciner, fais-toi vacciner »… On est d’accord ; là, ça serait carrément craignosse !!!

 

Bonne lecture intérieure

 

 
Saucratès


26/01/2022
0 Poster un commentaire