Les gilets jaunes - Quater
Réflexion huit (mercredi 16 janvier 2019)
Où le mouvement des gilets jaunes réinterroge le principe même du consentement à l'impôt, ou plutôt les injustices face aux taxes et à l'impôt !
Ce mouvement des gilets jaunes, que ce soit au niveau national, ou à son niveau réunionnais, a remis en exergue, en lumière, le principe premier de l'importance du consentement à l'impôt pour le citoyen ! Ce qui n'était qu'un principe juridique voire philosophique, cantonné aux livres juridiques, aux théories constitutionnelles, redevient brutalement, dans le cadre de ce mouvement social, un sujet d'actualité brûlante !
Qu'est-ce que le consentement à l'impôt ? C'est avant tout une notion très ancienne, remontant au début du parlementarisme occidental, à l'époque de la royauté. Ultérieurement, ce principe du consentement à l’impôt est reinstauré par un décret de la Constituante le 17 juin 1789. «Le texte proclame que désormais toutes les contributions existantes sont illégales et nulles parce qu’elles n’ont pas été consenties. Dorénavant, aucune levée d’impôt ne pourra s’effectuer si elle n’a pas été préalablement décidée par l’assemblée représentative des citoyens.» On retrouve ce principe dans l’article 14 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 27 août 1789, qui dispose : «Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée».
https://www.cairn.info/revue-regards-croises-sur-l-economie-2007-1-page-27.htm
Voilà pour le principe juridique du consentement à l'impôt. En clair, cela signifie simplement qu'il n'est pas aussi évident que cela d'accepter de payer les taxes et les impôts que l'Etat, le fisc, nous demande, et que notre consentement, notre acceptation s'explique par le fait que ce sont nos propres représentants au parlement, des représentants dans lesquels nous avons placés notre confiance et dans lesquels nous avons confiance, qui les ont votés. Et c'est bien cela qui est remis en cause par le mouvement des gilets jaunes, et plus largement et de manière souterraine, par une majorité des contribuables français. Cette question de confiance et de consentement. Ce ne sont d'ailleurs plus nos représentants au parlement qui décident des quotités, assiettes et recouvrements, mais des énarques et des technocrates.
Le lien ci-dessus sur Cairn.info fait également un lien intéressant entre le paiement de l'impôt et la citoyenneté dans les pays en développement, qui, selon l'auteur, «ne fiscalisent généralement qu’une partie de leur économie, souvent les quelques grandes sociétés étrangères présentes, leurs salariés et ceux des organismes publics. Le reste de la population, c’est à dire l’essentiel, constitue un secteur pudiquement nommé informel».
Il poursuit :
«La fiscalité ne peut jouer dans ce cadre le rôle de lien de citoyenneté qu’elle a historiquement rempli dans les pays occidentaux (...). L’impôt est nécessaire à l’éveil de la conscience politique. Sans impôt, pas de nécessité de rechercher le consentement des citoyens, pas de conscience des droits et des devoirs, et pas de débat démocratique réel.»
Dans un pays comme la France où le travail non déclaré, le secteur informel, dans certains secteurs d'activité est aussi fortement developpé, on peut s'interroger. Ce fort développement s'explique-t-il par l'ancienneté de la contestation de l'impôt ou simplement par une volonté d'échapper au fisc et la volonté de bénéficier de prestations sociales indues ?
Le fait de lier la fiscalité et la citoyenneté est un des messages forts que j'ai entendu dans le mouvement des gilets jaunes. Derrière la contestation de telle ou telle taxe sur les carburants, on entend aussi une remise en cause des cadeaux faits aux très riches, comme la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) voulue et donnée par Macron.
On peut alors s'interroger sur la poursuite de l'existence de ce lien entre impôts et citoyenneté, lorsque l'on voit les plus riches des contribuables organiser leur non-imposition en France, cherchant les cieux les plus cléments en matière fiscale ou les paradis fiscaux les plus opaques pour y cacher leurs fortunes ! Lorsque l'on voit des stars du business ou des milliardaires français se réfugier en Patagonie, en Suisse, en Belgique, en Russie ou au Portugal pour ne plus payer d'impôts, même ces mêmes personnes continuent d'utiliser les infrastructures publiques françaises ... routes, autoroutes, aéroports ... les forces de police pour proteger leurs biens, qu'ils continuent à vendre leurs albums, leurs films ou leurs produits à des francais, à parader dans des émissions de télévision francaise ... ou à se faire enterrer royalement en France !
Enfin, le dernier message que j'ai retenu des gilets jaunes, c'est la remise en cause de l'absence égalité de tous devant l'impôt. Cette impression que les énarques et technocrates parisiens ignorent ce qu'est la vie en province (ou à La Réunion), où l'on ne peut se passer de voitures, où les réseaux de transport en commun ne permettent pas de se déplacer aussi facilement qu'à Paris et en région parisienne.
Mais on découvre aussi par la même occasion que nous ne sommes pas tous égaux devant l'impôt. Un article du Monde indiqué ainsi que des députés échappent totalement à l'impôt. Comment est-il possible qu'une personne dont les revenus dépassent 5.300 euros nets mensuel, sans compter les défraiements pour frais de mandat (5.000 euros par mois dans sa forme précédente), la gratuité des voyages en train ou en avion, puisse ne pas avoir d'impôts sur le revenu à payer et même se faire rembourser quelques centaines d'euros au titre de l'impôt.
Il n'y a aucune égalité devant l'impôt. Les députés en premier, qui votent nos impôts, se sont octroyés le droit d'échapper à l'impôt sur le revenu, en déclarant non imposables certaines des sommes qu'ils touchent (alors que nous, nous devons même payer des impôts sur des taxes que l'on paye sans les toucher, à savoir la CSG et la CRDS), en construisant des systèmes pour échapper à l'impôt, ou en organisant leur non imposition !
Pour conclure, je reprendrais une phrase de l'article publié sur Cairn.info dont le lien est reproduit plus haut :
«Lorsque les individus sont soumis à une autorité qui ne repose sur aucune autre légitimité que la force brutale, le prélèvement fiscal apparaît comme purement confiscatoire et il est évident que la résistance à l’impôt se confondra avec la résistance au pouvoir.» On est plus très loin de cette situation en France !
Saucratès
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