La mort et une question
La mort et une question
Par Saucratès
Saint-Denis de la Réunion, samedi 19 mars 2022
Il arrive que des morts d’amis proches ou d’inconnus vous fassent prendre conscience de certains faits troublants. La mort est une chose abominable lorsqu’elle touche des gens bons, humains, justes. Si la mort devait me prendre, elle ne ferait que faire disparaître quelqu’un de haineux, rancunier, méchant, sans cœur, n’aimant pas les autres. Mais Atoussa était tout le contraire de moi, une jeune femme douce, aimante, avec des rêves plein la tête. Quelqu’un de foncièrement bon, foncièrement gentille, foncièrement aimante, foncièrement tolérante. Elle rêvait d’ailleurs, elle rêvait de vivre en Corse, de travailler à la Banque de France de Corse, de vivre à Saint-Pierre-et-Miquelon. Et c’est vrai que moi aussi, j’en ai rêvé de cette île de Saint-Pierre-et-Miquelon. La faute pour ma part à un film que je n’ai même pas vu : la veuve de Saint-Pierre. Si Atoussa avait su qu’il lui restait si peu d’années à vivre, qu’aurai-elle fait de sa vie et de ses rêves ? Lorsque l’on meurt aussi jeune … elle avait à peine plus de cinquante ans … lorsque l’on sait que l’on ne pourra pas vivre ses rêves, qu'éprouve-t-on ?
Atoussa est allée au bout de nos angoisses. A-t-elle éprouvé cette peur d’en parler à ses proches que j’ai moi-même ressentie ? En tout cas, elle est partie vivre et combattre sa maladie loin de ses proches pendant de longs mois, auprès de ses parents, auprès de ses nombreux frères et sœurs, et puis elle est finalement rentrée auprès de ses proches, pour mourir. C’est horrible. Atoussa était une personne si bonne.
Lorsque je vois les personnes autour de moi, leur capacité d’empathie, la manière dont ils sont touchés par les malheurs qui frappent autour de nous ou par le décès d’Atoussa, je me dis que je n’ai pas vraiment de cœur, que je ne ressens pas vraiment d’empathie pour ceux qui m’entourent, que je suis sans cœur. Un cœur sec. Peut-être est-ce le cas. Suis-je incapable de rien éprouver pour les autres ? Suis-je un monstre sans coeur, incapable de penser à autre chose que de calcul et de rationalité ? Atoussa, tu étais autre chose qu’une simple amie. Tu étais notre sœur, notre collègue, notre amie, même si je t’ai fuie lors de tes derniers mois de ta vie. J’en suis désolé. J’eusse dû profiter de chaque moment où j'aurais pu te revoir. Sache que je garderai de toi l’image de quelqu’un de foncièrement bonne, foncièrement humaine, de foncièrement attachée aux autres, préoccupée des autres.
Atoussa, de son nom de baptême Thérèse, était née en Iran, exilée avec sa famille en France, et morte à la Réunion, à l’âge de 51 ans. Repose en paix Atoussa.
Saucratès
Nota :
Me reviennent ces quelques mots ouvrant une chanson d‘Adrian Ström (en remplaçant homme par femme pour parler d’Atoussa) :
«Je n'ai rien de particulier. Je suis un homme ordinaire avec des pensées ordinaires et une vie ordinaire. Aucun monument ne m'est dédié et mon nom sera vite oublié. Mais d'un certain côté, j'ai aussi bien réussi que n'importe qui.»
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