Critiques de notre temps

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Réchauffement climatique et économie

Saint-Denis de La Réunion, mardi 11 août 2020

 

Je vais traiter aujourd’hui d’économie et de réchauffement climatique, pour reprendre un dialogue à distance entretenu avec M. Bruno Bourgeon. Avant tout, je tiens à indiquer que je ne suis pas climato-sceptique, je suis en effet persuadé que l’activité de l’homme est en grande partie responsable des émissions croissantes de gaz à effet de serre qui sont elles-mêmes la cause du réchauffement climatique de notre planète Terre. Mais ceci étant dit, je ne suis pas comme ces excités qui exhibent comme preuve du réchauffement climatique tout fait qui corrobore la hausse des températures. Incendies monstrueux en Australie ou en Sibérie, record de température en décembre 2019 à l’Ile de la Réunion ... Je ne me retrouve ainsi pas du tout dans les égéries de la lutte contre le réchauffement climatique comme Greta Thurnberg. Ces jeunes leaders seront peut-être demain de grands leaders politiques et conduiront le monde, la Terre, à un grand changement, mais je crains plutôt qu‘ils ou plutôt elles seront les meneurs d’un fascisme écologique mondial qui pointe peu à peu son nez. Mais je comprends aussi que ces jeunes puissent être considérées par d’autres comme des messies, des leaders éclairés.

Ceci étant précisé, le monde n’étant pas encore ni fasciste ni une dictature écologique, je vais en revenir à mon propos liminaire sur l’économie.

 

1) Comment le monde économique pourrait-il intégrer les contraintes du réchauffement climatique et de l’épuisement des ressources naturelles dans la formation des prix et dans la production des biens et services et leur consommation par les usagers ?

 

Tel est en effet le but de l’économie. Expliciter et mettre en équation le fonctionnement du monde et des échanges économiques. Et dans le cas présent, comprendre pour quelles raisons les prix du pétrole et des ressources naturelles en voie d’épuisement n’intègrent pas cet épuisement annoncé. Car le fonctionnement normal de l’économie voudrait que face à l’engorgement du monde, à l’épuisement des ressources naturelles et aux émissions croissantes de gaz à effet de serre, les prix de ces différents biens et services devraient exploser en intégrant les effets du réchauffement climatique. Ce renchérissement limiterait peu à peu l’usage de ces biens à une seule élite de super-riches, ce qui aurait pour effet de réduire les émissions de GES et l’épuisement des ressources naturelles liés à la fabrication et à la consommation de ces biens. Ce serait ainsi le cas de l’essence et du pétrole, de la viande de bœuf, des voyages en avion et du tourisme. Face à une essence à plus d’une dizaine d’euros du litre, à de la viande de bœuf ou de poulet à plusieurs centaines d’euros du kilo, à des billets d’avion à plusieurs dizaines de milliers d’euros, les consommateurs normaux n’auraient plus la possibilité d’en consommer ou de s’en offrir, et ils n’émettraient plus autant de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Sans essence, il n’y aurait plus de véhicules automobiles, plus de voyages en avion ... Les prix des matières premières et des produits polluants auraient dû normalement croître peu à peu pour que la transition ne soit pas trop violente, afin que les consommateurs des classes pauvres ou moyennes se restreignent peu à peu. 

On peut penser que ce fonctionnement économique normal est monstrueusement injuste et violent, pratiquement fasciste. Tout le monde trouverait-il normal, moral, acceptable, que ces biens mauvais pour la planète continuent d’être produit et consommé, en petite quantité, au bénéfice seulement d’une fraction enrichie de la population ? Pour une seule élite ? Mais il faut aussi noter que produits et consommés en petite quantité, ces biens et services ne sont pas mauvais pour la planète. C’est seulement leur usage et leur production en masse qui est mauvais pour la planète. 

Et au fond, dans la réalité, on accepte déjà tous les jours un tel fonctionnement. On accepte l’existence de produits de luxe, plus agréables, plus efficaces, plus beaux, que seuls une poignée de riches peuvent s’offrir. On accepte par exemple l’existence des Ferrari et des Buggati lorsque tout le monde ne peut rouler qu’en Peugeot ou en Renault ...

 
2) Mais ces mécanismes économiques de régulation par les prix n’ont bizarrement pas fonctionné, et ont conduit au contraire à la production de masse de biens de consommation, aggravant leur impact en terme de pollution ...

 

De manière très surprenante, ces mécanismes économiques n’ont effectivement pas fonctionné convenablement dans le monde capitaliste occidental, ni ailleurs d’ailleurs ; les prix de tous les biens et services n’intègrent ainsi pas les effets de leur épuisement annoncé et du réchauffement climatique. Bien au contraire, ces biens et services se sont démocratisés et ils ont été produits de plus en plus massivement, jusqu’à rendre flagrant l’impact de leurs émissions de GES. Comment cela s’explique-t-il ?

Face à ce mécanisme économique normal, qui voudrait que les prix reflètent le coût de fabrication réel des biens et services, les positions des extrémistes écologistes et des collapsologues visent à l’interdiction de l’utilisation et de la commercialisation de ces biens et services néfastes pour la planète. Ils ne visent pas à réguler par les prix leur usage et leur commercialisation, mais ils veulent leur interdiction absolue. Interdire les SUV et les 4x4 par exemple parce qu’ils polluent plus que les autres véhicules automobiles. Interdire les voyages en avion. Ecceterra. 

Mais en même temps, on pourrait dire que le fait de limiter l’usage de ces biens et services aux seuls plus riches consommateurs n’est guère plus acceptable socialement ni plus juste éthiquement parlant. D’une certaine façon, on voit ainsi s’opposer deux visions du monde : une vision économique, inégalitaire, contre une vision morale ou plutôt moralisante et égalitariste. Régulation par les prix contre interdiction pour tous et jugement ou condamnation moral. D’un côté, on plonge vers encore plus d’inégalités sociales. De l’autre, on donne à une minorité de dictateurs en herbe le droit de décider ce que l’on a le droit de consommer et d’acheter. Et le risque existe que la liste des interdictions s’étendent de plus en plus, selon les goûts de chacun des dictateurs autoproclamés.


3) Peut-on expliquer le fonctionnement imparfait de l’économie mondiale ou bien proposer des solutions ... ou bien comment expliquer cette absence d’une véritable volonté politique mondiale ...

 

Je ne suis évidemment pas compétent pour expliquer les raisons du fonctionnement imparfait des marchés et des prix. Pour quelles raisons les prix du pétrole ne reflètent-ils pas le niveau de raréfaction de cette ressource naturelle, pas plus que les prix de toutes les autres ressources naturelles ou minérales ? Pour quelles raisons le prix du pétrole a-t-il autant baissé depuis la crise financière de 2007, voire est-il presque devenu négatif pendant la pandémie de coronavirus ? Pour la même raison que le prix du diesel et de l’essence ne peut pas socialement dépassé 1,20 ou 1,50 euro sans violente réaction populaire ou sans mouvement de blocage des transporteurs à La Réunion ou en France. Il y a des raisons politiques et sociales en interne, il y a des raisons de conflits ou d’arbitrage internationaux. Et il y a des raisons liées à la spéculation financière. Et certainement encore d’autres raisons ...

 

La spéculation permet à des financiers de spéculer et de gagner des milliards sur à peu près tout ce qui se négocie. Les technologies des énergies renouvelables. La baisse des devises internationales. La baisse des cours des marchés en période de crise financière. La baisse de l’immobilier en cas de crise des subprimes. La spéculation sur les masques, les gels et les vaccins en période de pandémie. Et demain sur les ressources en eau en cas de crise écologique. 

Le fonctionnement des marchés, donc du capitalisme, est totalement imparfait, contrairement à toutes les théories sur la concurrence pure et parfaite. La bonne allocation des ressources financières, idéal-type du capitalisme est évidemment remise en cause par les ravages de la spéculation financière.

 

4) Le concept d’externalités négatives et de pollution offre un cadre théorique permettant de comprendre les dysfonctionnements du système capitaliste d'établissement des prix ...

 

On sait que le capitalisme ne sait pas non plus gérer la pollution, et qu’une instance supérieure, l’Etat, doit obligatoirement imposer des taxes au capitalisme et aux industriels pour prendre en compte le coût de la pollution pour la collectivité et pour les citoyens. Mais si ce principe marchait bien très bien au temps de l’Etat nation, cela ne fonctionne plus dans le cadre de la mondialisation, lorsque les industriels et les financiers peuvent déplacer leur système productif dans les pays les moins-disants en matière de législation et de protection.

 

Il en va de même pour la composante de raréfaction des ressources naturelles, et d’émission de gaz à effet de serre. Le marché ne peut pas les prendre en compte parce que c’est une forme ressemblant  au concept de pollution ou d’externalités négatives. Leur prise en compte par le marché n’est possible que si elle est imposée par un Etat ou par la communauté internationale. Et du fait de la mondialisation, il ne faut pas que ces industriels puissent trouver des états moins disants en terme de normes. Et nous savons évidemment que ce n’est pas le cas. Chaque État cherche à être moins disants que ces voisins, même et surtout dans l’Union européenne. Moins-disants en règles sociales, moins disants fiscalement comme l’Irlande ou les Pays-Bas ...

Aujourd’hui, la seule façon de légiférer sur ce sujet par nos Etats occidentaux dans ce domaine est de cibler les consommateurs. C’est pour cette raison que nous sommes abrutis de taxes. Viser les producteurs ne peut que conduire à la fuite des productions déménageables, même s’il n’en reste pratiquement pas en France.  Les États préfèrent ainsi taxer directement les consommateurs, sans toucher aux marges des producteurs. Mais cet excès de taxe à la consommation crée des mouvements sociaux de contestation, que ce soit celui des bonnets rouges en Bretagne ou celui des gilets jaunes.

 

Il faudrait une législation internationale visant à faire payer le vrai prix pour tout ce qui aide à la mondialisation des échanges, pour tout ce qui émet des gaz à effet de serre. Imposer la prise en compte des coûts économiques et sociaux liés à la gestion des externalités négatives (pollution, émission de gaz à effet de serre, épuisement des ressources, droit des générations suivantes à bénéficier de ces ressources ...). Seraient concernés toutes les activités polluantes ou émettrices de GES : véhicules automobiles des particuliers, déplacements aériens, frets pour les échanges internationaux, bétail pour l’alimentation humaine. Vrai prix du pétrole pour intégrer sa pollution et son épuisement prochain. Mais tout ceci doit se faire au niveau international.

 

Et tout ceci ne peut pas se faire immédiatement. Nous avons vu pendant ce confinement et cette pandémie les ravages qu’un arrêt du commerce international et des transports aériens peut provoquer. Manque de médicaments, de produits, de matériels. Il faudra des années, voire des décennies, pour relocaliser tous les systèmes de production au plus proche des consommateurs.

 

Y a-t-il donc un espoir ? Cela me semble très improbable. Mais est-on d’ailleurs prêt à tout payer plus cher, à moins consommer, ne pas changer de téléphone, d’ordinateur, de montre connectée, de voiture, tous les quatre matins ? Et à voir certains, les plus riches, de continuer à pouvoir les acquérir et les utiliser ? Sans en être envieux et haineux ? Et qu’en penseront les intégristes de l’effondrement ? 

 


Saucratès



11/08/2020
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