Critiques de notre temps

Critiques de notre temps

La philosophie, Kant et la politique

Je rêve à la philosophie comme havre de paix dans l’enfer politique et l’enfer des relations internationales. Plutôt que d’énoncer des vérités absolues comme les vulgaires présentateurs médiatiques qui pullulent dans les médias, comme les innombrables hommes d’état, petits ou parfois grands, qui pullulent dans le monde entier, j’espérais que la philosophie et les philosophes qui professaient la philosophie pouvaient offrir un autre regard au monde, une autre vision de l’actualité, en dehors de l’hystérisation du débat politique. Peine perdue.

 

J’ai cru trouver sous la plume de Mickaël Fœssel une telle approche, notamment lorsqu’il rappelait que c’est la philosophie de Kant qui permet d’expliquer que «la philosophie s’identifie aujourd’hui communément à la critique des autorités en matière de savoir et de pouvoir …». 

«Comme son étymologie l’indique, la critique résulte d’une crise. Elle naît de ce que Kant diagnostique comme étant la crise de la métaphysique, à savoir que les discours portant sur les choses qui sont hors de l’expérience - Dieu, l’âme ou la liberté - se contredisent sans que l’on puisse les départager. Certains prétendre que l’âme est matérielle, d’autres qu’elle est immatérielle, les uns affirment et les autres nient l’existence de Dieu, etc. À partir de là, Kant identifie une crise dans les fondements du savoir. Et, pour sortir de l’arène métaphysique, ce Kampfplatz, dit-il, où les philosophes s’opposent de manière vaine et interminable, eh bien il ne faut pas y entrer, mais réfléchir aux règles du jeu. Le geste critique consiste à interroger les conditions qui rendent les discours vrais. À quelles conditions est-il possible d’accéder à une connaissance objective ?»

 

https://www.philomag.com/articles/michael-foessel-lhumanite-cest-la-liberte-point-final

 

Mais je suis tombé dans le journal Le Monde sur un autre article de ce même Mickael Fœssel sur l’extrême-droite, je me suis rendu compte qu’il y avait un monde entre les écrits du philosophe et la mise en œuvre qu’il en faisait dans la réalité politique, dans son combat contre l’extrême-droite.

 

https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/07/06/dreux-1983-une-lueur-au-commencement-de-la-nuit-par-michael-f-ssel_6247325_3232.html

 

On peut penser personnellement tout ce que l’on veut de l’extrême-droite, entre ceux qui y militent et ceux qui sont persuadés qu’on a déjà essayé l’extrême-droite en 1941 et que l’on sait ce qui en a découlé. On voit surtout que certains en appellent au front républicain, à l’arc républicain pendant les élections pour faire battre les candidats d’extrême-droite, et puis ensuite estiment que ces mêmes députés présentés comme la lie de la société doivent avoir droit à certains postes à l’Assemblée nationale. Quoiqu‘en puisse en penser, il serait utile que la philosophie nous offre un angle de lecture serein du monde, et non pas participe à l’hystérie collective en énonçant des vérités supposées.

 

Aucune victoire électorale ne se déroule de manière propre et policée. La campagne électorale de Dreux de l’extrême-droite n’est pourtant pas très différente de la prise de la mairie de Saint-Denis par les socialistes autour d‘Annette ou de Bareigh. Ou de la campagne électorale de Paris par Anne Hidalgo. Ou bien encore des dernières élections législatives de 2024 où l’ensemble des médias encartés dans l’arc républicain ont enchaîné les éditoriaux catastrophiques et les manipulations de l’opinion publique. Mais c’était évidemment pour la bonne cause, combattre l’extrême-droite, et toutes les excuses et toutes les armes sont bonnes pour empêcher une telle victoire. 
 
Aussi, ce qui s’est passé en 1983 à Dreux était sûrement abominable. Mais on en trouverait d’aussi terribles campagnes électorales dans pleines d’autres villes, dans plein d’autres circonscriptions électorales, à plein d’autres époques, avec les mêmes lots de manipulations médiatiques, de mensonges et de rumeurs malveillantes, de traîtrises, de la part d’autres partis politiques, de droite, de gauche ou du centre. Et ce n’est pas selon moi la place d’un philosophe écrivant sur Kant de s’essayer à un tel exercice, sans essayer de mettre en œuvre sa propre définition de ce que doit faire la philosophie à la suite du Kantisme : «réfléchir aux règles du jeu, interroger les conditions qui rendent les discours vrais, déterminer les conditions permettant d’accéder à une connaissance objective.»

 

La question est donc celle-là. Dans le monde politique national ou international dans lequel nous vivons, comment la philosophie peut-elle nous apporter un éclairage non partisan dans les débats autour des extrêmes-droites européennes et leur exclusion de toute représentation collective, autour des différences de perception entre les dangers que représentent les extrêmes-droites et les extrêmes-gauches, autour des alliances de tous les autres partis, ceux appartenant à l’arc républicain, contre l’extrême-droite, autour de la guerre entre la Russie et l’Ukraine, entre Israël et les palestiniens du Hamas, autour de la remise en cause en Afrique des processus électoraux et la condamnation par les gouvernements occidentaux de la généralisation des putschs militaires etc ? 
 
Sur tout ceci, je ne peux rien attendre de Mickaël Fœssel qui assène comme les autres ses certitudes que je pense politiciennes.

 
On nous certifie que nous vivons en démocratie mais les libertés publiques n’ont jamais été aussi restreintes que de nos jours, probablement parce que nous touchons du doigt la potentialité d’une véritable démocratie. Dans les 1960, il n’y avait pas véritablement de démocratie comme aujourd’hui pour toute une fraction de la population française : les jeunes, les femmes, qui vivaient toujours sous la coupe du chef de famille, pratiquement comme à Rome près de 2.000 ans auparavant.
 
Nous vivons ainsi dans un monde où la liberté d’opinion et d’informer est bafouée. Il apparaît normal à l’Arcom que l’ensemble des médias n’offrent aucune tribune à une extrême-droite représentant 30% des électeurs mais l’Arcom condamne et interdit de diffusion sur la TNT des chaînes qui selon eux mettent trop en avant les positions de la droite et de l’extrême-droite. Et LFI de jubiler sur l’exclusion de C8 de la TNT et de regretter que CNews n’ait pas elle-aussi été exclue de la TNT. Et si on avait interdit de publication Le Monde ou L’Humanité pour non représentation des idées de l’extrême-droite ? Si un gouvernement d’extrême-droite prenait un jour une telle décision, ce serait la démocratie qui serait en jeu. Le retour de la censure. Un appel au soulèvement de tous les républicains. Et pour C8 ou NRJ12 ? En le disant, on comprend l’inanité d’un tel reproche : le principe est justement d’empêcher toute diffusion des idées d’extrême-droite !

 
Au fond, rien, nul ne peut offrir la moindre sérénité, la moindre interprétation mesurée et dépassionnée dans ce monde où l’hystérie domine. On ne peut être que pour ou contre, partisan d’un côté ou de l’autre. Certains ont défini unilatéralement le BIEN et le MAL. Le BIEN est d’un coté, contre la Russie, contre le Hamas, contre les extrêmes-droites, contre Trump, contre les juntes militaires (mais comme le BIEN interdit de critiquer l’Afrique, on évite soigneusement de se prononcer), pour tout ce qui est LGBTQIA+, pour l’islamisme modéré,  pour la lutte contre le réchauffement climatique, etc. Le MAL est l’autre côté : ceux qui ne condamnent pas la Russie, le Hamas, les extrêmes-droites, ceux qui ne condamnent pas Trump, les juntes militaires, ceux qui n’applaudissent pas les LGBTQIA+, l’islamisme, la lutte contre le réchauffement climatique, etc. 

Un homme de BIEN condamne désormais. Ceux qui ne condamnent pas ce que l’on nous dit de condamner sont les adeptes du MAL. Voilà la nouvelle philosophie de notre époque !

 

 

Saucratès



26/07/2024
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