Critiques de notre temps

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L'affaire du groupe de Tarnac (2)

http://delinquance.blog.lemonde.fr/2012/11/13/tarnac-julien-coupat-reapparait-pour-mieux-disparaitre/


Réflexion douze (8 mars 2011)
Justification et contre justification ...


Pour ceux qui comme moi suivent avec intérêt cette affaire du groupe de Tarnac ... affaire dans laquelle Julien Coupat, Yldune Lévy et quelques autres de leurs amis ont été arrêtés comme des criminels dangereux et accusés de sabotages et d'actes terroristes pour avoir supposément déposé quelques crochets sur des candélabres de la SNCF ... et qui attendent avec impatience le procès qui devra vraisemblablement se tenir un jour ... deux articles publiés dans le journal Le Monde devraient paraître intéressants.


Le premier de ces points de vue émanent du groupe de Tarnac, les dix personnes mises en examen (Aria, Benjamin, Bertrand, Christophe, Elsa, Gabrielle, Julien, Manon, Matthieu et Yildune) ... qui ont choisi de classer leurs prénoms par ordre alphabétique pour éviter toute mise en valeur de l'un ou l'une d'entre eux ...

http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/02/24/paris-texas-une-proposition-politique-des-mis-en-examen-de-tarnac_1484538_3232.html


Ce texte extrêmement bien écrit, comme l'étaient les précédents courriers de Julien Coupat, voire comme le livre «L'insurrection qui vient» du Comité invisible, dresse un parallèle entre la situation politique et insurrectionnelle dans le Maghreb et celle dans nos pays occidentaux européens ...


Il ne s'agit pas uniquement d'un parallèle. Ils notent premièrement le changement de ton des médias français (je penserais également aux gouvernements européens) devant ces révoltes populaires à partir du moment où elles sont devenues victorieuses. La victoire rend légitime ce qui quelques jours auparavant n'était qu'actes terroristes de bandes criminelles.


Et cela les conduit à dresser un parallèle avec la situation française et européenne, où des systèmes policiers sécuritaires pourchassent quelques groupes d'opposants politiques avec des méhodes guère différentes de celles de leurs séides tunisiens ou d'autres états du Maghreb ... et une même condamnation pour 'actes terroristes' ...
 

« (...) Ceux qui peignent aujourd'hui aux couleurs les plus lugubres l'impitoyable dictature de l'atroce Ben Ali ne le trouvaient-ils pas hier encore si fréquentable ? Il faut donc qu'ils mentent aujourd'hui, comme ils mentaient hier. Le tort de Michèle Alliot-Marie réside d'ailleurs là : avoir dévoilé en quelques phrases à l'Assemblée nationale que, derrière tant de dissertations d'écoliers sur la différence entre leurs dictatures et nos démocraties, se cache la continuité policière des régimes; en quoi les uns sont certes plus experts et moins grossiers que les autres (...) »

 
Ils appellent comme d'autres à une transposition en France des évènements tunisiens, égyptiens et libyens, pour qu'une immense révolte populaire chasse le président Sarkozy, le contraigne à fuir loin de la France, dans un ranch au Texas près de son ami Bush comme ils concluent leur point de vue ... Ils vont même plus loin que moi en souhaitant que comme en Tunisie, tous les symboles honnis de l'état sécuritaire soient également emportés par la révolution : forces de police, prisons ...  
 

« (...) Le silence frileux des gouvernants européens sur les événements de Tunisie et d'Egypte dit assez l'angoisse qui les étreint. Le pouvoir tient donc à si peu. Un avion décolle et c'est tout un édifice de forfaiture qui tombe en miettes. Les portes des prisons s'ouvrent. La police s'évanouit. On honore ce qui hier encore était méprisé, et ce qui était l'objet de tous les honneurs est maintenant sujet à tous les sarcasmes. Tout pouvoir est assis sur ce gouffre. Ce qui nous apparaît, à nous, comme démence sécuritaire n'est que pragmatisme policier, antiterrorisme raisonné (...) » 
 

Le deuxième point de vue émane d'un universitaire, Philippe Cibois, professeur émérite de sociologie de l'université de Versailles-St-Quentin, dont l'objectif est de démasquer et de dénoncer les méthodes du groupe de Tarnac.

http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/03/07/demasquer-les-methodes-du-collectif-de-tarnac_1488695_3232.html

 
Je ne serais vraisemblablement pas un bon commentateur de son article, de son point de vue, puisque je suis probablement trop proche de la position de ceux de Tarnac (les 'tarnaciens' comme il les appelle). Mais il leur reproche notamment de reconnaître et de recourir à des moyens dits terroristes comme des attaques de distributeurs automatiques, des attaques de voiture ou la pose de crochets sur des candélabres ... et il préconise de son côté l'usage uniquement de l'action non violente (boycott ...), seule autorisée selon lui dans une démocratie d'opinion ...

 
Pourtant, je n'ai pas l'impression que les dix de Tarnac reconnaissent la validité des actes symboliques criminels. Je crois simplement que dans cette liste à la Prévert, ils recensent l'ensemble des motifs futiles pour lesquels certains de leurs 'camarades' ont été victimes du système sécuritaire français ou plus largement européen ...

 
« (...) Dans les trois dernières années, nous dénombrons en France plus d'une vingtaine de camarades qui, toutes tendances confondues, sont passés par la case prison, dans la plupart des cas sous prétexte d'antiterrorisme et pour des motifs dérisoires – détention de fumigènes, introduction de glu dans des distributeurs de billets, tentative ratée d'incendie de voiture, collage d'affiches ou coup de pied.

 
Nous en sommes arrivés en janvier au point où la magie du signalement sur le fichier des "anarcho-autonomes" a mené une jeune femme en prison – pour un tag. Cela se passe en France, et non en Russie, et non en Arabie saoudite, et non en Chine.

 
Chaque mois désormais, nous apprenons qu'un nouveau camarade a été prélevé en pleine rue, que l'on a intimé à telle amie, après bien d'autres, de devenir indic en échange de l'impunité ou d'un salaire ou de conserver son poste de professeur, que telle connaissance a, à son tour, basculé dans la dimension parallèle où nous vivons désormais, avec ses cellules miteuses, ses petits juges pleins de haine rentrée, de mauvaise foi et de ressentiment, avec ses insomnies, ses interdictions de communiquer, ses flics devenus des intimes à force de vous épier (...) » 
 

Et contrairement à ce que semble penser cet universitaire, je n'ai pas l'impression qu'ils reconnaissent dans ce courrier la réalité de l'accusation du sabotage des lignes SNCF dont ils font l'objet. Ils ne font que plaindre «le tribunal qui aura à faire passer pour du terrorisme la pose de quelques innocents crochets» ... Car qu'ils soient coupables ou innocents de ces faits, il faudra effectivement que le tribunal et le ministère public démontrent que ces faits sont des actes terroristes ...

 

 
Saucratès

 

 

Précédent écrit sur le sujet :

https://saucrates.blog4ever.com/blog/lire-article-447196-2003499-l_affaire_du_groupe_de_tarnac.html



08/03/2011
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