Critiques de notre temps

Critiques de notre temps

Biens publics mondiaux (1)


Réflexion quatre (21 octobre 2008)
Quelles différences entre les notions de 'biens communs' et de 'biens collectifs' (ou 'biens publics mondiaux') ?...


Ces deux acceptations ('biens communs' et 'biens collectifs') sont-elles similaires ? Nous nous référerons à une première différenciation ... Le 'bien commun', c’est ce qui appartient à tout le monde (ou à personne), au présent et au futur. Il peut préexister, comme les ressources naturelles, ou être produit collectivement dans l’intérêt général.

Le 'bien collectif', c’est ce à quoi tout le monde doit avoir droit, ici et maintenant.

Quant au service public, c’est la manière dont doivent être gérés, produits et distribués ces biens communs et publics, et cela à toutes les échelles, du village à la planète.

La notion de 'bien commun de l’humanité' est récente. Elle se substitue progressivement à celle de 'res nullius' ... chose qui n’appartient à personne et dans laquelle - ou de laquelle - tout le monde peut se servir à volonté. Elle rencontre aussi les souverainetés refusant de voir diminuer leurs droits nationaux à ces biens, incluant le droit de les brader à des intérêts multinationaux.

L’idée de 'biens communs de l’humanité' impose de ne pas sacrifier le futur pour alimenter le présent - surtout lorsque ce qu’on alimente est le profit. L’idée de biens publics mondiaux ajoute judicieusement que l’on ne préservera pas non plus le futur en sacrifiant le présent, sauf sacrifices nécessaires librement consentis et équitablement répartis. Car la liberté du consentement dépend d’abord de l’équité de la répartition. Mais elle dépend aussi de l’équité de la réparation, si besoin est. Pour prendre le cas exemplaire du climat, la puissance des nations qui l’ont déstabilisé doit être en priorité requise pour le restabiliser !

L'histoire des 'biens communs' et des 'biens collectifs' est une longue histoire, une très longue histoire ... Elle commence au puit communautaire, à la fontaine publique, aux espaces communs de rencontre ou de vie. Elle remonte également aux voies de circulation (terrestre ou fluviale) servant aux échanges entre communautés voisines, ainsi qu'au moulin communautaire. En se développant, en s’organisant sur des bases géographiques de plus en plus larges, ces réalités communautaires, solidaires, donnent naissance à des fonctions nouvelles. Un réseau d’adduction d’eau ou d’énergie, de transport, de connaissances, nécessite une gestion d’ensemble, et un principe de répartition dans l’espace social concerné. Et une réglementation, une autorité pour la faire respecter. Tout se complique. Apparaît ainsi la nature véritable des biens collectifs, qui doivent pouvoir être utilisés par tous, sans distinction, mais dont la constitution initiale et l'entretien régulier nécessitent aussi le travail collectif de l'ensemble de la communauté, ou d'une moins, d'une partie. Les biens collectifs ne sont ainsi pas forcément naturels mais certains ont nécessité un travail de fabrication et nécessitent un entretien régulier de la part des utilisateurs.

La gestion commune d'un 'bien commun' fait appel à l’intérêt général présent et futur des collectivités concernées ; l’accès libre et équitable fait appel à la tradition forte du 'service public' ... Si forte que l’on oublie trop souvent qu’il s’agit du service d’un bien public, lequel doit être défini socialement par d’autres instances que celles des entreprises (“privées” ou “publiques”) prestataires de ce service.

On peut aussi interroger l'anthropologie sur ces deux notions', tout particulièrement sur celle de 'biens communs'. A la lecture de certains nombres d'anthropologues (Alain Caillé, Marcel Mauss, Marshall Sahlins, Claude Levi Strauss, Pierre Clastres ...), se construit une théorie du bien commun et de l'échange dans le cadre de la société ...

Selon Levi Strauss, les sociétés sont fondées sur un certain nombre de règles, dont celles qui régissent la parenté. Ces dernières visent à assurer la reproduction sociale à travers, en particulier, des femmes. Parmi les femmes, il faut distinguer celles qui sont proscrites pour risque d’inceste, et celles qui sont accessibles, voire recommandées (les mariages entre cousins croisés). Les alliances (mariages) créent des liens qui produisent la société comme lien de ces liens, à travers l’observance de règles de conduites prescrites dont les règles de parenté sont la matrice et le modèle. Outre ces flux d’épouses échangées, d’autres types de biens sont échangés. C’est ici que s’insère toute la réflexion anthropologique sur l’échange, le don, la réciprocité.

C’est l’absence de rareté et la faible quantité de travail nécessaire à la survie qui rendraient ainsi 'communs' des biens pré marchands. Et c’est cette même rareté qui introduit la valeur marchande de ces biens. On comprend que dans ce cadre la taille des unités sociales soit déterminante pour raisonner. L’augmentation de la population, sa concentration, produisent des changements économiques d’échelles et de modes d’organisation politique et sociale. Si les sociétés pré marchandes montrent l’existence de produits sans valeur car disponibles et dépourvus de rareté, ces denrées ou objet sont sans valeur d’échange et ne sont pas des biens mais une partie de l’environnement naturel pour ce qui concerne par exemple les fruits. A l’inverse, dès qu’il y a plantation et récole nous sommes en présence de biens, antichambre de la marchandise puisqu’il y a création de valeur d’échange, au moins potentielle. On constate aujourd’hui la montée en puissance de l’idée selon laquelle la nature (celle de l’environnement) est une richesse rare, qu’elle recèle des ressources peu renouvelables, rares elles aussi, que sa protection est devenue une question de survie d’abord, puis de vie durable.

Mais il est difficile d’échapper à une lecture non mythique de ces sociétés pour la plupart éteintes où la rareté ne pesait pas, ou peu, sur la valeur et où la sphère des échanges, fréquemment cérémoniels, avait plus d’importance et de valeur (sociale) que celle des biens, devenus depuis marchandises. Commun suppose non seulement un partage mais un partage égalitaire, moins en réalité que comme accès virtuel. En effet chacun peut ramasser des fruits selon ses besoins mais dès qu’apparaît la rareté s’imposent les contraintes liées à la valeur.

Et nous voilà face au développement durable qui se préoccupe, enfin, de la pérennité des échanges marchands portant sur des marchandises rares et peu renouvelables à la fois. Mais faire référence à des biens 'communs' présume l’existence d’une communauté sociale et donc d’une appartenance à un groupe identifié et circonscrit. Qui dit 'bien commun' implique une communauté ...

Les 'biens communs' nous rappellent un monde pré capitaliste et pré marchand, à la nature avant la rareté ... On pourrait dire aujourd'hui que les biens ont cessé d’être communs. Ce sont les risques qui sont partagés ...


Réflexion trois (10 octobre 2008)
Quelques autres définitions sur les Biens Publics Mondiaux


Qu'entend-on par 'biens publics mondiaux' ? Il en existent de nombreuses définitions, qui s'opposent parfois. Mais il en est rarement présenté une liste exhaustive. On parle souvent de l'eau, de l'éducation ou de la santé ? Mais plus précisément. Qu'est-ce qui rentre dans le champ des biens publics mondiaux ? Qu'est-ce qui en sort ? Un certain nombre d'économistes en ont proposé une énumération, pas toujours semblables. Un certain nombre de notions sont cependant souvent mentionnées :

1°) Le domaine de la connaissance
1.a. La création/production et le partage/diffusion des connaissances (notamment scientifiques, techniques ou culturelles)
1.b. La recherche fondamentale

2°) Le domaine de la santé
2.a. L'accès de toute l'humanité à un système de soins performants et peu onéreux
2.b. La lutte contre la propagation de maladies tel le SIDA ou le paludisme et le contrôle de certaines épizooties

3°) Le domaine de l'environnement
3.a. La réduction du réchauffement de la planète pour lutter contre le changement climatique
3.b. La préservation de la couche d'ozone
3.c. La préservation des milieux naturels et de la biodiversité
3.d. La dépollution de l'eau ou de l'air

4°) Le domaine des infrastructures
4.a. Les infrastructures de communication terrestres ou ferroviaires
4.b. Les réseaux d'eau, d'assainissement et de transport d'électricité

5°) Le domaine des droits et de la justice
5.a. La sécurité intérieure ou extérieure (la paix)
5.b. La justice
5.c. Les droits de l'homme
5.d. La liberté

6°) Les autres domaines
6.a. La lutte contre la pauvreté
6.b. La stabilité financière internationale
6.c. La diffusion la plus large possible des bénéfices de la mondialisation ou du libre-échange
6.d. Une administration intègre capable de faire respecter un certain nombre de règles et de lois
6.e. La vulgarisation des techniques agricoles

Cette énumération présente l'avantage mais aussi l'inconvénient d'être extrêmement large. Certains des biens cités ci-dessus ne sont pas assimilés par tous les théoriciens à des biens publics mondiaux, mais sont parfois uniquement appréhendés comme des biens collectifs nationaux. Le plus souvent, il y a peu de contestations pour les trois premiers domaines mentionnés (connaissance, santé, environnement). Par contre, les avis divergent pour les biens rattachés aux trois derniers domaines.

Les différentes définitions qui sont données de cette notion de 'biens publics mondiaux' éclairent également d'une certaine façon le débat les concernant.

D'une première manière, je serais tenté de dire que les BPM sont des biens indispensables à la vie de l'homme en société. Toutefois, cette définition ne recouvre-t-elle véritablement que les seuls biens publics mondiaux. N'existe-t-il pas des biens indispensables à l'homme en société qui ne soient pas des BPM ?

Une seconde définition que l'on peut donner des BPM se réfère à la notion économique de double défaillance des marchés et des états pour produire des biens collectifs. Par définition, un bien est en effet dit 'collectif' lorsque son usage par n'importe quel utilisateur ne remet pas en question sa disponibilité pour les autres et lorsque l'accès à ce bien ne peut être limité. Il suffit de transposer ce raisonnement du niveau national au niveau mondial et on mobilise ainsi le même appareillage analytique pour traiter de cette question. Les biens publics globaux sont donc des biens sans exclusion aux frontières ou de rivalités de consommation entre pays.

Selon cette conception libérale des BPM, un bien public est ainsi caractérisé par des indivisibilités (absence d'exclusion et de rivalité), par des rendements croissants et par des externalités (effets involontaires positifs ou négatifs générés par une activité et non comptabilisés) dont les différentes parties peuvent tirer profit. Les biens publics peuvent être financés par des prélèvements obligatoires ou privatisés en attribuant des droits de propriété sur ces biens moyennant un cahier des charges. La production de ces biens peut être alors réalisée soit par des accords contractuels entre agents (théorème de Coase), soit par des marchés des externalités (c'est l'exemple des marchés de droits à polluer), soit par des instances privées ou publiques de régulation (mesures réglementaires), soit par des gestions communautaires. Les biens publics mondiaux n'ont pas d'exclusion aux frontières ou de rivalités de consommation entre pays.

Une troisième définition analyse les mécanismes d'appropriation privée et publique de ces biens publics en termes d'économie politique et de patrimoine commun. Il existe des patrimoines communs dont la définition dépend des choix collectifs des citoyens. Mais les ressources communes de l'humanité sont largement appropriées par des pouvoirs privés et publics ce qui conduit à des exclusions. Une interrogation peut alors porter sur la légitimité des droits de propriété des agents privés ou des États sur ces biens considérés comme publics. Au nom de quoi des pouvoirs privés (par exemple des firmes multinationales) ou des pouvoirs publics ont-ils le droit de s'approprier ou de détruire ce patrimoine commun ?

Les biens communs ne peuvent en effet être les mêmes selon les sociétés, leur niveau de développement et leur mode d'insertion dans l'économie mondiale. Les relations de coopération ne peuvent être traitées indépendamment des rapports de force et des relations de conflits. Les ressources communes de l'humanité sont largement appropriées par des pouvoirs privés et publics conduisant à des exclusions. D'un côté il y a marchandisation de biens non marchands, droits de propriété sur des biens communs, allant depuis l'aliénation de ressources naturelles jusqu'au brevetage du vivant. De l'autre, il existe des États exerçant leur monopole dans l'espace national. Il existe des collusions mais également des conflits entre ces pouvoirs privés et publics. Il existe également des puissances hégémoniques.

Une première interrogation a trait au domaine que recouvrent ces biens publics mondiaux, sachant que l'on ne peut les définir en se référant aux seuls critères économiques. Mais qu'est-ce qui fait partie d'un patrimoine commun de l'humanité ? La diversité linguistique ? Les droits de l'Homme ? Le respect de la vie ? Les chefs-d'oeuvre artistiques ? Les ressources naturelles ? La connaissance ? La sécurité internationale ? Une seconde interrogation porte sur la légitimité des droits de propriété des agents privés ou des États sur ces biens considérés comme publics tels que la connaissance, la santé, le droit de vivre, la sécurité, la biodiversité etc. Au nom de quoi des pouvoirs privés (par exemple des firmes multinationales) ou des pouvoirs publics ont-ils le droit de s'approprier ou de détruire ce patrimoine commun ?

Dans ce cadre, la question des biens publics mondiaux renvoie à la décision politique, à la souveraineté des citoyens faisant des choix collectifs et donc à la question de la citoyenneté mondiale. Il s'agit de trouver des critères de décision permettant de définir les biens publics mondiaux. Il s'agit ensuite de faire des choix politiques s'imposant au niveau mondial. Mais à défaut de démocratie représentative au niveau mondial, on peut s'interroger sur la légitimité de ces formes de démocratie participative reposant sur une société civile internationale émergente (les organisations non gouvernementales notamment). Selon Inge Kaul du PNUD (Programme des Nations unies pour le développement), trois décalages majeurs sont recensés concernant les biens publics mondiaux. En premier lieu, un 'juridiction gap' ou l'écart croissant observé entre un marché mondialisé et des centres de décision nationalisés, ensuite un 'participation gap' ou le manque de légitimité et de représentativité des instances en charge des négociations intergouvernementales, et enfin un 'incentive gap' ou manque de sanctions ...


Réflexion deux (28 août 2008)
Retour sur la typologie des biens de Paul Samuelson ... entre biens privatifs et biens collectifs ...


Avant de s'intéresser plus précisément à la notion de 'biens publics mondiaux', il me semble intéressant de revenir sur la définition précise de ce que l'on entend par 'biens publics' ou 'biens collectifs', ce que j'avais déjà abordé dans mes réflexions sur l'économie de l'environnement. A la base de cette définition, on retrouve les travaux de Paul Samuelson (« The pure theory of public expenditure », Review of Economics and Statistics, vol. 56, 1954) qui, en 1954, a proposé une typologie des biens selon deux types de critères, fonction de la rivalité ou non-rivalité de leur usage, et de leur exclusivité ou non-exclusivité. On peut ainsi opposer les 'biens privatifs' aux 'biens collectifs' ('publics goods' en anglais que l'on traduit souvent par 'biens publics' même si ce mot ne possède pas en anglais la connotation étatique qu'il a en français).

- A un extrême, on trouve les 'biens privatifs' (usage rival et exclusif), qui correspondent à la majeure partie des marchandises et autres biens que nous connaissons (notamment une bonne partie des ressources naturelles prélevées dans la nature). Ce sont des biens dont l'usage par une personne interdit le plus souvent la consommation par une autre personne (rivalité) et qui doivent être acquis pour être consommés ou utilisés, ce qui signifie que toute personne qui ne peut l'acquérir est exclu de son usage (exclusivité).

- A l'autre extrême, on trouve les 'biens collectifs', qui selon Paul Samuelson, devaient respecter le critère de non-rivalité (signifiant que la consommation de ce bien par un usager n'entraîne aucune réduction de la consommation des autres usagers) et de non-exclusion (l'impossibilité d'exclure quiconque de la consommation de ce bien, qui entraîne par voie de conséquence l'impossibilité de faire payer l'usage de ce bien). Un exemple est l'éclairage public. L'usage d'un réverbère par un individu ne se fait pas au détriment de l'usage des autres consommateurs (non-rivalité) et il n'est pas possible de soumettre à paiement le bénéfice de l'éclairage public (non-exclusion).

« Ces deux caractéristiques des 'biens publics' ont une importante conséquence pratique : le libre fonctionnement des marchés ne permet généralement pas de les produire en quantité satisfaisante. A l'évidence, la production de ces biens publics présente un intérêt collectif, mais aucun agent privé n'a intérêt à s'engager dans la production de ces biens, dans la mesure où l'impossibilité d'en faire payer l'usage interdit de rentabiliser l'investissement consenti. Chaque agent privé a intérêt à adopter un comportement de 'passager clandestin' (ou 'free rider' dans la terminologie de Mancur Olson), c'est-à-dire à attendre que d'autres prennent l'initiative de la production du bien, pour pouvoir ensuite en bénéficier, sans supporter aucun coût. Dans ces conditions, il existe une forte probabilité que le bien ne soit pas produit, ou le soit en quantité inadéquate.

Cette lacune pourrait être surmontée si tous les acteurs privés se coordonnaient et produisaient le bien public en mutualisant les coûts. Mais cette coordination des agents privés n'est pas facile à obtenir, en raison des coûts de négociation, et des difficultés qu'il peut y avoir à contrôler, et sanctionner si nécessaire, l'application des règles communes. C'est pourquoi la solution optimale réside, à l'intérieur des frontières nationales, en la production de ces biens par la puissance publique. Comme il est impossible de faire payer l'utilisation du bien, sa production est financée par l'impôt. »

On appelle 'biens collectifs impurs' les biens qui ne répondent qu'à un seul de ces deux critères à la fois.

- Les 'biens collectifs' dont l'usage est non-exclusif mais rival sont appelés 'biens collectifs de type 1' ou 'biens rivaux en accès libre'. Ces biens, qui correspondent à certaines ressources naturelles telle les ressources halieutiques, posent cependant le problème de la 'tragédie des biens communs' (ou 'tragedy of the commons' d'après l'article de Garrett Hardin de 1968) qui entraîna le mouvement des enclosures en Angleterre à l'époque de Smith et de Ricardo. « L'accès libre à une ressource limitée pour laquelle la demande est forte amène inévitablement à la sur-exploitation de cette ressource et finalement à sa disparition. Chaque individu ayant un intérêt personnel à utiliser la ressource commune de façon à maximiser son usage individuel, tout en distribuant entre chaque utilisateur les coûts d'exploitation, est la cause du problème. » (source Wikipédia). La Tragédie des biens communs ne peut s'appliquer, dans un marché libre, qu'aux ressources ne pouvant être appropriées par personne : l'atmosphère, la biodiversité et l'océan par exemple.

- Les 'biens collectifs' non-rivaux mais dont l'accès est exclusif sont appelés 'biens collectifs de type 2' ou 'biens de clubs'. Il s'agit de biens dont on peut interdire l'accès, c'est-à-dire dont on peut réserver l'usage ou l'accès à ceux qui le paient. Comme exemple, on trouve notamment un certain nombre d'infrastructures telles le canal de Suez ou le canal de Panama, les autoroutes à péage, les stations d'épuration ou bien les chaînes de télévision cryptée.

L'expression 'biens collectifs' est le plus souvent employée pour désigner tant les 'biens collectifs purs' que les 'biens collectifs impurs' tels les 'biens de clubs' ou les 'biens communs'.

Dans la pratique, il existe des divergences d'opinions sur la liste des biens à classer comme des 'biens communs'. L'eau, l'air, la diversité des espèces vivantes sont en général considérés comme des biens communs. C'est aussi souvent le cas pour l'éducation, la santé, l'environnement, voire l'énergie. Par contre, pour les logiciels, les médicaments, les gènes, les semences agricoles, certains voudraient qu'ils soient considérés comme des biens communs universels, tandis que d'autres tentent de se les approprier à travers l'extension du domaine des brevets.

Aujourd'hui, des modes soft de confiscation se généralisent à travers l'appropriation privée des ressources collectives. Les délégations de service public, les partenariats entre secteurs public et privé sont des exemples d'instruments juridiques utilisés aussi bien pour construire des hôpitaux publics que pour gérer la propriété industrielle nécessaire à la production des médicaments à des prix abordables.


Réflexion une (23 août 2008)
Retour sur la notion de biens publics mondiaux ...


J'ai déjà abordé à plusieurs reprises cette notion de 'biens publics mondiaux' (BPM) dans mes réflexions sur l'économie de l'environnement, et également de manière plus succincte dans celles traitant du 'développement'. On pourrait donc s'interroger sur les raisons de ce retour sur cette notion. Mais cette notion est à ce point centrale en économie de l'environnement qu'il me semble important d'en traiter plus précisément.

Toutefois, à nous autres, occidentaux de ce début du vingt-et-unième siècle, les biens publics mondiaux nous semblent une préoccupation particulièrement vaine. Qu'est-ce qu'un BPM ? A quoi cela peut-il donc servir ? Comment les fabrique-ton ? Toutes ces questions semblent à la fois futiles et sans importance.

En effet, nous disposons pratiquement tous, nous autres habitants des pays occidentaux, d'un accès illimité à l'immense majorité des biens publics mondiaux que l'on peut estimer nécessaire, et ceci depuis notre naissance, pour peu que l'on soit né quelques années après la seconde guerre mondiale. De même, les personnes issues de l'immigration, même en situation irrégulière, bénéficient également d'un accès à de nombreux BPM.

Pourquoi donc s'inquiéter et s'intéresser à quelque chose d'aussi commun, naturel, et habituel que les biens publics mondiaux, et dont la disponibilité ne pose pratiquement aucun problème. S'intéresse-t-on à l'air que l'on respire lorsqu'il n'est pas pollué ? S'intéresse-t-on au vide spatial qui entoure la Terre (mis à part quelques physiciens) ? Ou s'interesse-t-on à la lumière solaire qui baigne nos journées et nous maintient en vie ? Il en va de même pour les biens publics mondiaux. L'occident ne présentant pratiquement aucun problème d'accès aux principaux biens publics mondiaux, rares sont les personnes qui leur accordent la moindre importance. Ce débat concerne évidemment avant tout les pays en développement et les pays nouvellement industrialisés d'Asie, pour lesquels la disponibilité pour tous, voire parfois pour quelques uns, n'est pas assurée.

Toutefois, en disant cela, je n'ai pas encore expliqué ce que recouvrait cette notion de BPM, ni ce qu'on entendait par BPM. J'utiliserais une définition (déjà utilisée) reprise sur le site du Ministère français des Affaires Etrangères ... Ainsi, les biens publics mondiaux « sont des biens ou des services indispensables au bien-être des individus comme à l’équilibre des sociétés du Nord et du Sud de la planète ... ». On peut aussi simplement dire qu'il s'agit de biens communs partagés par tous, ou disponibles pour tous.

En effet, il vaudrait mieux parler de 'biens collectifs' plutôt que de parler de 'biens publics', puisque le terme 'public' a en français une connotation de 'service public' qui n'existe pas en anglais. Toutefois le terme consacré est ... biens publics mondiaux ... Cette notion est issue de la transposition au plan mondial de la notion de 'biens publics' (ou biens collectifs), qui avait valu l'attribution du prix Nobel d'économie à Paul Samuelson en 1970.

Pour comprendre l'importance de cette notion de BPM ou de biens collectifs, et pour bien comprendre la réalité qu'ils recouvrent, il me semble qu'il est bon de partir du début de leur histoire. L'histoire des biens collectifs (ou biens publics) commence au puit communautaire, à la fontaine publique, aux espaces communs de rencontre ou de vie. Elle correspond également aux voies de circulation (terrestre ou fluviale) servant aux échanges entre communautés voisines ou au moulin communautaire. Apparaît ainsi la nature véritable des biens collectifs, qui doivent pouvoir être utilisés par tous, sans distinction, mais dont la constitution initiale et l'entretien régulier nécessitent aussi le travail collectif de l'ensemble de la communauté, ou d'une moins, d'une partie. Les biens collectifs ne sont ainsi pas naturels mais ont nécessité un travail de fabrication et nécessitent un entretien régulier de la part des utilisateurs.

En se développant sur des bases géographiques de plus en plus larges, les communautés villageoises ou étatiques ont eu besoin de la constitution de nouvelles fonctions collectives, tels des réseaux d'adduction d'eau ou d'évacuation des eaux usées, des réseaux de transport, une organisation de l'administration et de l'enseignement de la connaissance ...

La gestion commune d'un bien collectif fait ainsi appel à l'intérêt général des générations présentes mais aussi futures des communautés concernées, tandis que l'accès libre et équitable à ces biens collectifs doit être régulièrement défendu par la communauté, sous peine de les voir confisqués par une minorité au bénéfice d'une élite ou d'une corporation.


Saucratès



05/12/2010
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