Critiques de notre temps

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Billet d'humeur sur le prélèvement à la source

Réflexion une (mardi 4 septembre 2018)

Le prélèvement à la source

 

Voilà l’arlésienne de la réforme de l’impôt sur le revenu qui revient à la Une de l’actualité. Cette réforme se fera-t-elle ou ne se fera-t-elle pas ? Et pour quelle raison l’Etat et le gouvernement veulent-ils faire une telle réforme de cet impôt ?

 

L’Etat a lancé dans les entreprises une grande campagne d’explication de cette réforme, à travers les agents des impôts, et le ministère du budget a lancé au courant de l’été une grande campagne de publicité médiatique pour promouvoir cette réforme. Campagne médiatique complètement faussée évidemment, comme de nombreuses autres campagnes médiatiques gouvernementales. Je pense notamment aux publicités sur les onze (ou treize) mètres gagnés grâce à la réduction de la vitesse sur les routes départementales (onze ou treize mètres qui lui ont sauvé la vie !). Imaginons la même publicité expliquant les 10 centimètres qui ont sauvé la vie à un conducteur grâce à la réduction de la vitesse de 10 à 9 kilomètres-heures. De cette manière, on peut ramener la vitesse à 70, puis à 60, puis à 50 et jusqu’à 0 kilomètres heure sur les routes nationales ou départementales, avec toujours les mêmes arguments.

 

Revenons donc à la réforme de l’impôt sur les revenus. Quelques articles retracent les principales interrogations des pouvoirs publics sur cette réforme. Notamment un article des décodeurs du Monde.

https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/08/31/prelevement-a-la-source-les-quatre-risques-qui-font-hesiter-le-gouvernement_5348666_4355770.html

 

 - Doutes sur sa compatibilité avec le système fiscal français

 - Peur d’une incompréhension des contribuables

 - Risque d’un effet négatif pour la croissance

 - Crainte des bugs pour les contribuables et les entreprises

 

Si l’on en croit le ministre du budget, il n’y aurait plus aucun bug dans le système. Pourtant, hier, un article du même journal Le Monde faisait état que chaque mois, plusieurs centaines de milliers de nouveaux bugs apparaissaient à chaque mise à jour, pour des problèmes d’homonymie notamment, et que ces bugs continueront d’apparaître.

https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/09/02/prelevement-a-la-source-de-nombreuses-erreurs-lors-de-la-phase-d-essai_5349086_3234.html

https://www.lemonde.fr/politique/article/2018/09/03/le-prelevement-a-la-source-une-mesure-toujours-en-sursis_5349459_823448.html

 

Pour ma part, je suis aussi opposé à cette réforme et mes arguments diffèrent des raisons, des risques évoqués par Le Monde. Et je m’étonne que ces risques ne soient absolument pas évoqués par les journalistes, ce qui conforte mon interprétation que les médias ne sont présents que pour distiller les opinions du gouvernement, et en aucun cas pour servir de contre-pouvoir à ce gouvernement, surtout sous l’ère macroniste.

 

1)     La réduction des revenus retenus par les banques sur la capacité d’emprunt des ménages imposables

 

L’instauration du prélèvement à la source va mécaniquement faire baisser les salaires virés par les employeurs. Bien évidemment ! Les salariés vont se voir retenir leurs impôts par leurs employeurs, à charge à celui-ci de les reverser à l’Etat, comme ceux-ci reversent déjà les cotisations sociales et les cotisations de retraite aux organismes sociaux. Néanmoins, bien évidemment, les salaires que les banques vont voir être versés sur les comptes de leur clientèle salariée vont être minorés, d’un pourcentage compris en 5% à 20% vraisemblablement. Evidemment, ces mêmes clients n’auront plus à payer leurs impôts par prélèvements mensuels ou par tiers provisionnels, ce qui devrait être plus ou moins neutre pour leur trésorerie. Néanmoins, comment vont réagir les banques pour le calcul de la capacité d’endettement de ces ménages (ou plutôt de la totalité des ménages) ? Je pense notamment au calcul de la capacité maximum d’un ménage égale à 33% de ces revenus. Les banques vont-elles continuer à se baser sur un salaire net théorique qu’elles ne verront jamais pour lui appliquer le taux de 33%, ou bien se baseront-elles sur le salaire réellement versé, qui sera ainsi minoré de 5% à 20% selon la situation fiscale des salariés ? Evidemment que très vite, les banques utiliseront ce revenu sans tenir compte du prélèvement à la source. Les magazines qui se font fort de déterminer la surface habitable maximale moyenne qu’un salarié peut acheter dans l’immobilier (en fonction du prix moyen observé) devrait s’intéresser à ce sujet. De -5% à -20% de surface habitable, ce n’est pas rien alors que l’on s’amuse à calculer l’impact de la moindre infime variation de taux.

 

2)     La remise en cause du système fiscal français global

 

Comme l’article des décodeurs du Monde le signale, le prélèvement à la source n’est pas parfaitement compatible avec notre système de calcul de l’impôt sur le revenu basé sur les revenus du ménage dans son ensemble et de sa composition familiale. Le risque de cette réforme de la collecte de l’impôt, c’est bien que le gouvernement modifie ensuite par la suite la méthode de calcul elle-même de l’impôt sur le revenu, pour qu’il s’applique directement sur le salaire de chaque contribuable, sans référence au ménage, à la composition familiale ou aux diverses réductions ou déductions fiscales. Il y aura forcément des gagnants et des perdants dans une telle réforme fiscale qui ne dit pas son nom.

 

On peut donc contester et craindre une telle modification de la fiscalité, surtout puisqu’à nouveau, elle ne concernera principalement que les seuls salariés. Dans certains départements comme en outre-mer, ou dans les cités de la région Ile de France, il n’y a qu’une infime minorité des contribuables qui sont imposables, notamment en raison de l’existence d’une économie informelle institutionnalisée. Ce ne seront encore qu’une infime minorité des contribuables qui seront à nouveau ponctionnés, tandis qu’ils pourront se voir retirer toute aide de la collectivité dans le cadre de la réforme probable des déductions d’impôts pour déduction familiale (quotient familial, etc ...).

 

3)     La différence de traitement entre les très nombreux non imposables non salariés de l’économie informelle ou des bénéficiaires des aides sociales et les beaucoup moins nombreux salariés ou fonctionnaires corvéables et tondables à satiété

 

Quelle est la proportion de contribuables non imposables en France ? On en arrive à la proportion tout bonnement incroyable de 57% de contribuables non imposables pour la France entière. Seuls 43% des ménages français payent l’impôt sur les revenus ! Les autres en sont exemptés. En outre-mer, et notamment à la Réunion, c’est 80% des foyers fiscaux qui sont non imposables. Inversement, cela signifie donc que la charge de l’impôt se trouve concentrée sur seulement 20% des foyers fiscaux réunionnais ! Je trouve ces ratios invraisemblables. Ces ratios s’expliquent non pas par une misère générale des ménages français, mais pour une grande part, par une inimposabilité organisée par de nombreux contribuables potentiels, soit pour bénéficier des aides sociales et des aides publiques, ou pour profiter des divers biais de notre système fiscal, qui permet aux très riches contribuables, aux entrepreneurs individuels, aux patrons d’entreprise d’échapper à l’impôt en toute légalité.

 

En toute fin de chose, la machinerie fiscale se trouve concentrer sur les seules épaules des salariés et des fonctionnaires, qui se voient seuls imposer de financer l’Etat et le gouvernement, et la machinerie administrative et policière qui n’est chargée que de leur tomber dessus, de les contrôler, de les surveiller, de leur imposer limitations, amendes et taxes.

 

4)     Quid de la perception des impôts reposant sur les entreprises, sachant que de nombreuses entreprises ne sont déjà pas capables de reverser convenablement les cotisations sociales qu’elles prélèvent déjà sur leurs salariés

 

La question du prélèvement des cotisations sociales salariales et employeurs et leurs paiements réels aux organismes de sécurité sociale ou de retraite complémentaire est pourtant déjà un enjeu monstrueux. De très nombreuses entreprises ne règlent comme elles le devraient la TVA perçues, les cotisations salariales prélevées sur leurs employés, les éventuelles cotisations au profit de caisse de congés payés (dans le bâtiment), ou dans les organismes de retraite complémentaire, et le gouvernement veut leur transmettre le paiement de l’impôt sur le revenu, sachant que ce sera donc de nouvelles sommes que des employeurs peut scrupuleux pourront faire disparaître ou simplement ne pas payer, avec tous les risques et tous les ennuis qui s’abattront ensuite sur leurs salariés qui risqueront de se voir prélever deux fois ces sommes ? Les patrons peu scrupuleux sont-ils si rares, sachant que le gouvernement envisage une amélioration du taux de recouvrement de l’impôt sur le revenu, qui selon lui, devrait passer de 98% de taux de recouvrement à 99% de taux de recouvrement ? Quel est le taux de recouvrement de la TVA ? Des cotisations sociales dues à la Sécurité Sociale ? Des cotisations sociales dues aux organismes de retraite complémentaires ? Pour ces raisons, un taux de recouvrement de 99% me paraît immensément exagéré ! 

 

Et au final, les salariés feront-ils les frais de défaut de remboursement de leurs impôts par leurs employeurs ? Les employés du Fisc qui font la promotion de cette réforme de la collecte de l'impôt certifient que ce ne sera pas le cas. Mais qu'en sera-t-il réellement lorsque des patrons s'envoleront réellement avec les salaires, les cotisations, les taxes et les impôts de leurs salariés, ou quand ils ne remettront pas de fiches de paye à leurs salariés ? 

 

La logique et la sécurité voudraient que les salariés soient opposés à cette réforme, comme à tout projet de ce gouvernement ni de droite ni de gauche et sûrement pas du centre.

 

 

Saucratès



04/09/2018
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