Critiques de notre temps

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Du racisme anti-blancs

Quelques questions sur le racisme

Par Saucratès 

Saint-Denis de la Réunion, dimanche 10 décembre 2023

 

Nota bene : Je ne voudrais pas que l’on m’accuse de considérer que le racisme n’existe pas, que seul le racisme anti-blancs existe en France. Ce n’est pas mon idée. Le racisme existe évidemment, en France comme partout ailleurs. Même si, au sein de cette France, le département de la Réunion constitue une sorte de havre de paix où de nombreuses communautés ont réussi à vivre de manière sereine, où les apparences et les couleurs de peau sont juste des évidences (chinois, malbaraise, cafre, créole, mahorais, zoreil), sans que cela ne dénote aucun jugement, aucun racisme. 

 

Il reste à déterminer ce qui, dans ce racisme, relève de la haine et de la stupidité des autres, des racistes, et ce qui relève de l’attitude et le regard des victimes elles-mêmes, notamment face à ce que les sociologues appellent le racisme institutionnel de l’administration française elle-même. Il me semblait néanmoins important de le souligner en introduction pour qu’on ne se méprenne pas sur le sens de mon argumentation. Le racisme anti-blanc, de même que l’antisémitisme, n’est qu’une fraction des comportements racistes que l’on observe en France.

 

Qu’est-ce que le racisme ? Est-ce une question qui a un sens aux yeux de tous ? Ceux qui indiquent en être victimes depuis leur plus jeune âge peuvent-ils accepter que l’on pose cette question ? Pour ces populations issues de l’immigration en France, dont la couleur de peau n’est pas blanche, qui peuvent considérer que le racisme, c’est ce qu’ils vivent tous les jours, tout le temps. Et que le fait de tenter de le définir, revient à considérer comme nul et non avenu ce qu’ils vivent régulièrement. Comme si on leur demandait : «dites-nous en quoi ce que vous vivez est du racisme ?»

  

Voilà ce qu’écrit France Info sur le racisme anti-Blancs et le racisme en général :

 

«L'existence d'un racisme anti-Blancs fait toutefois l'objet de débats en France. Si la justice a bien reconnu des cas d'injures racistes pour des paroles prononcées envers des personnes blanches, les études d'opinion et les travaux de sociologues montrent qu'il existe une vraie différence entre ces insultes et l'expérience des personnes non-blanches en France. Les Blancs ne rencontrent pas de désavantages en raison de leur couleur dans les orientations à l'école, l'accès à l'emploi, au logement, à la santé ou dans les relations avec les institutions, détaillait ainsi le démographe et sociologue Patrick Simon.»

 

https://www.francetvinfo.fr/politique/edouard-philippe-juge-bien-possible-qu-il-y-ait-une-forme-nouvelle-de-racisme-anti-blancs-en-france_6234693.html

  

L’ancien premier ministre Édouard Philippe se prononce donc lui aussi sur ce racisme anti-blancs, objet de tous les débats, à la suite du Rassemblement national, mais assez simplement en ne l’excluant pas immédiatement.

 

Il y a donc opposition d’expériences et de vécus entre les blancs et les noirs autour de cette question du racisme. Et tenter de le définir ou de le circonvenir est une manière comme une autre de se faire une opinion sur cette question du racisme. 
 

Si le racisme c’est de rejeter l’autre en fonction de sa couleur de peau, de l’insulter et de l’agresser physiquement ou oralement dans un endroit où cette personne est minoritaire ou bien non majoritaire, alors effectivement, le racisme non-blancs existe dans nos cités, dans nos villes et aussi dans certains départements d’outre-mer français. 

 

Si on retient une définition plus institutionnelle du racisme, dans un regard plus sociologique comme l’écrit le sociologue Paul Simon, on retiendra alors pour définir le racisme, comme il l’indique, des expériences de désavantages en raison de leur couleur de peau dans les orientations à l'école, l'accès à l'emploi, au logement, à la santé ou dans les relations avec les institutions. 
 

Au fond, pour ceux que l’on appelle les personnes racisées, issues de l’immigration, elles ont l’impression que le racisme a muté. Avec le développement d’une forme de tolérance accrue dans la société envers les différences de couleur de peau, avec la criminalisation de tout acte raciste fondé sur la couleur de peau, les personnes racisées ne sont plus forcément très souvent confrontées aux insultes  et aux agressions verbales ou physiques quant à leur apparence et à leur couleur de peau. Ce n’est peut-être plus tout à fait leur vécu. Par contre, le racisme pour ces personnes continue de correspondre à ce qui fait leur vécu : l’orientation à l’école, l’accès à l’emploi, au logement, à la santé et les relations avec les institutions.

 

Si le racisme est le fait d’être victime plus que de raison de contrôles (au faciès) par les forces de police en comparaison d’autres personnes de couleur blanches, ces personnes racisées s’estimeront victimes du racisme institutionnel de la police, même si les policiers qui les contrôlent sont eux-mêmes racisées. 

 
Inversement, pour les personnes blanches de peau, le racisme restera les insultes et les agressions les visant en tant que personnes de couleur blanche de peau. Ces personnes-là ne rencontrent pas encore, ou bien très rarement, de difficultés dans l’orientation à l’école, dans l’accès à l’emploi, au logement, à la santé ou dans les relations institutionnelles, ou bien parce qu’elles ne les rattachent pas à leur couleur de peau. Parce qu’on a tous parfois des difficultés à communiquer avec des enseignants, à obtenir la bonne orientation pour nos enfants, à vivre des situations d’injustice en matière scolaire, punitions injustes. On a tous parfois des difficultés à trouver un travail et on peut rester longuement au chômage. De même, l’accès au logement est compliqué et la concurrence entre locataires féroce. Les réponses des médecins ne sont pas toujours faciles à obtenir. Et il vaut mieux pour tout le monde à ne pas avoir affaire à la police, à la gendarmerie ou à la justice. Donc on fait forcément profil bas lors d’un contrôle, parce qu’à tout moment, ce contrôle peut déraper. Alors effectivement, quelque soit la personne en face de vous, si vous partez en live, si vous l’accusez d’être raciste, si vous la traitez d’incompétente ou si vous lui niez le droit de vous contrôler, cette personne, quelque soit son statut, gendarme, flic, juge, caissière, vigile de supermarché, vous pourrira la vie, même si vous pensez être dans votre bon droit. Même si c’est à raison.

 
Au fond, le problème est peut-être de considérer comme des comportements racistes toutes ces petites violences institutionnelles, tous ces petits tracas institutionnels, qui concernent tout le monde, qui frappent tout le monde. Peut-être que certains d’entre nous en ont plus que les autres. Certains d’entre nous sont peut-être plus confrontés que d’autres à ces situations. À moins que leurs comportements, leurs attitudes, leurs façons d’être ou de vivre les exposent plus que d’autres à ces petits tracas, à ces petites violences. 
 

Dans le racisme institutionnel, tout est peut-être manière de voir. Si vous estimez qu’un contrôle d’identité est forcément un contrôle au faciès, et qu’il vous humilie devant vos enfants ou vos proches, vous le prendrez comme un acte raciste au lieu d’y voir le signe d’une police qui vous protège, vous et votre famille. Un enseignant d’anthropologie aimait raconter ces difficultés pour trouver un logement en France, racontant qu’après s’être fait éconduire par un propriétaire, il s’était fait passer pour un blanc au téléphone pour s’entendre dire que le logement était toujours libre. Certes. Mais combien de personnes de toute couleur de peau se font éconduire par des propriétaires qui recherchent le locataire disposant des meilleures références et des meilleures garanties. Et concernant l’accès au travail, n’est-il pas tout aussi compliqué de trouver un travail pour un salarié de plus de 50 ans ou de plus de 60 ans, sans que cela puisse être considéré comme un acte raciste ? Du racisme anti-vieux ?

 
Au-delà de ce racisme institutionnel qui ne dépend que du point de vue et de l’état d’esprit de celui qui y est confronté, de sa manière de voir ces petits tracas et violences quotidiennes, il y a le racisme caractérisé, ces violences physiques et verbales qui constituent des actes racistes.

 

Dans notre société française où la couleur de peau racisée est devenue un brevet de coolitude, où les personnes racisées subissent peut-être moins que par le passé cette forme de racisme primaire, banalisée, il est peut-être normal que ces mêmes personnes s’opposent à l’idée que ces mêmes violences dirigées contre des blancs sont considérés comme du racisme. Il ne faut pas que les exploiteurs blancs puissent se présenter eux-aussi comme des victimes ! Ce serait le monde à l’envers. D’où le fait que SOS Racisme se prononce rarement en défense de personnes de couleur blanche de peau victimes d’injures ou d’agressions racistes. Ou qu’elle ne se prononce pas sur ces faits aux Antilles. Probablement parce que les blancs n’ont rien à y faire, que ce soit aux Antilles, en Afrique ou ailleurs, surtout pour s’y comporter en terrain conquis.

 

D’où désormais un débat national pour modifier le regard sur le racisme, afin que les violences et les agressions verbales et physiques visant les blancs ne soient pas considérées comme des actes racistes, pour privilégier tous ces actes de la vie quotidienne qui sont sensés pourrir la vie des pauvres victimes racisées victimes du racisme de la société française dans son ensemble. Ou quand le sociologue investit le champ politique pour défendre les intérêts d’un groupe d’individus particulier en délaissant l’objectivité des situations!
 
 
Saucratès



10/12/2023
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