Critiques de notre temps

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Éthique et écologie

La question éthique est probablement le point le plus critique de la révolution écologique et économique qui frappe nos sociétés. Et cette éthique est fondamentalement multiple et plurielle, multitude et diversité en raison principalement de la toute aussi grande multitude des aspects écologiques que l’on a à étudier, à prendre en compte, à tenir compte.

 
Des raisons transgénérationnelles et internationales

Cette réflexion doit être éthique en raison d’abord des raisons et des conséquences de la question écologique elle-même. Ceux qui sont principalement les responsables des émissions passées des gaz à effet de serre ne sont majoritairement pas ceux qui en subiront les conséquences, qu’il s’agisse des oppositions générationnelles qu’on va y voir à l’œuvre, ou des oppositions entre pays riches et pays pauvres. Ceux qui ont majoritairement pollué la planète sont la génération des retraités actuels et ceux qui sont désormais proches de la retraite, et n’aspirent qu’à partir à la retraite, majoritairement dans les riches pays occidentaux, tandis que les jeunes générations qui se sentent désormais concernés n’ont que peu participé à ces émissions de gaz à effet de serre néfastes pour le climat.

 

De la même manière, l’opposition géographique sépare des pays riches peu concernés immédiatement par les conséquences du réchauffement climatique sur leurs écosystèmes, sauf exception comme aux Etats-Unis actuellement ou en Australie avec des mégafeux incontrôlables, et des pays en développement ou faiblement industrialisés qui sont plus directement touchés par les désordres climatiques (inondations, cyclones, sécheresses …).

 
Des raisons politiques et de justice sociale

Mais cette réflexion est surtout éthiquement importante en raison des conséquences des politiques climatiques sur les populations, sur les travailleurs, tout particulièrement sur les classes les plus pauvres de chaque État et des impacts populistes qui découlent de l’absence de prise en compte, autre que médiatique, des impacts délétères des politiques environnementales. Pour les gens intelligents qui nous dirigent, pour les gens intelligents qui analysent ces situations économiques et écologistes, la masse des électeurs est stupide, bornée et cette masse vote avec délectation et par stupidité pour des populistes manipulateurs qui les attirent avec des slogans haineux et faciles. Ceux-ci pensent certainement que si seuls les gens instruits et intelligents avaient le droit de vote, les populistes n’auraient aucune chance d’être élus et d’arriver au pouvoir. 

 
C’est notamment parce que les politiques environnementales ne prennent pas en compte les impacts sociaux et symboliques de leurs actions, de leurs lois, de leurs décisions, que l’on peut observer le divorce grandissant entre la masse du peuple et des élites dans lesquels le peuple ne se reconnait plus et que les élites ne comprennent pas plus. 

 

L’Agence française de développement propose ainsi un webinaire sur des compte-rendus de recherche sur «l’impact de la transition écologique sur un élément clé du système de protection sociale en Colombie, son système de retraites».


«La transformation structurelle de l'économie colombienne, visant à réduire l'empreinte environnementale, devrait modifier la disponibilité de certains types d'emplois, bénéficiant à certains travailleurs tout en laissant d'autres de côté. Ces dynamiques auront des implications importantes pour les systèmes de sécurité sociale, particulièrement dans les pays en développement où les filets de sécurité sociale et les systèmes de retraite contributifs sont moins développés.»

 

«Alors que le monde évolue vers une économie plus verte, le succès de cette transition ne se mesurera pas uniquement à la décarbonation, mais également à la mise en place d'alternatives favorisant un développement inclusif. Une inclusion équitable nécessite des systèmes de protection sociale solides pour soutenir les ménages susceptibles de rencontrer des difficultés au cours de cette transformation.»

 
Agence française de développement, webinaire du 5 février 2025. 

 

C’est là qu’il nous faut parler d’éthique. Comment est-il possible que nul ne s’interroge sur la légitimité de ces décisions politico-environnementales qui visent à faire disparaître certains types d’emplois pour en promouvoir d’autres qui bénéficieront à certains travailleurs tout en laissant d’autres sur le côté de la route. L’Afd estime ainsi que dans un pays non développé comme la Colombie, il faut réfléchir au système de protection sociale alors qu’en France, qui bénéficie d’un solide système de protection sociale, ce n’est pas utile, qu’un travailleur qui perdrait son travail bénéficierait du chômage ou de la retraite. 

Mais où se trouve l’éthique là-dedans, pour tous les travailleurs laissés sur le carreau ? Qui peut estimer que telle ou telle norme environnementale est plus importante que le sort de travailleurs ? 

Il en va exactement de même avec les concepts de ZFE (ou zones à faible émission) dans lesquelles ce sont les véhicules indispensables des travailleurs pauvres et des classes moyennes qui se trouvent rejeter à l’écart des grandes agglomérations, interdits d’y circuler parce que leurs vieilles guimbardes polluent. Ces mêmes agglomérations dans lesquelles se sont réfugiés tous les services publics et les hôpitaux. Comment une telle relégation des classes populaires loin des centres de vie des grandes agglomérations a-t-elle pu être pensé par des membres des élites administratives et politiques sans que personne ne soit choqué par la violence symbolique de cette relégation des classes populaires ? 

 

L’absence de toute forme de réflexion éthique dans les diktats politico-écologiques décidés par les élites administratives et politiques, par les penseurs et les économistes, qui décident à la place du peuple de ce qui est bon et beau, et qui maudissent par la suite ce même peuple parce qu’ils sont obtus, manipulables et qu’ils votent mal, et le véritable problème de notre époque. En ce début de vingt-et-unième siècle, il apparaît désormais clairement que l’on ne peut plus faire comme si le peuple ne comptait pas, on ne peut plus l’ignorer et dire que son vote est sans importance, parce qu’il nourrit désormais la montée des extrêmes et tout particulièrement de l’extrême-droite. 
 

Autres questionnements en éthique 

Mais il existe aussi évidemment de multiples autres dimensions à l’éthique en écologie. Comment oublier l’aspect éthique indissociable vis-à-vis du reste du monde animal ? Comment parler d’éthique sans parler de la souffrance animale liée à l’exploitation humaine via l’élevage, l’engraissage en vue de la consommation ou de la destruction des écosystèmes ?

 

De la même manière que l’homme blanc occidental s’est persuadé d’être le seul humain intelligent et doté d’une âme immortelle au cours des siècles précédents, l’homme, le plus souvent blanc et occidental, est également aujourd’hui persuadé d’être la seule espèce terrestre dotée d’intelligence et de sapience. C’est moins vrai pour les autres peuples dans d’autres sociétés, qui ont souvent entretenu des liens étroits symbiotiques avec certaines espèces animales. Même s’ils les exploitent et s’en nourrissent, ils les considèrent malgré tout comme proches d’eux, proches de leur famille. Un peu comme nos anciens paysans dans nos pays occidentaux qui vivaient beaucoup plus en symbiose avec leurs animaux que de nos jours, dans nos grandes exploitations agricoles industrielles, où les animaux sont traités comme des marchandises qu’il faut exploiter le plus industriellement possible et le plus rentablement possible. 

 
La question devient néanmoins, là aussi, de se demander comment on peut concilier la nécessité de nourrir convenablement huit milliards d’humains sur Terre en même temps que le respect d’une éthique vis-à-vis du reste du monde animal qui nous sert essentiellement de nourriture. Si nous sommes incapables de donner la parole aux multiples voix de l’humanité, si nous sommes incapables de prendre en compte leurs souhaits, leurs attentes et les conséquences qu’ils vivront à la suite des mesures politiques que nos dirigeants prendront, comment pourrait-on penser prendre en compte le reste du règne animal ? 


Au fond, l’écologie est une philosophie ou une science dans laquelle l’ordre des priorités est inversé. L’écologie donne plus de valeurs à la vie terrestre non humaine qu’aux désidératas des humains eux-mêmes qu’il leur faut éduquer et redresser. Pourquoi perdre son temps à répondre aux désidératas de l’humanité puisque celle-ci est mal éduquée, que ses priorités sont néfastes pour la planète et qu’elle ne cherche qu’à polluer toujours plus. D’où cette philosophie du redressement, de la contrainte, des normes imposées que représente le fascisme écologique.

 
 
Saucratès 



28/01/2025
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