Éthique et Économie
Éthique et Économie
Par Saucratès
Saint-Denis de la Réunion, samedi 6 mai 2023
Est-il utile ici d’introduire préalablement chacun de ces termes, chacune de ces deux branches de la connaissance humaine, de la connaissance de l’homme vivant en société ?
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Face à une matière qui traite des enjeux éthiques de la vie de l’homme dans la société, est-il utile ou nécessaire de définir les concepts d’homme, de société, d’économie et d’éthique, ou bien suffit-il de se contenter de mentionner, de rappeler, que ces diverses notions sont interdépendantes ? Parce que nous allons parler ici d’éthique économique, c’est-à-dire d’éthique appliquée au champ de l’économie.
L’Éthique en elle-même est au fond très simple. L’étude du Bien et du Mal, du Juste et de l’Injuste, et de la place de l’Homme au milieu de tout cela. En face de cela, qu’est-ce que l’Économie ?
Deux thèses opposées au minimum s’affrontent ? Dans l’une de ces thèses, l’Économie apparaît comme un lieu a priori, apparemment, où règne l’argent-roi, le culte du plus fort, de la puissance. En un mot, un lieu sans éthique, sans règles, sans loi, si ce n’est la seule loi de la jungle. Un lieu où les plus forts seuls survivent. Au fond, il s’agit de la thèse communiste, marxiste.
En face, à l’opposé, une deuxième thèse adverse postule que ceci n’est pas véritablement vrai. Si c’est le cas, s’il s’agissait réellement d’une jungle, d’un lieu sans foi ni loi, comment pourrait-on parler d’éthique, de règles éthiques valables au niveau de chaque individu membre de la société humaine, si le champ entier de l’économie échappait totalement aux principes et aux interactions éthiques des individus entre eux ? L’éthique ne s’arrête pas aux portes du monde économique, mais le pénètre évidemment. L’idée d’un monde sans règle, sans foi, sans loi, n’est en fait qu’une vue de l’esprit sans prise directe sur la réalité des actes et des échanges économiques.
Il existe bien sûr des thèses encore plus rationalistes, favorables au monde de l’Economie. Des thèses qui postuleront que l’ensemble de la sphère éthique, de chacun de nos actes quelqu’en soit l’objet, la famille, l’amitié, le sens de l’honneur, de la patrie, repose par extension sur des mêmes principes utilitaires, conséquentialistes. Et ainsi que l’Economie est le plus pur, le plus parfait des lieux où cette éthique s’applique.
Au fond, l’Economie ressemble au monde lui-même, dans son ensemble, à la société. Certains philosophes ont imaginé qu’avant l’invention de la vie en société, la Nature était un monde sans règle, où l’homme était un loup pour l’homme. C’est une position qui est défendue par nombre d‘ecrivains, lorsqu’ils imaginent une société humaine post-apocalyptique, où un homme ou une femme seule serait à la merci de clans violents, où chaque rencontre serait dangereuse, inquietante, conduirait à la capture ou à la mort. Au fond, on imagine assez facilement que c’était cela le monde préhistorique, le monde de la rencontre entre homo sapiens et homo neandertalis. Mais au fond, c’est aussi le monde de la forêt vierge amazonienne ou de la Nouvelle-Guinée. Un monde où la nature est ultra-violente et où un homme seul est un homme mort.
D’autres philosophes ont imaginé que c’était la vie en société qui avait transformé un homme naturellement bon en un psychopathe. Que la violence était née de la société, et que l’homme était naturellement bon.
Vous me demanderez peut-être en quoi tout ceci peut-il s’appliquer à l’Economie ? Le monde de l’Economie est-il une jungle ultra-violente. ou un monde policé, un monde de règles, un monde normé ? L’Economie est dans la pratique un endroit où les relations inter-individuelles sont régulées par des intermédiaires. Les consommateurs dans les relations entre entreprises, entre producteurs. C’est le consommateur qui décide si au final, il préfère acheter, utiliser, tel bien produit par une énorme multinationale, ou celui produit par le petit producteur artisanal à côté de chez lui. S,il préfère utiliser tel navigateur internet plutôt qu’un autre. Si l’économie fonctionnait comme la théorie le pensait, il y aurait des marges zéro et une multitude de producteurs tous sans aucun pouvoir sur le marché. Mais la théorie de la concurrence pure et parfaite ne fonctionne nulle part. Partout, on trouve des mastodontes qui contrôlent des marchés. Partout, on trouve des profits colossaux, et juste à côté, la pauvreté la plus criarde.
Dans les relations entre employeurs et salariés, autre niveau de l’Economie, on trouve également des intermédiaires. Les États et leur réglementation en matière de travail ou les syndicats. On trouve ainsi des situations pratiquement de travail forcé, d’enfermement des travailleurs dans certains pays en développement, encore pires a moins que ce ne soit proches des conditions salariales qui existaient en Europe au XIXème siècle, telles qu’elles ont été décrites par Zola, Stendhal ou Flaubert. Existe-t-il des écrivains nationaux ayant retracé la situation en Chine, au Vietnam ou en Indonésie dans les années 1980-2000 ? Les lira-t-on un jour comme on peut encore lire Zola, Flaubert ou Stendhal ?
Qu’est-ce donc que cette éthique que l’on pourrait appeler ‘minimale’ et qui fait que l’économie, le monde, n’est pas un endroit sans foi ni loi mais un endroit où le BIEN côtoie le MAL, où des entreprises peuvent appliquer des normes minimales en faveur de leurs salariés, de leurs clients ou de leurs fournisseurs ? Ou de la nature en général et des générations futures. N’est-il pas abusif d’appeler du terme ‘éthique’ ce genre de comportements minimaux, d’affichage de bonnes pratiques favorables aux entreprises, favorables aux affaires, parce que les marchés n’aiment pas ce qui nuit à l’image lissée des entreprises ?
Ne serait-il pas plus correct de considérer que l’Economie en général, malgré les guides de bonnes pratiques, les chartes éthiques, les codes de déontologie, les chartes multiples et variées, est un monde amoral, qu’il est impossible de considérer comme éthique, comme prônant et défendant le BIEN et le BON. Parce que la recherche du profit, et le transfert vers la responsabilité de la communauté, est le principe de fonctionnement basique de l’Economie, à mille lieux des engagements moraux et éthiques qui devraient être ceux d’acteurs défendant le BIEN et le BON.
Saucratès
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