Les aberrations de Parcours Sup et de la réforme du baccalauréat
Saint-Denis de la Réunion, mercredi 9 juin 2021
En ce mois de juin 2021, je vais vous parler de «Parcours Sup», ou plutôt, de l’algorithme de «Parcours Sup». En effet, «Parcours Sup» vient de donner, ces dernières semaines, des résultats d’orientation à des centaines de milliers de lycéens, et ces derniers se trouvent confronter à son fonctionnement aberrant. Il existe de nombreuses informations sur le fonctionnement de Parcours Sup et sur l'algorithme informatique qui sous-tend son fonctionnement. Je n’en retiendrait que deux, les plus significatifs au sens de GOOGLE mais ce n’est pas très important, ce n’est pas ce que je cherche à expliquer ou à démontrer. Ils sont surtout là pour ceux qui voudraient plus d’explications.
https://blog.generationzebree.fr/blog/algorithme-parcoursup-vrai-ou-faux/
https://groupe-reussite.fr/blog/algorithme-parcoursup/
Nous sommes désormais dans un monde où il n’y a plus rien qui permet de comparer le niveau des élèves, et le niveau des lycées dont ils sont issus. Dans le passé, lorsque le baccalauréat était un diplôme national, on pouvait classer les lycées selon les résultats de leurs élèves au Baccalauréat. Les lycées élitistes avaient ainsi des proportions des mentions «Très bien» et «Bien» exceptionnelles, seuls quelques rares cancres avaient leur Bac avec seulement une mention «Assez bien» ou «Passable». Mais aujourd’hui que le Baccalauréat est distribué (généreusement) en fonction de la moyenne générale ou du contrôle continu, le Bac n’a plus aucune velléité de classement des élèves. N’importe quel lycéen d’un lycée élitiste comme Henri IV ou Louis Le Grand, même le dernier élève de ces lycées, qui aura difficilement son Bac au mieux avec un mention «Passable» ou «Assez Bien» au contrôle continu, aurait eu son Baccalauréat avec mention «Très Bien» et avec les félicitations du jury dans n’importe quel autre lycée de province ou de banlieue. «Parcours Sup» est ainsi totalement inadapté aux méthodes de notation et d’enseignement des lycées. Les enseignants de ces lycées élitistes préparent leurs étudiants, ou plutôt leurs lycéens, aux études supérieures. Mais à quoi cela peut-il donc servir si ces enfants, si ces jeunes, si ces lycéens, n’arrivent pas à rejoindre de grandes écoles ou des classes préparatoires parce que leurs moyennes générales sont trop basses !
Nous sommes rentrés dans l’ère du moyen, de l'égalitarisme. L’égalisation par le bas ! Tous égaux dans la médiocrité ! De mon temps, il y a plus de trente ou trente-cinq ans, nous ne disposions d’aucune information facilement accessible sur les études supérieures. Ceux qui connaissaient ce monde étaient évidemment privilégiés sur les autres. Internet n’existait pas. Ni les messageries. Ni même les téléphones portables. Il n’existait que les centres de documentation et les envois postaux. Et nous sommes aujourd’hui dans un monde où les concepts mêmes d’élitisme devraient être interrogés. Inscrire son enfant dans une boite à Bac comme Levavasseur, Saint-Charles, Henri IV, Louis le Grand ou Lakanal n’est plus un passeport vers les études supérieures, mais au contraire le risque potentiel de se voir fermer la majorité des classes préparatoires et des grandes écoles.
Jusqu’à présent, comment savait-on que certains lycées étaient élitistes ? Comment savait-on que des lycées comme Louis Le Grand, Henri IV, Sainte-Genevieve, Lakanal, ou bien Levavasseur ou Saint-Charles à La Réunion avaient de meilleurs résultats que les autres ? Ils n’étaient pas seulement élitistes en raison du coût des études dans ces lycées ; ils étaient aussi élitistes par l’importance des résultats !
Mais désormais, tous les lycées, prestigieux ou d’un niveau extrêmement faible, auront à peu près désormais le même taux de mentions «Très Bien» ou «Bien». La majeure partie du Baccalauréat reposant sur des notes de moyenne générale ou de contrôle continu, noté par des enseignants du même lycée, le niveau des notes s’inscrira à peu partout dans les mêmes échelles de notes, entre 8/20 et 20/20. Chaque lycée, chaque classe de terminale ou de première, se trouvera dépendre d’une niveau moyen de la classe. Que cette classe soit composé d’une foultitude d’excellents élèves, ou majoritairement de cancres, ne sachant ni lire ni écrire, n’y changera pas grand chose ; chaque enseignant devant à peu près noter ses élèves sur une même échelle allant de 0 à 20, et une moyenne de la classe oscillant entre 10 et 14. Et chacun d’entre eux se trouve confronter à l’obligation de proposer des devoirs ni trop faciles, ni trop difficiles en fonction du niveau de la classe. Autrement dit, tous les enseignants, quelque soit le lycée, notent leurs élèves sur une échelle de notation allant de 5 et 20 et ils restreignent leurs exigences, ou au contraire les réhaussent, en fonction du niveau des élèves qu’ils ont en face d’eux !
Aujourd’hui, on sait encore évidemment que les lycées comme Louis Le Grand ou Henri IV sont des lycées prestigieux. Mais qu’en sera-t-il dans quelques années ? Dans quelques années, sur quelle base s’appuiera-t-on pour expliquer que ces deux lycées sont meilleurs que les autres, et que leurs élèves sont meilleurs que ceux des autres lycées ? (et quand je parle de ces lycées prestigieux, je ne parle pas des petits lycées élitistes de province qui auront encore plus de mal qu’eux à démontrer la qualité de leur enseignement).
La réussite au Baccalauréat ? Le nombre de mentions «Très bien» ou de «Félicitations du Jury» ? Le pourcentage de réussite au Baccalauréat ? Mais tous les lycées afficheront désormais peu ou prou les mêmes niveaux de résultat aux épreuves du Baccalauréat, des taux de mentions «Bien» et «Très bien» proches les uns des autres. Les lycées prestigieux n’afficheront pas des moyennes générales entre 16 et 20. Elles s’échelonneront comme partout ailleurs entre 8/20 et 20/20. Sauf que tous ces 20/20 (ou ces 15/20) ne seront pas comparables d’un lycée à l’autre.
Il y a en fait deux conséquences possibles de cette réforme du Baccalauréat. Sur lesquelles je reviendrais un peu plus loin.
Evidemment, nombre de mes lecteurs ne partagent vraisemblablement pas cette envie de défendre les lycées élitistes. La sélection par l’argent est mauvaise, sauf que payer quelques milliers d’euros par an pour offrir à ses enfants un cadre agréable pour étudier n’est pas un sacrifice si important. Nombre de parents de milieux très modestes n’hésitent souvent pas à mettre leurs enfants dans des écoles privées catholiques. Après tout, combien d’argent ne mettez-vous pas dans des abonnements de téléphonie mobile, d’Internet, ou de Canal Plus ou de chaînes de télévisions par câble ou satellites ? Et les familles pauvres n’y échappent pas non plus, bien au contraire. Il ne s’agit au fond que de priorités des familles pour l’utilisation d’une cinquantaine ou une centaine d’euros par mois. Voilà l’enjeu ! Evidemment, ce qui est sacrifice pour certains n’est qu’une dépense de plus pour d’autres, voire une dépense insignifiante pour les plus riches.
Alors évidemment, défendre des lycées élitistes peut paraître indécent à certains. Mais les mêmes doivent peut-être maudire le niveau en grammaire, en conjugaison ou en français de leurs étudiants. Certains abandonnent même l’enseignement parce qu’on leur refuse le droit de noter l’orthographe de leurs étudiants.
Quelles conséquences possibles à cette réforme ? Lorsqu’il deviendra impossible de différencier les lycées les uns des autres par leurs résultats, il deviendra probablement intelligent de ne plus mettre ses enfants dans des lycées élitistes et dans des classes regroupant les meilleurs élèves. Bien au contraire. Un élève aura d’autant plus de chance d’avoir son Baccalaureat avec une mention d’excellence si il se trouve dans un lycée moyen, dans une classe moyenne.
On peut ainsi imaginer que la conséquence de cette réforme sera de conduire à égaliser les niveaux moyens de tous les lycées et toutes les classes. Il pourrait ne plus y avoir de lycées élitistes ni de boites à bac. Mais après tout, à quoi sert une boite à bac lorsque le baccalauréat sera donné indifféremment à 85% des élèves de chaque classe ?
Mais il y a une deuxième probabilité à cette réforme. La possibilité que les baccalauréats obtenus dans chaque lycée ne se valent plus, qu’ils ne soient plus équivalents. Qu’il y ait des sous-baccalauréats et des baccalauréats de différentes valeurs. On jugera peut-être les étudiants en fonction du lycée dans lequel ils ont obtenus leur baccalauréat. Et les élèves se verront peut-être interdire toute forme d’études supérieures s‘ils ont eu leur Bac dans les lycées de banlieue. C’est une probabilité qui me parait peu probable ; la premiere évolution me paraissant plus probable.
Comment fonctionne dont «Parcours Sup», qui rappelons-le, utilise ces mêmes moyennes et notes des élèves pour les classer ? Des lycéens du Lycée Levavasseur, amis de mon fils, ont eu ainsi la surprise d’être acceptés dans les prépas extrêmement sélectives des lycées Henri IV, Louis Le Grand et de Sainte-Genevieve (Ginette), mais d’être refusés dans des prépas beaucoup moins sélectives de lycées métropolitains de province ! Ces derniers se basent simplement sur les algorithmes de PARCOURS SUP, lorsque des lycées extrêmement élitistes reconnaissent la qualité de l’enseignement d’un lycée comme Levavasseur. Mais pour encore combien de temps ?
Quel peut bien être l’objectif de ces diverses réformes du lycee, du Baccalauréat, d’APB transformé en PARCOURS SUP, du gouvernement Macron ? Une volonté de s’attaquer à l’enseignement privé et élitiste, dans la même veine que la disparition de l’ENA ? Un égalitarisme de mauvais aloi ? Ou juste cette idée stupide qu’il faut tout changer, qu’il faut réformer pour faire croire que l’on agit, que l’on réforme, qu’on combat les immobilismes ?
Saucratès
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