Critiques de notre temps

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Suite des élections législatives : enseignements à tirer de la nomination de Barnier

Il demeure particulièrement extrêmement amusant de parler politique dans la période actuelle. Michel Barnier vient donc d’être désigné par le président de la république pour occuper le poste de premier ministre et désigner un gouvernement. Emmanuel Macron a ainsi choisi un premier ministre au sein du parti LR, un des plus petits groupes politiques au sein de l’Assemblée Nationale. 
 
https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/09/05/les-reactions-a-la-nomination-de-michel-barnier-election-volee-pour-melenchon-tous-les-atouts-pour-reussir-selon-wauquiez_6304896_823448.html
 
Il y a une forme de continuité dans cette désignation, puisque son premier premier ministre, Edouard Philippe, était lui-aussi déjà issu de ce même parti politique, sauf que les candidats qu’il choisissait autrefois étaient systématiquement exclus de leurs partis politiques, mais plus maintenant. 

Amusant parce que dès l’annonce de la dissolution de l’Assemblée Nationale par Macron puis l’annonce des premiers résultats des élections législatives en juin 2024, j’avais pensé que les événements à venir allaient être extrêmement intéressants. Ce qui n’a pas manqué d’être depuis début juillet 2024.

 
Evidemment, pour l’instant, on n’a pas connaissance des futurs membres de son gouvernement. De qui Michel Barbier s’entourera-t-il pour gouverner ? Ou bien plus probablement, quels ministres lui seront-ils imposés par le président Macron ? Si je suis la logique d’une grande coalition, on devrait trouver dans ce gouvernement des membres des principaux groupes politiques appelés à participer à une éventuelle coalition, la plus large possible. Des membres du parti présidentiel, de ses alliés, de LIOT et des républicains. Probablement pas de ministres issus du groupe Rassemblement national puisque personne ne peut se mélanger à ce groupe sans risquer d’être catalogué d’extrême-droite. 
 
Ces derniers jours, chaque jour amenait son lot d’articles et d’analyses politiques. De rumeurs également. D’ambitions et d’ambitieux qui se dévoilaient. De gens qui s’y voyaient, qui en rêvaient en se rasant (ou en s’épilant) ... Et ces gens-là doivent être aujourd’hui extrêmement déçus. «Ils s’y voyaient déjà, en haut de l’affiche…» dirons-nous. 

 

https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/09/02/budget-2025-il-n-est-pas-interdit-de-rever-de-partis-assez-responsables-pour-sortir-de-l-impasse_6302053_3232.html

 

https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/09/03/derapage-des-depenses-publiques-visees-par-bercy-les-collectivites-locales-denoncent-des-chiffres-fallacieux_6303184_823448.html

 

https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/09/03/l-impasse-politique-francaise-vue-par-la-presse-internationale-c-est-l-orgueil-encore-une-fois-qui-a-entraine-le-president-dans-ce-bazar_6303143_823448.html

 

La gauche, la CGT, veulent en appeler au peuple, aux manifestants, pour faire plier le président Macron afin qu’il les nomme, eux, au gouvernement. C’est particulièrement démocratique et respectueux des institutions de la cinquième république. Parce que la gauche, le nouveau front populaire, est persuadé qu’il a gagné les dernières élections législatives. Ils ont certes terminé devant en nombre de sièges de députés, devant tous les autres partis politiques. Mais uniquement si on parle du NFP de manière globale. Pas si on compte de manière séparée chaque composante du NFP prise individuellement.
 
Pour cette raison, ils estimaient depuis le début de l’été que la première ministre devait être issue de leur rang, à savoir Mme Castets. Ils avaient eu tant de difficultés à se mettre d’accord sur un nom commun qu’ils ne pouvaient pas comprendre que le président Macron ne la nomme pas immédiatement. Le nouveau front populaire perd donc apparemment la bataille de Matignon tout comme ils avaient déjà perdu la bataille du perchoir de l’Assemblée Nationale.
 
Ils vont donc tenter de mettre à feu et à sang la France pour faire fléchir, pour faire tomber Macron et Barnier. Puisque sans les voix des macronistes et ceux des députés du Rassemblement national, ils ne peuvent les faire tomber au parlement. Il leur reste donc le théâtre de la rue, l’instrumentalisation de tous ceux auxquels on va farcir le cerveau de mensonges sur une victoire aux élections législatives supposément confisquée. Les menaces de Mélanchon et les appels à la violence proférés par les uns et les autres sont gravissimes dans un État démocratique.

 

Selon moi, personne n’a gagné les dernières législatives de cet été. Ni la gauche, ni le RN, ni le président et ses alliés. Certains ont perdu, mais moins gravement que cela n’était anticipé. Je parle du parti du président. Les autres se sont maintenus ou bien ont progressé, sans toutefois l’emporter. Et dans une Assemblée Nationale ingouvernable, dans un pays ingouvernable, la seule probabilité d’un gouvernement stable passait par cette candidature. À partir du moment où le NFP n’était pas capable d’accepter la nomination d’un candidat issu de leur rang même si ce n’était pas leur candidat, il n’y avait pas beaucoup d’autre espoir. Mais même l’ancien dernier premier ministre de François Hollande n’avait pas beaucoup de chance de survivre à une potion de censure contre lui, sans l’appui des voix des députés macronistes, sans une alliance avec Macron, sans ministre macroniste. Et de toute façon, même le NFP et jusqu’aux socialistes auraient voté la censure ! Contre un socialiste !

 
Le cinéma de Macron n’aurait eu aucune chance de réussir si un parti politique avait remporté ces dernières législatives. Il n’aurait pas pu chercher un candidat au poste de premier ministre différent du leader du bloc politique l’ayant vaincu. Ce qu’avait dû concéder à deux reprises François Mitterrand au RPR de l’époque, en 1986 et en 1993, en acceptant de désigner d’abord Jacques Chirac puis Edouard Balladur lorsque Chirac n’avait pas voulu rempiler. Ce qu’avait dû également concéder Jacques Chirac en 1997 en acceptant de désigner Lionel Jospin, leader de la Gauche plurielle. Mais ce n’est pas le cas aujourd’hui, dans une Assemblée Nationale partagée entre trois blocs de taille à peu près comparable. 

 

L’argument d’une élection confisquée ne tient pas non plus la route. Personne n’a gagné lors de ces dernières élections législatives. Seuls, certains ont plus ou moins perdus. Le fait que tous les partis politiques qui se sont alliés dans les urnes pour battre le Rassemblement national n’aient pas réussi à se mettre d’accord pour gouverner ensemble constitue l’explication de la situation présente. Comment des gens ayant tous appelé à voter les uns pour les autres, du camp présidentiel jusqu’à LFI et parfois LR, n’ont-iIs pas été capables de se mettre tous d’accord sur un candidat unique et sur un programme de gouvernement ? Il est trop simple aujourd’hui de crier à la trahison lorsque l’intransigeance des uns et des autres à empêcher la constitution de toute alliance. Les difficultés du NFP simplement à se mettre d’accord sur le nom d’un candidat unique démontre à lui-seul la stupidité et la facticité du nouveau front populaire lui-même. 

 

On va pouvoir désormais observer les actes du nouveau premier ministre. On va pouvoir le voir à l’œuvre. On va attendre la constitution de son gouvernement. Tout en sachant que la situation budgétaire de la France risque d’imposer des choix douloureux. Pas de hausse des rémunérations des fonctionnaires… Pas de retour de l’âge de départ à la retraite à 62 ans ou 60 ans… Pas de hausse de 15% du SMIC, et donc pas de faillites massives des entreprises françaises… Pas de grand soir fiscal… En somme, le désespoir pour tous ceux qui rêvent de la destruction de la France, notamment à LFI et au NFP.
 
J’étais néanmoins persuadé que Macron envisageait de laisser durer le gouvernement démissionnaire de Gabriel Attal bien plus longuement ; cette désignation de Michel Barnier me surprend ainsi. Tant pis. Heureusement, je n’avais rien parié. Et il y avait le risque d’alimenter le mécontentement populaire, et le problème de la présentation et du vote du budget 2025. En somme heureusement. Il reste donc les futures manifestations et blocages de la rue, par des manifestants déconfits, spoliés d’une victoire qu’ils avaient cru acquise, à laquelle leurs représentants leur ont fait rêver, même si je n’imagine pas que ces gens puissent être si bêtes pour avoir cru à ses mensonges, pour avoir cru qu’en disposant du tiers des sièges des députés, ils avaient gagné les législatives. 

 

 

Saucratès

 

 

Post scriptum sur les poncifs utilisés par Le Monde

 

Évidemment, le journal Le Monde n’est pas satisfait du choix de Michel Barnier au poste de premier ministre, qui ne peut satisfaire que Le Figaro. Le Monde préférait évidemment Lucie Castets, dont ils nous ont narré les aventures et les bons mots durant tout l’été. Eux qui nous indiquent qu’elle se sentait en colère. Elle, la candidate parfaite de la rupture totale avec le patriarcat, jeune femme dans un milieu d’hommes, qui de plus est lesbienne pour satisfaire les féministes de LFI et des écologistes ou des socialistes. Ce symbole était-il supposé attirer Macron? Apparemment il a préféré nommer un ‘vieil homme’ de 76 ans (personnellement, je trouve ce choix particulièrement judicieux et heureux - voilà un politique en lequel j’ai toute confiance à la différence de tous ceux que Macron ou Hollande ont pu nommer à ce poste, mais cela n’engage que moi) !

 

Le Monde nous narre également le ressenti d’électeurs qui estiment qu’on leur a volé leur vote. « Si c’est pour aller voter et ne pas être respecté …», disent-ils … monsieur le commissaire.

 

https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/09/06/a-la-chapelle-sur-erdre-apres-la-nomination-de-michel-barnier-la-fin-d-une-longue-attente-si-c-est-pour-aller-voter-et-ne-pas-etre-respecte_6305690_823448.html

 

Sentiment qui est au fond totalement stupide. Dans une élection, on a d’abord une grande probabilité de ne pas voter pour la personne qui passera le premier tour et sera qualifiée pour le second tour. Ensuite, on a encore de fortes chances de voter pour la personne qui sera battue, sauf à systématiquement voter pour le favori du scrutin en se basant sur les résultats des sondages … En conséquence, une majorité d’électeurs pourraient estimer qu’il ne sert à rien de continuer à voter puisque leur candidat n’est pas élu et que leur vote n’est pas respecté ! Après, il faudrait encore que leur candidat soit choisi pour un poste de premier ministre ou de ministre pour que leur vote soit vraiment respecté, si on suit le raisonnement du Monde. Si celui-ci a raison, cela explique probablement le taux d’abstention particulièrement élevé que l’on observe en France. Qui est le plus stupide dans cette affaire, du Monde qui publie cette ânerie, du journaliste du Monde qui livre ce genre d’article ou des électeurs qui le pensent peut-être, si tout ceci n’est pas inventé, mitonné ou sollicité ?

 

https://www.francetvinfo.fr/politique/gouvernement-de-michel-barnier/temoignages-a-quoi-bon-voter-apres-la-nomination-de-michel-barnier-a-matignon-les-electeurs-du-nfp-expriment-leur-deception-et-leur-colere_6766669.html#xtor=RSS-3-%5Blestitres%5D

 

 

Second post scriptum : 

 

On entend souvent parler d’un pouvoir de vie et de mort donné au Rassemblement National auquel on a conféré le pouvoir de censurer ou de ne pas censurer le futur gouvernement. Je pense que cette vision, avancée par LFI, par Bompard, par Mélenchon, est stupide. Primo, vis-à-vis d’un gouvernement de cohabitation,  le rôle pivot des élus du parti Ensemble du président de la République, et de Attal, est tout aussi primordial que celui du Rassemblement national. L’un ou l’autre peuvent faire tomber le gouvernement Barnier, tout comme les autres petites formations autour d’eux. L’article des décodeurs du Monde souligne parfaitement les équilibres actuels de l’Assemblée nationale. Il existe évidemment une majorité associant LR, Ensemble, Horizon et un appui du Rassemblement National et son allié, mais il existe une alternative allant du Parti socialiste à LR en passant par le groupe LIOT. 

 
https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2024/09/06/le-gouvernement-barnier-peut-il-echapper-a-la-censure-de-l-assemblee-nationale-testez-notre-simulateur_6305669_4355770.html

 

C’est bien l’incapacité de trouver et de chercher un compromis de la part du Nouveau front populaire qui explique l’impossibilité d’un gouvernement de gauche. Il leur fallait s’allier avec le parti présidentiel et cohabiter avec Macron, voire avec les LR, et cela, ils n’en étaient pas capables. Ils préfèrent donc aujourd’hui parler d’un hold-up démocratique plutôt que d’assumer leur intransigeance.



05/09/2024
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