Critiques de notre temps

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Critique de l'économie


L’aberration du malus écologiste et ses conséquences industrielles

L’aberration du malus écologiste et ses conséquences industrielles

Par Saucratès 

Saint-Denis de la Reunion, dimanche 10 septembre 2023

 
Existe-t-il une analyse critique du malus automobile à la française ; cette taxe absurde qui pouvait atteindre 50.000 euros cette année sur les véhicules considérés comme très polluants, et qui devrait être déplafonnée et illimitée à compter de 2024. 

 

https://www.msn.com/fr-fr/auto/actualite/malus-%C3%A9cologique-2024-une-taxe-sans-limite-ce-que-l-on-sait-sur-ce-que-pr%C3%A9pare-le-gouvernement

 

Cette taxe est évidemment une magnifique interprétation des théories de Pigou, en tant que taxation des pollueurs, encore appelée principe des pollueurs-payeurs. Dans l’idéal, cela fonctionne parfaitement. On fait payer à l’achat aux automobilistes une taxe en fonction de la norme de pollution du véhicule qu’ils ont acheté. D’abord plafonnée à 10.000 euros, elle est passée successivement à 20.000 euros, puis à 30.000 euros, puis à 40.000 euros et en 2023 à 50.000 euros, sans pouvoir excéder 50% du prix du véhicule, ce qui n’était pas le cas en 2022. 

 

Le gouvernement français a rajouté à cette taxe sur les émissions de CO² une nouvelle taxe au poids, reposant toujours sur le principe pigouvien que plus un véhicule est lourd, plus il consomme et plus il pollue. Evidemment, ces taxes sont sensées avantager les constructeurs automobiles français et porter essentiellement sur les productions étrangères et notamment celles des grosses berlines allemandes.

 

Pourquoi donc est-ce que j’estime que cette taxe est une absurdité sans nom ? Les seules critiques sont le plus souvent celles des magazines automobiles, mais si ceux-ci encensent les productions automobiles françaises, et j’imagine qu’ils doivent recevoir des publicités importantes de la part des constructeurs automobiles français, ou du gouvernement, pour tenir ce langage sur les productions françaises. Comme par exemple les commentaires sur «Le magnifique touché de route des Peugeot, dont feraient bien de s’inspirer certaines productions étrangères », entre autres.

 

En fait, la France a déjà eu une politique fiscale particulière, qui lui était propre, et qui a durablement marqué la production automobile de notre pays, nous orientant selon moi vers un cul de sac productif. C’était le principe de la vignette automobile fonction de la puissance fiscale (chevaux fiscaux), qui matraquait les véhicules et les moteurs de grosses cylindrées, ainsi que les motocyclettes, et qui a orientait toute la production automobile française vers des moteurs à quatre cylindres de 5 à 7 chevaux fiscaux, c’est-à-dire avec des cylindrées d’environ 1.200 centimètres cubes. Et 1.900 centimètres cubes en moteur diesel. 

 

Accessoirement, il ne doit pas non plus rester de producteurs français de motocyclettes de grosse cylindrée en France, victimes de la même politique fiscale stupide, sans jamais que la pertinence de ces politiques fiscales confiscations n’ait été interrogées, que ce soit celle de la vignette automobile d’autrefois ou bien celle du malus écologique d’aujourd’hui. 

 

Les constructeurs automobiles français ont ainsi totalement abandonnés les moteurs à six, huit ou douze cylindres, abandonnant complètement le créneau des véhicules de luxe et haut de gamme, laissant ce créneau aux constructeurs allemands, italiens ou suédois, à compter des années 1970-1980. Et l’absurdité de cette fiscalité de la vignette automobile était à peine abandonnée que les énarques, hauts fonctionnaires et écolo-politiques ont inventé cette nouvelle fiscalité punitive sur le malus écologique. Comme la feu vignette automobile, cette fiscalité est en train d’orienter tout le marché automobile français et la production automobile française, sur la base d’une sorte d’idéal écologique déconnecté de la réalité des campagnes françaises. Et en plus cela ne sert à rien : l’Etat français se fait malgré tout condamner pour inaction climatique par des juges administratifs partisans et pro-écologie-collapsologie.

 

La France coule ainsi son industrie automobile pour satisfaire des lobbies écologistes qui ne seront de toute façon jamais satisfaits avant que nous ayons rejoint l’âge de pierre avant l’invention du feu (parce que le feu, ce n’est pas bon non plus, cela émet du CO²). Et ces mêmes lobbies écologistes sont également derrière les politiques européennes de sortie des moteurs thermiques en 2035 ou avant, qui aura les mêmes conséquences sur les productions automobiles européennes et notamment sur les constructeurs allemands. Au final, ces politiques n’avantageront qu’un seul interlocuteur : les producteurs automobiles chinois tandis que l’Europe cessera de produire des véhicules automobiles comme elle a dû cesser de fabriquer de l’électro-ménager depuis les années 1980. La production a d’abord été délocaliser en Chine ou dans d’autres pays en développement, avant que ces industriels ne perdent le contrôle de leurs filiales chinoises et disparaissent corps et âmes dans les cimetières du capitalisme. Il en sera demain de même de Peugeot, Renault, Citroën ou Volkswagen. Mais n’est-ce pas l’objectif ultime de la Commission européenne et du gouvernement français ? Un gigantesque marché ouvert aux intérêts des industriels chinois ? Avec une inflation modérée pour que le peuple soit satisfait ?

 

https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/09/04/il-ne-faudra-que-quelques-annees-a-byd-pour-devenir-le-leader-mondial-de-l-industrie-automobile_6187756_3234.html

 

L’analyse du marché automobile français et européens me semble particulièrement pertinent sur l’état de dégradation de notre patrimoine automobile.

 

« Entre 2004 et 2022, la production automobile en France est tombée de 3,66 à 1,37 million d’unités. Aucune des voitures les plus populaires dans l’Hexagone n’y est fabriquée : la Peugeot 208 vient de Slovaquie comme la Citroën C3, le 2008 arrive d’Espagne de même que le Renault Captur, tazndis que la Renault Clio est turque. Rare sont les pays qui disposent de marques automobiles nationales et qui fabriquent aussi peu sur place. A tel point qu’avec 161.000 exemplaires, le modèle le plus produit en France en 2022 était la … Toyota Yaris Cross. »

 

Tiré de l’éditorial du dernier Hors série de L’automobile magazine (toutes les voitures du monde 2023-2024)

 

Les immatriculations en France se sont ainsi élevées à 1.529.185 exemplaires, en baisse de -7,8% par rapport à 2021. Peugeot est le leader en France avec 245.608 exemplaires immatriculés devant Renault (236.405 exemplaires) et Dacia (130.855 exemplaires). Citroën suit à la quatrième place avec 129.883 exemplaires. Le véhicule est le modèle le plus immatriculé avec 88.821 exemplaires, devant le Dacia Sandero (64.308 exemplaires) et la Renault Clio (64.033 exemplaires). Avec 17.005 exemplaires immatriculés, la Tesla modèle 3 est à la 23è place du classement.

 

A titre de comparaison, 

 

  • L’Allemagne a enregistré en 2022 un total de ventes de 2,65 millions de véhicules automobiles, avec trois Volkswagen aux trois premières places (La Golf avec 84.282 exemplaires, le Tiguan avec 59.136 exemplaires et le T-Roc avec 58.942 exemplaires). Il n’y a pas une seule automobile française dans les dix modèles le plus commercialisés en Allemagne. 

 

  • Au Japon, les ventes se sont élevées à 4,2 millions de véhicules automobiles, avec aux trois premières places, la Honda N-Box (202.197 exemplaires), la Nissan Note (110.113 exemplaires) et la Toyota Roomy (109.236 exemplaires).

 

  • Pas une seule française non plus dans les dix véhicules automobiles les plus commercialisés au Royaume Uni (1,614 millions d’exemplaires commercialisés), avec le Nissan Qashqai en première place (42.704 exemplaires), la Vauxhall Corsa (39.910 exemplaires) et la Tesla Model Y (35.553 exemplaires).

 

  • Les Etats-Unis ont enregistré 13,88 millions de véhicules automobiles immatriculés, avec 653.957 pickups Ford F-séries, 513.354 pickups Chevrolet Silverado et 468.344 RAM Pickup. Pas non plus l’ombre d’une française dans les dix véhicules les plus commercialisés mais on y décompte 230.027 Tesla model Y.

 

  • Enfin, la Chine a enregistré 26,84 millions de véhicules automobiles commercialisés, avec la BYD Song Plus en première position (459.424 exemplaires), devant la Nissan Sylphy (446.492 exemplaires) et la Wuling Mini EV (443.384 exemplaires). Volswagen place son modèle Lavida à la quatrième place (361.734 exemplaires) mais on ne compte là non plus aucun modèle d’un constructeur français dans les dix modèles les plus commercialisés

 

«On achète désormais presque deux fois plus de voitures en Chine qu’aux Etats-Unis. Le classement est de plus en plus occupépar des modèles chinois et le constructeur BYD fait une entrée spectaculaire : il était absent du top 10 en 2021, il y classe trois modèles en 2022, dont un en tête.»

 

Du fait des politiques fiscales confiscatoires mis en place en France et des normes européennes drastiques rajoutées les unes sur les autres, les véhicules les plus commercialisés notamment aux Etats-Unis ou au Japon ne sont mêmes pas proposés ou commercialisables en France ou en Europe. Je vous parle bien sûr des gros Pickups américains ou des grosses berlines ou SUV américains que les médias considèrent comme non adaptés à notre réseau routier ou à nos centre-villes. Ou de tous les véhicules dont les motorisations tomberaient sous les coups de notre taxation prohibitive sur le malus écologique. 

 

En plus, cette politique, au-delà d’orienter la production française vers des modèles minuscules, aux cylindrées fragiles et picrolinesques, qui lui ferme l’ensemble des autres marchés automobiles des pays avancés (on doit certainement réussir à vendre des Renaut et des Peugeot en Afrique, même si on doit s’y faire également tailler des croupières par la production chinoise dont les modèles doivent pouvoir être beaucoup moins chers et de bien meilleure qualité. Mais comme les réseaux de distribution doivent être contrôlés par des groupes commerciaux français, ils doivent accaparer ces marchés pour en faire des marchés captifs et s’y enrichir.

 

Cette politique fiscale confiscatoire n’est enfin même pas juste puisque les plus riches de nos concitoyens peuvent échapper eux très facilement à cette fiscalité confiscatoire en immatriculant leurs véhicules luxueux dans d’autres pays européens et en les faisant circuler avec des plaques étrangères en France, ce qui leur évitera de payer des malus assassins et totalement stupides.

 

En fait, les seuls à se faire matraquer par cette fiscalité injuste, ce sont les classes pauvres et moyennes de notre société, qui perdront bientôt leurs emplois le temps que le marché de l’électrique se développe, que BYD et les chinois prennent le contrôle du marché automobile européen. Et le parc automobile français continue de vieillir puisque les prix des véhicules automobiles continuent leur surenchères tarifaires et qu’acheter un véhicule automobile neuf devient de plus en plus difficile.

 

Bientôt, la France ressemblera à Madagascar avec de vieux véhicules hors d’âge que les français s’échineront à faire rouler. Et encore, à Madagascar, ils ont les vieilles Peugeot increvables du passé, pas les pauvres Peugeot d’aujourd’hui aux petits moteurs boostés à l’obsolescence programmée. Bientôt, comme en Allemagne, il n’y aura plus que les nostalgiques de la grande époque qui rouleront encore dans des Renault ou dans des Peugeot.

 

Il manque en France une réflexion sur la légitimité et la responsabilité des outils de politique fiscale dans les choix et les impasses industriels dans lesquels les hauts fonctionnaires et les politiques dogmatiques ou manipulés par des lobbies écologistes tout-puissants nous emmènent et nous entraînent. Je pense à la destruction d’EDF et de la filière de la production d’électricité hydraulique et nucleaire au bénéfice du marché, du démantèlement de la SNCF et du rail, et de la politique fiscale autour de la filière automobile et de l’essence. Le problème est à la fois l’idéologie de quelques hauts fonctionnaires obnubilés par leur petit dada écolo-marxiste, et la vision court-termiste de l’ensemble de l’administration française où l’on cherche juste à trouver de nouvelles ressources fiscales pour couvrir le déficit budgétaire. 

 

Saucratès


10/09/2023
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Retour sur la critique de l’économie

Idées pour une critique de l’économie

Par Saucratès 

Saint-Denis de La Reunion, samedi 3 décembre 2022

 

Qu’est-ce que cela signifie de vouloir réfléchir à une critique de l’économie ? Pourquoi est-il nécessaire ou utile de critiquer l’économie ? Ce sont des questions intéressantes. Si je veux vous parler de critique de l’économie, il faut déjà vous expliquer qu’est-ce que cette économie. 

L’economie est un ensemble de théories qui modélisent et chercher à expliquer le fonctionnement de nos sociétés occidentales modernes ou archaïques. C’est cet ensemble de théories qui valide l’existence des riches et des pauvres, des très très riches et des très très pauvres, qui trouve un sens à l’existence du chômage, qui donne un sens aux recommandations du FMI pour libéraliser les marchés du travail ou des compartiments ou secteurs économiques de pays sous la férule du FMI. C’est cet ensemble de théories qui organise et donne un sens, une légitimité au monde tel que nous le connaissons. Il n’y aurait pas l’économie, la richesse des uns ne serait qu’une forme d’injustice, de vol, de captation de la richesse de tous par quelques uns. 

Mais l’économie et la religion sont venues donner un sens, une légitimité, à tout cela, pour que les accapareurs deviennent des héros nationaux, des chevaliers d’industrie. 

L’économie est avant tout une imposture, une caution morale bancale servant à masquer un vol séculaire. D’où la nécessité d’une critique de cette économie, de ce corpus de théories.

 

D’ailleurs, même les plus zélotes, les plus zélés des admirateurs ou des défenseurs de l’économie détestent une fraction de ce système, et le plus souvent, il s’agit des banques. Les banques qui ne sont qu’un rouage de ces théories, un outil au service du fonctionnement de l’économie, mais c’est aussi ceux qu’il est le plus commode de détester. La haine des juifs trouve son prolongement dans la haine de l’argent et du banquier. 

 

Parmi les critiques de l'économie, il faut rappeler la place centrale de l’auteur du Capital, Karl Marx. Le Capital est l’ouvrage central de la critique de l’économie. Mais on peut aussi rappeler Veblen ou mon auteur préféré : Karl Polanyi et son ouvrage phare, «Trade and Market in the Early Empires, Economies in History and Theory».

 

1. L’idée du marché régulateur

 

On le trouve notamment à la fois chez Marx et chez Karl Polanyi. Ainsi le livre I du Capital. «Le premier chapitre [du Capital] détermine déjà la singularité de cette société, dont la structure est essentiellement économique et où l’organisation de la production se réalise à travers des marchés régulateurs, selon l’expression de Polanyi.»

 

Peut-on dire des marchés qu’ils sont régulateurs ? Ils semblent l’être effectivement, parfois avec l’aide des États ou d’organismes étatiques. Mais le comportement individuel de chaque acteur n’est pas régulateur, notamment lorsque ces acteurs deviennent de plus en plus gros. Ils recherchent la part de marché maximale, le chiffre d’affaires maximal, le bénéfice maximal, comme le démontre les comportements prédateurs de FaceBook, d’Elon Musk ou de Twitter. Si les marchés sont régulateurs, ce n’est pas grâce aux entreprises qui les composent, mais bien malgré eux. Et on peut imaginer que si une entreprise devenait si puissante qu’elle dépassait la puissance des États, l’agrégation de tous ses concurrents, le marché ne serait peut-être plus un lieu de régulation ?

 

Mais ce concept de marché régulateur éclaire d’un jour nouveau le concept éculé et apparemment indémontrable dans la réalité de la ‘main invisible des marchés’. Ces deux concepts sont au fond interdépendants. Et d’une certaine façon, aussi peu démontrable l’un que l’autre.

 

Les marchés ont-ils un fonctionnement régulateur ? On retrouve aussi la théorie de l’école néo-marxiste dite de la régulation, de Michel Aglietta. Comment des marchés composés d’entreprises qui recherchent le profit maximum et les normes les plus restreintes pourraient-ils s’avérer régulateurs, c’est-à-dire producteurs de normes et de régulation ? Les marchés financiers les premiers n’ont rien de marchés régulateurs, comme la crise des années 2007-2009 l’avait amplement démontré. Les marchés ne sont régulateurs que tant que d’autres entreprises, d’autres intervenants du marché servent de régulateurs. Tant que d’autres intervenants ne parient pas à l’inverse du reste des intervenants du marché. Mais si l’ensemble des intervenants prennent les memes decisions économiques ou financières, alors le mythe du marché régulateur explose. On se trouve face à une bulle spéculative, qui se nourrit des paris de tous les intervenants, jusqu’à ce que certains commencent à avoir peur, se retirent du marché. Et le marché continue à grimper encore pendant quelques semaines, avant qu’il ne s’effondre, victime de ceux qui font désormais le pari inverse. 

Le marché régulateur n’est au fond qu’un mythe supplémentaire visant à légitimer les fortunes gagnées ou perdues pendant ces crises financières. Un mythe visant à renommer l’organisation de l’économie moderne autrement que comme une pure loi de la jungle, où seuls les plus forts l’emportent, les plus forts perdurent et se reproduisent ; concept oh combien choquant pour des économistes qui se disent scientifiques. Le marché régulateur n’est qu’un concept concurrent de la planification administrative, soviétique ou française. Et pourtant, dans certains domaines, il n’existe rien de mieux que la planification lorsque la poursuite de l’enrichissement personnel de nos élites prime sur l’intérêt de la Nation !

 

On appelle en France planification ce que les américains nomment «Patriot Act». 

 
2. L’économie est-elle une science ?

Ma réponse est NON. Définitivement NON. Parce que l’économie présente sous le vocable de théorie économique de la main invisible, du marché régulateur, de sciences économiques, un fonctionnement qui s’apparente à la loi de la jungle, une lutte où seuls les plus forts l’emportent, les plus forts survivent, les plus riches, les mieux adaptés résistent.

 

Parce que l’économie a construit tout un corpus de règles, de principes, régissant son fonctionnement supposé à cent mille lieux de la réalité des interactions humaines. Les agents économiques sont sensés tous agir de manière rationnelle, maximiser notre utilité ou notre satisfaction personnelle ou collective, sans que cela n’est le moindre rapport avec la forme ou les raisons de nos propres décisions. L’homo aeconomicus est sensé avoir une calculatrice ou un ordinateur à la place du coeur. Mais ce n’est pas la réalité, en tout cas pour la majeure partie d’entre nous.

 

Une matière comme l’économie n’est pas une science parce que certains transcrivent certains comportements factices, idéalisés, sous forme de fonctions mathématiques. La simple présence des mathématiques ne suffit pas à faire de l’économie une science, surtout si ces mathématiques reposent sur des préceptes inapplicables de la concurrence pure et parfaite qu’il est parfaitement impossible d’observer dans la réalité.

 

Cette matière n’est pas non plus une science expérimentale sous prétexte qu’elle organise des expériences comparatives entre populations ou villages selon qu’on leur donne une subvention ou une indemnité mensuelle ou non (cf. les expériences d’Esther Duflo, lauréate du prix Nobel d’économie). On ne parle pas de sciences expérimentales parce qu’on rajoute un peu de sel dans l’eau et puis qu’on vérifie que le point d’ébullition arrive plus rapidement, à une température d’ébullition plus faible. Et surtout, on ne parlerait pas de science expérimentale si dans certains cas, on ne voyait pas de changement, si certaines expériences ne donnaient pas les résultats escomptés sans que l’on puisse l’expliquer. En physique, on penserait à la présence d’autres facteurs explicatifs. En économie supposée expérimentale, on élimine des cas tangents, parce qu’ils vont à rebours des idées préconçues des expérimentateurs qui se prennent pour Dieu le père (ou Dieu la mère dans le cas d’Esther Duflo)l parce qu’il faut éliminer les cas atypiques. Une science expérimentale qui n’est capable que d’expérimenter des cas microscopiques sans intérêt, dont on connaît déjà la réponse (les femmes de tel village s’en sortir ont-elles mieux si on leur verse une prime mensuelle de X euros qui si on ne leur verse rien ?) n’a rien d’expérimentale !

 

Dire que l’économie est scientifique constitue ainsi une aberration, une exagération. D’où la nécessité de refonder l’économie à rebours de tout dogmatisme mathématique ou expérimental, à rebours de toute la recherche économique de ces cent dernières années. 

 

Saucratès

 

 

A lire mes articles précédents 

https://saucrates.blog4ever.com/critique-de-l-economie-1

https://saucrates.blog4ever.com/critique-de-l-economie-2


03/12/2022
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Biens communs et capitalisme

Saint-Denis de la Réunion, dimanche 29 août 2021


Un article du Monde m’a intéressé. Il parlait des communs fonciers. Cette tribune d’un collectif de personnalités écologistes met en avant l’importance et l’apport des biens fonciers communs (ou communaux). 
 

https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/08/28/les-communs-fonciers-peuvent-servir-de-modele-pour-relever-les-defis-ecologiques_6092597_3232.html

 

Intéressant parce que les biens communs mondiaux, ou biens publics mondiaux, sont une notion fondamentale en économie du développement. Formation, transports, moyens de communication, électricité, éclairage public, réseaux d’assainissement ou de distribution d’eau, un bien commun ou un bien public est un bien dont la production a nécessité d’être assuré par le secteur public, et qui permet l’accroissement du bien-être général d’une population.

 

En économie, on parle de non-rivalité et de non-excluabilité. La consommation du bien concerné par un agent n'affecte pas la quantité disponible pour les autres agents (principe de non-rivalité). Et il est impossible d'exclure un agent de l'utilisation de ce bien, même s'il n'a pas participé à son financement (principe de non-excluabilité). A ne pas confondre avec les biens publics purs comme l’eau ou l’air.

 
Evidemment, le principe d’un bien public ou commun n’est pas général. Au-delà d’un certain usage, la consommation par un usager peut dégrader la qualité disponible pour tous les usagers. Dans le cas d’une route, on voit l’apparition de bouchons et de blocage. Idem pour la distribution d’électricité lorsque le réseau électrique est surchargé par l’afflux de la consommation électrique et que le réseau s’écroule ou que des délestages sont nécessaires. 

L’économie libérale a pour objectif d’arriver à libéraliser, privatiser, l’accès à l’ensemble des biens communs et des biens publics. C’est je pense la marque de fabrique du capitalisme. Et ceci est d’autant plus vrai, ce qui rend d’autant plus intéressant cette tribune, c’est qu’à l’origine de toute la théorie économique libérale, de toute pensée capitalisme, de tout le capitalisme, on trouve une controverse qui s’est déroulée en Angleterre et qui porte le nom des «enclosures». Cette controverse a opposé Malthus à Ricardo. Le mouvement des enclosures est à l’origine du capitalisme anglais. A partir du XVIe siècle et jusqu’au XVIIIe siècle, les riches propriétaires fonciers anglais convertissent les champs ouverts et les pâturages communs cultivés par les communautés paysannes en pâturages pour des troupeaux de moutons pour le commerce de la laine. 

Remettre en avant désormais l’usage et l’importance des biens communs, et leur intérêt en matière de gestion des ressources pour le bien de l’humanité est un magnifique pied de nez réalisé au grand capitalisme mondial. Le forcer à mutualiser, à rendre l’accès public et libre, de tous les biens qu’ils ont confisqués, qu’ils ont accaparés, au fond que nous avons confisqués et accaparés ... Car derrière ce capitalisme, il y a nous, petits bénéficiaires et petits consommateurs. 

Une autre notion en lien avec ces biens communs a été ce que l’on a appelé la «tragédie des biens communs», de Garrett Hardin. Que si un bien commun n’appartient à personne, alors personne n’a d’intérêt à l’entretenir et à en réguler l’usage entre les utilisateurs. Se pose aussi et surtout le souci des resquilleurs, des passages clandestins, de ceux qui cherchent à en user sans participer à sa gestion, à sa production ou à son entretien. La théorie de Hardin a été contredite notamment par Elinor Ostrom.

 

https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/03/11/les-communs-renouveau-de-la-democratie-locale_6032562_3232.html

 

Plus de cinq cent ans après le mouvement des enclosures anglais, que Karl Polanyi ou Karl Marx présentaient comme le moment constitutif de l’apparition du capitalisme, il est intéressant d’observer que le mouvement citoyen et écologiste va enfin s’attaquer à une cause réelle de la suprématie capitalisme, l’accaparemment des ressources communes par le grand capital.

 
 

Saucratès


29/08/2021
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Réchauffement climatique et économie

Saint-Denis de La Réunion, mardi 11 août 2020

 

Je vais traiter aujourd’hui d’économie et de réchauffement climatique, pour reprendre un dialogue à distance entretenu avec M. Bruno Bourgeon. Avant tout, je tiens à indiquer que je ne suis pas climato-sceptique, je suis en effet persuadé que l’activité de l’homme est en grande partie responsable des émissions croissantes de gaz à effet de serre qui sont elles-mêmes la cause du réchauffement climatique de notre planète Terre. Mais ceci étant dit, je ne suis pas comme ces excités qui exhibent comme preuve du réchauffement climatique tout fait qui corrobore la hausse des températures. Incendies monstrueux en Australie ou en Sibérie, record de température en décembre 2019 à l’Ile de la Réunion ... Je ne me retrouve ainsi pas du tout dans les égéries de la lutte contre le réchauffement climatique comme Greta Thurnberg. Ces jeunes leaders seront peut-être demain de grands leaders politiques et conduiront le monde, la Terre, à un grand changement, mais je crains plutôt qu‘ils ou plutôt elles seront les meneurs d’un fascisme écologique mondial qui pointe peu à peu son nez. Mais je comprends aussi que ces jeunes puissent être considérées par d’autres comme des messies, des leaders éclairés.

Ceci étant précisé, le monde n’étant pas encore ni fasciste ni une dictature écologique, je vais en revenir à mon propos liminaire sur l’économie.

 

1) Comment le monde économique pourrait-il intégrer les contraintes du réchauffement climatique et de l’épuisement des ressources naturelles dans la formation des prix et dans la production des biens et services et leur consommation par les usagers ?

 

Tel est en effet le but de l’économie. Expliciter et mettre en équation le fonctionnement du monde et des échanges économiques. Et dans le cas présent, comprendre pour quelles raisons les prix du pétrole et des ressources naturelles en voie d’épuisement n’intègrent pas cet épuisement annoncé. Car le fonctionnement normal de l’économie voudrait que face à l’engorgement du monde, à l’épuisement des ressources naturelles et aux émissions croissantes de gaz à effet de serre, les prix de ces différents biens et services devraient exploser en intégrant les effets du réchauffement climatique. Ce renchérissement limiterait peu à peu l’usage de ces biens à une seule élite de super-riches, ce qui aurait pour effet de réduire les émissions de GES et l’épuisement des ressources naturelles liés à la fabrication et à la consommation de ces biens. Ce serait ainsi le cas de l’essence et du pétrole, de la viande de bœuf, des voyages en avion et du tourisme. Face à une essence à plus d’une dizaine d’euros du litre, à de la viande de bœuf ou de poulet à plusieurs centaines d’euros du kilo, à des billets d’avion à plusieurs dizaines de milliers d’euros, les consommateurs normaux n’auraient plus la possibilité d’en consommer ou de s’en offrir, et ils n’émettraient plus autant de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Sans essence, il n’y aurait plus de véhicules automobiles, plus de voyages en avion ... Les prix des matières premières et des produits polluants auraient dû normalement croître peu à peu pour que la transition ne soit pas trop violente, afin que les consommateurs des classes pauvres ou moyennes se restreignent peu à peu. 

On peut penser que ce fonctionnement économique normal est monstrueusement injuste et violent, pratiquement fasciste. Tout le monde trouverait-il normal, moral, acceptable, que ces biens mauvais pour la planète continuent d’être produit et consommé, en petite quantité, au bénéfice seulement d’une fraction enrichie de la population ? Pour une seule élite ? Mais il faut aussi noter que produits et consommés en petite quantité, ces biens et services ne sont pas mauvais pour la planète. C’est seulement leur usage et leur production en masse qui est mauvais pour la planète. 

Et au fond, dans la réalité, on accepte déjà tous les jours un tel fonctionnement. On accepte l’existence de produits de luxe, plus agréables, plus efficaces, plus beaux, que seuls une poignée de riches peuvent s’offrir. On accepte par exemple l’existence des Ferrari et des Buggati lorsque tout le monde ne peut rouler qu’en Peugeot ou en Renault ...

 
2) Mais ces mécanismes économiques de régulation par les prix n’ont bizarrement pas fonctionné, et ont conduit au contraire à la production de masse de biens de consommation, aggravant leur impact en terme de pollution ...

 

De manière très surprenante, ces mécanismes économiques n’ont effectivement pas fonctionné convenablement dans le monde capitaliste occidental, ni ailleurs d’ailleurs ; les prix de tous les biens et services n’intègrent ainsi pas les effets de leur épuisement annoncé et du réchauffement climatique. Bien au contraire, ces biens et services se sont démocratisés et ils ont été produits de plus en plus massivement, jusqu’à rendre flagrant l’impact de leurs émissions de GES. Comment cela s’explique-t-il ?

Face à ce mécanisme économique normal, qui voudrait que les prix reflètent le coût de fabrication réel des biens et services, les positions des extrémistes écologistes et des collapsologues visent à l’interdiction de l’utilisation et de la commercialisation de ces biens et services néfastes pour la planète. Ils ne visent pas à réguler par les prix leur usage et leur commercialisation, mais ils veulent leur interdiction absolue. Interdire les SUV et les 4x4 par exemple parce qu’ils polluent plus que les autres véhicules automobiles. Interdire les voyages en avion. Ecceterra. 

Mais en même temps, on pourrait dire que le fait de limiter l’usage de ces biens et services aux seuls plus riches consommateurs n’est guère plus acceptable socialement ni plus juste éthiquement parlant. D’une certaine façon, on voit ainsi s’opposer deux visions du monde : une vision économique, inégalitaire, contre une vision morale ou plutôt moralisante et égalitariste. Régulation par les prix contre interdiction pour tous et jugement ou condamnation moral. D’un côté, on plonge vers encore plus d’inégalités sociales. De l’autre, on donne à une minorité de dictateurs en herbe le droit de décider ce que l’on a le droit de consommer et d’acheter. Et le risque existe que la liste des interdictions s’étendent de plus en plus, selon les goûts de chacun des dictateurs autoproclamés.


3) Peut-on expliquer le fonctionnement imparfait de l’économie mondiale ou bien proposer des solutions ... ou bien comment expliquer cette absence d’une véritable volonté politique mondiale ...

 

Je ne suis évidemment pas compétent pour expliquer les raisons du fonctionnement imparfait des marchés et des prix. Pour quelles raisons les prix du pétrole ne reflètent-ils pas le niveau de raréfaction de cette ressource naturelle, pas plus que les prix de toutes les autres ressources naturelles ou minérales ? Pour quelles raisons le prix du pétrole a-t-il autant baissé depuis la crise financière de 2007, voire est-il presque devenu négatif pendant la pandémie de coronavirus ? Pour la même raison que le prix du diesel et de l’essence ne peut pas socialement dépassé 1,20 ou 1,50 euro sans violente réaction populaire ou sans mouvement de blocage des transporteurs à La Réunion ou en France. Il y a des raisons politiques et sociales en interne, il y a des raisons de conflits ou d’arbitrage internationaux. Et il y a des raisons liées à la spéculation financière. Et certainement encore d’autres raisons ...

 

La spéculation permet à des financiers de spéculer et de gagner des milliards sur à peu près tout ce qui se négocie. Les technologies des énergies renouvelables. La baisse des devises internationales. La baisse des cours des marchés en période de crise financière. La baisse de l’immobilier en cas de crise des subprimes. La spéculation sur les masques, les gels et les vaccins en période de pandémie. Et demain sur les ressources en eau en cas de crise écologique. 

Le fonctionnement des marchés, donc du capitalisme, est totalement imparfait, contrairement à toutes les théories sur la concurrence pure et parfaite. La bonne allocation des ressources financières, idéal-type du capitalisme est évidemment remise en cause par les ravages de la spéculation financière.

 

4) Le concept d’externalités négatives et de pollution offre un cadre théorique permettant de comprendre les dysfonctionnements du système capitaliste d'établissement des prix ...

 

On sait que le capitalisme ne sait pas non plus gérer la pollution, et qu’une instance supérieure, l’Etat, doit obligatoirement imposer des taxes au capitalisme et aux industriels pour prendre en compte le coût de la pollution pour la collectivité et pour les citoyens. Mais si ce principe marchait bien très bien au temps de l’Etat nation, cela ne fonctionne plus dans le cadre de la mondialisation, lorsque les industriels et les financiers peuvent déplacer leur système productif dans les pays les moins-disants en matière de législation et de protection.

 

Il en va de même pour la composante de raréfaction des ressources naturelles, et d’émission de gaz à effet de serre. Le marché ne peut pas les prendre en compte parce que c’est une forme ressemblant  au concept de pollution ou d’externalités négatives. Leur prise en compte par le marché n’est possible que si elle est imposée par un Etat ou par la communauté internationale. Et du fait de la mondialisation, il ne faut pas que ces industriels puissent trouver des états moins disants en terme de normes. Et nous savons évidemment que ce n’est pas le cas. Chaque État cherche à être moins disants que ces voisins, même et surtout dans l’Union européenne. Moins-disants en règles sociales, moins disants fiscalement comme l’Irlande ou les Pays-Bas ...

Aujourd’hui, la seule façon de légiférer sur ce sujet par nos Etats occidentaux dans ce domaine est de cibler les consommateurs. C’est pour cette raison que nous sommes abrutis de taxes. Viser les producteurs ne peut que conduire à la fuite des productions déménageables, même s’il n’en reste pratiquement pas en France.  Les États préfèrent ainsi taxer directement les consommateurs, sans toucher aux marges des producteurs. Mais cet excès de taxe à la consommation crée des mouvements sociaux de contestation, que ce soit celui des bonnets rouges en Bretagne ou celui des gilets jaunes.

 

Il faudrait une législation internationale visant à faire payer le vrai prix pour tout ce qui aide à la mondialisation des échanges, pour tout ce qui émet des gaz à effet de serre. Imposer la prise en compte des coûts économiques et sociaux liés à la gestion des externalités négatives (pollution, émission de gaz à effet de serre, épuisement des ressources, droit des générations suivantes à bénéficier de ces ressources ...). Seraient concernés toutes les activités polluantes ou émettrices de GES : véhicules automobiles des particuliers, déplacements aériens, frets pour les échanges internationaux, bétail pour l’alimentation humaine. Vrai prix du pétrole pour intégrer sa pollution et son épuisement prochain. Mais tout ceci doit se faire au niveau international.

 

Et tout ceci ne peut pas se faire immédiatement. Nous avons vu pendant ce confinement et cette pandémie les ravages qu’un arrêt du commerce international et des transports aériens peut provoquer. Manque de médicaments, de produits, de matériels. Il faudra des années, voire des décennies, pour relocaliser tous les systèmes de production au plus proche des consommateurs.

 

Y a-t-il donc un espoir ? Cela me semble très improbable. Mais est-on d’ailleurs prêt à tout payer plus cher, à moins consommer, ne pas changer de téléphone, d’ordinateur, de montre connectée, de voiture, tous les quatre matins ? Et à voir certains, les plus riches, de continuer à pouvoir les acquérir et les utiliser ? Sans en être envieux et haineux ? Et qu’en penseront les intégristes de l’effondrement ? 

 


Saucratès


11/08/2020
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Critique de l'économie (2)

 

Réflexion neuf (10 janvier 2013)
De la nécessité d'une refondation de mes réflexions sur les sciences économiques


La crise financière que le monde traverse depuis l'été 2007, qui a donné naissance à ce que l'on a appelé la plus grande crise financière depuis les années 1930, et qui rappelle tant la longue récession qui s'est étendue de 1873 à 1896, rend nécessaire de repenser les soubassements des sciences économiques, telles qu'elles sont pratiquées et enseignées. Des réflexions en ce sens se déroulent au sein des plus grandes écoles d'économie de la planète.

 

La crise financière a permis de démontrer l'erreur des concepts fondamentaux de l'économie théorique. Les marchés ne sont pas omnipotents et omniscients ; ils ne permettent pas un fonctionnement optimal de l'économie et ne se régulent pas automatiquement. Evidemment, je ne pense pas que les théoriciens du libéralisme vont se rendre très facilement ; je pense même qu'ils ne sont pas étrangers aux problèmes actuels de la crise de l'endettement public. Comment fragiliser suffisamment la branche sur laquelle on est tous assis tout en évitant de la scier totalement ?

 

Est-il nécessaire de démontrer les erreurs, les fautes, les insuffisances des concepts fondamentaux de la théorie libérale en économie ? Il sera par contre plus difficile de préciser et de démontrer ce qui doit être réformé dans ses concepts. La crise financière a permis de démontrer que les sciences économiques ont été incapables d'empêcher la création puis l'explosion de bulles spéculatives et de bulles d'endettement, puis la propagation de leurs effets sur l'ensemble du système bancaire international puis à l'ensemble de l'économie. Le système bancaire international a été à deux doigt de s'effondrer comme un chateau de cartes (et encore maintenant il n'est toujours pas totalement sorti d'affaire) comme dans les années 1930 et comme tout au long des crises du dix-neuvième siècle. Malgré tous les travaux économiques et toutes les publications sur les crises systémiques, le système bancaire mondial a failli être emporté par une telle crise !

 

Au plus fort de cette crise, dans les années 2007-2009, on n'entendait plus du tout parler des économistes ultra-libéraux, on ne les entendait plus nous vanter les mérites des marchés, et on ne les entendait plus combattre l'interventionnisme des états. Bien au contraire, toutes les voix qui s'élevaient prônaient le sauvetage par les états des systèmes financiers et le lancement de plans massifs de relance de l'activité économique. Mais peut-être n'était-ce qu'un effet du prisme médiatique. Les médias n'offraient peut-être plus à ce moment-là de visibilité à des théories manifestement plus d'actualité, et préféraient relayer les positions des économistes prônant un rôle accru de l'état dans l'économie par temps de crise ?

 

Les ultra-libéraux sont revenus en force lors de l'éclatement de ce qu'il faut appeler la crise de la dette publique, à partir de 2010-2011, dans le sillage des annonces successives de dégradation des cotes des états par les agences occidentales (anglo-saxonnes) de notation (Standard & Poor's, Moody's et Fitch). Muets pendant toute la crise, parce qu'ils n'avaient aucune solution concrète à proposer à l'époque, les économistes ultralibéraux sont redevenus donneurs de leçons, pourfendeurs de l'interventionnisme des états, critiques vis-à-vis des politiques publiques. Les états doivent restreindre leurs dépenses, limiter leurs déficits, baisser les impôts pour permettre à l'économie de se relancer. Et c'est un débat qui prend de plus en plus d'ampleur actuellement, qui conduit à l'adoption d'une règle d'or sur les déficits publics en Europe, au maintien de baisse d'impôts massives pour les riches ménages américains. Les ultralibéraux sont-ils directement responsables de la contamination de la crise financière à l'endettement public ? Ou bien est-ce le système financier mondial lui-même qui, après avoir failli s'auto-dévorer, s'est attaqué à la main même de celui qui avait tenté de le secourir pendant la crise, qui s'est attaqué au compartiment gigantesque de la dette des états sur lequel il s'est rendu compte qu'il y avait de gigantesques gains à réaliser ?

 

Il y a ainsi à mon sens aujourd'hui un débat à tenir sur l'idée de réformer les concepts de base même des sciences économiques, et notamment sur les concepts des théories libérales ou néo-classiques. Il y a à mon avis un conflit en cours entre d'une part les économistes interventionnistes (ou néo-keynésiens) qui estiment que la crise financière de 2007 impose une réforme des concepts libéraux du marché, et d'autre part les économistes libéraux (néo-classiques) ou ultralibéraux qui estiment que la crise de la dette publique démontre l'impuissance des états et impose une diminution de leur poids et la poursuite de la marchéisation de l'économie et des activités régaliennes des états !

 

 

Réflexion huit (10 mai 2012)
Rationalité de la science économique et gratuité des ressources naturelles ...


La science économique est-elle rationnelle ? Cela pourrait sembler être une question totalement déplacée, vu qu'elle se targue justement d'être totalement scientifique et de reposer sur des comportements totalement rationnels des agents économiques, analysés comme des membres de l'espèce homo oeconomicus !

 

Et pourtant, est-ce si certain ? Derrière la rectitude des hypothèses de ses théoriciens sur le comportement des agents économiques et sur le fonctionnement de leurs modèles, n'y a-t-il pas des soubassements de leur analyse totalement déconnectés de la réalité, de la logique, de l'éthique, qui retire à la science économique toute rationalité ?

 

De tels concepts totalement fallacieux et déconnectés de la réalité, de la logique ou de l'éthique, nous en connaissons vraisemblablement de nombreux. Les fonctionnements pervers actuels des marchés financiers et du capitalisme financier en sont notamment un exemple criant. Ces fonctionnements pervers sont évidemment observés dans notre réalité et ils reposent tristement sur un fonctionnement que l'on peut analyser comme rationnel même s'il n'est pas éthique. 

 

Il n'en va pas de même selon moi du problème de l'épuisement des ressources naturelles, des minerais, des hydrocarbures et autres matières premières indispensables au fonctionnement de l'économie capitaliste, de la société occidentale de consommation en voie de s'exporter dans le monde entier.

 

J'ai trouvé dans le blog Oil Man (http://petrole.blog.lemonde.fr/) une citation de l'économiste libéral du dix-neuvième siècle Jean-Baptiste Say, l'un des thérociens de l'école classique sur les fondements de laquelle repose toute l'économie libérale néo-classique actuelle. Cette citation avait été initialement indiquée par les auteurs Bihouix et de Guillebon, qui, selon eux, «signe le péché originel de la science économique, telle qu'elle est toujours pratiquée et enseignée aujourd'hui» :

«Les ressources naturelles sont inépuisables, car sans cela nous ne les obtiendrions pas gratuitement. Ne pouvant être ni multipliées, ni épuisées, elles ne sont pas l'objet des sciences économiques» - (Jean-Baptiste Say, Cours d'économie politique pratique, 1815).

http://petrole.blog.lemonde.fr/2012/05/08/rarefaction-des-metaux-demain-le-peak-all/

Il s'agit d'un problème majeur de l'économie capitaliste et de toute l'économie de l'environnement moderne : l'absence de valeur reconnue aux ressources naturelles puisées dans l'environnement. A ce sujet, on note l'influence primordiale des concepts théoriques de la science économique sur la réalité, et non l'inverse (à savoir une influence de la réalité sur les concepts économiques) puisque c'est bien la gratuité théorique des ressources naturelles dans la théorie économique qui fonde leur gratuité actuelle dans le monde capitaliste, ce qui est une aberration absolue.

 

En effet, nous partageons les ressources naturelles avec les générations qui nous ont précédé et surtout celles qui vont nous succéder, c'est-à-dire celles de nos enfants, de nos petits-enfants et des suivants. Le fait de pouvoir ponctionner dans le sous-sol l'ensemble des ressources naturelles qui nous sont aujourd'hui utiles, qu'il s'agisse du pétrole, du charbon, du gaz, des métaux, des terres rares ou de l'uranium de manière totalement gratuite, si ce n'est les coûts d'extraction, les prive de cette même possibilité.

 

Cela n'a effectivement aucun sens, à moins que l'on estime théoriquement que leurs gisements sont infinis, que ces ressources naturelles sont inépuisables. Dans ce cas-là, on ne priverait en effet en aucun cas les générations suivantes de la disponibilité de ces ressources, et on pourrait à ce moment-là les ponctionner sans état d'âme. Mais à partir du moment où l'on sait que ces ressources naturelles ne sont pas inépuisables, et que l'on arrivera très rapidement à leur épuisement, on prive à ce moment-là les prochaines générations de ces ressources et on devrait alors les économiser, restreindre notre consommation, changer notre modèle économique et le type de biens que nous fabriquons, et surtout reconnaitre que ces ressources naturelles ne sont pas gratuites mais payantes, au bénéfice des générations qui vont nous suivre.

 

Les états qui disposent de ces gisements de ressources naturelles n'ont pas uniquement le droit de prélever des taxes et des impôts sur les activités d'extraction sur leurs terres ; elles ont le droit de réglementer ces activités, de demander un prix convenable pour les ressources extraites, quelles qu'elles soient, au bénéfice des générations à venir ou pour les générations actuelles, et de nationaliser les compagnies étrangères ou privées qui exploitent les gisements sur leur territoire.

 

Au-delà de cela, il faudrait surtout que la science économique intègre le caractère non inépuisable des ressources naturelles et inventent une théorie et des mécanismes de rémunération de ces ressources, afin de guider le monde vers l'épuisement des ressources naturelles. La science économique se doit également d'intégrer le coût des émissions de carbone et de la dette climatique et environnementale née des émissions de gaz à effet de serre, et de l'indemnisation des générations à venir pour la dégradation de leur lieu de vie et de leur qualité de vie.



Saucratès

 

 

Note précédente :

1.https://saucrates.blog4ever.com/blog/lire-article-447196-2009988-critique_de_l_economie_1.html


09/05/2012
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