Critiques de notre temps

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Les affaires Ghosn et Fillon ... ou de la nécessité de l'existence des lanceurs d'alerte

Saint-Denis de La Réunion, dimanche 3 mars 2019

 

Je suis vivant. Quatre heures plus tard, j'étais sorti de la clinique. Vous me direz que c'est beaucoup de peur, beaucoup d'exagération pour pas grand chose. Vous auriez peut-être raison. Ce dimanche soir, deux jours plus tard, je profite malgré tout du bonheur d'être en vie, en buvant un bon whisky ... ou plutot un bon bourbon pour répondre aux eventuels puristes.

 

Je voudrais en ce soir tombant revenir sur l'affaire Carlos Ghosn. Et par la même occasion, cela me permettra aussi de revenir sur l'affaire Pénélope et François Fillon. Ces deux histoires me semblent particulierement proches ou plutôt ressemblantes. Carlos Ghosn a fait embaucher quelqu'un de sa famille (une cousine) à des tarifs exorbitants, il a fait réaliser des travaux hors de prix sur une de ses propriétés personnelles, il a fait prendre en charge les dépenses de réception grandioses correspondant à son mariage (ou à ses fiançailles), tout cela aux frais notamment de l'alliance Renault-Nissan. Mais malheur pour lui, une partie de ses dépenses ont été payées par Nissan, une entreprise japonnaise. Il eut tout fait prendre en charge par Renault et uniquement par Renault qu'il n'aurait jamais été inquiété ! C'est tellement naturel en France que les dirigeants se croient tout puissant et se servent dans les caisses de leurs entreprises que jamais personne n'aurait rien dit si cela s'était passé de cette manière. 

 

C'est pour cette raison que je fais le parallèle avec l'affaire Fillon. Nous avons là un parlementaire qui a osé embaucher ou faire embaucher sa femme et ses enfants dans le cadre de son mandat parlementaire. Non pas une rémunération de plusieurs centaines de milliers d'euros comme la cousine de Ghosn. Seulement quelques milliers d'euros par mois. Mais dans ce cas-là, c'est le mal, la faute grave. Les juges qui leur tombent dessus, une nouvelle information chaque jour dans les semaines précédant le premier tour de l'élection présidentielle de mai 2018. Par contre, dans le cas de Ghosn, il ne semble y avoir aucune faute, aucune grave erreur. C'est un acharnement de la police et de la justice japonaise qui cherche à atteindre l'alliance Renault au travers de la personne du pauvre innocent Carlos Ghosn jeté injustement en prison ! 

 

Donc oui, j'estime qu'il y a un nécessaire parallele à faire entre ces deux affaires, entre les traitements médiatiques de ces deux affaires. L'un, Francois Fillon, était supposément déjà coupable pour la presse, alors que l'autre, Carlos Ghosn, est un pauvre innocent victime d'un complot visant l'alliance Renault-Nissan. 

 

Plus largement, l'affaire Ghosn met en lumière la complaisance dont bénéficient les dirigeants d'entreprises privées en France. Et même publiques. Ils sont autorisés à faire ce qu'ils veulent, à se payer ce qu'ils veulent, à se faire payer ce qu'ils ont envie, sans que personne ne puissent rien y redire. Parce qu'ils font tous pareil. Parce qu'ils rêvent tous, au gouvernement, de pouvoir faire pareil, d'avoir droit au même gâteau. Ce qui s'est passé au Japon permet de mettre en lumière ce qui manque en France. Une justice, un ministère public, une police qui ne soit pas aux ordres du pouvoir, des puissants. En France, la justice, le ministère public, la police, ne s'acharnent que contre les pauvres, les sans-grades, les adversaires de l'Etat, et les quelques puissants qu'on les autorise à attaquer, sur lesquels on les autorise à s'acharner. Comme Fillon, comme Strauss-Kahn, comme Kerviel, comme le groupe de Tarnac, comme le boxeur de Paris. Même si ces trois derniers sont en fait les victimes naturels de la justice et du ministère public, des pauvres sans grade.

 

Combien de chefs d'entreprises, de hauts managers si prompts à faire licencier leurs personnels, à attaquer, à restreindre, à diminuer leurs avantages sociaux, à baisser leurs salaires, si intransigeants sur les augmentations salariales qu'ils acceptent de leur donner, mais quand il s'agit de leurs propres avantages, de leurs propres rémunérations, de la prise en charge de dépenses somptuaires ou personnelles, sont si compréhensifs à l'égard d'eux-mêmes ? C'est le cas de l'immense majorité des patrons, des hauts managers, des petits managers du secteur privé ou public, en France. Ils n'ont aucune éthique même s'ils imposent des obligations éthiques à leur propre personnel. Et derrière les chartes de déontologie, derrière les codes sensés protegerles donneurs d'alerte dans leurs entreprises, ce ne sont que des mécanismes visant à empêcher toute forme de divulgation d'informations qui les desserviraient. Ils ne cherchent pas à protéger les lanceurs d'alerte ou leur personnel. Ils cherchent avant tout à se protéger eux-memes. Comme si la chape de béton qui recouvre le systeme économique et politique francais n'était pas suffisant. Ils ont mzlgré tout tellement peur de perdre leur position de domination sur les autres qu'ils crèvent de peur dans leur coin. 

 

Et le mouvement des gilets jaunes se comprend tellement bien si on prend en compte cette posture. Comment en vouloir à des gens qui n'ont presque rien, qui se sentent à la lisière d'être déclassés, qui ont tellement perdu. Alors évidemment, ils ne s'attaquent pas uniquement à ceux qu'ils devraient. Tous ces salauds qui s'enrichissent monstrueusement sur notre dos, tous ces gens qui depuis des siècles, depuis qu'ils sont devenus tout puissants, ont quitté la France et ses taux d'imposition trop élevés à leur goût. Alors évidemment, les seuls contre lesquels les gilets jaunes peuvent se retourner, ce ne sont pas les très puissants, ce ne sont pas les leaders ultra-liberaux du gouvernement et des autres partis qui asphyxient la France et les francais. Ceux qu'ils peuvent ennuyer, ce sont des gens comme eux et nous, ce sont des petits élus de la France rurale, ce sont des préfets et des gendarmes qui obéissent aveuglement aux ordres, sans réfléchir parce que cela leur est interdit, comme une partie des forces de police françaises obéirent au Régime de Vichy dans les années 1940-1944.

 

Pour en revenir au sujet qui m'importe, les dépenses somptuaires des dirigeants et des hauts managers des entreprises, il n'existe qu'un seul type de personnes qui pourraient les faire tomber. Soit des administrateurs ou des dirigeants d'autres entreprises ou du management qui auraient des valeurs éthiques au dessus du lot. Mais ils sont rares. Ils ne survivraient pas longtemps ! Soit des salariés des services de comptabilité ou des frais généraux, qui trouveraient les moyens de lancer des alertes. C'est à dire des lanceurs d'alerte. Mais encore faut-il qu'une réelle presse libre et indépendante, non inféodée, existe dans notre société. Encore faut-il que la police et le ministère public est envie de s'occuper de telles histoires économico-économiques. Les dirigeants des grandes entreprises françaises peuvent dormir tranquille ; il n'existe en France, je le crains, aucune envie de s'attaquer aux puissants qui trichent, volent, mentent, trahissent. Il est plus simple de répondre aux attentes du gouvernement, de s'attaquer à la Petite deliquance, aux pauvres gilets jaunes qu'il faut écrabouiller, auxquels il faut enlever toute envie de continuer à manifester ! 

 

Ce monde n'est pas cruel ! Ce Monde est juste injuste, parce qu'il protège les puissants parce que tous ceux au pouvoir n'aspirent qu'à une seule chose : devenir puissants et extremement riches eux aussi ! Alors oui, il faut défendre et combattre les mesures qui cherchent à faire peur aux potentiels lanceurs d'alerte. Les lanceurs d'alerte sont les héros de ce siècle. 

 

 

Saucratès 



03/03/2019
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