Critiques de notre temps

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Justice et État de droit

Les médias, la Droite conservatrice et la Justice
Par Saucratès
Saint-Denis de la Réunion, dimanche 27 avril 2025

 

Le débat passionné qui se déroule autour de Trump, de l’extrême-droite française, de Sarkozy et de leur remise en cause de la justice, est un très vieux débat autour du principe du Droit. Mais le positionnement même des médias autour de cette question, de ces remises en cause, est également un élément important de ce débat.
 
Au fond, comme sur tous les sujets, la majorité des médias occidentaux sont des partisans d’un libéralisme politique qui les conduit à prendre partie de manière systématique dans ces débats. La remise en cause d’une décision de la Cour Suprême américaine par un président démocrate comme Biden n’est absolument pas couverte n’est pas absolument pas couverte de la même manière qu’une remise en cause de la justice par Trump. La tentative d’influencer la désignation du prochain pape par les dirigeants européens afin de favoriser le choix d’un pape réformateur ne sera pas non plus présenté de la même manière qu’une tentative des chrétiens conservateurs comme Vance pour favoriser l’élection d’un pape conservateur. 
 

https://actu.capital.fr/economie-politique/election-du-pape-comment-trump-compte-influencer-le-choix-du-successeur-de-francois-1512951

 

Il y a désormais un combat qui fait rage autour de la Justice. Ce débat est ancien entre une justice se limitant à la stricte application de la Loi, et une justice engagée dépassant l’application simple de la Loi pour interpréter la Loi et l’esprit de la Loi. Lorsqu’une juge américaine est arrêtée par le FBI pour avoir tenté d’empêcher l’arrestation d’un migrant illégal aux Etats-Unis, les médias prennent faits et causes pour cette pauvre juge et reprennent les arguments de ses défenseurs. 

https://www.lemonde.fr/international/article/2025/04/25/le-fbi-a-arrete-la-juge-hannah-dugan-dans-le-wisconsin-pour-entrave-a-l-arrestation-d-un-migrant_6600024_3210.html

 

https://www.lemonde.fr/international/article/2025/04/18/entre-trump-et-les-juges-la-bataille-s-intensifie_6597435_3210.html

 

La question n’est plus de savoir si un juge quelconque peut braver la Loi pour s’opposer à une règle qu’il considérerait comme inique et injuste. Pour les médias, c’est le combat entre la Justice libre et indépendante et l’arbitraire du pouvoir d’un homme qu’ils considèrent comme indigne d’occuper ce poste de président des États-Unis d’Amérique. Ce n’est plus à ce niveau-là un problème d’idées et d’idéologie. C’est le combat du Bien contre le Mal. C’est le combat contre le Mal. Il n’existe de toute façon plus de sujet d’éthique journalistique ; lorsqu’on arrive au stade du combat contre le Mal, tous les combats sont permis ; l’éthique ne compte plus.

 
Le combat n’est même pas inégal, malgré l’importance du camp des médias libéraux. Une moitié des électeurs ne croient plus dans ce qu’ils lisent ou voient dans les médias, qui cachent selon eux la majeure partie des faits qui n’iraient pas dans leur sens. Une moitié des électeurs ne croient plus en les médias. Il ne faut les lire et les comprendre que comme la vision partisane et déformée des faits d’une presse cherchant à manipuler les opinions de leurs lecteurs.

 
Tout ceci s’explique probablement parce que la justice a été instrumentalisée par ceux qui sont sensés l’appliquer et la mettre en œuvre. Le gouvernement des juges n’est pas propre à la France. La Justice est politisée et utilisée pour influencer ou combattre les décisions de l’Etat, que ce soit en France ou aux Etats-Unis. Lorsque cette justice remet en cause le droit des femmes à l’avortement aux Etats-Unis, les médias ne défendent pas cette Justice contrôlée par des juges réactionnaires. On appelle le président Biden à modifier la composition de la Cour suprême pour y nommer de nouveaux juges pour rééquilibrer la Cour Suprême. Lorsque la Justice est attaquée par les hommes de Trump, changement de décor : la Justice défend le droit du peuple.

 

Il en va de même en France. Les juges rendent bien trop souvent une Justice politisée bien plus qu’une justice équitable ou objective. Au fond, c’est bien là le souci ; la Justice se devrait d’être objective et non politisée, mais ce ne sont que des hommes ou des femmes qui la constituent, et ces hommes et ces femmes sont contrôlés par leurs opinions politiques. D’où les multiples condamnations de l’Etat pour inaction climatique, pour ces procès du siècle en matière d’écologie, ou afin de libérer le plus possible de criminels ou de sans-papiers en fonction d’une idéologie gauchiste extrémiste. La Justice ne pourra être une Justice équitable que lorsqu’elle ne sera plus rendue par des hommes ou des femmes possiblement victimes de leurs passions.

 
L’influence des médias joue ici également. Les médias ne communiquent qu’autour des jugements respectant leur idéologie et attaqués par le camp des conservateurs, ou inversement, par les décisions s’opposant à leur idéologie comme la remise en cause d’un jugement légitimant le droit à l’avortement. Les médias ignorent l’immense majorité des décisions judiciaires qui ne permettent aucune polémique.  
 
La situation française avec les affaires des condamnations de Nicolas Sarkozy ou de Marine Le Pen et du Rassemblement National est tout aussi intéressante. La condamnation de Marine Le Pen constitue-t-elle véritablement une victoire de l’Etat de droit ? En quoi la condamnation pour détournement de fonds publics de la dirigeante d’un parti politique ayant construit sa progression électorale sur le ‘tous pourris’ pourrait-elle être une victoire de l’Etat de droit ?

https://www.lemonde.fr/politique/article/2025/04/01/apres-la-condamnation-de-marine-le-pen-la-presse-etrangere-parle-d-un-seisme-et-redoute-le-chaos_6589459_823448.html

 

Les médias comme Le Monde se gargarisent de cette condamnation et de la levée de boucliers au Rassemblement National sur la justice aux ordres. S’agit-il d’un acharnement policier ou judiciaire ou de celui du gouvernement ? Sinon, pourquoi les poursuites comparables conduites pour des emplois fictifs d’assistants parlementaires au parlement européen ne se soldent-elles pas par des peines aussi lourdes prononcées contre les autres partis politiques ou les amis de Macron ? Pourquoi Marine Le Pen est-elle lourdement condamnée et pas François Bayrou ? Parce que ce dernier ne constitue pas une menace pour une réélection potentielle de Macron ou d’une de ses marionnettes, à la différence de Marine Le Pen ? 
 
Bizarrement, les attaques de Marine Le Pen ou du Rassemblement National entraînent une levée de bouclier de la part de presque tous.  Quelle grandiloquence ! «Attaquer l’institution judiciaire, c’est porter atteinte aux fondements de notre démocratie». 

 

https://www.lemonde.fr/societe/article/2025/04/01/condamnation-de-marine-le-pen-attaquer-l-institution-judiciaire-ce-n-est-pas-seulement-porter-atteinte-aux-juges-mais-aussi-aux-fondements-de-notre-democratie_6589524_3224.html

 

https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/03/31/condamnation-de-marine-le-pen-la-rhetorique-du-gouvernement-des-juges-vise-moins-a-defendre-la-souverainete-du-peuple-que-celle-des-gouvernants_6589004_3232.html

 

Alors évidemment, certains personnages importants de la Macronie et du système judiciaire comme Rémy Heitz peuvent bien marteler que cette condamnation n’est pas politique, que la justice francaise n’est pas politique : 

 

« La justice n’est pas politique, cette décision n’est pas une décision politique mais judiciaire, rendue par trois juges indépendants, impartiaux », a déclaré l’un des deux plus hauts magistrats de France, Rémy Heitz, en réaction aux critiques contre la condamnation, la veille, de Marine Le Pen.

 

Malgré tout, une décision qui n’avantage qu’un clan, qui, si on suit l’exemple roumain, va s’étendre peu à peu à l’ensemble des principaux candidats du parti d’extrême-droite, n’est-il pas par définition politique ? Si la justice n’est pas véritablement politique, même si Remy Heitz semble être un pur produit de la Macronie et a occupé les principaux postes d’appui à Emmanuel Macron, les juges qui prennent les décisions de condamnation ne peuvent-ils être politisés ? Jugent-ils ou jugent-elles en fonction des lois et des preuves étayées ou en fonction de ce que leur dicte leur conscience, en fonction de ceux qu’ils ou elles ont en face d’eux et du parti politique auquel les prévenus appartiennent? 
 
De tout temps, on a mis en cause et critiqué une république des juges. Le problème du monde d’aujourd’hui est que la justice est surtout désormais une des armes utilisées par les opposants aux partis conservateurs, d’extrême-droite ou populistes afin de les éliminer judiciairement ou de les bloquer institutionnellement lorsqu’ils sont arrivés au pouvoir. Roumanie, Etats-Unis, France désormais, Allemagne, Bulgarie, Brésil… La liste est longue. La Justice n’est ainsi plus une composante de l’Etat de droit, mais une des armes utilisées par les opposants de ces partis populistes. Et le risque en politisant la justice, en démontrant que la Justice n’est pas indépendante, impartiale, c’est de détruire un deuxième pilier de l’Etat de droit occidental après celui du politique. 
 
 
Saucratès 



27/04/2025
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