Une question de légitimité
Une question de légitimité
Par Saucratès
Saint-Denis de La Réunion, mercredi 12 avril 2023
Que le Président Macron décide et gouverne en France, il est impossible de le nier. Mais qu’il ait le droit légitime et indiscutable de décider de ce qui est légitime et de ce qui est illégitime parce qu’il a remporté les dernières élections présidentielles ou les législatives, en avril-mai-juin 2022, cela, c’est une autre question !
Extrêmement amusant de noter qu’au même moment où Macron répondait à des jeunes manifestants à La Haye, en expliquant que « ceci est une démocratie et une démocratie est exactement un endroit où l’on peut manifester » et avoir « ce type d’interventions », à ce même moment, des jeunes militants contestataires étaient évacués manu militari de l’enceinte du bâtiment de l’auditorium du ‘Nexus Instituut’. Et le lendemain, deux pauvres manifestants entonnant la chanson des Gilets jaunes sont eux aussi arrêtés manu militari. Parfaite mise en application de la démocratie européenne tellement vantée par le Président Macron ; une démocratie dans laquelle le peuple est bâillonné, dans lequel contester le chef de l’Etat ou le gouvernement est qualifié comme un acte de violence, passible de poursuite judiciaire.
Emanuel Macron peut même rajouter : « Le jour où vous vous dites “quand je suis en désaccord avec la loi qui a été adoptée ou les personnes qui ont été élues, je peux faire ce que je veux car je décide moi-même de la légitimité de ce que je fais”, vous mettez la démocratie en danger. » Tout ceci, toute cette argumentation de sophiste, toute cette sophistique, n’est rien d’autre qu’une monstrueuse farce, une blague de très mauvais goût.
La démocratie à la française n’existe pas. Seule existe la violence. La violence de l’Etat d’un côté, avec une idéologie fluctuante du maintien de l’ordre, de plus en plus violente à mesure que le pouvoir central a peur, qu’il est terrorisé, et les gilets jaunes en ont fait violemment les frais, à la mesure de la peur qu’ils ont causé à Macron et à son gouvernement, aux journalistes qui les supportent, qui les défendent, qui aspirent à les rejoindre. Car la France des campagnes, car la France des ronds-points, n’avait rien à voir, ni avec le gouvernement et ses sbires, ni avec les journalistes qui exècrent le peuple, qui le jugent bête, stupide, populaire, réactionnaire. La violence d’Etat d’un côté, entre les mains du président Macron. Et en face, la violence du peuple dont l’histoire nous apprend qu’elle n’a aucune limite. Cette violence qui par le passé s’est dévorée elle-même après avoir dévoré les puissants qui gouvernaient le peuple.
Quelle est la violence la plus légitime entre les deux. La violence du pouvoir, de l’ordre, ou la violence du chaos, du peuple ? Du côté de l’ordre, la légitimité de cette violence, c’est une élection gagnée il y a aujourd’hui à peine un an, pour laquelle une majorité des électeurs de Macron regrettent leur propre choix. Du côté du désordre, du côté du peuple, c’est la légitimité du nombre, de la foule, de la colère face à des politiques injustes. C’est aussi la légitimité d’un ensemble de corps constitués, d’organisations légitimes pour porter la voix de leurs adhérents, unanimes pour contester les choix des gouvernements.
Il n’y a donc pas de conflit de légitimité ! La légitimité de Macron est la même que celle de Poutine en Russie, d’Erdogan en Turquie, de Jinping en Chine ou celle de Zelensky en Ukraine. Une légitimité électorale qui vaut à peine mieux, une légitimité assise sur la peur, sur la violence et par la répression policière ou militaire. Une répression policière cachée par des médias gouvernementaux à la solde de l’Etat, à la solde du Camp Macron, Poutine, Erdogan ou Zelensky. Lorsque c’était les socialistes qui imposaient des lois scélérates comme la Loi Travail de ‘El Konnerie’, au moins, ceux-ci avaient la décence de ne pas se représenter pour l’élection présidentielle suivante. Macron et son gouvernement n’ont même pas eu cette décence minimale !
Le peuple, les syndicats, la foule, la rue, ne disent pas qu’ils sont « en désaccord avec la loi qui a été adoptée ou les personnes qui ont été élues, je peux faire ce que je veux car je décide moi-même de la légitimité de ce que je fais ». Ils ne mettent pas « la démocratie en danger ». Ceux qui mettent la démocratie en danger, ce sont ceux qui se réfugient derrière une légitimité bidon, dépassée, qui attaquent des manifestations légitimes d’un peuple en colère pour s’accrocher toujours plus longtemps au pouvoir, aux dorures de la République, au luxe et à la mise en œuvre d’un projet de mise à sac de la France dans l’intérêt de quelques milliardaires qui les ont fait élire pour mettre en œuvre un programme ultra-libéral de mise à l’encan de la France. Ce sont ces gens-là, Macron, les sbires qui lui tournent autour, ses conseillers politiques qui s’égayeront comme une nuée de perdreaux ou d’étourneaux au premier coup de canon qui retentira dans ce pays, ce sont eux qui mettent la démocratie en danger, qui en violent ses principes, dont le premier est quand même le pouvoir du peuple au nom du peuple.
La première source de légitimité du pouvoir en démocratie est quand même en premier lieu « le peuple ». Et lorsque le peuple entier est dans la rue, comme aujourd’hui, le gouvernement devrait en tenir compte, devraint la respecter, respecter cette légitimité et retirer le texte de réforme des retraites qui cristallisent la colère de ce peuple, de ces manifestants, des corps constitués. S’accrocher au pouvoir ou à sa réforme comme le fait Macron est une erreur colossale. Car aujourd’hui, la contestation touche sa réforme. Mais demain, ce sera quoi ?
Après-demain, il est prévu que le Conseil constitutionnel rende sa décision sur le projet de loi de réforme des retraites. On peut comme l’économiste Thomas Piketty se préparait à son rejet des pourvois des parlementaires contre ce texte parce qu’il ne faut pas trop attendre d’une Cour de justice. On peut aussi juste se préparer à ce rejet parce que le Conseil constitutionnel n’est composé que de membres inféodés à Macron et à sa clique. Lorsque ce même Conseil constitutionnel a validé les uns après les autres des textes de lois de plus en plus attentatoires aux libertés publiques au sujet de la vaccination obligatoire contre le Covid-19, j’ai compris qu’il n’y avait désormais rien à attendre de cette institution voulue et pensée par le General de Gaulle et les constitutionnalistes qui l’entouraient, mais que l’irruption de Macron dans le champ politique a totalement délégitimisé. Il n’y a plus ni droite ni gauche, juste des libéraux contre le peuple, et les extrêmes autour.
Saucratès
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