Critiques de notre temps

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La violence à l’école

 

Lorsque les phénomènes de bandes conjuguent violence et exclusion à l’école pour détruire des enfants

Par Saucratès 

Saint-Denis de la Réunion, dimanche 26 novembre 2023

 

Il a fallu plusieurs suicides d’enfants et d’adolescents, victimes de ce que l’on appelle le ‘school-buring’, ou harcèlement scolaire, pour que le pouvoir politique macroniste se saisisse enfin de ce problème. Le mercredi 27 septembre 2023, la première ministre, Elisabeth Borne, a présenté un arsenal de mesures pour lutter contre le harcèlement scolaire. Selon Le Monde, ce fléau «touche près d’un élève sur dix».

 

https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/09/27/harcelement-scolaire-elisabeth-borne-decrete-la-mobilisation-generale-avec-une-serie-de-mesures-de-prevention-et-de-sanctions_6191312_3224.html

 

Selon la journaliste Sylvie Lecherbonnier,

 

«Le harcèlement procède de mécanismes bien plus complexes que les discours politiques ne le laissent penser. Il correspond à des phénomènes de groupe, de rejet de la différence qui vont au-delà du binôme harceleur-harcelé. Les témoins, par leur silence, se font complices et il est souvent très délicat pour les équipes éducatives de démêler le rôle précis de chacun.»

 

Bon évidemment, là dessus, je n’ai rien à y redire. Comme pour tout, c’est le silence des témoins, de la multitude de ceux qui voient, qui regardent, mais qui ne disent rien, qui expliquent l’abomination du harcèlement. «Le monde n’est pas dangereux à cause de la minorité de gens méchants, mais de la majorité de ceux qui voient mais qui ne disent rien», comme l’avait dit Einstein.

 

«(…) L’Unesco l’affirme : les programmes de lutte contre le harcèlement ne sont efficaces que s’ils respectent une approche éducative globale.»

 
On parle toujours de méthode globale, que ce soit en lecture, ou maintenant en lutte contre le harcèlement scolaire. Un grand mot à mettre sur toute chose. Cela en devient tellement stupide que cela en devient risible. Et pour les très pédants, on peut remplacer ‘global’ par ‘holistique’ pour faire encore plus intelligent et intellectuel.

 

«(…) Les cours d’empathie n’y suffiront pas, c’est toute l’éducation nationale qui doit opter pour le souci de l’autre : des bureaux des rectorats aux salles de classe. Un changement culturel et systémique colossal. Il s’agit de ré-interroger rien de moins que les relations humaines entre élèves, entre les élèves et les personnels de l’éducation, entre les personnels de l’éducation eux-mêmes et entre les différentes strates de la hiérarchie.»

 

Il est clair que ce ne sont pas des cours d’empathie, grande idée nouvelle du pouvoir macroniste, qui règleront la question du harcèlement. On est empathique ou on ne l’est pas. On ne devient pas empathique grâce à une leçon ! Ces élèves harceleurs étaient inaccessibles à toute forme d’appel à l’humanité. De la même manière que des cours ou des leçons de laïcité ne serviront aucunement à faire reculer l’extrémisme islamique. 

 

«(…) De la médiatrice de l’éducation nationale à la Défenseure des droits, les experts s’accordent : la parole de l’élève doit être davantage écoutée. L’enfant ou l’adolescent doit être appréhendé dans sa globalité : une tête et un corps, des savoirs et des émotions, une vie dans la classe et en dehors. Or, l’éducation nationale n’est-elle pas allée trop loin dans une conception quasi éthérée des élèves, centrée sur l’acquisition des savoirs au détriment de tous les autres pans d’une scolarité épanouie et heureuse, dans une école tournée vers la compétition plus que la coopération ?»

 

La France n’est pourtant pas le pays où la compétition est la plus forte dans l’accès aux études supérieures. Rien à voir avec la compétition scolaire existant au Japon ou en Corée du Sud. Et pourtant, si le nombre de suicides y est particulièrement élevé, je ne suis pas sûr que le harcèlement scolaire y soit plus important. 

Pour ma part, je pense que le harcèlement scolaire est une culture française qui a existé de tout temps, et qui repose sur la recherche et la haine de toute forme de différence, de toute forme de divergence, sur le besoin que certains ont de trouver des victimes et de s’acharner sur celles-ci, tant que cela les amusera.

 

«(…) Les fameuses études du Programme international pour le suivi des acquis (PISA) le montrent : la France échoue à développer les compétences psychosociales. Les élèves français sont plus anxieux, moins confiants dans leur potentiel et moins portés à la coopération que ceux des autres pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).»


Mon plus jeune fils à une théorie sur cette question, théorie que je partage pour avoir rencontré des centaines d’enseignants au gré de la scolarité de mes enfants. Le système français crée et repose sur l’idéal de la faute. Au lieu d‘être satisfait des résultats d’un devoir où tous les élèves auraient parfaitement réussi, un enseignant aurait l’impression d’avoir raté son interrogation. L’enseignement français repose sur l’idéal du bon élève ; un enseignant se gargarise d’avoir un bon élève et s’en félicite ; rien ne serait pire qu’une multitude de bons élèves. Jamais les QCM ne pourraient intégrer l’arsenal des formes d’interrogations en France car ne serait pire à un enseignant que de voir la chance permettre à un élève de bien répondre par hasard à une question alors qu’il n’a pas appris. 

La France repose sur le culte de l’élitisme. Mais il repose surtout sur la peur de l’échec, mieux vaut ne rien dire ou ne rien faire que de risquer de se tromper. Les commentaires moqueurs, les rires dans la classe, les réactions sans appel des enseignants ne laissent aucune place dans l’enseignement français à l’erreur et à la prise de risques. Et après on s’étonne des résultats catastrophiques des élèves français dans les tests PISA !

 

https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/10/09/la-lutte-contre-le-harcelement-scolaire-suppose-un-changement-culturel-dans-l-education-nationale_6193263_3232.html

 

Le harcèlement scolaire n’est pas nouveau. Je l’ai connu, je l’ai vécu il y a plus de 45 ans en Bretagne, d’autres l’ont vécu il y a dix ou vingt ans selon leurs témoignages, et il existe toujours. Il ne s’explique pas par la montée des différences en France, par l’immigration croissante de populations étrangères en France, même si ces phénomènes peuvent le nourrir. La campagne bretonne de mon enfance ne connaissait pas un seul immigré d’origine africaine, mais elle était déjà perclue par le rejet de l’étranger. 40 ans après son arrivée, on parlait encore de la maison du Parigot.

 

Le harcèlement scolaire se nourrit de l’existence dans une même école de forts et de faibles. Et de la très faible proportion de forts qui y défendent les faibles, qui prennent parti pour les faibles. Le monde de l’école, du collège ou du lycée, est une jungle où les plus forts tuent et écrasent les plus faibles. Cela a toujours été comme cela. Cela prend parfois d’autres apparences lorsqu’on parle de bandes de jeunes, de cités. Mais là aussi, il y a toujours eu des phénomènes de bandes de cités, qui se sont toujours fait la guerre, il y a cinquante ans comme il y a quelques mois ou années. Le livre et le film de la Guerre des boutons est là pour nous rappeler l’ancienneté des guerres de bandes, même dans la France des campagnes.  

 

Mais le concept des forts et de faibles n’est pas simple à appréhender. Dans une référence à la jungle, imaginons le jeune lion harcelé dans une école de prédateurs, qui est transféré dans une école de gazelles. Que deviendra-t-il ? Va-t-il se muer lui-même en harceleur, en fauve, dans cette école où il deviendra le plus fort ? 

Au fond, la question que je pose est la suivante. Devient-on harcelé ou harceleur parce que l’on est plus ou moins fort que les autres, que ses condisciples, plus ou moins faibles que les autres, ou bien est-on harceleur ou harcelé parce que c’est un état d’esprit, une disposition morale qui fait de nous un monstre auquel il faut une victime, ou qui ne fait pas de nous un monstre parce qu’on a une âme, une morale ?

 

https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/11/09/temoignages-d-anciens-harceleurs-scolaires-nous-n-avions-aucun-adulte-sur-notre-chemin-aucune-limite_6199097_3224.html

 

Apparemment, il y a des régions en France où le culte du rejet de l’autre est plus fort qu’ailleurs. La Bretagne en fait partie comme probablement la Corse, où le plasticage des maisons des continentaux est considéré comme normal. 

Les rares endroits où je n’ai pas connu le harcèlement scolaire, c’était au Sénégal, en raison peut-être de l’étrangeté radicale que je pouvais y représenter (mais l’inverse n’arrête pas les français), en tant que blanc dans une classe majoritairement de jeunes sénégalais, mais également et surtout l’île de La Réunion, où j’ai découvert des jeunes beaucoup plus ouverts à la tolérance, à l’acceptation de la différence des autres, quel qu’elle soit.

 
Ce que j’ai finalement compris de mon enfance d’harcelé, c’est que le harcèlement s’explique pour partie par l’inaptitude de certains enfants à comprendre les règles du jeu de la vie en société. La crèche, l’école, le collège puis le lycée sont des endroits où vous devez savoir comment réagir. Si vous ne le savez pas, si vous ne l’avez pas compris, si vous n’avez pas compris les règles, alors vous ne saurez jamais vous en sortir face à la violence, face au risque de conflit. 

 

Dans ce cas-là, cela revient-il à dire que c’est la faute des victimes si elles sont harcelées ? Ou bien comme je l’exposais un peu auparavant qu’il fallait pour être un harceleur manquer d’une part d’humanité, manquer de morale et d’éthique, d’être au fond perdu pour l’humanité, un monstre dont on ne pourra jamais rien faire.

 

Au fond, n’y a-t-il pas un lien entre cette absence d’humanité dont certains font preuve dès leurs plus jeunes années, et les comportements violents de prédations, d’agressions, de meurtres, de viols et de guerre, que l’on observe à l’âge adulte. Au fond, plutôt qu’un grand plan d’action gouvernementale 100% prévention 100% action, ne faudrait-il pas plutôt annihiler ces monstres dès le plus jeune âge, dès l’enfance, des les premiers signes d’harcèlement. Une forme d’eugénisme pour protéger le monde de ces tueurs potentiels, peut importe qu’ils aient déjà tué. 

Mais la justice française ne condamne même pas ces harceleurs alors qu’il y a eu suicide de leur victime !

 
https://www.francetvinfo.fr/societe/education/harcelement-a-l-ecole/pourquoi-les-affaires-de-harcelement-scolaire-sont-difficiles-a-juger_5897938.html

 

 

Saucratès

 

 

Post scriptum et sans que cela n’est rien à voir, l’article suivant souligne un niveau particulièrement bas des élèves ultra-marins, même réunionnais. Par quoi cela s’explique-t-il ? Autant le niveau particulièrement bas à Mayotte se comprend aisément, les places à l’école ou au collège étant insuffisante pour le nombre de jeunes et ceux-ci n’ont accès à l’enseignement qu’en roulement une demi-journée par jour, autant c’est plus difficile à appréhender pour la Réunion, à moins que l’on retienne une influence massive des jeunes mahorais et comoriens dans le système éducatif réunionnais qui vient en dégrader les résultats. 

 

 

https://la1ere.francetvinfo.fr/en-outre-mer-le-niveau-des-eleves-en-français-et-en-mathematiques-est-le-plus-bas-de-france-1443368.html

 

Cette même influence massive risque aussi de faire disparaitre cet idéal de tempérance et de tolérance que j’avais apprécié il y a des dizaines d’années, en y important d’autres habitudes, d’autres comportements et une autre culture.



26/11/2023
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