Critiques de notre temps

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Les prémices d'un grand mouvement estudiantin et social

Réflexion une (jeudi 1er février 2018)

Sélection à l’université - Réforme du baccalauréat - Le gouvernement Macron-Philippe joue avec le feu et à l’apprenti sorcier

 

Le président de la République française pensait avoir trouvé la solution pour faire exploser les conservatismes sociaux des français. Il l’avait expérimenté avec la réforme du droit du travail menée tambour battant et au pas de charge entre l’été et l’automne 2017. Mener au pas de course une réforme qui l’on indique effectuée dans la plus grande concertation. La réforme des institutions représentatives du personnel est ainsi passée comme une lettre à la poste, grâce à la complicité bienveillante de certaines organisations syndicales qui y trouvaient un intérêt correspondant à leur marotte (la CFDT pour ne pas la citer et la représentation du personnel des toutes petites entreprises).

 

La solution est de mener réforme après réforme pour noyer les éventuelles oppositions et contestations. Etant obligé de combattre plusieurs réformes successives, conduites au pas de charge, les contestations sont sensées s’étouffer ; essoufflement aidé par le fatalisme des grands médias écrits qui encensent les réalisations de ce président de la République qu’ils avaient appelé de leurs vœux (et je pense ici à mon quotidien préféré, Le Monde, qui ne fait preuve d’aucune impartialité dans le traitement médiatique accordé au macronisme !). 

 

Les syndicats contestataires, les partis de gauche gauchistes, furent ainsi dans l’impossibilité de rallier l’opinion publique à leur contestation et à leur mobilisation. Ces partis et syndicats avaient en effet à peine commencé à mobiliser au sortir de l’été 2017 que les ordonnances étaient votées et publiées et que le gouvernement passait à un autre sujet de réforme : la réforme de l’indemnisation du chômage, la réforme de la formation professionnelle ...

 

Du côté pro-gouvernement, la CFDT, malgré une contestation de façade, a joué le jeu de la négociation avec ce gouvernement, soit-disant pour influer sur le texte ! Mais il ne faut pas oublier qu’ils étaient déjà prêts, lors d’une précédente négociation, à signer un texte approchant avec le patronat, supposé instituer les conseils d'entreprises. Seule l’impossibilité d’obtenir l’adhésion de trois syndicats représentatifs avait fait reculer le patronat, la CFDT et le gouvernement socialiste, sur un texte tout à fait comparable, voire encore plus réactionnaire ! Les apparentes contestations de façade de la CFDT ne sont ainsi vraisemblablement que de la poudre aux yeux. Et que penser de leurs réactions face à des élus CFDT leur demandant une mobilisation contre les textes des ordonnances, et de leur réponse : « regarder ce qu’est devenu la CGT, voulez-vous devenir comme elle ? ».

 

Donc évidemment, en matière de droit du travail, en matière de droit social, face à un front syndical désuni, la contestation syndicale ne pouvait pas prendre, évidemment ou plutôt malheureusement parlant. Et Macron a facilement gagné.

 

Mais cette belle machine bien huilée, cette belle idéologie de la réforme permanente, du déséquilibre institué en système peut-il résister à la grogne des étudiants, aux projets de réforme du lycée et de l’université souhaitée par le gouvernement Macron/Philippe ? La réactivation de la sélection à l'entrée de l'université, contenue dans le projet de réforme du logiciel APB, est une véritable poudrière qui risque d'exploser dans les prochains mois. Pour avoir connu les évènements d'octobre 1986, nés d'une contestation de la réforme du secrétaire d'état Alain Devaquet, je sais que cette simple idée d'une sélection à l'entrée à l'université risque de servir de catalyseur à une révolte massive, comme à tant d'autres moments lors d'autres mouvements estudiantin. Ce seul combustible, la réforme du logiciel APB et l'idée de mettre en place une sélection à l'entrée de l'université, peut faire naître un mouvement estudiantin, qui risque d'enfler jusqu'au mois de mai 2018. 

 

Le gouvernement pensait peut-être refaire le même coup qu'à l'automne 2017 en ouvrant un nouveau front avec le nouveau projet de réforme du baccalauréat. Macron et Philippe pensaient sûrement pouvoir nous refaire la même entourloupe. Que les jeunes ne sachent plus qui combattre, que contester. Mais si Macron ou Philippe, et ses conseillers savent parfaitement comprendre les organisations syndicales, et les diviser grâce à une proximité idéologique avec certains d'eux (Force Ouvrière et la CFDT), ils ne connaissent absolument rien aux jeunes. L'une des explications vient du fait que Macron ou Philippe n'ont jamais eu aucun rapport avec les organisations estudiantines et avec les mouvements estudiantins ou lycéens.

 

C'était l'une des principales craintes du gouvernement au sortir de l'été 2017 ; la conjonction, la cristallisation des contestations. Crainte qui ne s'est évidemment pas réalisée, face à un mouvement syndical divisée et face à une opinion publique partagée, tolérante. Mais dans le cas présent, en cette fin d'hiver 2018, et pour le printemps 2018, le risque, la probabilité d'une telle évolution, la conjonction d'une fronde massive des etudiants et des lycéens, conjuguées à la contestation des parents d'élèves et des enseignants, sans oublier le désir de revanche d'une organisation syndicale comme la CGT ou l'envie d'en découdre des militants CFDT ou FO, pourrait faire naître un mouvement social majeur, qui pourrait ressembler pour la premiere fois à ce que fut mai 1968. 

 

Et aussi intelligent, brillant et grand stratège qu'est notre ami Macron, il n'a ni l'aura du général De Gaulle ni l'appui d'un militaire comme le général Massu à Baden Baden. Ce serait une révolution, un retournement qui me plairait, qui me satisferait. Que ce président si extraordinaire, si jeuniste, si pimpant, déclenche un mouvement social si majeur qu'il ne l'emporte finalement ! Pour la première fois dans l'histoire de la Cinquième République. Ce serait une juste revanche de l'histoire, mais aussi une incroyable vengeance. Alors que des présidents impopulaires comme Sarkozy ou Hollande n'auraient pas connu le moindre embrasement social, il serait amusant que ce soit un président comme Macron qui soit emporté par une telle révolte.

 

Les premiers prémices de cet embrasement ont eu lieu aujourd'hui, avec des mouvements dans de multiples universités, à Paris et en province.

http://www.lemonde.fr/campus/article/2018/02/01/2-400-manifestants-a-paris-contre-les-reformes-de-l-universite-et-du-bac_5250547_4401467.html

 

Octobre 1986 avait commencé à peu près de la même manière, mais beaucoup plus tardivement, sur un petit projet  de loi abscon que pratiquement aucun étudiant contestataire n'avait lu. Avec un seul principal mot d'ordre : «non à la sélection !». Et les mêmes personnes bien pensantes avaient déjà beau jeu d'expliquer que la sélection existait déjà dans de nombreuses filières ! Comme aujourd'hui ... Selon ces personnes bien-pensantes, plus de la moitié des jeunes diplômés s'orientent déjà dans des filières sélectives. Mais rien ne peut y faire : le marqueur idéologique, c'est l'absence de sélection à l'entrée à l'université ! Et je me rappelle encore de ce que l'on chantait en 1986 : «Devaquet, si tu savais, ta réforme, où on se la met ! Au cul, au cul, aucune négociation ! » Cela doit bien rimer également avec Macron ou avec le nom du ministre de l'éducation nationale du gouvernement Macron/Philippe.

 

 

Saucratès



01/02/2018
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