Critiques de notre temps

Critiques de notre temps

Une lecture du Monde Diplomatique

Saint-Denis de La Réunion, mardi 28 juillet 2020


Il y a quelques mois, j’avais été agréablement surpris de mes convergences de vue avec le journal Le Monde Diplomatique. J’aime la lecture de ce mensuel d’information même si je ne partage pas souvent la majorité de leurs points de vue. C’est normal, c’est un journal d’extrême gauche et j’ai cessé de me reconnaître dans ce mouvement politique depuis quelques décennies. La dernière fois, c’était lorsque j’ai voté pour Arlette Laguillier au lieu de voter pour Lionel Jospin, lors de l’élection présidentielle de 2002. Mais la lecture du Monde Diplomatique donne à découvrir sur ce qui se trouvé et ce qui se passe ailleurs dans le monde, pour ceux qui comme moi n’habitent pas ailleurs dans le monde. Et que la vision qu’il en donne soit juste ou non, elle offre malgré tout un regard autre sur nos vies et sur la réalité d’ailleurs. 

Je suis néanmoins en complet désaccord avec la majeure partie des positions exprimées dans plusieurs articles publiés dans Le Monde Diplomatique de juillet 2020. Le premier article qui m’a insupporté avait trait aux forces de l’ordre social (pages 8 et 9).

 

https://www.monde-diplomatique.fr/2020/07/BONELLI/61976

 

Le Monde Diplomatique semble défendre l’idée que la délinquance, les vols, les agressions, la vente de drogue, ne sont qu’une construction sociale du gouvernement et des forces de l’ordre. Comme si les méfaits de toute une fraction de la population française ou étrangère n’était pas un cancer qui rongeait notre société, comme si elle n’insupportait pas une large fraction de nos concitoyens, ceux qui ne vivent pas des vols, des rapines et de la vente de drogue. 

En publiant et en écrivant cela, Le Monde Diplomatique est conforme à la doxa d’extrême gauche, qui veut que les délinquants soient le produit de la société capitaliste, son remède et la réaction saine de ceux qui la combattent. Les résistants du capitalisme. Je ne peux évidemment pas me résoudre à partager cette vision. Ces délinquants ne s’attaquent pas aux grands détenteurs du capitalisme, aux grands patrons et aux richissimes détenteurs du grand capital en France. Ce ne sont pas les Robin des bois de l’âge capitaliste. Non, ils ne s’attaquent qu’aux plus petits, aux plus faibles, aux petits vieux retraités, ils vendent leurs drogues à nos enfants, dans les cités ou devant les collèges et les lycées. Rien de glorieux dans tout cela. Autre exemple, parlons du grand et merveilleux exemple de la lutte pour Adama Traoré, de sa sœur courageuse et si emblématique, et de la cause de la lutte des violences policières qu’elle et ses partisans ont réussi à développer dans le sillage de l’assassinat de M. Floyd aux Etats-Unis. Mais parle-t-on pourtant réellement du même Adama Traoré suspecté de viol sur un co-détenu lors d’un emprisonnement ?

 

https://www.lexpress.fr/actualite/societe/fait-divers/avant-sa-mort-adama-traore-etait-il-vise-par-une-plainte-pour-viol_1888612.html

 

https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/07/24/un-ex-codetenu-d-adama-traore-qui-l-accusait-d-agressions-sexuelles-indemnise-par-une-commission_6047165_3224.html

 

C’est pour cette personne que tant de manifestants et tant de jeunes se battent ? Pour une famille violenté, bien loin de l’archétype du gentil garçon sans histoire qui nous a été vendu par tant de journaux et tant de ses admirateurs. Qu’elles sont ces gens, ces révolutionnaires, qui se reconnaissent dans cette personne ? Cette personne que je n’aurais en aucun cas aimé croiser en prison si j’avais dû être enfermé. Et c’est cette personne qui est aujourd’hui donnée en image à nos jeunes et à nos enfants, qui sert de modèle à la lutte contre la violence policière ! Mais c’est une médaille qu’il faudrait demander pour les policiers impliqués ceux qui l’ont tué, s’il n’est pas mort de mort naturelle ! A moins qu’il ne faille parler de punition divine. À savoir par ailleurs que le comité Adama Traoré poursuit policiers et gendarmes qui osent évoquer ces faits de viol ! Vraiment magnifique !

Non, je ne partage aucunement la position du Monde Diplomatique. Il y a une immense partie de la population française qui ne sont ni fréquentables, ni un modèle à suivre. Si 30% de la population française est fichée (dans le fichier du traitement des antécédents judiciaires) c’est qu’une très grosse minorité de la population française vit en dehors de la légalité ou participe à des actions illégales ou pénalement répréhensibles. Si cette proportion est plus faible dans les autres États européennes, c’est peut-être parce que la population française est majoritairement moins respectueuse des lois et des règles imposées par rapport à ses voisins d’Europe du Nord, plutôt qu’en raison d’un excès de défiance des policiers en comparaison de leurs homologues européens.

 

Le deuxième article dont la lecture m’a tout autant insupporté est un article de Boubacar Boris Diop intitulé «Après la pandémie, le réveil de l’Afrique ?», en page 11.

 

La France y est présentée comme «une ancienne puissance coloniale qui continue d’imposer son autorité de manière quasi directe». «L’Afrique francophone est le dernier endroit du globe où une puissance étrangère est au cœur des processus de décision, en matière monétaire par exemple. Cette Afrique-là reste, pour la France, un gigantesque reservoir de matières premieres. Paris n’y tolère aucune force politique pouvant menacer les intérêts de Total, d’Areva ou d’Eiffage (...)».

 

Tout ceci est une vision extrêmement noircie de l’histoire africaine récente et du débat autour du franc CFA. Evidemment, tout un chacun peut avoir la vision la plus négative de la situation économique des États africains et de l’ingérence française dans la vie politique du Sénégal ou des autres africains et tout le monde peut le dire ou l’écrire. C’est la liberté d’opinion. Mais le fait de publier un tel pamphlet dans les pages du Monde Diplomatique, comme journaliste invité, donne une image anti-colonialiste du Monde Diplomatique, qui correspond d’ailleurs vraisemblablement à son veritable positionnement mais auquel je n’adhère aucunement. 

A la place de la France et des décideurs français, je mettrais immédiatement fin à tout soutien français, et européen, au franc CFA. L'obligation de placer la majeure partie des réserves de change des pays africains appartenant à la zone franc, ce que l’on appelle normalement le compte d’opération, est de mémoire déjà supprimée. Mais si les africains estiment que la défense de la valeur externe du franc CFA par le Trésor public français est une insupportable ingérence à leurs yeux, alors il faut y mettre fin le plus rapidement possible. Si ce soutien de la valeur externe du franc CFA est considérée comme une intrusion au «cœur des processus de décisions» de ces pays, alors cessons de les protéger ! On ne protège personne à leurs corps défendants. 

Evidemment, tout véritable économiste devrait savoir que les marchés financiers ont une puissance invraisemblable. Il y a trente ans, ces marchés financiers ont été capables de faire exploser le SME européen et de faire dévisser la Livre sterling et le franc français. Et il s’agissait alors de deux des plus grandes devises mondiales et de deux des plus banques centrales. Et toutes les banques centrales européennes du SME les appuyaient. Et malgré tout, les marchés financiers et les spéculateurs ont gagné, malgré la mise en œuvre de taux directeurs au delà de 10% qui renchérissaient les taux de refinancement. Trente ans plus tard, les spéculateurs et les marchés financiers sont devenus encore beaucoup plus puissants et si ces économistes africains, si ces écrivains, si ces citoyens africains croient qu’ils pourront leur resister, je propose qu’ils essaient. Puisque la situation de Madagascar ou des Comores, qui ont pris leur indépendance monétaire de la France il y a extrêmement longtemps, ne suffit pas à leur démontrer l’inanité de leurs ambitions et à les décourager, tant pis ! Il me semble que Les Comores et Madagascar sont les deux seuls états africains qui n’ont pas rejoint la zone franc. Les deux États les plus pauvres d’Afrique, et dont la monnaie est la plus effondrée de toute l'Afrique. Et si certains estiment que le maintien intangible de la valeur du Franc CFA par le Trésor public français est une punition et une malédiction, et le signe d’une ingérence insupportable, tant pis pour eux parce qu’ils se trompent !

 

Quelle tristesse que Le Monde Diplomatique défende de telles positions ! 

 

 

Saucratès



28/07/2020
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