Critiques de notre temps

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Sur le Brexit

Réflexion une (dimanche 22 juillet 2018)

Du Brexit. Ou pourquoi le Royaume-Uni ne peut pas sortir de l'Union Européenne

 

Bizarrement, je n'ai encore jamais parlé du Brexit sur ce blog (https://saucrates.blog4ever.com/), comme si ce sujet n'était pas fondamentalement important. Que penserions-nous d'un européen des années 1940 qui ne parlerait pas d'un événement aussi important que la seconde guerre mondiale ? Je vais donc enfin parler du Brexit, parce qu'aujourd'hui enfin, je crois pouvoir parler du Brexit en n'écrivant pas que des choses insignifiantes, que des choses sans aucun intérêt, que des succédanés d'informations et d'opinions relayées par les journaux et les informations télévisuelles. 

 

Le Royaume Uni (ou quelque soit le nom par lequel on appelle ... Angleterre ou Grande Bretagne) ne doit pas quitter l'Union Européenne (ou quelque soit le nom qu'on lui donne ... Europe ou Communauté Européenne) parce que l'Europe a autant besoin de la Grande Bretagne que la Grande Bretagne a besoin de l'Europe ! Au-delà d'une pétition de principes, c'est un fait ! Le Brexit a autant de sens que si l'Angleterre ou la Grande Bretagne décidait de quitter l'Europe géographique, si elle décidait qu'elle appartenait aux Amériques, à l'océanie, à l'Afrique ou à l'Asie ! La Grande Bretagne a toujours été européenne et elle le restera toujours. L'Union Européenne n'est rien d'autre qu'une construction politique et économique de l'Europe, et la Grande Bretagne doit en faire partie !

 

L'Europe a besoin de la Grande Bretagne parce que l´Europe doit se construire sur un équilibre entre intégrationnisme et spécificités et que les anglais étaient les plus grandes défenseurs des spécificités dans les domaines sociaux mais aussi dans les domaines juridiques. L'histoire de l'Europe est inséparable de l'histoire de la Grande Bretagne, et cette dernière a inventé les principes de démocratie, de parlementarisme et de chartes de droits. De la même manière que l'Europe tout comme la Grande Bretagne ne peut renier l'histoire qui les lie à la Grèce Antique et a la Rome Antique, dont ils ont aussi hérité et réinventé la démocratie et le parlementarisme. Les racines anglaises de l'Union Européenne ne peuvent pas être oubliées ou niées, meme du temps de la Communauté initiale, même bien avant que la Grande Bretagne la rejoigne. 

 

Evidemment, le reste de l'Union Europeenne (et moi-même) a souvent trouvé insupportable certaines des positions anglaises, notamment en matiere de protection sociale. Comment peut-on refuser une harmonisation européenne des droits sociaux minimums ? Les autocrates qui détiennent le pouvoir au sein de la fonction publique de la communauté Européenne, de meme que les opinions publiques socio-democrates de nombres de pays européens ne peuvent pas vraiment le comprendre. Aucun d'eux ne peuvent comprendre que chacun des pays qui composent l'Europe se sont construits sur des équilibres économiques, sociaux et politiques différents, et qui, en tant que tels, ne permettent pas d'imposer des règles venus d'ailleurs, qui n'auraient aucun sens s'ils étaient imposés tels quels dans un autre pays, et notamment dans un pays comme la Grande Bretagne. Les dirigeants de nombre de pays, et notamment tous ceux qui se disent libéraux (partisans de l'absence de toute règles), pour lesquels l'Angleterre est une sorte d'Eldorado, de modèle du libéralisme debridé, l'oublient également de la même manière. Chacun des systèmes politique, économique et social de nos grands pays européens est un équilibre différent, construit sur une histoire differente, sur des pratiques économiques, sociales et syndicales différentes, et sur des équilibres de prix et d'usages différents. Nos dirigeants libéraux de toutes obédiences, de toutes nationalités voudraient importer les pratiques qu'ils croient les plus intéressantes de chacun des pays dont ils se servent pour modèle, qu'ils voient comme le modèle qui leur offrira le plus de bénéfices. Mais ils se trompent.

 

L'Europe telle que nous la connaissons aujourd'hui est donc une aberration, une forme de cancer bureaucratique qui a envahi, qui s'est imposé à l'ensemble de nos démocraties, une sorte de mal insidieux, mais qui croit certainement agir pour le bien collectif, et qui agit peut-être en croyant bien faire. Il y a des francais parmi ces gens là, et sûrement des anglais ou des allemands. Comme des italiens, des espagnols ou des polonais. Entre autres. C'est cette Europe qui a légiféré sur la teneur en chocolat, qui autorise le glyphosphate ou qui impose des quotas d'immigrés africains ou syriens dans chaque pays d'Europe. Parmi d'autres millions de domaines desquels l'Europe ne devrait pas s'occuper. Evidemment, ce cancer doit être combattu, cette Europe-là n'est pas celle dont nous rêvion,s mais cela ne doit pas nous conduire à quitter cette Europe. Cette Europe-là doit être combattue par les peuples, par les gouvernements, mais on ne doit pas la combattre en la quittant. Car c'est un choix de faibles, un choix de la peur, et les anglais ne sont pas un peuple de faibles, un peuple de peureux. Quand il l'a fallu, ils se sont élevés seuls contre la barbarie, contre la peur et ils ont gagné. Ils se sont élevés contre le mal et ils en ont libéré l'Europe en 1945. Ils ne doivent pas reculer aujourd'hui ni se perdre.

 

La réponse des européens au Brexit est une mauvaise réponse. Cette idée de faire payer le plus cher possible aux anglais leur sortie de l'Union Européenne et les exclure du marché intérieur européen. La Grande Bretagne sera toujours aux portes de l'Europe. Et la Grande Bretagne a vocation à faire partie de la construction politique et économique de l'Europe continentale. Comment peut-on vouloir faire payer chèrement à la Grande Bretagne son départ de l'Europe, la punir, tout en sachant que nous continuerons demain à avoir des relations politiques, commerciales et économiques, et qu'un jour, nous nous retrouverons tous à nouveau dans la même construction européenne ou internationale.

 

Il y a même plus aberrant. Comment peut-on vouloir étendre toujours plus loin l'Europe, à l'Ukraine ou à la Turquie, à des pays qui n'imaginent même pas ce qu´est un état de droit, une démocratie parlementaire, mais vouloir en exclure la Grande Bretagne et lui en faire payer chèrement sa sortie ??? Il y a une forme de schizophrénie dans cet exercice, ou bien une volonté de transformer l'Europe des pères fondateurs en quelque chose qui ne dit pas son nom, en une entité qui n'aura plus rien d'européen, en une middle Europa, en une Europe dont le barycentre ne sera plus l'alliance franco-allemanée mais juste l'Allemagne et ses protectorats est-européens. 

 

La Grande Bretagne a-t-elle un avenir hors de l'Europe ? C'est vraisemblablement le cas ; la Grande Bretagne a été une Grande puissance avant que l'Europe ne soit créée et elle Le demeurera. Ce ne sera vraisemblablement pas sur les mêmes bases économiques et il y aura sûrement une période pendant laquelle le peuple anglais se demandera pourquoi ils sont sortis de la construction européenne. Surtout, la grande différence d'avec le passé, ce sera le retour des frontières entre le reste de l'Europe et le Royaume Uni, apres une période de dizaines d'années d'effacement des frontières intérieures et d'ouverture au reste de l'Europe. La Grande Bretagne se retrouvera dans le rôle de la forteresse assiégée qu'elle affectionne tant et qui l'a tant servi, mais de qui se protégera-t-elle désormais ?

 

L'Europe a-t-elle un avenir sans la Grande Bretagne ? Je ne le pense pas. Après l'unité des capitales européennes autour de cette négociation, apres l'impression de soulagement dû à la sortie des anglais, qui pouvaient sembler être les empêcheurs d'avancer de l'Europe, les européens se rendront malgré tout compte que l'Europe les entraîne vers un futur autre qu'ils ne l'avaient rêvé. Le futur d'une Middle Europa qui n'a que faire des états sud européens ou de la France, ou bien autre chose ... C'est une partie de l'âme de l'Europe qui partira avec les anglais, une partie de l'esprit européen ... ce ne sera plus la même Europe, ni la même Grande Bretagne. Ce sera peut être même le commencement de la fin de la première. 

 

Les grands hommes d'Etat se reconnaissent à la grandeur de leur combat, à l'opiniâtreté dont ils durent faire preuve face à l'adversité. Mais ils se reconnaissent surtout à la justesse de la cause pour laquelle ils se battirent.  Charles de Gaulle en France fut un de ses grands hommes, de même que Winston Churchill. Qu'est-ce que l'histoire retiendra-t-elle des défenseurs du Brexit, des Boris Johnson et autres qui promettaient la Lune aux électeurs anglais. Winston Churchill fut peut être battu lors des élections législatives qui suivirent la fin de la seconde guerre mondiale et la victoire des alliés sur l'Allemagne nazie, mais l'histoire n'oubliera jamais Winston Churchill et ne se souvient que confusément de son vainqueur d'après guerre. Uniquement parce que lui aussi dut participer aux négociations des alliés après guerre à Yalta. 

 

Non, la Grande Bretagne ne doit pas quitter l'Union Européenne mais doit participer à sa réforme, pour faire de l'Europe une construction conforme aux rêves des peuples europeen, et non pas seulement une construction administrative, sans âme, sans idées, sans croyance. Et la Grande Bretagne ne doit plus écouter les nains politiques qui l'ont entraîné depuis de nombreuses années sur la pente du Brexit, ces nains politiques qui ne se croient grands que par l'immensité de leur adversaire, l'Europe, et par les espoirs que les anglais avaient placé en elle.

 

 

Saucratès



22/07/2018
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