Afrique - Du Sahara vert au Grand Aride
Définitions :
- Sahara Vert : nom donné au désert africain du Sahara à l’occasion de plusieurs époques du passé lors de ‘périodes pluviales’.
- Périodes pluviales : périodes historiques au cours desquelles le Sahara n’est plus uniformément désertique et où on y trouve une flore, une faune et une hydrographie abondantes.
- Grand Aride : période du temps compris entre -20.000 et -10.000 ans avant notre ère où les déserts africains occupent une grande partie de l’Afrique. Des périodes de grande aridité ont également été régulièrement observé dans l’histoire climatique africaine au cours des derniers millions d’années.
Les réflexions climatologiques actuelles autour du réchauffement climatique donnent l’impression qu’il y a un lien indubitable entre la montée des températures moyennes mondiales et une aridification du climat de l’Afrique et une extension du désert sahélien. Pour les experts climatologues et collapsologues, c’est un fait évident, visible, observable. Or, l’histoire passée de l’Afrique offre selon moi une autre lecture des faits.
Je ne cherche évidemment pas à nier l’existence du réchauffement climatique mondial et son imputabilité à l’homme, mais je souhaite interroger l’existence même de certains faits indiscutables qui selon les climatologues et collapsologues, prouvent indubitablement le réchauffement climatique. Et l’un de ces faits indiscutables pour ces experts-là est l’aridification actuel du climat africain en tant que preuve observable du réchauffement climatique.
«Un à un, pourtant, à une cadence inégalée par le passé, les plus vieux baobabs d’Afrique disparaissent. Le tueur a un nom : ‘réchauffement climatique’, selon une équipe internationale de chercheurs qui s’est penchée sur la question…»
Je ne vais pas combattre ou nier ces affirmations d’experts, mais cette désertification contemporaine semble plus ancienne que le réchauffement climatique du dix-neuvième, vingtième et vingt-et-unième siècles. En effet, on connaît tous l’existence du Sahara vert, cette période où le désert du Sahara était envahi de forêts, de lacs et de rivières. Les peintures rupestres découvertes dans les grottes et abris sous roche du Sahara en témoignent suffisamment, remplies de scènes de chasse et de gros gibiers, remontant à la préhistoire.
On estime qu’entre -12.000 ans BP (before présent, cad avant le présent) et -5.000 ans BP, le Sahara était couvert de lacs, de grands fleuves et d’une végétation. Pendant environ une durée de sept millénaires, le Sahara a connu un épisode fluvial, qui a pris fin au troisième millénaire avant notre ère, avec l’installation d’un climat de plus en plus sec et chaud qui a entraîné la raréfaction des pluies et le tarissement des sources et des rivières. La disparition consécutive du couvert végétal et de la faune a rejeté vers les régions périphériques plus clémentes les populations humaines qui l’occupaient, et conduit à l’avènement de la civilisation égyptienne autour du Nil.
Cependant, là encore, cela ne suffit pas à exempter l’activité humaine dans la désertification du Sahara survenu depuis 5.000 ans. Sauf que d’autres séquences du Sahara vert ont également été documentée. On observe des traces de plusieurs périodes pluviales anciennes :
- L’une se situant au pléistocène récent, au Moustérien et à l’Atérien. Les inondations fréquentes expliquent le paysage actuel. Il y avait des sources et l’homme fit une apparition très importante dans le désert. La durée de cet épisode fut probablement de 50.000 ans, entre -70.000 et -20.000 ans BP.
- Le Pluvial du Pléistocène moyen se situe pendant la phase acheuléenne, avec l’existence de nombreuses sources et apparitions de nombreux lacs intérieurs. L’homme et la mégafaune d’Afrique centrale et d’Ethiopie sillonnaient le Sahara en nombre. La savane couvrait une bonne partie de la région. La durée de cet épisode dura environ 200.000 ans.
Ces longues alternances entre le pléistocène et l’holocène des phases successives et régulières de désertification puis de phases humaines, sans lien avec de potentielles activités humaines industrielles ou agricoles, doit nous conduire à interroger la simplicité de la responsabilité du réchauffement climatique anthropique comme explication unique de la désertification saharienne et sahélienne de l’époque récente. Certains parlent ainsi de l’identification de 230 périodes humides sur les huit derniers millions d'années, sur la base d’un cycle plus ou moins régulier autour de 20.000 ans. Ces variations climatiques seraient principalement liées à l'évolution d'un paramètre orbital : la précession climatique (selon la théorie des cycles des paléoclimats de Milutin Milankovitch).
https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/terre-mystere-sahara-vert-enfin-resolu-8228/
Inversement, la période entre -20.000 ans BP et -12.000 ans BP est caractérisée par une extrême aridité du climat africain, période qui porte le nom de Grand Aride. On estime ainsi qu’au cours de cette période, l’essentiel du continent africain n’était pas habitable, à l’exception des côtes australes et méditerranéennes. La grande aridité de la période comprise entre -18.000 et -12.000 ans BP serait particulièrement bien documentée, avec une extension des dunes sahariennes de 400 à 800 kilomètres vers l’équateur. Durant plusieurs millénaires, le Sahara aurait constitué une barrière autrement plus hostile pour l’homme que l’actuel Sahara.
L’épisode pluvial (ou Sahara vert) de l’holocène serait survenu avec la sortie de la période glaciaire de Würm en Europe tandis que le Grand Aride africain correspondrait à l’extension maximale des calottes glaciaires s’étendant dans l’hémisphère Nord. L’explication climatique des variations de l’aridification du Sahara et du Sahel s’expliquerait ainsi de la maniere suivante :
«La vigueur des fronts polaires et leur extension vers l’équateur sont d’autant plus grandes que l’air polaire est plus froid. Ceci conduit Marley (1973) à distinguer deux mécanismes. Celui des périodes glaciaires et celui mis en évidence pour l’époque actuelle. Dans le premier cas, la surface des inlandsis de l’hémisphère nord connaissait une grande extension, alors que l’inlandsis antarctique aurait peu varié. Le front polaire nord avait alors une action prépondérante et repoussait en été la mousson loin vers le sud. L’aridification était alors en phase avec les avancées glaciaires.
Lors du réchauffement holocène, avant 5.000/4.000 ans BP, le centre d’action polaire s’affaiblît. Durant l’été boréal, le recul du front polaire nord favorisait l’extension de la mousson au nord de l’équateur pendant que le front polaire sud poussait vigoureusement les anticyclones subtropicaux vers l’équateur. Durant l’hiver boréal, le front polaire pouvait encore étendre son action sur le Sahara et y provoquer des pluies. L’addition de ces pluies d’hiver et d’été expliquerait le climat humide qui a régné sur le Sahara méridional, et le rétrécissement du désert durant la première moitié de l’Holocène.
Depuis 5.000 ans, le retrait de l’inlandsis arctique a diminué la force du front polaire nord, en même temps que le centre d’action antarctique a diminué aussi de vigueur. La poussée de la mousson et l’influence de l’air polaire boréal sur le Sahara diminuant ensemble expliquerait ainsi l’aridification actuelle progressive du Sahara.
(…) La crise climatique récente de la zone sahélienne est ainsi consécutive au fait que la zone de convergence intertropicale s’est cantonnée 3 à 4 degrés plus au sud que sa position moyenne ; alors qu’au cours de la décennie humide (1950-1959), le Sahara s’est rétréci.»
Histoire générale de l’Afrique. Tome 1. Méthodologie et préhistoire africaine. 1986 - Éditeur : Présence africaine - Edicef - UNESCO - Page 214
Au delà de cette explication relativement ancienne, il me semble extrêmement problématique que ce qui semblait acquis et connu dans les années 1970 et 1980 ait complètement disparu des débats climatiques actuels. La simplification outrancière des explications et des débats par les experts, par le GIEC, par les milieux écologistes et collapsologistes et in fine par les journalistes, est extrêmement problématique. C’est un peu comme si tout autre discours journalistique que l’imputation de la seule responsabilité du réchauffement climatique anthropique était désormais interdit, que toute autre imputation de responsabilité ou d’explication était interdite ! Si l’on se base sur les journaux mainstream comme Le Monde ou comme le gouvernement (ne pas oublier l’amende infligé récemment à Sud Radio pour avoir interrogé ou minimisé la responsabilité du réchauffement climatique).
[J’ai néanmoins trouvé une publication de Sciences&Vie exposant justement la théorie dont je parle dans l’article suivant:
Du coup, pour les médias mainstream, pour les médias présentant uniquement la ligne officielle du GIEC et dé la responsabilité humaine dans le réchauffement climatique, une possible modification des comportements de la zone de convergence intertropicale et une remontée des flux de mousson plus haut vers le Sahara ne sont plus présentées comme le retour d’une phase humide favorable aux populations sahéliennes, mais comme une conséquence destructrice du changement climatique. Ou bien elle est complètement ignorée et niée par les médias comme Le Monde qui préfère titrer et écrire sur les misères de l’Afrique et les dangers du réchauffement climatique.
«(…) Elle [La mousson] s’est étendue davantage vers le nord que d’habitude. Le nord du Tchad, particulièrement touché, n’est normalement pas concerné par la mousson. Mes collègues sur place n’avaient jamais vu ça. Là-bas, ce sont les portes du Sahara. La mousson est remontée dans une zone vraiment inhabituelle, dit Benjamin Sultan, climatologue, directeur de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD).
Ensuite, même là où la mousson est un phénomène normal, elle est cette année d’une rare intensité. Il y a une variabilité naturelle, décennale, de la quantité de pluie déversée par la mousson, précise Françoise Vimeux, également climatologue à l’IRD. Depuis le milieu des années 2000, on est dans une phase où la mousson est plus active.»
https://reporterre.net/Sahel-sous-l-eau-une-mousson-destructrice-dopee-par-le-changement-climatique
En somme, ces chercheurs nous expliquent que depuis le milieu des années 2000, on est entré dans une phase où la mousson est plus active, où elle remonte plus haut que précédemment. Mais au lieu de se réjouir de l’apparition d’une phase plus humide, on préfère se plaindre des intempéries et des inondations. C’est clair, par temps de sécheresse, aucun risque de se noyer !
Le GIEC aura également toujours raison, quoiqu’il se passe : si le désert s’étend, c’est la faute au réchauffement climatique. Si des inondations surviennent, c’est également la faute au réchauffement climatique !
«Le chapitre du dernier rapport du Giec consacré à l’Afrique signale que la fréquence et l’intensité des fortes pluies vont augmenter, au Sahel notamment, dans tous les scénarios de réchauffement, accroissant l’exposition aux inondations. Les différents modèles climatiques utilisés par les chercheurs convergent vers une même conclusion : lorsque les pluies extrêmes tombent pendant la mousson, elles risquent de devenir de plus en plus violentes sous l’effet du changement climatique.» CQFD (ce qu’il fallait démontrer)
Vous imaginez le bordel et le camouflet infligé aux experts du GIEC et aux collapsiologues si le Sahara se mettait à redevenir humide et à reverdir malgré le phénomène de réchauffement climatique. Si le signe le plus visible de l’impact du réchauffement climatique disparaissait et s’inversait ?
Saucratès
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