Critiques de notre temps

Critiques de notre temps

Sur la société


Injonctions contradictoires

Injonctions contradictoires

Par Saucratès 

Saint-Denis de la Réunion, mercredi 2 août 2023

 

Sommes-nous libres de penser, d’aller, de venir, de faire, dans la limite de la liberté de nos voisins ? Non, notre Monde est devenu une prison mentale pour tous ceux qui ne souhaite pas suivre bêtement et aveuglément l’opinion commune, l’opinion majoritaire. Mais c’est aussi une prison mentale pour ceux qui suivent aveuglément les modes de pensée mainstream.

 

Dans notre société, celui qui refuse de se plier aux injonctions qu’on lui impose, de faire ce que l’on lui présente comme étant le BIEN, se trouve forcément catalogué, considéré comme un partisan du MAL. Dans notre société, ne pas obéir aux injonctions, c’est se ranger parmi les MAUVAIS, parmi les homophobes, parmi les xénophobes, parmi les LGBTQIA+phobes... 

 

Celui qui ne s’oppose pas et qui ne condamne pas les méchants russes qui ont envahi injustement la gentille et merveilleuse Ukraine sont des extrémistes de droite, des européanophobes, des traitres et des russophiles. Peu importe qu’il y a quelques années à peine, l’une des pires mafias au monde était la mafia ukrainienne et les pires groupes d’hackeurs attaquant les particuliers ou les banques européennes étaient ukrainiens. Aujourd’hui, ils sont tous devenus des gentils et merveilleux combattants de la liberté.

 

Celui qui ne condamne pas le recul de la Cour Suprême américaine ayant remis en cause en partie le droit à l’avortement pour les femmes ou la politique d’affirmative action pour l’accès à l’enseignement supérieur américain, qui favorisait très fortement les étudiants d’origine afro-américaine au détriment des candidats d’origine asiatique, sous prétexte d’avantager les uns et de réguler les différences intellectuelles entre les candidats, est un extrémiste de droite, raciste et machiste. Peu importe qu’un certain nombre d’états américains interdisaient déjà les politiques d’affirmative action, comme la Californie, pourtant gérée pendant des décennies par des démocrates, et que certaines des plus grandes universités américaines comme CALTECH n’appliquaient déjà pas ces politiques d’affirmative action. Mais il est vrai que dans ces universités, les étudiants d’origine asiatique étaient beaucoup plus nombreux au détriment des étudiants d’origine afro-américaine. 

https://www.slate.fr/story/160966/politiques-pro-diversite-nuisent-americains-origine-asiatique

 

Mais on parle d’un pays, les Etats-Unis, où l’une des voix royales pour atteindre les plus prestigieuses universités, et y obtenir une bourse d’études conséquente, est, et demeure, la voie sportive, comme le baseball ou le football américain. Où justement les joueurs d’origine afro-américaine sont un peu plus représentés que les joueurs d’origine asiatique. Faire disparaître l’affirmative action n’est donc pas la plus terrible des décisions ; il reste de très nombreuses façon de rejoindre les plus grandes universités américaines et un peu plus de justice en respectant les capacités intellectuelles des étudiants d’origine asiatique ne fera pas de mal. Les étudiants d’origine européenne seront eux aussi d’ailleurs désavantagés par la remise en cause des ‘affirmative actions’. 

 

Cette voie royale par le sport, c’est un peu comme si en France, une partie des étudiants de l’ENS, de X-Polytechnique ou de l’ENA étaient composés d’étudiants se destinant ou jouant aux internationaux de tennis, champions de surf ou jouant dans des clubs de football de la Ligue 1 (au PSG, à l’OM, au FC Sochaux ou à l’AS Saint Etienne). C’est sûr que les problèmes d’entre soi de l’élite française seraient un peu moins marqués si des joueurs comme M’Bape, Zizou, Noah ou Barthez étaient passés par ces grandes écoles et en avaient été diplômés. Ce qui permettrait en plus des reconversions beaucoup plus faciles aux anciens sportifs de haut niveau.

 

Plus inquiétant, il suffit qu’un illuminé ait une idée remarquable (à ses yeux et aux yeux des médias) pour que toute personne qui refuse de se plier à son idée remarquable soit le MAL, devienne tout ce que les médias et ces personnes remarquables détestent et combattent. Raciste si le réfractaire est blanc, homophobe sinon et toujours. Ainsi l’histoire du maillot de football Arc en Ciel, que tous les joueurs de football français devaient porter lors d’une journée de compétition. Les rares joueurs qui ont osé refuser de porter ce maillot se sont retrouvés cataloguer comme homophobes voire partisans des violences dans le football faite aux minorités LGBTQIA+.

 

https://www.ouest-france.fr/sport/football/ligue-1-faut-il-sanctionner-les-joueurs-qui-ont-refuse-de-porter-le-maillot-arc-en-ciel-86575e8a-f31f-11ed-8d29-977e8c392606

 

Il n’y a plus de juste milieu. Il n’y a plus de neutralité. Il nous est désormais imposé à tous de prendre parti. De se plier à la pensée unique, ou d’être exclu si on refuse d’obéir. Si on ne choisit le camp qui nous est imposé, présenté comme celui du BIEN, on est alors immédiatement catalogué comme appartenant au camp du MAL, au camp des MECHANTS, des MAUVAIS ! Il leur faut des sanctions. Seules les sanctions satisfont aux membres du camp du BIEN. Ça les rassure !

 

Evidemment, ce n’est pas propre à notre société occidentale. Cela se retrouve réciproquement également en Russie, en Chine ou en Corée du Nord. Dans nos démocraties instrumentales, ces condamnations et ces attaques ad hominem se cantonnent peut-être essentiellement à la sphère publique, à la sphère des réseaux sociaux. Les descentes de la police et les arrestations arbitraires et les passages à tabac sont certainement rares dans les pays occidentaux pour tous ceux qui défendent des idées considérées comme subversives. Ainsi les messages agressifs des Zinfonautes adeptes de la pensée droite ne disposent pas encore des moyens du KGB ou de la CIA pour s’attaquer physiquement à leurs opposants.

 

En Russie ou en Chine, les risques de s’opposer à la ligne officielle des dirigeants sont beaucoup plus importants. On y risque ainsi une élimination physique, alors qu’en Occident, les risques sont essentiellement ceux d’une élimination et d’une exécution médiatique. Même si les opposants politiques à Emmanuel Macron en France font tous l’objet de plaintes ou de condamnations pénales, pour emploi fictif, pour détournement de fond dans une campagne politique, ou pour violence sexuelle. Ils ne risquent pas encore la déportation en Sibérie ou à Cayenne, mais juste quelques années à la prison de la Santé. Mais il suffirait de créer pour eux un bagne en Terre Adélie, pour opposants à Macron, pour que l’on commence à ressembler à la Russie. Ou bien que Macron brigue un troisième mandat présidentiel ou bien se fasse désigner comme premier ministre d’un président qu’il aura fait désigner, comme un certain … Vladimir Poutine …

 

https://www.lessurligneurs.eu/richard-ferrand-souhaite-modifier-la-constitution-pour-permettre-un-troisieme-mandat-presidentiel/

 

Il en va de même pour le réchauffement climatique, et ceux qui contestent ou qui osent questionner le dogme de la responsabilité humaine ou de l’importance des désordres climatiques invoqués. Là aussi, les médias véhiculent un torrent d’informations permanentes visant à préparer l’opinion publique à des politiques intrusives et drastiques à venir. L’objectif : empêcher de nouveaux mouvements populaires comme ceux des bonnets rouges bretons ou des gilets jaunes. Vos voitures ne vont plus servir à rien, l’essence deviendra hors de prix, vous allez devoir vous entasser dans des transports en commun surchargés et vous allez devoir payer des impôts et des taxes toujours plus élevées, toujours plus importantes. Matraquer l’opinion publique pour que celle-ci devienne passive et abandonne le combat contre les politiques à venir du gouvernement. Et ceux qui oseraient faire entendre une voix divergente doivent être éliminés médiatiquement pour ne pas ressusciter le mouvement des gilets jaunes et la détestation des politiques et des journalistes qui en avait découlé.

 

Et les thuriféraires du gouvernement et des médias ne sont même pas achetés, payés, vendus, ou manipulés par le gouvernement ou les médias. Ils se sont eux-mêmes intimement convaincus de la justesse des arguments relayés inlassablement par le gouvernement et les médias, jusqu’à en devenir les plus inlassables défenseurs. Persuadés qu’ils sont d’appartenir au camp des GENTILS, des BONS, au camp du BIEN, de la VERITE VRAIE et INCARNEE. Et persuadés que leurs opposants sont racistes, homophobes, russophiles, stupides, et appartiennent au camp du MAL, de la DESINFORMATION, au camp des MECHANTS.

 

Au fond, nul besoin de regarder ailleurs, en Russie ou en Chine, pour voir des excès. Il suffit de regarder notre passé, les moments de l’Histoire où le même type d’homogénéité, d’uniformisation de la pensée a été imposée à notre société, aux peuples européens. Ces temps-là ont conduit aux pires des totalitarismes, aux pires périodes de l’histoire, aux plus noirs moments de notre Histoire, lorsque tous ceux qui pensaient autrement, non correctement ont d’abord été exclus de la société, interdits de s’exprimer, puis arrêtés arbitrairement avant d’être déportés. Certains croient vraiment que cela n’arrivera pas parce qu’ils font parti du camp du BIEN ?

 

 

Saucratès


02/08/2023
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#metoo, #black lives matter et intersectionnalité

#metoo, #black lives matter et intersectionnalité

Suite de la démocratie en France

 

Par Saucratès 

 

Amsterdam, lundi 17 octobre 2022

 

Le mouvement #meetoo remonte à cinq ans. Et le journal lemonde.fr sort ces jours-ci des dizaines d’articles sur le phénomène #metoo, en quoi il a changé les vies, les entreprises, les relations entre les hommes et les femmes, la justice, l’éducation …

 
https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/10/11/metoo-dans-les-entreprises-plus-d-enquetes-mais-des-victimes-trop-peu-protegees_6145250_3224.html

 

https://www.lemonde.fr/culture/article/2022/10/11/metoo-cinq-ans-apres-la-presomption-d-innocence-ne-peut-pas-etre-un-totem-d-immunite_6145321_3246.html

 
https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/10/13/apres-metoo-comment-les-parents-eduquent-leurs-enfants-et-sont-eduques-par-eux_6145579_3224.html

 

https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/10/13/metoo-la-prescription-une-notion-au-c-ur-des-affaires-les-plus-mediatisees-depuis-cinq-ans_6145690_3224.html

 

https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/10/14/metoo-la-justice-doit-avoir-le-monopole-de-la-sanction-elle-n-a-pas-celui-de-la-verite_6145852_3232.html
 

Cinq années pendant lesquelles j’ai très peu parlé de ce mouvement #metoo, que j’ai toujours analysé comme un mouvement de délation et de vengeance immonde. Évidemment, l’immense majorité de ces histoires sont vraies, racontées comme elles ont été vécues, mais comment imaginer qu’une histoire de mains aux fesses, de drague un peu lourde, survenue dix ou vingt ans auparavant, puissent encore être considérées comme un viol, comme une violence inoubliable, qui aurait marqué au fer rouge ces personnes ? Je ne peux toujours pas comprendre ce déferlement de haine et de rage dont témoigne #metoo. Vraisemblablement à cause de ma position de mâle dominant.

 

Cinq années plus tard, je n’ai toujours pas changé d’avis sur #metoo. Le mouvement ‘Black lives Matter’ est plus récent mais il repose sur des présupposés comparables. Ces deux mouvements reposent tous deux sur la haine de l’autre, sur la haine du mâle et du blanc. Par le passé, les mouvements antiracistes, qu’ils soient européens, français ou américains, s’étaient construits sur l’absence de racisme. L’autre n’était pas différent de nous, l’autre quelque soit sa couleur de peau, était notre frère. C’était l’époque des potes.

 

Les mouvements intersectionalistes ne reposent pas sur ce présupposé ; ils reposent sur la haine du blanc, sur la haine de l’autre, coupable des crimes de toute sa race. Ce mouvement ‘Black lives Matter’ se repose sur la négation de l’autre, du non-noir, du non-différent, de la même manière que le mouvement #metoo repose sur la haine de l’homme, du mâle hétérosexuel, coupable par nature même de tous les maux du patriarcat. Les européens avaient construit leurs mouvements anti racistes et féministes sur l’égalité de tous, quelque soit la couleur de peau, quelque soit le sexe. Dorénavant les mouvements intersectionalistes reposent, sont bâtis, sur le principe de l’exclusion de l’autre, du mâle blanc patriarcal. Hier nous étions tous frères, nous rêvions d’être tous frères. Désormais nous sommes tous en guerre, tous ennemis, hommes contre femmes, blancs contre noirs, hétérosexuels contre homosexuels.

 
Romain Gary avait déclaré que le premier devoir d’une personne victime de racisme était de ne pas être raciste. Cette déclaration me semble normal et les premières victimes du racisme en France ou aux États-Unis sont les juifs et les commerçants chinois. C’est invraisemblable. Comment une lutte antiraciste peut-elle avoir pour conséquence plus de racisme pour les personnes véritablement victimes de racisme et d’antisémitisme ?


Et cette propension à considérer comme suprématiste blanc, toute personne blanche qui interroge le mouvement antiraciste américain me semble caractéristique d’un mouvement au fond raciste et xénophobe, d’un mouvement où toute contestation est impossible. La comparaison effectuée avec le mouvement des gardes rouges de Mao, de la Revolution culturelle chinoise, me semble extrêmement pertinente et il en va de même pour le mouvement féministe #metoo.

 

Quand je vois l’ex-ministre française Rama Yade déclarer qu’elle voit la statue de Colbert aux États-Unis comme une micro agression, je crois rêver. Et en fait je pense que l’histoire est faite comme ça, de cette manière. Les héros d’hier ne sont pas ceux d’aujourd’hui. Demain, les leaders de ces mouvements auront forcément droit eux-aussi à des statues et des descendants quelconques mettront eux aussi à bas leurs statues, les déboulonneront, les jetteront à la mer. L’histoire se répète. Les héros d’un jour seront considérés comme les pestiférés du futur.

 

Ma conclusion : les mouvement #metoo et #Balancetonporc, ou ‘Black lives matter’, ne sont pas différents des pires mouvements du passé. Ils ont libéré la parole des femmes ? Ou celles des personnes racisées ? Ils ont surtout libéré une parole de délation.

 

De la même manière que l’invasion nazie de la France en 1940 avait conduit à une libération de la parole des petites gens, des concierges, en leur permettant de dénoncer à la milice et à la Gestapo les grands bourgeois, les grandes familles juives qui les méprisaient ou les dédaignaient auparavant. #metoo, #Balancetonporc ou #Black lives matter ne sont pas différents, ce sont des mouvements basés sur la délation, sur la condamnation arbitraire de supposés bourreaux, que ces mouvements voudraient pouvoir exterminer sans autre forme de jugement, parce qu’ils sont condamnés sans même pouvoir se défendre, puisqu’ils sont forcément coupables, coupables parce que dénoncés et immédiatement condamnés. Une femme victime ne peut pas mentir. Une personne racisée ne peut pas mentir. Par contre, évidemment un homme, blanc de surcroît, ment forcément, toujours. Et le système patriarcal autour de lui aussi évidemment. CQFD

https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/10/13/belinda-cannone-des-sa-naissance-metoo-etait-potentiellement-porteur-de-derives_6145698_3232.html

 

«Cependant, dès sa naissance, #metoo était potentiellement porteur de dérives : la libre parole des femmes peut se dégrader en dénonciation des hommes et en justice expéditive. En témoigne #balancetonporc, qui accusait nommément. Si cette dérive a été possible et, en France, quasi instantanée, c’est du fait du médium utilisé : les réseaux sociaux, avec leur extraordinaire simplicité d’utilisation, leur anonymat, leur viralité, permettent l’émergence de tribunaux populaires.

 

Si bien qu’au bout de cinq ans le vrai débat autour de #metoo s’est déplacé sur le terrain judiciaire. Pendant des décennies, il avait fallu combattre la suspicion entourant les témoignages des victimes. Mais, à présent, surprenante bascule, certaines féministes affirment qu’il faut croire toute parole féminine. Voilà la présomption d’innocence mise à mal. Plus encore, puisque les femmes disent forcément vrai, la punition ne saurait attendre : comités, dénonciations sur les réseaux sociaux, balance des noms dans les médias avant jugement… Et l’enquête ? Et le débat contradictoire qui permet à chaque partie de se défendre devant des juges impartiaux ?»

 
 
Saucratès


17/10/2022
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De la démocratie en France

De la démocratie en France

 

Par Saucratès 

 

Rome, dimanche 16 octobre 2022

 

Le fait de demander si nous vivons bien en démocratie est considérée comme une question sacrilège. Que ce soit à Paris ou à Saint-Denis de La Réunion, la réponse de tout ce que la France compte de bien-pensants, d’aficionados du pouvoir, du gouvernement, des puissants, est partout la même : «on voudrait te voir en Russie ou en Corée du Nord pour que tu comprennes ce qu’est une dictature». Des zinfonautes comme Lesseps (devigne) ou le machialique Lodiab, ou l’abominable POLO adorent se déchaîner contre ceux qui osent critiquer le gouvernement ou sa politique. Mais c’est exactement pareil sur tous les autres médias comme nous le rappelle Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne, dans son livre «Sommes-nous encore en démocratie ?»

 

«Le fait même de poser la question est louche. Voire indécent. Mais savez-vous ce que c’est que le contraire de la démocratie ? C’est la dictature, c’est le totalitarisme, ce sont les camps, les emprisonnements arbitraires, l’élimination des opposants. Du coup, si ce n’est pas l’un, c’est l’autre. Nous sommes donc en démocratie. CQFD. Fermez le ban. Question suivante. 

(…) C’est d’ailleurs à ça que l’a résumé Emmanuel Macron en s’exprimant auprès de quelques journalistes le jeudi 23 janvier 2020, avant le coronavirus, avant le confinement, avant le supposé nouveau monde : Aujourd’hui s’est installée dans notre société - et de manière séditieuse, par des discours politiques extraordinairement coupables - l’idée que nous ne serions plus dans une démocratie, qu’une forme de dictature se serait installée. Mais allez en dictature ! Une dictature, c’est un régime où une personne ou un clan décide des lois. Une dictature, c’est un régime où on ne change pas les dirigeants, jamais. Si la France, c’est cela, essayez la dictature et vous verrez ! La dictature, elle justifie la haine. La dictature, elle justifie la violence pour en sortir. Mais il y a en démocratie un principe fondamental : le respect de l’autre, l’interdiction de la violence, la haine à combattre.»

 

Natacha Polony, «Sommes-nous encore en démocratie ?», pages 7-8

 

Emmanuel Macron nous autorise donc à user de la violence contre le gouvernement et contre le pouvoir, dès lors que l’on penserait que nous vivons en dictature ? Il légitimise ainsi le mouvement des gilets jaunes et leur violence envers son pouvoir !

 

Au fond, nous ne vivons pas en démocratie mais nous vivons dans une société du spectacle, comme l’avait si bien diagnostiqué Guy Debord il y a si longtemps. Le spectacle est juste devenu aujourd’hui tellement visible, tellement évident que l’immense majorité du peuple français s’en est aperçu. L’irruption d’Emmanuel Macron dans le jeu du Landerneau politique en a juste été le déclencheur. Les deux tiers des députés LREM élus de 2017 étaient des comédiens du Parti socialiste ou de l’UMP qui avaient tourné casaques pour le rejoindre. La candidature et l’élection de Macron était un gigantesque spectacle dont on a été le témoin et le spectateur impuissant. Et puis il nous a été vendu un nouveau spectacle, que nous pouvions tous candidater pour devenir élus LREM et ces candidats seraient des novices en politique. Et au final, ils ont choisi la majorité des leurs pour être élus. Ceux qui avaient senti passer le souffle du boulet et qui cherchaient à tout prix un échappatoire à la déroute électorale qui s’approchait. On dit souvent que les rats quittent le navire. Mais nombre de ces députés LREM ayant tournê casaques ont malgré tout réussi à se faire réélire en changeant une nouvelle fois d’étiquette, pour devenir LFI ce coup-ci. 

Ce spectacle géant auquel nous assistons totalement impuissants peut-il encore porter le nom de démocratie ? Lorsque l’ensemble des choix qui nous est proposé ne consiste qu’en condamnés, repris de justice, ou comédiens d’El Arte ? Au fond, la comédie est devenue si généralisée, que le seul échappatoire pour l’électorat conscient, éduqué, est la voie des extrêmes et des extrémismes. Évidemment, ce n’est pas la voie que les puissants, ceux qui servent les puissants, les riches, les nantis, ceux qui les servent, ceux qui auraient tout à perdre d’une révolution (mais nous avons tous au fond à perdre d’une révolution), tous ceux qui ont fait des études mais qui ne sont que des agents du pouvoir, des agents du spectacle, qui ont fait des études mais qui au fond ne sont aucunement éduqués parce qu’ils ne voient que l’argent, le pouvoir, la puissance, leur intérêt, tous ces gens-là cherchent à faire perdurer ce spectacle, craignant par dessus tout la colère du peuple, de ce peuple français qui a si souvent renversé rois et maîtres. 

Il y a déjà très longtemps, en parlant de la France, je parlais d’une démocratie instrumentale. Nous sommes dans un État qui offre toutes les formes de la démocratie, élections pratiquement libres, presse supposément indépendante, partis politiques libres, moyens de communication … Mais tous ces instruments sont en fait controlés par des puissances financières, par des hommes, par des clans, par des organisations, par des intérêts … Et le quidam moyen, celui qui n’est pas milliardaire, qui ne possède pas de médias lui appartenant, celui qui n’appartient pas à telle caste nobiliaire ou technocratique, à tel groupement d’intérêt, loge maçonnique ou groupe constitué, en clair, tous ceux qui appartiennent aux 95% restant de la population française, des citoyens français, celui-là est contraint d’assister en spectateur impuissant au monstrueux spectacle qui se déroule sous ses yeux impuissants.

 

Les institutions de cette démocratie instrumentale pourraient tout aussi bien servir une monarchie constitutionnelle comme celles de nos voisins britanniques, servant les intérêts d’une caste nobiliaire. Ou bien celle d’une principauté comme Monaco ou le Liechtenstein.

 

Le souci naît de la divergence entre nos valeurs républicaines affichées, notamment l’égalité de tous les citoyens, et la réalité toute autre de monarques républicains décidant pour le compte d’une élite, pour le compte d’une caste dont nous sommes majoritairement exclus. Pour quelle raison ce président, ces députés, sénateurs, ces hauts fonctionnaires, préfets, énarques, décident pour nous, en notre nom, au nom du peuple dans son entier, peuvent prendre des mesures de privation des libertés publiques qui ne s’appliquent qu’à nous, qu’aux sans-dents pour plagier un précédent monarque républicain.

 

Nous en sommes arrivés là. Soyez heureux, bon peuple de France, que vous soyez dirigés par une caste de monarques républicains. Où ce n’est même pas une caste fondée sur le mérite éducatif, car il permettrait à tous d’avoir les mêmes chances d’être remarqués … Mais c’est une caste fondée sur des réseaux cachés, pour certains inavoués par nature (loges maçonniques, cercles, clubs de notables…), par l’appartenance à des féodalités (famille, richesse, grandes écoles…), qui par définition excluent sans appel tous ceux qui n’en bénéficient pas. 

 

Evidemment, certains peuvent vivre très heureux hors de cette élite. On peut être heureux en travaillant la terre, au rythme des saisons, des éléments. Certains peuvent réussir sans disposer sésames. Mais des exceptions n’ont jamais remis en cause des règles. Voilà la France. Voilà la démocratie ! 

 

Et le seul espoir de changement trouve son origine dans un nouveau cercle, dans un nouveau réseau, celui des #black lives matter, dans un anti-système qui veut fonder une contestation de l’ordre social établi en fonction de la couleur de peau, en fonction du genre humain, en un mot sur la convergence des luttes contre le patriarcat blanc ! Mais ces gens ne cherchent pas à partager le pouvoir, à donner le pouvoir aux foules. Ils ne cherchent qu’une chose : renverser le pouvoir établi pour établir leur propre pouvoir personnel, permettre l’émergence d’une nouvelle élite et d’un peuple les soutenant, sur la base de la couleur de peau, de leur statut de supposées victimes du patriarcat blanc, sans comprendre que nous sommes des millions à être exclus du pouvoir sans lien avec la couleur de peau. Du moins, c’est mon regard.

 

 

Saucratès


17/10/2022
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Les révélateurs d’une profonde crise de la démocratie en France

Les révélateurs d’une profonde crise de la démocratie en France

 

Par Saucratès 

 

Saint-Denis de La Réunion, mercredi 30 mars 2022
 
La guerre en Ukraine et la fin de la présidence Macron sont les révélateurs d’une profonde crise de la démocratie en France. Une démocratie est par essence un État dans lequel il existe un socle de valeurs sur lesquelles la majeure partie des citoyens se reconnaissent. Une démocratie n’est pas seulement un régime politique dans lequel un certain nombre de droits, dont la liberté d’expression et la liberté d’opinion, existent. Non, c’est aussi et surtout un pays dans lequel il existe un certain consensus sur un certain nombre de sujets primordiaux, dont fait partie la reconnaissance de la liberté d’opinion, d’expression et de s’informer.

 

Et ce sont ces droits, ce consensus, qui sont petit à petit en train de s’étioler en France sous la présidence Macron, ainsi que sous son prédécesseur. Alors que jamais les idées de droite n’ont aussi largement dominé l’opinion publique, il y a une telle cristallisation autour du président Macron et de la politique de son gouvernement que plusieurs France s’affrontent les unes contre les autres, sous l’œil goguenard des adeptes du président Macron qui attisent l’incendie qui couve, opposant français contre français, ressemblant à une guerre civile qui ne dit pas son nom, gilets jaunes contre les anti-gilets jaunes, vaccinés contre les non-vaccinés, hommes contre femmes et français contre étrangers.

 

Et au milieu de cette tempête, face à ce silence médiatique, face à des médias qui se contentent de répandre les messages et les mensonges gouvernementaux sur la pandémie, sur les bienfaits de la vaccination, sur l’immense générosité du gouvernement Macron, sur le courage exemplaire, l’action héroïque du président Macron face au sinistre Dark Poutine, le peuple se trouve perdu, interdit de s’exprimer, interdit de s’informer librement, interdit d’être informé autrement que par les mensonges et les manipulations médiatiques dictés par ce gouvernement et son président.

 

Évidemment, il se pourrait que rien de tout cela ne soit manipulation, que l’attaque de l’Ukraine par Poutine soit injustifiable, que les sanctions contre le régime russe soient justifiées … mais on ne peut plus y croire. 
 

C’est parce que la possibilité de s’informer, de voir expliquer les raisons de cette méfiance, sont interdites, nous sont niées, que la méfiance envers le déluge médiatique d’informations est aussi fort, aussi large dans l’opinion publique. C’est parce qu’aucun média n’accepte désormais de représenter les français, ceux qui doutent, ceux qui s’interrogent, ceux qui s’insurgent contre la vie chère, contre les fins de mois difficiles, contre les politiques injustes, que ces mêmes français sont aussi méfiants, aussi désespérés. 1789 nous rappelle qu’il n’y a pas plus dangereux qu’un peuple qui ne croit plus en son roi, en son régime politique.

 

La crise des gilets jaunes, les événements du saccage de l’Arc de triomphe aurait dû conduire à la prise d’assaut du palais de l’Elysée et à la mise à bas de son occupant. Il n’en a rien été. Mais maintenant, deux ou trois ans plus tard, le sentiment de colère du peuple n’est-il pas encore plus fort ? Les nouvelles divisions entre vaccinés et non-vaccinés, les mesures de confinement et de bâillonnement des français ont-elles fait disparaître cette colère ou bien au contraire l’ont-elles encore exacerbée ?

 

Alors effectivement, cette rage et cette méfiance face à ces gouvernement et aux médias peuvent conduire nombre d’entre nous à soutenir Poutine et l’offensive russe, à acclamer des dictatures comme le Venezuela ou d’autres. Ceux que nos dirigeants attaquent, ceux que les médias noircissent à longueur de journaux, ne peuvent être que de courageux combattants. Après tout, ne dit-on pas que les ennemis de nos ennemis sont nos amis !

 

Qui ne s’étonne pas que le président ukrainien puisse s’exprimer devant le parlement français, le parlement européen, la Knesset israélienne pour les exhorter à agir, à intervenir en Ukraine, ou à intégrer l’Ukraine à l’Union européenne ? Qui ne s’étonne pas que des dirigeants ukrainiens ou des responsables diplomatiques ukrainiens puissent lancer des fatwas, des appels au boycott contre des entreprises francaises ou européennes, et que les médias, les médias sociaux puissent donner une telle visibilité à ces déclarations dont la légitimité n’est pas seulement totalement insignifiante, mais complètement nulle. Et pourtant, les médias les relèvent, s’en font l’écho ! Mais par qui sont-ils payés, par qui sont-ils instrumentalisés, pour se faire à ce point-là l’écho de telles inepties ?

 

Le Monde peut publier des articles sur le scandale des dépenses des cabinets d’expertise comme Mac Kinsey du gouvernement Macron et de leurs préconisations. Mais au fond, le mal est fait, il est profond. Où s’arrête l’influence des cabinets d’expertise comme Mc Kinsey ? N’ont-ils déjà pas envahi l’ensemble de l’Etat français et de la presse ? Y a-t-il encore seulement une possibilité en France de combattre l’omnipotence de ces médias, de ces consultants, des adeptes de la Macronie, de la pensée unique, du nouveau monde de la nouvelle politique ?

 

https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2022/03/29/mckinsey-et-macron-le-vrai-et-le-faux-sur-la-polemique_6119680_4355770.html

 

C’est donc cela le nouveau monde de la nouvelle politique ? Une race de leaders qui ne peuvent plus sortir dans les rues, dans le monde réel, sans risquer de se faire agresser, de se faire entartrer, baffer, frapper par des millions de français qui ne supportent plus leur président, leurs députés et les journalistes des médias qui relaient de manière incessante la litanie de leurs manipulations. Surprise : Jean Lassale peut toujours prendre des bains de foule, aller à la rencontre des français, comme François Bayrou avant lui, mais ni Macron ni aucun des membres hautains de son gouvernement. Quand les gouvernants ont peur du peuple, le pire n’est plus loin !

 

 

Saucratès

 

 

Nota : Et pourtant, le président Macron accuse aujourd’hui l’extrême droite de chercher à diviser les français. N’y a-t-il pas là une sacrée inversion des rôles et des responsabilités de chacun dans une telle accusation :

 

«… M. Macron a estimé qu’il n’y avait que deux forces principales dans le pays : les progressistes et les populistes. Il y a très clairement une force politique qui regroupe, qui est celle du rassemblement, pour l’unité du pays derrière les valeurs de la République, avec des femmes et des hommes qui viennent de la gauche, du centre, de la droite (…) et il y a l’extrême droite, qui est toujours là. Et qui, face à nous, est toujours portée par un clan et veut la division …».

 

https://www.lemonde.fr/politique/article/2022/03/28/emmanuel-macron-riposte-apres-le-meeting-d-eric-zemmour-et-evoque-son-indignite_6119528_823448.html


30/03/2022
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Le CNRS donne accès à la base de données des compensations versées en 1849 aux propriétaires d’esclaves - Quelques enseignements

Saint-Denis de La Réunion, vendredi 14 mai 2021


Un site du CNRS publie deux bases de données traitant des compensations versées par l’Etat francais aux propriétaires d’esclaves. L’une des deux bases concerne l’indemnité versée en 1825 par la nouvelle République libre de Haïti, et la seconde base concerne les indemnités versées en 1849 aux propriétaires d’esclaves des colonies de Guadeloupe, de Martinique, de Guyane, de la Réunion, du Sénégal et des iles de Sainte Marie et de Nosy Be. Dans un cas, pour Haïti, on parle d’une indemnité de 150 millions de francs, destinée à dédommager les anciens colons qui réclameront une indemnité, et dans la deuxième, pour les autres colonies, on parle d’une indemnisation de 126 millions de franc or (soit l’équivalent de 27 milliards d’euros d’aujourd’hui - selon Le Monde).

https://www.lemonde.fr/afrique/video/2021/05/08/esclavage-qui-a-profite-de-l-argent-de-l-abolition_6079569_3212.html

 

Dixit Le Monde, «Gratuit et collaboratif, ce fichier inédit en France, fruit d’un travail de deux ans sur des milliers d’archives, pourrait relancer le débat sur les réparations».

 

https://esclavage-indemnites.fr/public/ 

 

Dans l’article qui suit, on va s’intéresser à la seule base des indemnisations de 1849 mais l'histoire de Haïti et des 150 millions de francs or que Haïti a dû payer à la France pour prix de leur indépendance me paraît également intéressante, par son injustice. Haïti a plus payé pour son indépendance que les indemnités versées pour l’ensemble des autres colonies françaises !

L’intérêt de ce site est aussi de rappeler cette injustice.

 

«Le 1er janvier 1804, après deux ans de combats acharnés contre les troupes du général Leclerc puis de Donatien de Rochambeau, venus rétablir l’esclavage, au nom de Napoléon Bonaparte, Jean-Jacques Dessalines proclame, l’indépendance de l’ancienne colonie française de Saint-Domingue, sous le nom d’Haïti. Pour la première fois de l’histoire, d’anciens esclavisés émancipés depuis 1793, fondent un état indépendant (...)

Le 3 juillet 1815, trois navires de guerre suivis quelques jours plus tard par deux escadres arrivent en rade de Port-au-Prince. A leur bord se trouve le capitaine de Mackau qui est chargé par Charles X d’obtenir l’agrément du président Boyer aux conditions de la France, y compris par la contrainte.

 

Le 11 juillet 1825, le Sénat haïtien autorise le président Boyer à ratifier l’ordonnance de Charles X datée du 17 avril 1825 et dont les 2 principaux articles sont :
 
Article 2 : Les habitants actuels de la partie française de Saint-Domingue verseront à la Caisse Centrale des Dépôts et Consignations de France, en cinq termes égaux, d’année en année, le premier échéant le 31 décembre 1825, la somme de 150 millions de francs, destinée à dédommager les anciens colons qui réclameront une indemnité.

Article 3 : Nous concédons à ces conditions, par la présente ordonnance, aux habitants actuels de la partie française de Saint-Domingue, l’indépendance pleine et entière de leur gouvernement.
 
La première République noire s’est acquittée complètement de l’indemnité en 1885, et de l’emprunt, en 1887, mais cela l'a plongée dans un endettement chronique qui l'a affaiblie durablement.»

Et Haïti devait ensuite être occupée militairement par les États-Unis d’Amérique à compter de juillet 1915 et ce jusqu’en août 1934, afin d’y combattre l’influence de l’empire allemand, qui y était particulièrement bien implanté.

 
Mais pour en revenir à la base des indemnisations des propriétaires d’esclaves dite base 1849, le site donne un certain nombre d’informations extrêmement intéressantes (au-dela de la liste des noms des proprietaires d’esclaves et des sommes perçues en 1849).


En voici la présentation des données selon le site :

«Lorsque la France abolit l’esclavage pour la seconde fois le 27 avril 1848, elle accorde dans le même temps une indemnité aux anciens propriétaires d’esclaves de l’Empire français. La loi du 30 avril 1849 et son décret d’application du 24 novembre 1849 leur attribuent 126 millions de francs, selon des modalités différentes pour chacune des colonies (Guadeloupe, Martinique, Guyane, Réunion, Sénégal, Sainte Marie et Nosy Be). Un telle dépense, dans un tel contexte de crise économique, ne peut que susciter débats et interrogations.

 

En tête de file des défenseurs de l'indemnité se trouvent les anciens propriétaires, dont la diversité de profils est insoupçonnée. À leurs côtés, les marchands et créanciers coloniaux constituent le second groupe dans l'attente. Tous plébiscitent des arguments juridiques et économiques pour justifier cet octroi. Face à eux, les abolitionnistes présentent l'esclavage comme contraire à la morale, et certains vont même jusqu'à suggérer une indemnisation à destination des nouveaux libres. Aucunes propositions n'aboutirent dans ce sens.

 

À travers cette mesure âprement débattue au sein de la commission d'indemnisation et de l'Assemblée Nationale, l'État tente de préserver ses grands intérêts économiques dans les colonies dont la possession se trouve menacée. D'un côté, les colons menacent de quitter les territoires, de l'autre, la menace d'une révolte inspirée par l'exemple haïtien pousse les législateurs à adopter cette mesure d'indemnisation permettant la mise à l'oeuvre du processus d'abolition. L'indemnité coloniale apparaît comme une condition sine qua non à l'abolition.»

 

https://esclavage-indemnites.fr/public/Base/2/DonneesChiffrees

 

Ainsi, les sommes perçues par la colonie de la Réunion s’élèvent à 39,460 millions de francs or, correspondant à un nombre de 60.651 esclaves libérés (soit un prix par esclave de 671,79 francs or). Les femmes y détiennent 36,3% des 10.593 titres de propriété d’esclaves. J’ai décompté dans cette base environ 4.200 noms de propriétaires indemnisés pour la Réunion.

Pour les colonies de Martinique et de Guadeloupe, les sommes perçues se sont élevées à 57,335 millions de francs or, correspondant à 161.534 esclaves libérés (soit des indemnités par esclave de 447,28 francs en Guadeloupe et 409,98 francs en Martinique). Le site dénombre 23.360 titres de propriété d’esclaves, détenus par des femmes à hauteur de 31,5% en Guadeloupe et de 42,0% en Martinique. 

En Guyane, les indemnités s’élèveront à 6,557 millions d’euros pour 12.252 esclaves libérés, soit une indemnité par esclave de 589,32 francs. Au Sénégal, ce seront 0,368 million de francs or qui seront versés, pour 10.350 esclaves libérés. Et enfin, dans les îles malgaches de Nosy Be et de Sainte-Marie, ce seront 0,094 million de francs qui seront versés pour 3.500 esclaves libérés.  

 

D’autres enseignements sont à retirer de cette base de données immensément riche, même si de nombreuses informations n’y sont pas encore disponibles, et notamment tout ce qui aura trait à la biographie des différents propriétaires d’esclaves indemnisés. À noter par exemple que sur les 4.200 personnes mentionnées dans cette base pour La Réunion, 1.900 d’entre eux sont mentionnés comme ayant reçu 0 franc d’indemnités, ce qui signifie que ces propriétaires avaient déjà cédés ou transférés leur créances à certains de leurs créanciers. Inversement, seuls 76 personnes ont perçus plus de 100.000 francs or d’indemnités à La Réunion (et pour certains d’entre eux ces montants incluent des indemnités perçues au titre d’autres colonies).

Le journal Le Monde indique également, en parlant de ce site du CNRS, «que ces informations permettent de mieux comprendre la société esclavagiste de l’epoque et de retracer l’origine d’investissements qui ont donné naissance à des dynasties entrepreneuriales ou des entreprises qui existent encore aujourd’hui».

 

https://www.lemonde.fr/afrique/article/2021/05/08/les-compensations-versees-aux-proprietaires-d-esclaves-par-la-france-au-xixe-siecle-rendues-publiques_6079584_3212.html

Sauf qu’une fois encore, ceci correspond certainement parfaitement à la situation des Antilles, mais que cela ne s’applique en aucun cas à la situation réunionnaise. Ainsi, parmi les 76 propriétaires réunionnais ayant perçu plus de 100.000 francs or d'indemnités, que ce soit au titre des esclaves détenus ou des titres récupérés, on ne trouve aucune des grandes familles entrepreneuriales réunionnaises d’aujourd’hui. Pas de Chateauvieux, ni de Caillé, ni de Ravate ou autre. On y trouve plutôt des noms de lieux topographiques, de lieu-dit. Les plus riches de cette époque-là ont certes marqué la société réunionnaise coloniale de l’époque, mais ils semblent avoir presque disparu, quitté la grande histoire. Qui se souvient par exemple encore des Lecoat de Kerveguen (à part un nom approchant dans une série télévisée), ou des Thomas, des Dandré ou de Rattaire (pour citer les quatre plus importants bénéficiaires d’indemnités cités dans cette liste).

 

Ainsi, une fois encore, c’est la réalité antillaise de l’esclavage de cette époque qui vient illustrer son histoire, et La Réunion, plus grande colonie de cette époque-là, et le plus grand et le plus peuplé des départements d’outre-mer d’aujourd’hui, n’est absolument pas pris en compte.


Au moins, notre département semble avoir fait sienne les adages bibliques qui veulent que «l’argent ne fasse pas le bonheur» et que «Bien mal acquis ne profite jamais» ! Autrement dit, en hébreu, «Lo yoilou otsarott racha».

 
 

Saucratès


14/05/2021
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