Critiques de notre temps

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Sur la société


Qu’est-ce que la justice fiscale

Parlons de justice fiscale. Que doit-on entendre par cette notion de justice fiscale ? Et au fond, est-ce que ceux qui nous parlent de justice sociale sont réellement objectifs sur ces notions ?

 

https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/06/10/aux-etats-unis-un-systeme-fiscal-inique_6083589_3232.html

 

Prenons en exemple cet article du Monde. À le lire, les milliardaires américains ne paieraient aucun impôt, ou très peu d’impôt sur leurs revenus, et pourtant, dans ce même article, Le Monde nous indique que le taux moyen d’imposition sur le revenu qui a été appliqué aux principaux milliardaires américains [«dont Jeff Bezos (Amazon), Michael Bloomberg (Bloomberg) et Elon Musk (Tesla)»], s’élève à 15,8%. Alors que, comme le complète cet article du Monde, «le taux marginal aux Etats-Unis est de 37%».

 

15,8% de taux moyen d’imposition, est-ce rien ? Est-ce très peu ? Le reste des américains ou bien les contribuables français payent-ils plus d’impôts que ces milliardaires américains. Non bien évidemment. Ce n’est pas le cas en France en prenant en compte notamment les diverses dispositions de crédit d’impôts, comme les cotisations syndicales, les frais réels, les aides aux associations ou les aides à l’emploi de salariés à domicile. Et cela ne doit pas plus être le cas aux Etats-Unis. 
 
Cet article mélange également des taux moyens et des taux marginaux des tranches supérieures, ce qui n’a strictement rien à voir. Un taux marginal signifie simplement que tout euro ou dollar supplémentaire gagné est imposé à ce taux marginal. Sans rien signifier sur l’imposition des revenus en deçà. Toutes ces analyses du Monde comme celles de l’économiste Thomas Piketty sont ainsi affectées par un prisme politique gauchisant qui n’aborde pas le véritable enjeu de la justice sociale. Qu’est-ce que la justice fiscale ?

 

La justice fiscale vise-t-elle à ramener la richesse de tous les contribuables à un même niveau unique quelque soit le montant de leurs revenus ? Est-ce cela la justice fiscale ? Prendre aux uns pour donner aux autres et égaliser tous les revenus ? Au fond, c’est l’idéal communiste mais on sait bien qu’il n’existe même pas. Il y a des millionnaires et des milliardaires en Chine communiste. Comment même cela serait-il juste, puisque certains ne font rien et d’autres travaillent ? Pourquoi s’emmerder à travailler, à se lever le matin pour se rendre au travail, si au final, tout le monde, fainéants, chômeurs professionnels, érémistes ou dealers de drogues, toucheront le même revenu net d’impôts au final ?

 

Ce n’est donc pas ça la justice fiscale. Qu’est-ce donc ? Que ceux qui gagnent plus paient plus d’impôts ? Mais c’est pourtant le cas aux Etats-Unis en lisant cet article Le Monde. Et cela ne leur suffit pas. Il y a donc un taux minimum d’imposition en deçà duquel il n’y a pas de justice fiscale ? Quel est-il ? Et est-ce à un journaliste du Monde, certainement très bien documenté et instruit, formé ou déformé, de décider d’un tel taux ? Quelle sera donc sa légitimité pour en décider ? Le simple fait d’être député ne suffit pas non plus d’ailleurs comme légitimité ; encore faut-il appartenir à une majorité gouvernementale. On connaît d’ailleurs la proximité et la perméabilité entretenue par la presse et par le monde politique, sortant tous à peu près des mêmes écoles.

 

Qu’est-ce donc que la justice fiscale ? Que les riches payent plus d’impôts ? Mais c’est donc sans fin. Ils ne paieront jamais assez d’impôts aux yeux des extrémistes gauchistes. Faut-il donc empêcher que la richesse s’accumule ? Que les riches deviennent plus riches et les pauvres plus pauvres ? On compare peut-être des histoires sans aucun sens, on parle d’un monde où la misère n’existe pas vraiment en comparaison de pays d’Afrique où des enfants, des femmes et des bébés n’ont rien à manger, d’un passé relaté par Zola au dix-neuvième siècle où la maladie d’un des membres de la famille entraînait la ruine de la famille et sa misère, où la Sécurité sociale et les allocations maladie n’existaient pas. Effectivement, aujourd’hui, il est malgré tout difficile de vivre avec un ou deux Smic mais ce n’est pas le problème de la justice fiscale. Comment vivre avec pas grand chose devant l’immensité des tentations véhiculées par les réseaux sociaux, les médias, les publicités, les émissions de télévision qui cherchent à nous faire rêver et à nous tenter ?

 

Qu’est-ce que la justice sociale ? N’est-ce pas déjà le principe que tout le monde participe à l’entretien de la Nation en payant un impôt sur le revenu ? Comment peut-on n’avoir qu’une moitié de contribuables imposés, et jusqu’à 75% ou 80% de non imposables dans les départements d’outre-mer, avec une importance du travail dissimulé, des trafics en tout genre, du travail non déclaré, pour échapper à l’impôt ? N’est-ce pas là le premier problème de la justice fiscale ? L’évitement de l’impôt par tous les artifices ? 

Au fond, la ‘flat tax’ si chère au cœur des libéraux résoudraient à la fois les attentes des uns et des autres. Un taux unique d’imposition  (à 15% par exemple qui est le taux standard proposé) sur tous les revenus, pour les riches comme pour les pauvres, qui permettraient à tous de participer, sans plus parler de taux marginaux, sans parler de défiscalisation ou de charges déductibles. [Pour rendre ce système de flat tax un peu plus juste, on pourrait créer plusieurs taux. Mais cela crée un problème impossible à gérer pour ceux à la lisière des deux tranches.]

L’idée même de participer à l’entretien de la Nation est-elle une idée absurde ? Non si cette idée permet d’échapper à l’idéologie commune de tous ceux qui estiment n’avoir que des droits et aucun devoir, ceux qui estiment que l’Etat français leur doit des choses, sans jamais se demander s’ils ont des devoirs à l’égard de la France, des devoirs de respecter des lois, les gens, les institutions. Évidemment, je ne mets pas à l’écart de ces fautifs. Je ne respecte pas toujours parfaitement les lois ni les institutions. Comment se sentir responsable ou représenté par des personnes élues par d’autres ?

 
On ne met donc pas tous les mêmes choses sous l’idée de justice fiscale. Entre ceux qui voudraient que l’impôt égalise les revenus de tous, que les riches payent plus, ou bien que tous les contribuables payent de l’impôt et participent à l’entretien de l’Etat.

 
Evidemment, la justice fiscale repose sur quelques principes de base. Elle doit permettre de rendre plus égalitaires les écarts de revenus entre les riches et les pauvres. Elle doit être acceptable et acceptée par tous. Elle doit disposer de mécanismes permettant d’empêcher l’évitement de l’impôt, de ceux qui trichent pour échapper à l’impôt comme de ceux qui fuient pour la même raison. Enfin, la justice fiscale doit traiter tout le monde de manière égalitaire, ceux qui gouvernent, ceux qui font les lois, les riches et les puissants comme les classes moyennes ou les pauvres. Les dispositions particulières des parlementaires et des membres du gouvernement en matière d’imposition, de retraite et de couverture sociale, constituent ainsi des atteintes insupportables à la justice fiscale et à l’acceptabilité de la fiscalité et de la Loi.

 
 
Saucratès


17/11/2024
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Extrême-droite, l’Histoire bégaie-t-elle

En quoi les années actuelles peuvent-elles nous rappeler les années 1930-1940 ?

Par Saucratès 

Saint-Denis de la Réunion, dimanche 11 février 2024

 

 

L’Histoire dont nous avons conservé trace des années 1930-1945 est partielle et parcellaire. Je parle évidemment de l’Histoire que le petit peuple, les quidams des villes ou des bourgades, ont appris ou de celle dont ils ont le souvenir. Mais je pense aussi que nos gouvernants sont victimes de la même cécité, de la même méconnaissance de cette véritable Histoire. Cette Histoire a presque un siècle désormais et plonge ses racines dans des événements qui remontent à plus d’un siècle. 

Tout le monde sait plus ou moins qu’une grande crise économique et financière a eu lieu en 1929, dont les effets se firent sentir jusqu’à la seconde guerre mondiale. Tout le monde sait que des partis politiques fascistes (Hannah Arendt parle de mouvements) prirent le pouvoir dans plusieurs pays européens (Italie, Allemagne, Espagne) et déclenchèrent la seconde guerre mondiale. Et tout le monde sait plus ou moins pour l’Holocauste, pour l’extermination de millions de juifs et de tsiganes par le pouvoir nazi et ses alliés.

 
Un roman national où le rôle de collaboration des grandes institutions a été effacé (pour le bien de la Nation ?)

Mais c’est tout le reste qui a été tu, oublié. Le roman national raconté pour masquer la vérité, pour masquer que toute l’Europe était devenue une zone de non-droit, cette romance écrite pour nettoyer la mémoire de l’abjection, qui fait qu’aujourd’hui il est impossible de se rendre compte des ressemblances croissantes de ces deux périodes historiques. Rendre uniquement responsable l’extrême-droite ce qui s’est passé, c’est nous aveugler sur ce qui peut arriver demain, de ce qui peut revenir.

 

Il y a les romances racontées pour faire oublier les comportements antisémites de nombre de grandes administrations françaises. Au sortir de la Seconde guerre mondiale, il a paru important de célébrer la concorde nationale, de limiter les procès pour collaboration à une seule frange des pires collaborateurs. Les coupables furent le régime de Vichy, le Maréchal Pétain et ceux qui œuvrèrent à ses côtés, quelques miliciens et industriels arrivistes ou collabo comme Renault. Le peuple exécuta quelques miliciens ou policiers, le peuple tondit quelques femmes qui avaient fricoté avec l’occupant allemand et qui menèrent parfois grand train. Et on cacha et oublia le reste, pendant des décennies… C’est seulement en 2024 que Le Monde soulève un coin du voile sur le comportement antisémite du prestigieux Conseil d’Etat dès les premières semaines de l’occupation allemande.

 

https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/02/06/les-pratiques-zelees-du-conseil-d-etat-vis-a-vis-des-juifs-sous-le-regime-de-vichy_6214973_3224.html

 

Et comme Le Monde l’écrit, «la légende dorée a toujours cours en 1974, dans l’imposante somme dirigée par le conseiller Louis Fougère pour le 175e anniversaire du Conseil d’Etat : il y consacre un gros chapitre à la guerre, mais reste évasif sur le rôle de l’institution envers ses juifs. Et en 1988, l’ancien résistant et vice-président du Conseil d’Etat Bernard Chenot, en tenait toujours pour cette aimable version dans un discours devant l’Académie des sciences morales et politiques».

 

Mais ce qui est vrai pour le Conseil d’Etat l’est tout autant pour la Banque de France ou la Caisse des Dépôts. Cette même Banque de France qui dans les années 2000 cherche à idéaliser son rôle de résistance en romancant la manière dont elle aurait sauvé l’or de la France en le soustrayant aux occupants nazis. 

 

Jamais ces institutions n’ont eu à rendre compte devant la justice, devant leurs victimes juives, devant le peuple, de leur comportement pendant la Seconde guerre mondiale. Facile, leurs victimes furent livrées et assassinées par les occupants nazis, déportées et exterminées. Pas de victimes, pas de crimes ! Et aujourd’hui, il y a prescription !

 

Les seules institutions qui ne collaborèrent pas avec les nazis furent les hommes et les femmes qui avaient rejoint le Général de Gaulle à Londres et les institutions qu’ils y avaient créé, comme la Caisse centrale de la France libre. Mais à la Libération, il est apparu obligatoire de masquer toutes ces abominables histoires antisémites pour reconstruire la France. Le Général de Gaulle et la CCFL ne pouvaient pas tous les remplacer. La continuité du fonctionnement de l’Etat, des Institutions devaient primer sur leurs fautes. Il fallait cacher cette réalité et raconter une romance nationale où la majeure partie des français étaient tous devenus résistants, s’étaient tous comportés en courageux résistants. Malheur aux victimes ou à ceux qui demandèrent réparation des tords commis, lorsqu’ils ou elles avaient survécu. 

 
Les Réfugiés, les migrants et les apatrides

La période de l’entre-deux guerres fut aussi une période de montée des réfugiés, des migrants et des apatrides. Les écrits de Hannah Arendt sur ‘Les origines du totalitarisme’ éclairent aussi cette période de notre histoire. Et le parallèle avec la situation actuelle, avec ces flux migratoires massifs qui ne se cantonnent plus d’ailleurs à la vieille Europe mais touchent à la fois l’Europe, l’Afrique, les régions périphériques de l’Ukraine, l’Asie et les deux Amériques, témoigne de cette nouvelle ressemblance. Évidemment, ce qui inquiète le plus est la réponse de l’extrême-droite à cette question, qui rappelle ses heures sombres, même si, à l’époque, la dénaturalisation de populations entières et le rejet de peuples entiers ne fut pas seulement le fait des régimes fascistes, d’extrême-droite, mais fut largement généralisé même dans les démocraties. 

«Le probleme des apatrides est devenu primordial au lendemain de la Grande Guerre. Avant la guerre, il existait, notamment aux Etats-Unis, un certain nombre de dispositions en vertu desquelles la naturalisation pouvait être annulée dans les cas où la personne naturalisée cessait de nourrir un attachement authentique envers son pays d’adoption. Toute personne ainsi dénaturalisée devenait apatride. Au cours de la guerre, les principaux États européens ont estimés nécessaire d’apporter certains amendements à leurs lois sur la nationalité afin de se donner le pouvoir d’annuler la naturalisation (John Hope Simpson, The Refugee Problem, 1939). La classe des apatrides créée par la révocation de leur naturalisation était très peu étendue, elle établissait néanmoins un précédent commode si bien que, pendant l’entre-deux-guerres, les citoyens naturalisés ont été en règle générale la première fraction de la population à devenir apatride. L’annulation massive des naturalisations, du type de celle que l’Allemagne nazie a introduite à 1933 à l’encontre de tous les Allemands d’origine juive naturalisés, précéda généralement la dénationalisation des citoyens de naissance dans les catégories analogues, et l’introduction de lois permettant de procéder à la dénaturalisation par simple décret, comme le firent la Belgique et certaines démocraties occidentales dans les années 30, et précéda généralement une véritable dénationalisation de masse ; on en trouve un bon exemple dans l’action du gouvernement grec à l’égard des réfugiés arméniens : sur 45.000 réfugiés arméniens, 1.000 furent naturalisés entre 1923 et 1928. Après 1928, la loi qui aurait permis de naturaliser tous les réfugiés de moins de 22 ans fut suspendue, et en 1936 toutes les naturalisations furent annulées par le gouvernement.»

Hannah Arendt - ‘L’impérialisme’ - Quarto Gallimard - Pages 573-574

 
Ceci éclaire bien un certain nombre de choses. Premièrement, le fait que des États comme la Belgique ait pu utiliser ce genre de mesure de dénaturalisation témoigne de la généralisation de ces mesures dans les démocraties. La force des nazis fut de contraindre leurs adversaires démocratiques à conduire la même politique qu’eux.

 
Deuxièmement, cela témoigne également de la gravité des réflexions actuelles menées à Potsdam en Allemagne par des membres de l’AFD sur la possibilité ou la nécessité d’expulser et de retirer leur nationalité à des franges non assimilées ou non assimilables du peuple allemand. Même si évidemment, la question de savoir ce que l’on peut faire de fractions entières de la population qui haïssent la France (ou l’Allemagne) se pose néanmoins. Même si dans le cas du malien demandeur d’asile, Kassogue S., l’agresseur de la Gare de Lyon, qui professe une haine de la France et des français sur Tik-Tok, la question ne se pose heureusement pas puisque celui-ci n’a pas la nationalité française. Mais pour tous ceux qui tiennent le même discours de haine de la France et des français ? 
 

https://www.lefigaro.fr/faits-divers/un-profil-mi-sdf-mi-troubles-psy-que-sait-on-de-kossogue-s-assaillant-presume-de-la-gare-de-lyon-20240203

 

Cette idée de vouloir retirer la nationalité et d’expulser des fractions des populations de nos États européens rappelle néanmoins de très graves événements. Comme la masse des réfugiés qui circulent entre nos différentes nations européennes, et le fait que, comme dans les années 1930, ils semblent inassimilables pour nos démocraties et que la tentation de les expulser ou de les cantonner à des camps de réfugiés traverse les opinions publiques. 
 
https://www.humanite.fr/monde/allemagne/lextreme-droite-allemande-echafaude-t-elle-un-plan-de-deportation

 
L’histoire officielle contemporaine ne se trompe pas d’adversaires ou de responsables. Mais l’histoire officielle grossit la responsabilité des uns ou l’aveuglement des autres et oublie le caractère général de l’antisémitisme à cette époque. Dès les années 1920, Adolf Hitler avait écrit dans ’Mein Kampf‘ tout ce qu’il allait faire par la suite. Mais l’immense majorité de l’Europe était déjà antisémite depuis le dix-neuvième siècle, et des dizaines de partis ou de mouvements politiques y avaient construit leur idéologie autour de l’antisémitisme. Hitler n’était pas seul. Pourquoi donc aurait-il fallu s’inquiéter de Hitler plus que d’un autre. A posteriori, sur la base du témoignage de l’histoire, cela semble évident. 

 
Les camps de contraction nazis ne sont pas non plus des aberrations dans le paysage européen. De nombreux Etats européens ont également mis en fonction des camps pour y parquer des réfugiés. Notamment la France qui a enfermé les réfugiés républicains espagnols ou catalans fuyant le régime de Franco dans le Sud de la France. De même, les États-Unis d’Amérique enfermèrent dans des camps de prisonniers l’ensemble de leur population d’origine japonaise pendant la seconde guerre mondiale. Le problème est que cette partie de l’histoire des démocraties occidentales est aujourd’hui niée et oubliée.

 

Cela ne signifie en aucun cas que l’œuvre d’extermination nazie à une quelconque ressemblance avec les divers camps de prisonniers ou de réfugiés qui furent mis en place par les démocraties occidentales. L’abomination nazie, l’Holocauste, est sans commune mesure. Mais justement, la mise en œuvre de processus ressemblants, de gestion des minorités par les alliés, a pu leur laisser croire que les camps nazis n’étaient pas très différents de leurs propres camps d’internement. Les règles d’hygiène des camps occidentaux n’étaient pas respectées, et les personnes d’origine étrangères ou migrantes qu’ils y enfermaient y mourraient également, même si l’histoire me semble bien silencieuse sur ces camps, qu’il s’agisse des camps pour les japonais aux Etats-Unis ou en France, en Angleterre ou en Belgique. Simplement, les nazis allèrent beaucoup plus loin en organisant l’extermination de tout un peuple, de tous les déviants à leur idéologie nazie.

 

Se trouve-t-on aujourd’hui dans une situation approchante ? La gestion par l’Europe et l’ONU de la crise des migrants pourrait laisser croire qu’ils prennent en compte cette histoire passée, comme par exemple l’interdiction de fabriquer des apatrides en interdisant de retirer sa nationalité à une personne qui n’a pas d’autres nationalités. De même avec l’imposition de quotas de migrants à répartir entre tous les États européens, même lorsque ces États ne sont pas concernés par ces arrivées. Mais il n’empêche que ces vagues incessantes de migrations déferlant sur la vieille Europe, déferlant en Afrique ou en Amérique du Sud ne peut être dissocié des événements qui précédèrent la Seconde guerre mondiale. Et de la montée des extrêmes-droite qui en avait découlé et qui enfle à nouveau peu à peu. 
 
 
Saucratès


11/02/2024
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Injonctions contradictoires

Injonctions contradictoires

Par Saucratès 

Saint-Denis de la Réunion, mercredi 2 août 2023

 

Sommes-nous libres de penser, d’aller, de venir, de faire, dans la limite de la liberté de nos voisins ? Non, notre Monde est devenu une prison mentale pour tous ceux qui ne souhaite pas suivre bêtement et aveuglément l’opinion commune, l’opinion majoritaire. Mais c’est aussi une prison mentale pour ceux qui suivent aveuglément les modes de pensée mainstream.

 

Dans notre société, celui qui refuse de se plier aux injonctions qu’on lui impose, de faire ce que l’on lui présente comme étant le BIEN, se trouve forcément catalogué, considéré comme un partisan du MAL. Dans notre société, ne pas obéir aux injonctions, c’est se ranger parmi les MAUVAIS, parmi les homophobes, parmi les xénophobes, parmi les LGBTQIA+phobes... 

 

Celui qui ne s’oppose pas et qui ne condamne pas les méchants russes qui ont envahi injustement la gentille et merveilleuse Ukraine sont des extrémistes de droite, des européanophobes, des traitres et des russophiles. Peu importe qu’il y a quelques années à peine, l’une des pires mafias au monde était la mafia ukrainienne et les pires groupes d’hackeurs attaquant les particuliers ou les banques européennes étaient ukrainiens. Aujourd’hui, ils sont tous devenus des gentils et merveilleux combattants de la liberté.

 

Celui qui ne condamne pas le recul de la Cour Suprême américaine ayant remis en cause en partie le droit à l’avortement pour les femmes ou la politique d’affirmative action pour l’accès à l’enseignement supérieur américain, qui favorisait très fortement les étudiants d’origine afro-américaine au détriment des candidats d’origine asiatique, sous prétexte d’avantager les uns et de réguler les différences intellectuelles entre les candidats, est un extrémiste de droite, raciste et machiste. Peu importe qu’un certain nombre d’états américains interdisaient déjà les politiques d’affirmative action, comme la Californie, pourtant gérée pendant des décennies par des démocrates, et que certaines des plus grandes universités américaines comme CALTECH n’appliquaient déjà pas ces politiques d’affirmative action. Mais il est vrai que dans ces universités, les étudiants d’origine asiatique étaient beaucoup plus nombreux au détriment des étudiants d’origine afro-américaine. 

https://www.slate.fr/story/160966/politiques-pro-diversite-nuisent-americains-origine-asiatique

 

Mais on parle d’un pays, les Etats-Unis, où l’une des voix royales pour atteindre les plus prestigieuses universités, et y obtenir une bourse d’études conséquente, est, et demeure, la voie sportive, comme le baseball ou le football américain. Où justement les joueurs d’origine afro-américaine sont un peu plus représentés que les joueurs d’origine asiatique. Faire disparaître l’affirmative action n’est donc pas la plus terrible des décisions ; il reste de très nombreuses façon de rejoindre les plus grandes universités américaines et un peu plus de justice en respectant les capacités intellectuelles des étudiants d’origine asiatique ne fera pas de mal. Les étudiants d’origine européenne seront eux aussi d’ailleurs désavantagés par la remise en cause des ‘affirmative actions’. 

 

Cette voie royale par le sport, c’est un peu comme si en France, une partie des étudiants de l’ENS, de X-Polytechnique ou de l’ENA étaient composés d’étudiants se destinant ou jouant aux internationaux de tennis, champions de surf ou jouant dans des clubs de football de la Ligue 1 (au PSG, à l’OM, au FC Sochaux ou à l’AS Saint Etienne). C’est sûr que les problèmes d’entre soi de l’élite française seraient un peu moins marqués si des joueurs comme M’Bape, Zizou, Noah ou Barthez étaient passés par ces grandes écoles et en avaient été diplômés. Ce qui permettrait en plus des reconversions beaucoup plus faciles aux anciens sportifs de haut niveau.

 

Plus inquiétant, il suffit qu’un illuminé ait une idée remarquable (à ses yeux et aux yeux des médias) pour que toute personne qui refuse de se plier à son idée remarquable soit le MAL, devienne tout ce que les médias et ces personnes remarquables détestent et combattent. Raciste si le réfractaire est blanc, homophobe sinon et toujours. Ainsi l’histoire du maillot de football Arc en Ciel, que tous les joueurs de football français devaient porter lors d’une journée de compétition. Les rares joueurs qui ont osé refuser de porter ce maillot se sont retrouvés cataloguer comme homophobes voire partisans des violences dans le football faite aux minorités LGBTQIA+.

 

https://www.ouest-france.fr/sport/football/ligue-1-faut-il-sanctionner-les-joueurs-qui-ont-refuse-de-porter-le-maillot-arc-en-ciel-86575e8a-f31f-11ed-8d29-977e8c392606

 

Il n’y a plus de juste milieu. Il n’y a plus de neutralité. Il nous est désormais imposé à tous de prendre parti. De se plier à la pensée unique, ou d’être exclu si on refuse d’obéir. Si on ne choisit le camp qui nous est imposé, présenté comme celui du BIEN, on est alors immédiatement catalogué comme appartenant au camp du MAL, au camp des MECHANTS, des MAUVAIS ! Il leur faut des sanctions. Seules les sanctions satisfont aux membres du camp du BIEN. Ça les rassure !

 

Evidemment, ce n’est pas propre à notre société occidentale. Cela se retrouve réciproquement également en Russie, en Chine ou en Corée du Nord. Dans nos démocraties instrumentales, ces condamnations et ces attaques ad hominem se cantonnent peut-être essentiellement à la sphère publique, à la sphère des réseaux sociaux. Les descentes de la police et les arrestations arbitraires et les passages à tabac sont certainement rares dans les pays occidentaux pour tous ceux qui défendent des idées considérées comme subversives. Ainsi les messages agressifs des Zinfonautes adeptes de la pensée droite ne disposent pas encore des moyens du KGB ou de la CIA pour s’attaquer physiquement à leurs opposants.

 

En Russie ou en Chine, les risques de s’opposer à la ligne officielle des dirigeants sont beaucoup plus importants. On y risque ainsi une élimination physique, alors qu’en Occident, les risques sont essentiellement ceux d’une élimination et d’une exécution médiatique. Même si les opposants politiques à Emmanuel Macron en France font tous l’objet de plaintes ou de condamnations pénales, pour emploi fictif, pour détournement de fond dans une campagne politique, ou pour violence sexuelle. Ils ne risquent pas encore la déportation en Sibérie ou à Cayenne, mais juste quelques années à la prison de la Santé. Mais il suffirait de créer pour eux un bagne en Terre Adélie, pour opposants à Macron, pour que l’on commence à ressembler à la Russie. Ou bien que Macron brigue un troisième mandat présidentiel ou bien se fasse désigner comme premier ministre d’un président qu’il aura fait désigner, comme un certain … Vladimir Poutine …

 

https://www.lessurligneurs.eu/richard-ferrand-souhaite-modifier-la-constitution-pour-permettre-un-troisieme-mandat-presidentiel/

 

Il en va de même pour le réchauffement climatique, et ceux qui contestent ou qui osent questionner le dogme de la responsabilité humaine ou de l’importance des désordres climatiques invoqués. Là aussi, les médias véhiculent un torrent d’informations permanentes visant à préparer l’opinion publique à des politiques intrusives et drastiques à venir. L’objectif : empêcher de nouveaux mouvements populaires comme ceux des bonnets rouges bretons ou des gilets jaunes. Vos voitures ne vont plus servir à rien, l’essence deviendra hors de prix, vous allez devoir vous entasser dans des transports en commun surchargés et vous allez devoir payer des impôts et des taxes toujours plus élevées, toujours plus importantes. Matraquer l’opinion publique pour que celle-ci devienne passive et abandonne le combat contre les politiques à venir du gouvernement. Et ceux qui oseraient faire entendre une voix divergente doivent être éliminés médiatiquement pour ne pas ressusciter le mouvement des gilets jaunes et la détestation des politiques et des journalistes qui en avait découlé.

 

Et les thuriféraires du gouvernement et des médias ne sont même pas achetés, payés, vendus, ou manipulés par le gouvernement ou les médias. Ils se sont eux-mêmes intimement convaincus de la justesse des arguments relayés inlassablement par le gouvernement et les médias, jusqu’à en devenir les plus inlassables défenseurs. Persuadés qu’ils sont d’appartenir au camp des GENTILS, des BONS, au camp du BIEN, de la VERITE VRAIE et INCARNEE. Et persuadés que leurs opposants sont racistes, homophobes, russophiles, stupides, et appartiennent au camp du MAL, de la DESINFORMATION, au camp des MECHANTS.

 

Au fond, nul besoin de regarder ailleurs, en Russie ou en Chine, pour voir des excès. Il suffit de regarder notre passé, les moments de l’Histoire où le même type d’homogénéité, d’uniformisation de la pensée a été imposée à notre société, aux peuples européens. Ces temps-là ont conduit aux pires des totalitarismes, aux pires périodes de l’histoire, aux plus noirs moments de notre Histoire, lorsque tous ceux qui pensaient autrement, non correctement ont d’abord été exclus de la société, interdits de s’exprimer, puis arrêtés arbitrairement avant d’être déportés. Certains croient vraiment que cela n’arrivera pas parce qu’ils font parti du camp du BIEN ?

 

 

Saucratès


02/08/2023
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#metoo, #black lives matter et intersectionnalité

#metoo, #black lives matter et intersectionnalité

Suite de la démocratie en France

 

Par Saucratès 

 

Amsterdam, lundi 17 octobre 2022

 

Le mouvement #meetoo remonte à cinq ans. Et le journal lemonde.fr sort ces jours-ci des dizaines d’articles sur le phénomène #metoo, en quoi il a changé les vies, les entreprises, les relations entre les hommes et les femmes, la justice, l’éducation …

 
https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/10/11/metoo-dans-les-entreprises-plus-d-enquetes-mais-des-victimes-trop-peu-protegees_6145250_3224.html

 

https://www.lemonde.fr/culture/article/2022/10/11/metoo-cinq-ans-apres-la-presomption-d-innocence-ne-peut-pas-etre-un-totem-d-immunite_6145321_3246.html

 
https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/10/13/apres-metoo-comment-les-parents-eduquent-leurs-enfants-et-sont-eduques-par-eux_6145579_3224.html

 

https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/10/13/metoo-la-prescription-une-notion-au-c-ur-des-affaires-les-plus-mediatisees-depuis-cinq-ans_6145690_3224.html

 

https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/10/14/metoo-la-justice-doit-avoir-le-monopole-de-la-sanction-elle-n-a-pas-celui-de-la-verite_6145852_3232.html
 

Cinq années pendant lesquelles j’ai très peu parlé de ce mouvement #metoo, que j’ai toujours analysé comme un mouvement de délation et de vengeance immonde. Évidemment, l’immense majorité de ces histoires sont vraies, racontées comme elles ont été vécues, mais comment imaginer qu’une histoire de mains aux fesses, de drague un peu lourde, survenue dix ou vingt ans auparavant, puissent encore être considérées comme un viol, comme une violence inoubliable, qui aurait marqué au fer rouge ces personnes ? Je ne peux toujours pas comprendre ce déferlement de haine et de rage dont témoigne #metoo. Vraisemblablement à cause de ma position de mâle dominant.

 

Cinq années plus tard, je n’ai toujours pas changé d’avis sur #metoo. Le mouvement ‘Black lives Matter’ est plus récent mais il repose sur des présupposés comparables. Ces deux mouvements reposent tous deux sur la haine de l’autre, sur la haine du mâle et du blanc. Par le passé, les mouvements antiracistes, qu’ils soient européens, français ou américains, s’étaient construits sur l’absence de racisme. L’autre n’était pas différent de nous, l’autre quelque soit sa couleur de peau, était notre frère. C’était l’époque des potes.

 

Les mouvements intersectionalistes ne reposent pas sur ce présupposé ; ils reposent sur la haine du blanc, sur la haine de l’autre, coupable des crimes de toute sa race. Ce mouvement ‘Black lives Matter’ se repose sur la négation de l’autre, du non-noir, du non-différent, de la même manière que le mouvement #metoo repose sur la haine de l’homme, du mâle hétérosexuel, coupable par nature même de tous les maux du patriarcat. Les européens avaient construit leurs mouvements anti racistes et féministes sur l’égalité de tous, quelque soit la couleur de peau, quelque soit le sexe. Dorénavant les mouvements intersectionalistes reposent, sont bâtis, sur le principe de l’exclusion de l’autre, du mâle blanc patriarcal. Hier nous étions tous frères, nous rêvions d’être tous frères. Désormais nous sommes tous en guerre, tous ennemis, hommes contre femmes, blancs contre noirs, hétérosexuels contre homosexuels.

 
Romain Gary avait déclaré que le premier devoir d’une personne victime de racisme était de ne pas être raciste. Cette déclaration me semble normal et les premières victimes du racisme en France ou aux États-Unis sont les juifs et les commerçants chinois. C’est invraisemblable. Comment une lutte antiraciste peut-elle avoir pour conséquence plus de racisme pour les personnes véritablement victimes de racisme et d’antisémitisme ?


Et cette propension à considérer comme suprématiste blanc, toute personne blanche qui interroge le mouvement antiraciste américain me semble caractéristique d’un mouvement au fond raciste et xénophobe, d’un mouvement où toute contestation est impossible. La comparaison effectuée avec le mouvement des gardes rouges de Mao, de la Revolution culturelle chinoise, me semble extrêmement pertinente et il en va de même pour le mouvement féministe #metoo.

 

Quand je vois l’ex-ministre française Rama Yade déclarer qu’elle voit la statue de Colbert aux États-Unis comme une micro agression, je crois rêver. Et en fait je pense que l’histoire est faite comme ça, de cette manière. Les héros d’hier ne sont pas ceux d’aujourd’hui. Demain, les leaders de ces mouvements auront forcément droit eux-aussi à des statues et des descendants quelconques mettront eux aussi à bas leurs statues, les déboulonneront, les jetteront à la mer. L’histoire se répète. Les héros d’un jour seront considérés comme les pestiférés du futur.

 

Ma conclusion : les mouvement #metoo et #Balancetonporc, ou ‘Black lives matter’, ne sont pas différents des pires mouvements du passé. Ils ont libéré la parole des femmes ? Ou celles des personnes racisées ? Ils ont surtout libéré une parole de délation.

 

De la même manière que l’invasion nazie de la France en 1940 avait conduit à une libération de la parole des petites gens, des concierges, en leur permettant de dénoncer à la milice et à la Gestapo les grands bourgeois, les grandes familles juives qui les méprisaient ou les dédaignaient auparavant. #metoo, #Balancetonporc ou #Black lives matter ne sont pas différents, ce sont des mouvements basés sur la délation, sur la condamnation arbitraire de supposés bourreaux, que ces mouvements voudraient pouvoir exterminer sans autre forme de jugement, parce qu’ils sont condamnés sans même pouvoir se défendre, puisqu’ils sont forcément coupables, coupables parce que dénoncés et immédiatement condamnés. Une femme victime ne peut pas mentir. Une personne racisée ne peut pas mentir. Par contre, évidemment un homme, blanc de surcroît, ment forcément, toujours. Et le système patriarcal autour de lui aussi évidemment. CQFD

https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/10/13/belinda-cannone-des-sa-naissance-metoo-etait-potentiellement-porteur-de-derives_6145698_3232.html

 

«Cependant, dès sa naissance, #metoo était potentiellement porteur de dérives : la libre parole des femmes peut se dégrader en dénonciation des hommes et en justice expéditive. En témoigne #balancetonporc, qui accusait nommément. Si cette dérive a été possible et, en France, quasi instantanée, c’est du fait du médium utilisé : les réseaux sociaux, avec leur extraordinaire simplicité d’utilisation, leur anonymat, leur viralité, permettent l’émergence de tribunaux populaires.

 

Si bien qu’au bout de cinq ans le vrai débat autour de #metoo s’est déplacé sur le terrain judiciaire. Pendant des décennies, il avait fallu combattre la suspicion entourant les témoignages des victimes. Mais, à présent, surprenante bascule, certaines féministes affirment qu’il faut croire toute parole féminine. Voilà la présomption d’innocence mise à mal. Plus encore, puisque les femmes disent forcément vrai, la punition ne saurait attendre : comités, dénonciations sur les réseaux sociaux, balance des noms dans les médias avant jugement… Et l’enquête ? Et le débat contradictoire qui permet à chaque partie de se défendre devant des juges impartiaux ?»

 
 
Saucratès


17/10/2022
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De la démocratie en France

De la démocratie en France

 

Par Saucratès 

 

Rome, dimanche 16 octobre 2022

 

Le fait de demander si nous vivons bien en démocratie est considérée comme une question sacrilège. Que ce soit à Paris ou à Saint-Denis de La Réunion, la réponse de tout ce que la France compte de bien-pensants, d’aficionados du pouvoir, du gouvernement, des puissants, est partout la même : «on voudrait te voir en Russie ou en Corée du Nord pour que tu comprennes ce qu’est une dictature». Des zinfonautes comme Lesseps (devigne) ou le machialique Lodiab, ou l’abominable POLO adorent se déchaîner contre ceux qui osent critiquer le gouvernement ou sa politique. Mais c’est exactement pareil sur tous les autres médias comme nous le rappelle Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne, dans son livre «Sommes-nous encore en démocratie ?»

 

«Le fait même de poser la question est louche. Voire indécent. Mais savez-vous ce que c’est que le contraire de la démocratie ? C’est la dictature, c’est le totalitarisme, ce sont les camps, les emprisonnements arbitraires, l’élimination des opposants. Du coup, si ce n’est pas l’un, c’est l’autre. Nous sommes donc en démocratie. CQFD. Fermez le ban. Question suivante. 

(…) C’est d’ailleurs à ça que l’a résumé Emmanuel Macron en s’exprimant auprès de quelques journalistes le jeudi 23 janvier 2020, avant le coronavirus, avant le confinement, avant le supposé nouveau monde : Aujourd’hui s’est installée dans notre société - et de manière séditieuse, par des discours politiques extraordinairement coupables - l’idée que nous ne serions plus dans une démocratie, qu’une forme de dictature se serait installée. Mais allez en dictature ! Une dictature, c’est un régime où une personne ou un clan décide des lois. Une dictature, c’est un régime où on ne change pas les dirigeants, jamais. Si la France, c’est cela, essayez la dictature et vous verrez ! La dictature, elle justifie la haine. La dictature, elle justifie la violence pour en sortir. Mais il y a en démocratie un principe fondamental : le respect de l’autre, l’interdiction de la violence, la haine à combattre.»

 

Natacha Polony, «Sommes-nous encore en démocratie ?», pages 7-8

 

Emmanuel Macron nous autorise donc à user de la violence contre le gouvernement et contre le pouvoir, dès lors que l’on penserait que nous vivons en dictature ? Il légitimise ainsi le mouvement des gilets jaunes et leur violence envers son pouvoir !

 

Au fond, nous ne vivons pas en démocratie mais nous vivons dans une société du spectacle, comme l’avait si bien diagnostiqué Guy Debord il y a si longtemps. Le spectacle est juste devenu aujourd’hui tellement visible, tellement évident que l’immense majorité du peuple français s’en est aperçu. L’irruption d’Emmanuel Macron dans le jeu du Landerneau politique en a juste été le déclencheur. Les deux tiers des députés LREM élus de 2017 étaient des comédiens du Parti socialiste ou de l’UMP qui avaient tourné casaques pour le rejoindre. La candidature et l’élection de Macron était un gigantesque spectacle dont on a été le témoin et le spectateur impuissant. Et puis il nous a été vendu un nouveau spectacle, que nous pouvions tous candidater pour devenir élus LREM et ces candidats seraient des novices en politique. Et au final, ils ont choisi la majorité des leurs pour être élus. Ceux qui avaient senti passer le souffle du boulet et qui cherchaient à tout prix un échappatoire à la déroute électorale qui s’approchait. On dit souvent que les rats quittent le navire. Mais nombre de ces députés LREM ayant tournê casaques ont malgré tout réussi à se faire réélire en changeant une nouvelle fois d’étiquette, pour devenir LFI ce coup-ci. 

Ce spectacle géant auquel nous assistons totalement impuissants peut-il encore porter le nom de démocratie ? Lorsque l’ensemble des choix qui nous est proposé ne consiste qu’en condamnés, repris de justice, ou comédiens d’El Arte ? Au fond, la comédie est devenue si généralisée, que le seul échappatoire pour l’électorat conscient, éduqué, est la voie des extrêmes et des extrémismes. Évidemment, ce n’est pas la voie que les puissants, ceux qui servent les puissants, les riches, les nantis, ceux qui les servent, ceux qui auraient tout à perdre d’une révolution (mais nous avons tous au fond à perdre d’une révolution), tous ceux qui ont fait des études mais qui ne sont que des agents du pouvoir, des agents du spectacle, qui ont fait des études mais qui au fond ne sont aucunement éduqués parce qu’ils ne voient que l’argent, le pouvoir, la puissance, leur intérêt, tous ces gens-là cherchent à faire perdurer ce spectacle, craignant par dessus tout la colère du peuple, de ce peuple français qui a si souvent renversé rois et maîtres. 

Il y a déjà très longtemps, en parlant de la France, je parlais d’une démocratie instrumentale. Nous sommes dans un État qui offre toutes les formes de la démocratie, élections pratiquement libres, presse supposément indépendante, partis politiques libres, moyens de communication … Mais tous ces instruments sont en fait controlés par des puissances financières, par des hommes, par des clans, par des organisations, par des intérêts … Et le quidam moyen, celui qui n’est pas milliardaire, qui ne possède pas de médias lui appartenant, celui qui n’appartient pas à telle caste nobiliaire ou technocratique, à tel groupement d’intérêt, loge maçonnique ou groupe constitué, en clair, tous ceux qui appartiennent aux 95% restant de la population française, des citoyens français, celui-là est contraint d’assister en spectateur impuissant au monstrueux spectacle qui se déroule sous ses yeux impuissants.

 

Les institutions de cette démocratie instrumentale pourraient tout aussi bien servir une monarchie constitutionnelle comme celles de nos voisins britanniques, servant les intérêts d’une caste nobiliaire. Ou bien celle d’une principauté comme Monaco ou le Liechtenstein.

 

Le souci naît de la divergence entre nos valeurs républicaines affichées, notamment l’égalité de tous les citoyens, et la réalité toute autre de monarques républicains décidant pour le compte d’une élite, pour le compte d’une caste dont nous sommes majoritairement exclus. Pour quelle raison ce président, ces députés, sénateurs, ces hauts fonctionnaires, préfets, énarques, décident pour nous, en notre nom, au nom du peuple dans son entier, peuvent prendre des mesures de privation des libertés publiques qui ne s’appliquent qu’à nous, qu’aux sans-dents pour plagier un précédent monarque républicain.

 

Nous en sommes arrivés là. Soyez heureux, bon peuple de France, que vous soyez dirigés par une caste de monarques républicains. Où ce n’est même pas une caste fondée sur le mérite éducatif, car il permettrait à tous d’avoir les mêmes chances d’être remarqués … Mais c’est une caste fondée sur des réseaux cachés, pour certains inavoués par nature (loges maçonniques, cercles, clubs de notables…), par l’appartenance à des féodalités (famille, richesse, grandes écoles…), qui par définition excluent sans appel tous ceux qui n’en bénéficient pas. 

 

Evidemment, certains peuvent vivre très heureux hors de cette élite. On peut être heureux en travaillant la terre, au rythme des saisons, des éléments. Certains peuvent réussir sans disposer sésames. Mais des exceptions n’ont jamais remis en cause des règles. Voilà la France. Voilà la démocratie ! 

 

Et le seul espoir de changement trouve son origine dans un nouveau cercle, dans un nouveau réseau, celui des #black lives matter, dans un anti-système qui veut fonder une contestation de l’ordre social établi en fonction de la couleur de peau, en fonction du genre humain, en un mot sur la convergence des luttes contre le patriarcat blanc ! Mais ces gens ne cherchent pas à partager le pouvoir, à donner le pouvoir aux foules. Ils ne cherchent qu’une chose : renverser le pouvoir établi pour établir leur propre pouvoir personnel, permettre l’émergence d’une nouvelle élite et d’un peuple les soutenant, sur la base de la couleur de peau, de leur statut de supposées victimes du patriarcat blanc, sans comprendre que nous sommes des millions à être exclus du pouvoir sans lien avec la couleur de peau. Du moins, c’est mon regard.

 

 

Saucratès


17/10/2022
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