Critiques de notre temps

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Du partisanisme des médias

Dans le cadre des conflits ukrainien et israélien, les médias occidentaux sont-ils partisans ?

Par Saucratès

Saint-Denis de la Réunion, lundi 20 novembre 2023

 

 

Une présentation fallacieuse et subjective des faits internationaux ou nationaux, voilà le principal reproche que l’on peut faire aux médias occidentaux. Et tout particulièrement le média Le Monde. En cela, je rejoins parfaitement le combat mené par Elon Musk à la tête de X-Twitter.

 

Les services de sécurité ukrainiens traquent ceux qu’ils accusent d’avoir collaboré avec les russes. Le Monde parle de 7.000 affaires pénales ouvertes pour collaboration. Et combien de milliers d’exécutions sommaires ? 

 
Le premier titre utilisé par le média Le Monde pour en rendre compte était intitulé « En Ukraine, justice expéditive dans les zones libérées de l’occupant ». Ce n’était ni très méchant, ni très gentil. Une justice expéditive, cela reste néanmoins une justice et cela n’est en rien condamnable ou injuste.
 

https://www.lemonde.fr/international/article/2023/11/18/en-ukraine-justice-expeditive-dans-les-zones-liberees-de-l-occupant_6200818_3210.html

L’article a ensuite été renommé pour être intitulé : « En Ukraine, l’inquiétante traque des collabos ». A la différence du précédent titre de cet article, il y a au moins dans le titre de cet article une affirmation que la situation ukrainienne n’est pas normale, est inquiétante, et que c’est une traque. C’est un peu plus objectif que le titre précédent. On n’y parle plus de justice mais de traque. Mais on y parle toujours de collabos, nom infamant qui excuse toutes les dérives.

 

Mais pourquoi dans Le Monde traite-t-il de cette manière la situation ukrainienne ?

 

Pourquoi toujours s’afficher dans l’attitude de soumission à des idéaux tels que les ukrainiens sont des gentils, les Bons, le camp du Bien, et la Russie les Méchants, le camp du Mal ? Quand Zelenski refuse la tenue des élections présidentielles et législatives, on ne lit aucune forme de condamnation médiatique. Le Monde se contente de citer la position de Zelenski, sans aucune prise de parti. Quant à la Russie, c’est une abjecte dictature, et tant que Poutine sera réélu président, ou bien tant que le gagnant de la présidentielle ne correspondra pas à l’étiquette de ‘libéral’, de ‘partisan de la paix’, la Russie restera une dictature.

 

Désormais, être considéré par les médias occidentaux comme une dictature ne dépend pas de la tenue ou non d’élections libres, mais uniquement de l’image que les médias ont du vainqueur des élections présidentielles ou législatives, ou de l’image renvoyée par le pays. Lorsque des leaders d’extrême-droite l’emportent en Israël, on parle de démocratie. Si c’est en Italie, aux Etats-Unis ou en Argentine, on parle d’extrémistes de droite et de populistes et de danger pour la démocratie. Bien que s’ils sont ultra-libéraux, partisans du marché, ils pourront être adulés, même si leur surnom est ‘el loco’. Si c’est en Russie, c’est une dictature. Si c’est en Inde, on n’en parle pas trop. Faudrait pas se mettre à dos la future première puissance mondiale.

 

Ce qui se passe en Ukraine est aberrant, monstrueux. C’est ce qui se passe presque toujours à la suite d’une occupation militaire. Cela a eu lieu en France à la Libération en 1944 et 1945. C’est la révolte et la vengeance de ceux qui ont rejoint le bon camp avant la fin de la guerre ou de l’occupation, ceux qui ont le pouvoir ou l’oreille des militaires ou de la milice. C’est le temps des vengeances, des rancœurs et de la justice sommaire. On se venge de ceux qui ont profité de la guerre, ou bien de ceux qui ont pactisé avec les militaires occupants, mais on se venge aussi de ceux qui ont de l’argent, de belles propriétés, tout comme on peut aussi se venger de ceux qui nous ont snobé ou dominé par le passé. Ces périodes sont l’époque des rancœurs et de la vengeance. Ce sont des périodes où les rumeurs tuent, et le soupçon suffit pour être condamné et exécuté.

 

Il n’y a aucune justice dans tout cela. Et Le Monde, initialement, au lieu de s’en offusquer, d’alerter sur l’horreur de ces exécutions extra-judiciaires, de ces dénonciations calomnieuses, Le Monde traite de cela de manière désincarnée, normale. Les ukrainiens sont les gentils et les collaborateurs sont forcément les méchants qui ont collaboré avec le Mal Absolu. Ce n’est donc que justice. Et certains et certaines pensent qu’il faut intégrer l’Ukraine dans l’Union européenne et dans l’OTAN ? Des assassins, des meurtriers et un acteur comique qui cherche par tous les moyens à conserver le pouvoir ?

 

La tribune publiée dans le Monde du politiste Jérôme Heurtaux éclaire de manière intéressante le dilemme de ceux qui doivent se prononcer sur les deux conflits juxtaposés russo-ukrainien et israélo-palestinien. Selon lui, « peu nombreux sont finalement ceux qui, en raison de principes universels, s’aventurent à soutenir et les Ukrainiens et les Palestiniens, compte tenu des implications qu’un tel positionnement peut représenter. »

 

https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/18/jerome-heurtaux-chercheur-en-science-politique-peu-nombreux-sont-ceux-qui-soutiennent-a-la-fois-les-ukrainiens-et-les-palestiniens_6200958_3232.html

 

Pour ma part, je trouve déjà extraordinaire que Jérôme Heurtaux puisse publier une telle réflexion dans un média français de premier plan. Dans le monde politique français, nul ne peut soutenir l’agression russe, et tout le monde doit condamner l’agression palestinienne et nul ne doit contester le droit légitime d’Israël de se défendre et l’Ukraine de résister aux méchants russes. Tout intellectuel, homme politique ou quidam moyen, comme un syndicaliste CGT, qui ne se plie pas à cette régle, fera l’objet de poursuite et sera condamné par la justice française !

 

Donc dans les faits, il est interdit politiquement de défendre à la fois les ukrainiens et les palestiniens. Ces deux peuples font partie de deux camps opposés. Le camp du Bien regroupe les gentils ukrainiens et les gentils israéliens, tandis que le camp du Mal regroupe les méchants russes et les méchants palestiniens. Aucun droit reconnu en France de se défendre pour les méchants palestiniens de la juste et empathique colonisation juive des territoires palestiniens occupés. Et aucun droit reconnu en France pour les méchants russes d’attaquer et de coloniser le territoire ukrainien.

 

D’une certaine façon, Jérôme Heurtaux a bien de la chance d’être autorisé à publier une tribune qui rapproche ses deux situations militaires diamétralement opposées. D’un côté le droit légitime d’Israël à se défendre, et de l’autre le droit légitime de l’Ukraine à se défendre. Je ne suis même pas sûr que le gouvernement français ou les associations de défense des juifs, d’Israël, ou des ukrainiens, accepteront si facilement une telle publication médiatique polémique et n’attaqueront pas l’auteur pour antisionisme, antisémitisme ou sentiment prorusse (à défaut de pouvoir forger une nouvelle qualification criminelle d’anti-ukrainisme).

 

 

Saucratès



20/11/2023
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