Critiques de notre temps

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Nouvelles pensées d’un samedi soir

Nous sommes à nouveau samedi soir. Que dire ? Que raconter ? Il est simple de savoir sur quoi on veut écrire, il est plus difficile de savoir si cela a un intérêt, si cela a un sens, si cela a même une simple cohérence. Et surtout, il est difficile de savoir si on devrait écrire sur ce sujet et dire ce que l’on écrit. Ce doit être aussi difficile, et même beaucoup plus difficile, d’écrire un livre, de raconter une histoire, et de se demander apres chaque page écrite si cela ne fait pas évoluer le personnage, ou tel ou tel personnage, d’une manière qui ne serait pas la bonne. Après, personne ne jugera le personnage, selon la manière dont le narrateur le fera évoluer. Nul ne le jugera selon ce qu’il racontera, fera ou dira. Il s’agit d’un personnage de fiction. Il pourra être antisémite, raciste, assassin, extrémiste, ultra-libéral, que sais-je encore. Au pire, le lecteur pourra abandonner la lecture de son livre si l’évolution du personnage lui déplaît. Mais selon la manière dont le narrateur le présente au fil d’une page, au fil d’un chapitre, c’est toute l’histoire autour de ce personnage qui sera entraînée dans un certain sens, dans une certaine direction. 
 
Zakanf’t qui nous lit peut-être ce soir en sait probablement beaucoup plus que nous sur ce dilemme du narrateur. Elle qui représente justement parfaitement celle que l’on appelle le narrateur.

https://drive.google.com/file/d/1bs5FEqTmKZXoi_19GhygXTk442MSII5a/view

 
Même si le narrateur absolu, celui auquel je pense en prononçant ce mot de Narrateur, comme peut-être certains autres de mes lecteurs, c’est Proust. Proust qui a poussé le principe du narrateur à sa plus haute représentation (j’oublie peut-être Modiano dont j’adore les livres et qui définit parfaitement cette notion de narrateur-personnage, peut-être encore mieux que Proust si c’est possible). Mais derrière chaque personnage, quelque soit le livre, il y a un narrateur. Et demain, il risque d’y avoir une intelligence artificielle.

 

Donc que dire de mes écrits de la semaine dernière. Il y a tellement à dire sur le féminisme, comme sur les hommes, comme sur la violence masculine, comme sur ceux que l’on appelle parfois des héros, ceux qui se dressent face à la violence aveugle, face à la violence terroriste. Alors oui, je trouve problématique que l’on analyse une situation à travers uniquement un seul prisme, une seule définition, une seule interprétation. 
 
En fait, les penseurs, les journalistes, les universitaires féministes se trompent de cible et de théorie. En dépeignant l’homme, elles ne font que reproduire la thèse de Hobbes qui ecrivait des siècles avant que le féminisme soit inventé. L’homme est un loup pour l’homme, et aujourd’hui comme à cette époque ancienne, pour la femme. Mis ce que ces féministes oublient, c’est qu’il y a aussi de rares lions courageux qui affrontent ces loups, qui les combattent, qui se dressent parfois pour s’opposer aux loups. Le plus souvent des anonymes. Et parfois ils meurent aussi, ils échouent à s’opposer victorieusement. Ils n’en demeurent pas moins des lions, même si ces lions meurent sous les armes, sous les crocs des loups. Ce sont des hommes ou des femmes. Et c’est qui me gêne, me répugne dans le féminisme, cette facilité à expliquer le monde comme une opposition entre victimes et bourreaux fonction de leur sexe.
 

Alors oui, comme mon narrateur, je risque d’avoir donné définitivement une image déformée de mon personnage, de moi-même. Aujourd’hui, je souhaitais écrire sur un autre sujet : la laïcité.

 

https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/04/17/l-interdiction-des-signes-religieux-ostentatoires-a-l-ecole-contredit-la-laicite_6228276_3232.html

 

Comme pour l’antisémitisme, comme pour l’opposition entre droite et gauche, je pense qu’il y a de multiples définitions de ce qu’est la laïcité. Il y a évidemment les définitions données par un quelconque haut conseil de laïcité. Il y a tous les laïcards (les partisans d’une laïcité intransigeante et excluante) pour lesquels la laïcité les oppose à tous ceux qui promeuvent l’enseignement privé catholique, alors que moi-même, je pourrais trouver tou aussi inquiétant les écoles coraniques et les lieux d’enseignement musulman comme Avaroes. Mais les laicards étant de gauche et cette gauche-là ayant pour seul adversaire le catholicisme et la droite, l’islam ne peut être un adversaire mais forcément un allié. 
 
Pour ma part, je pense que la laïcité telle qu’elle a été conçue au tout début du vingtième siècle, à une époque où nous vivions sous la loi des curés, n’a plus aucune légitimité, plus aucune valeur aujourd’hui. La laïcité n’a plus lieu d’être aujourd’hui comme dispositif cherchant à isoler l’Etat de la religion catholique.  A un moment quelconque du vingtième siècle, la religion catholique a cessé d’être un adversaire de  l’intelligence collective (mais comment oublier que même dans les temps les plus obscurs de l’humanité, de grands philosophes furent chrétiens comme d’autres furent musulmans), pour devenir un socle de la société, de la même manière que le judaïsme modéré ou l’islam modéré. Et là-dessus, je pense que l’Ile de la Réunion peut éclairer réellement éclairer le monde.

 
Utiliser le principe de la laïcité pour rejeter la reconnaissance des racines chrétiennes de l’Europe est une terrible erreur. Une Europe qui se présente comme le cheval de Troie de je ne sais quelle idéologie mortifère et destructrice. Utiliser la laïcité pour interdire des crèches de Noel dans des lieux publics ou des lieux municipaux est une terrible tragédie. La France était la fille aînée de l’Eglise catholique et ce n’est pas parce que nous avons accueillis une forte minorité musulmane que nous devons renier nos racines et notre histoire, même si ces gens-là, mêmes présents depuis des générations, ne se reconnaissent pas dans cette histoire. J’ai vécu au Sénégal une histoire magnifique de royaumes que je ne connaissais pas, des Almoravides et des Almohavides. Et même si ce n’était pas mon histoire à moi, occidental, je l’ai appris et je me souviens toujours de bribes lointaines, plus de quarante à cinquante ans plus tard. Et comme je l’ai déjà dit, cela a nourri mon amour de l’anthropologie. 

 
Pour moi, la laïcité, ou l’interprétation de la laïcité telle qu’elle est utilisée aujourd’hui est une erreur et une abomination. Elle nourrit toutes les velléités séparatistes dans notre beau pays. Et elle ne nous permettra d’ailleurs probablement pas de résister à une prise de pouvoir de l’islamisme comme le raconte l’histoire de «Soumission» de Houellebecq. La laïcité est aujourd’hui pensée par ceux-là même qui préparent le règne de l’islamisme, ou bien par ceux qui cherchent à préserver le rôle de neutralité de l’Etat dans un combat perdu d’avance contre l’islamisme.

 
 

Saucratès 



20/04/2024
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