Critiques de notre temps

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Réforme de l’ENA ou échec du système scolaire français ?

Saint-Denis de la Réunion, Mercredi 1er juillet 2020


Je regardais une émission télévisée intéressante sur la haute fonction publique. La question posée était de savoir : Faut-il réformer l’ENA ? Faut-il supprimer l’ENA ? Émission et reportage extrêmement interessants. L’ENA serait-elle essentiellement composée d’étudiants tirés du même moule, un monde de reproduction de schémas anciens  demandés permettant de répondre aux codes et aux attentes des examinateurs et des notateurs ? Tous les étudiants et les énarques se ressemblent-ils ? La proportion d’étudiants à l’ENA issus des milieux populaires serait extrêmement faible, de l’ordre de 5%. Mais en fait, qu’est-ce que le milieu social, et en quoi le milieu social peut-il influencer le comportement du haut fonctionnaire dans sa vie future. 

 

Il y avait également autre chose qui a été dit sur ce sujet. La député européenne Nathalie Loiseau disait ainsi que la France serait une société de défiance, les français se méfiant de tous et de toutes, des politiques, des hauts fonctionnaires, des journalistes ... Idée assez véridique, recouvrant assez bien ce que je pense. Je ne crois pas en un quelconque sens du devoir et d’un idéal du bien public des préfets de la République. Ces gens sont juste affamés de pouvoir et d’ambition personnelle, et ne ré cherchent que les honneurs et leur enrichissement. Je pense que n’importe qui, dans la rue, dans la société civile, pourrait tout aussi bien qu’eux, se trouver charger de leurs missions et de leurs responsabilités, et de leurs pouvoirs.

 

Y a-t-il besoin de l’ENA ? A-t-on besoin de jeunes hauts-fonctionnaires énarques qui accèdent directement aux plus hautes fonctions de la République francaise ? Y a-t-il simplement besoin des hauts-fonctionnaires ? De la même manière que l’on peut se demander si on a réellement besoin de managers dans nos entreprises ? Non. La réponse est non. Il n’y a besoin de managers que pour transmettre les ordres et accaparer les honneurs. Il n’y a besoin de hauts fonctionnaires que pour accaparer les plus hautes responsabilités, pour empêcher que les fonctionnaires issus de la base n’accèdent au sommet de la hiérarchie. Non, on n’a nul besoin de hauts fonctionnaires, d’énarques ou de managers dans nos entreprises.

 

L’une des personnalités interviewées indiquait que l’on a sûrement eu besoin de l’ENA par le passé (au sortir de la deuxième guerre mondiale) mais cette école avait peut-être atteint son but et que l’on pouvait peut-être la faire disparaître et la remplacer par autre chose. Très certainement ! Il était également indiqué que l’absence de diversité dans le recrutement de l’ENA représentait moins un échec des modalités de recrutement par le biais des concours d’accès que l’échec du système éducatif français dans son ensemble. Le système éducatif français ne permet plus le fonctionnement de l’ascenseur social, ne permet plus aux enfants issus des classes populaires de croître dans l’échelle sociale. Il était aussi indiqué par un des intervenants que ce défaut de diversité sociale ne concernait pas uniquement l’ENA mais également les troisièmes cycles universitaires. 

 

Mais c’est justement là le problème ! Qu’il faille atteindre un troisième cycle universitaire, au delà de bac+5, pour pouvoir progresser dans l’échelle sociale ! Autrefois le bac suffisait, puis le fait d’accéder à l’université. Puis on a inventé les concepts du baccalauréat pour tous, puis de l’université pour tous, phis du droit au Master pour tous. Aujourd’hui, tout le monde dans une génération a son bac. Et une licence voire un master. Mais la sélection doit toujours s’opérer. Elle s’opere donc encore plus loin, et il faut que les parents continuent de financer leurs enfants au-delà de Bac+5 pour qu’ils aient une chance dans la vie. C’est la rançon de l’échec du concept de massification de l’enseignement supérieur. Les concepteurs socialistes de ce slogan de la massification de l’enseignement promouvaient l’idée d’une jeunesse éduquée, mais en fait on a généralisé l’analphabétisme des étudiants. Apres le mariage pour tous (ou avant d’ailleurs), on a eu le bac pour tous et l’université pour tous. Et toujours autant d’analphabètes. 

Et surtout un grand désespoir. Pour les malheureux qui malgré tout, n’ont pas eu le bac, qui ont décroché scolairement. Mais aussi pour l’immense majorité de ceux qui n’ont toujours rien malgré cinq ans d’études supérieures, qui pointe au chômage malgré leurs licences ou leurs masters, ou qui doivent se contenter du même travail que leurs parents qui n’avaient pas le bac.

 
En conclusion, que peut-on en conclure ? Y a-t-il besoin de l’ENA, vraisemblablement non. Mais est-il nécessaire de supprimer toutes les écoles élitistes françaises sous prétexte que leurs étudiants sont privilégiés ? Non, évidemment non. Car après l’ENA, on parlera ensuite de supprimer l’X, puis les écoles normales supérieures comme Ulm ou Cachan. Puis ce sera au tour des lycées et des écoles privés catholiques, jusqu’à ce que l’ensemble du système éducatif français soit ce magma uniformisateur où la médiocrité sera la norme. Mais il y sera malgré tout toujours nécessaire de sélectionner une fraction, à Bac+10 ou BAC+15 dans quelques années ?

La suppression de l’ENA n’est donc pas la solution. Par contre, ce que ce reportage m’a fait prendre conscience, c’est qu’il est inconcevable que seuls les élèves énarques puissent découvrir la richesse de l’administration française, les missions de service public, qu’ils puissent assister lors de leurs stages d’énarque à des opérations de gendarmerie ou de police, ou au travail et aux actions des fonctionnaires. C’est l’ensemble de la jeunesse française qui doit pouvoir y assister, tout ceux que cela intéressera. L’importance des moyens de formation déployés au seul bénéfice d’une poignée de privilégiés n’est pas normal. Si on veut faire disparaitre le fossé existant entre les forces de l’ordre, entre l’administration et les jeunes des milieux défavorisés, ou de tous les jeunes, il faut généraliser ces immersions lors des opérations de police, de gendarmerie, de contrôle. C’est auprès de tous les jeunes intéressés qu’il faut déployer ce temps, ces moyens, ce respect et ces explications ! Et pas seulement pour de futures élites. Et on cessera peut-être alors de voir des dérapages du côté des forces de l’ordre mais aussi du côté des jeunes.


Il est une dernière idée que j’ai retenue de cette émission. Nathalie Loiseau qui parlait de «La pensée magique qui veut qu’on puisse faire mieux avec moins». Ces dernières années, on a retrouvé cette idée magique à l’œuvre dans tous les compartiments de la pensée de l’Etat. Elle explique le fiasco de la lutte contre la pandémie du coronavirus en France, en matière de masques ou en matière de lits d’hospitalisation. On l’a vu à l’œuvre dans toutes les administrations. Faire plus avec moins. Et c’est amusant que ce soit une représentante de LREM qui sorte cette idée, popularisée et généralisée par les tenants de cette branche idéologique dont l’ultime représentant est le macronisme.



Saucratès 



01/07/2020
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