La France, Israël, la CPI, le Bien, le Mal
Il y a quelques jours, j’écrivais sur le mandat d’arrêt délivré par la CPI à l’encontre du premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou et le malaise des chancelleries occidentales sur ce sujet.
Et aujourd’hui, la nouvelle honteuse est tombée : le premier ministre israélien disposera d’une immunité s’il vient en France, en violation de toutes les règles internationales et des engagements pris à l’encontre de la Cour Pénale Internationale par la France.
https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/11/30/le-droit-international-et-l-opportunisme-de-la-france_6422105_3232.html
On savait que le réalisme dans les affaires internationales (ou Real Politik) pouvait conduire notre pays à faire des compromis abominables. Mais je n’imaginais quand même pas qu’il pousserait la France à enterrer ses propres obligations vis-à-vis de la Cour Pénale Internationale. Comme l’écrit Le Monde, «en se prêtant à ce troc peu glorieux, qui relativise la sincérité de déclarations passées en faveur de la justice internationale, la France paie un prix élevé en matière d’image pour un résultat incertain».
«Troc peu glorieux» ou honte … Cette décision du Gouvernement français acte surtout le fait que la France applique un double langage, selon qu’il s’agisse d’un État ami occidental comme Israël, ou tout autre État dont les dirigeants seraient alors arrêtés et présentés à la justice internationale, qu’il s’agisse de la Russie ou de tout autre État comme l’ex Yougoslavie, des pays africains ou d’ailleurs. Deux poids, deux mesures. Et toute honte bue, la France en la personne d’Emmanuel Macron peut continuer à recevoir le premier ministre israélien comme si de rien n’était, comme si la Cour pénale internationale n’avait pas émis des mandats d’arrêt pour crimes de guerre et génocide à son encontre. Aujourd’hui, c’est la position de la France. Demain, celle de l’ensemble des pays occidentaux.
En refusant d’arrêter et de livrer Benyamin Nétanyahou à la CPI, l’Occident se rend désormais complice de l’Etat Hébreu dans son entreprise de génocide. En ont-ils conscience ? Quel peut être la conséquence de ce choix sur les populations Arabes ou musulmanes, qui se reconnaissent dans le martyr subi par le peuple palestinien ? Le risque est selon moi maximal d’un divorce définitif entre les populations arabes et des pays Occident.
Pour autant, soyons clair, je ne rejoins La France Insoumise dans ses hurlements à l’encontre de François Ruffin. On peut penser que les peuples palestinien ou libanais vivent un martyr sans forcément être certain que ces faits ressortent forcément d’un génocide. Si le procès de la CPI sur Gaza était terminé et que les dirigeants israéliens étaient condamnés, on ne pourrait plus nier l’existence de crimes de guerre et d’un génocide. Mais ce n’est pas le cas.
On ne peut pas déjà condamner Benyamin Nétanyahou avant même la tenue d’un procès et les plaidoiries des avocats et des procureurs. Mais il en va également de même des attaques et assassinats palestiniens d’octobre de l’année passée, que l’on était obligé de considérer comme des actes terroristes. Toute personne est supposée être innocente jusqu’à sa condamnation, que ce soit en droit pénal national ou international.
J’aurais évidemment un dernier point à souligner sur le double langage de la France et de l’Europe, dans le cas de l’exemple géorgien. Voilà un pays dans l’orbite russe qui cesse de se rapprocher d’une adhésion à l’Europe et voilà cette Europe qui condamne violemment la politique intérieure géorgienne. Voilà donc une Europe qui prend fait et cause pour ceux qui veulent se rapprocher d’elle. Peu importe qu’une présidente de la République refuse la fin de son mandat présidentiel ! Elle fait partie du camp du Bien ! Peu importe que les gilets jaunes français et les manifestants contre la réforme des retraites aient pu être chargés, dispersés, arrêtés par les forces de maintien de l’ordre macronistes, l’Europe ne s’est jamais exprimée à ce sujet. Mais si le gouvernement géorgien ose faire de même, l’Europe condamne bien évidemment. Charger une foule pacifiste, comme l’étaient pourtant les gilets jaunes français ou les opposants à la réforme des retraites, serait apparemment criminel ! Quand il s’agit de manifestants géorgiens aspirant à rejoindre l’Europe. Bizarrement beaucoup moins lorsqu’il s’agit de manifestants français critiquant cette même Europe.
«La nouvelle cheffe de la diplomatie européenne, Kaja Kallas, a jugé dimanche inacceptable la dispersion par la force par la police des manifestations pro-Union européenne. Il est clair que le recours à la violence contre des manifestants pacifiques n’est pas acceptable et que le gouvernement géorgien doit respecter la volonté du peuple géorgien, a-t-elle affirmé lors d’une visite à Kiev, en Ukraine.»
https://www.lemonde.fr/international/article/2024/11/30/en-georgie-107-manifestants-interpelles-lors-d-un-nouveau-rassemblement-pro-europeen_6422171_3210.html
Même la France n’a pas honte de s’exprimer à ce sujet, alors que Macron et ses séides ont gazé, nassé et chargé les manifestants lors des épisodes des gilets jaunes et de la réforme des retraites. La France a ainsi «appelé vendredi au respect du droit de manifester pacifiquement». Évidemment ! Partout sauf en France !
Une nouvelle fois, des prises de position partisanes et différentes selon le pays qui est en face, selon que ce pays ou ces personnes appartiennent au camp du Bien ou qu’il ose chercher à se détacher du camp du Bien pour forcément se rapprocher du camp du Mal.
Saucratès
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