Critiques de notre temps

Critiques de notre temps

Fatigue économique

Thomas Piketty me fatigue. C’est évidemment un très grand et très connu économiste, auteur d’un livre magistral dont la lecture m’a été conseillée, mais que je n’ai toujours pas réussir à lire, ou plutôt, dont la lecture n’a pas réussi à m’intéresser : «Le capital au 21ème siècle».

https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/06/14/thomas-piketty-ce-qui-frappe-parmi-les-opposants-a-l-impot-sur-les-ultrariches-c-est-leur-absence-totale-de-perspective-historique_6612972_3232.html

 

Le Sénat français a donc refusé le vote d’une taxe de 2% sur les plus hauts patrimoines. Certes c’est problématique et cela s’oppose aux idées que suggère ou véhicule Thomas Piketty. Mais c’est conforme à la doxa de la Droite et des macronistes : cette opposition à toute forme d’imposition sur la fortune. 
 
Ce qui me gêne sous la plume de Thomas Piketty, c’est qu’il puisse présenter ses idées et ses préconisations d’intellectuel comme un acquis, comme une réalité. L’idée que les expatriés fiscaux qui choisiraient de s’installer et de se déclarer contribuables d’un autre pays se verront astreints à continuer à payer leurs impôts en France. Le problème, c’est que ce n’est pas le cas. On ne peut pas se présenter comme un économiste et faire de la politique fiction. Si on propose des idées, ces idées doivent pouvoir être déclinées dans le monde réel, et non dans le monde de politique-fiction de l’auteur.

 
Pour ma part, évidemment, je serais favorable à ce que les règles fiscales américaines soient déclinées en France et plus largement en Europe (mais quelle importance pour l’Europe, puisque chaque pays y défend son propre intérêt et que l’Irlande a pu combattre les jugements qui lui imposaient de percevoir des impôts des majors américaines. Je suis favorable à l’idée que tout expatrié français doivent continuer à payer ses impôts sur le revenu et sur la fortune en France quelque soit le pays où il s’est installé. La généralisation des règles fiscales américaines qui font de tous citoyens américains, même ceux qui l’ignorent et qui n’y ont jamais vécu, des contribuables à vie devant payer et déclarer leurs impôts aux Etats-Unis. Il faut imaginer que chaque banque dans le monde est sensée recenser les ‘US persons‘ pour pouvoir remonter les informations les concernant au fisc américain.

 
La question posée par le Sénat français, ainsi que par Thomas Piketty et la Gauche française, c’est évidemment de se demander comme faire face à la dégradation des comptes publics francais, à l’explosion des dépenses publiques et de la dette publique. Comment peut-on concilier la réduction des déficits publics, une meilleure couverture des besoins sociaux des citoyens français, tout en conservant une pression fiscale supportable pour les contribuables que nous sommes ? Vaste débat.
 
Mais de là à faire comme si les propositions de Thomas Piketty étaient déjà des faits avérés, des vérités indiscutables, sur lesquelles on pouvait se baser pour extrapoler toujours plus loin, il y a un monde, il y a un détroit, il y a un océan !

 
Les certitudes inébranlables de Thomas Piketty (de sa propre grandeur) ne sont pas les seules aberrations économiques de notre actualité. Il y avait également les prises de position du patron du MEDEF autour des pistes d’économie pour la Sécurité sociale postées en avril 2025. Son idée de priver de remboursement ou de prise en charge les personnes refusant de se faire vacciner me semble évidemment problématique. Sans savoir exactement de quelle vaccination il parle (grippe ? Chikungunya ? Coronavirus ?), je pense qu’il est dangereux d’user de cet expédient, justement parce qu’il est probable qu’il existe des vaccins contre à peu près tout et que si on prive de remboursement et de couverture sociale tous ceux qui n’auront pas utilisé tels ou tels vaccins expérimentaux, on risque de ne plus avoir aucune couverture pour personne, mis à part ceux auxquels on ne peut refuser la prise en charge (les sans-papiers). 

 
https://actu.capital.fr/economie-politique/trou-de-la-secu-le-patron-du-medef-met-en-cause-ceux-qui-refusent-de-se-faire-vacciner-1512741

 
Non, ce qui, je pense, est une aberration, est l’idée (à laquelle il semble d’ailleurs opposé) de priver de couverture sociale les contribuables les plus riches ou les plus aisés. Évidemment, cela semble normal qu’il y soit opposé. Il représente tous ceux qui en seraient exclus. Mais il est indéniable que la Sécurité sociale a été créée au sortir de la seconde guerre mondiale pour couvrir tout le monde, sans exception. Par souci de principe éthique, on ne peut pas commencer aujourd’hui à exclure certaines personnes parce qu’elles sont riches, alors qu’on trouve normal d’en faire bénéficier ceux qui n’y ont jamais cotisé, comme les sans-papiers ou les exclus. Les plus riches contribuables ont éthiquement autant droit que les autres d’en bénéficier. 

 
Cette idée, à laquelle il devrait d’ailleurs être favorable, si on réfléchit bien, porte en germe la fin du régime de la Sécurité sociale tél qu’on le connaît. Cette idéologie porte en germe la possibilité de choisir, pour les plus riches contribuables, un régime privé de sécurité sociale en lieu et place du régime public et unique. Cette ideologie porte en germe la fin de notre sécurité sociale dès lors que les salariés les plus riches pourraient décider de rejoindre un système privé. Soyons clair, la Sécurité sociale traite également tous les patients, sans s’intéresser à leur capacité contributive.
 
Si les contributeurs les plus riches pouvaient choisir le régime privé de leur choix, parce qu’ils en seraient exclus, ils pourraient faire d’énormes économies en échange de prestations bien plus intéressantes, même si le modèle américain nous démontre qu’il est problématique de laisser des mutuelles décider des traitements médicamenteux auxquels nous aurons le droit. Mais éliminons ce problème. À la base, il y a évidemment des niveaux de salaire à partir desquels il sera plus avantageux de rejoindre un régime privé, qui n’aura à payer pour aucun sans-papiers ou sans-revenus. Parce que les cotisations salariales et patronales qu’ils payent excèdent largement le coût immédiat de leurs dépenses de santé. Et chacune de ces sorties de contribuables ou salariés aisés vers un régime privé appauvrira encore un peu plus le régime de la sécurité sociale publique. Jusqu’à son effondrement financier ou du moins jusqu’à la réduction au modèle américain ou anglais. 
 
Que ce genre d’idées ou d’idéologies puissent être réfléchies et véhiculées pose problème. Soit ceux qui nous dirigent cherchent à faire le jeu d’une idéologie mortifère et non démocratique, soit ils sont stupides. Soit les deux à la fois …

 

 

Saucratès

 



17/06/2025
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 45 autres membres