De l’évolution des sociétés humaines
… Suite de mes réflexions sur l’origine de l‘État, sur l’origine de l’organisation sociale étatique, sur l’origine du pouvoir, sur l’origine de cette violence légitime qui constitue l’Etat …
L’homme est-il naturellement bon ou mauvais
L’homme est-il naturellement bon ou mauvais ?
Suite de mon article sur la violence et la guerre
Par Saucratès
Saint-Denis de la Réunion, dimanche 25 août 2024
Dans un article précédent, je m’intéressais à la question de l’ancienneté de l’origine de la guerre ; était-elle apparue récemment comme aiment à le penser les archéologues pacifistes, avec la naissance de l’agriculture et le néolithique ? Ou bien était-elle beaucoup plus ancienne, remontant aux origines de l’humanité ? La vieille question opposant la théorie de Rousseau sur l’homme naturellement bon à l’état sauvage, contre la théorie de Hobbes, sur l’homme étant un loup pour l’homme à l’état sauvage.
https://saucrates.blog4ever.com/violence-et-guerre-en-australie
Même si je m’en voudrais de donner tord à Jean-Jacques Rousseau sur ce point, j’arrivais malgré tout à la conclusion dans mon article que la guerre était inhérente ou inséparable du fonctionnement des sociétés de chasseurs-cueilleurs archaïques à peu près partout dans le monde, tout particulièrement dans les endroits préservés du contact avec les empires et l’Occident comme l’Australie mais aussi les indiens des plaines américaines. Il était ainsi extrêmement probable qu’à l’époque du paléolithique, la violence et les affrontements entre groupes étrangers devait être régulière.
La réponse des archéologues pacifistes comme Marilène Patou-Mathis («Préhistoire de la violence et de la guerre») reprenant notamment les arguments de Rousseau (exposés dans «L’État de guerre») tournent autour de la disparition de l’homme s’il avait été un être naturellement violent. Selon eux, pour leur survie au cours du paléolithique, les groupes humains devaient collaborer entre eux, échanger, pour survivre au fil des générations. Ils reprennent en ce sens les mots de Rousseau :
«Qui peut avoir imaginé sans frémir le système insensé de la guerre naturelle de chacun contre tous ? Quel étrange animal que celui qui croirait son bien attaché à la disparition de toute son espèce ! Et comment concevoir que cette espèce, aussi monstrueuse et aussi détestable, pût durer seulement deux générations ?»
Jean-Jacques Rousseau, «L’État de guerre», page 27
Cet argument brillant de Rousseau sur la généralisation à l’absurde du principe de Hobbes n’a bien sûr aucune validité. Les prédateurs territoriaux comme les lions, les panthères, les chacals ou les loups n’hésitent pas à se combattre s’ils se croisent mais n’ont pas disparu pour autant. Seul le contact avec l’homme a conduit à la disparition de la mégafaune, que ce soit en Amérique du Sud ou en Australie. Les prédateurs territoriaux ont développé des mécanismes d’évitement pour survivre séparément en évitant de se croiser et de s’affronter, et en ‘marquant’ leur territoire.
Les recherches de Testart et de Darmangeat sur les aborigènes australiens font également apparaître des mécanismes d’évitement similaires à celui des prédateurs territoriaux, avec des formes ritualisées d’affrontement avec des tribus voisines ou proches, avec la proposition éventuelle d’actes sexuels pour éviter les conflits ou la désignation potentielle de certains pour se sacrifier. La guerre et l’affrontement non rituel ne concernent souvent que des groupes éloignés géographiquement.
Parce qu’en fait, derrière tout cela, comme l’écrit Marylène Patou-Mathis, on trouve une autre question primordiale, à laquelle je semble répondre un peu comme Hobbes : l’homme est-il naturellement bon ou mauvais ? Quelle est la nature profonde de l’homme ?
À la différence de la vision optimiste de Marylène Patou-Mathis, je ne crois pas en la bonté naturelle de l’homme.
Je crois que les hommes, lorsqu’ils se croient à l’écart de la société, autant qu’il leur soit possible de se croire revenus à l’état naturel, à l’abri des regards des autres, de la société, persuadés de ne pas être découverts ou vus, se transforment en leur nature profonde, en reviennent à leur instinct de prédateurs, vis-à-vis de ceux qu’ils croisent, hommes ou femmes. Cela peut se produire dans une ruelle obscure, dans une forêt déserte et isolée, dans une foule d’anonymes où nul n’interviendra, ou en situation de guerre … Certains dans ces conditions se métamorphosent en monstres, aidés parfois par le groupe ou la meute à laquelle ils appartiennent. Parfois d’autres non, continuant à se comporter en humains civilisés.
Difficile de répondre à une telle question sur la nature profonde de l’homme. Qu’est-ce qui fait que certains se transforment parfois en monstres, en animaux, dans certaines situations, comme l’actualité nous l’apprend tous les jours, comme l’attaque du Hamas contre Israël dans les alentours de Gaza, avec des viols systématiques des femmes nous l’a rappelé atrocement ? Comment penser que l’homme est naturellement bon devant ses épisodes atroces, que sa nature profonde de l’homme n’est pas la violence, la mort et la prédation ?
Comment répondre à la question de savoir si l’homme n’est au fond qu’un singe tueur ? Les deux espèces de primates les plus proches de nous, celles dont notre ancêtre primate se serait séparé le plus récemment, sont le Chimpanzé, ou Pan troglodytes et le Bonobo, ou Pan paniscus. Le premier, le Chimpanzé, résoudra les conflits par l’agressivité et la domination, tandis que le second, le Bonobo, résoudra les conflits par la sexualité et par la désignation d’un bouc émissaire au sein du groupe. Dans le premier, les mâles dominent. Dans le second, les femelles dominent et gèrent la redistribution et l’affectation des ressources.
Comme si notre espèce était un croisement de ces deux groupes, comme si nous étions un mélange des traits sociaux de ces deux espèces proches. Les usages sociaux des Chimpanzés semblent reproduire les usages de la société patriarcale, alors que les usages sociaux des Bonobos semblent plus se rapprocher de notre idée du fonctionnement des sociétés matriarcales (idéalisé puisqu’elles ont pratiquement disparu). La manière notamment dont j’ai présenté le fonctionnement des sociétés aborigènes australiennes, sociétés humaines restées les plus préservées de tout contact avec d’autres peuples au cours des 50.000 dernières années, semblent intégrer à la fois des éléments des Bonobos (sexualité, bouc émissaire) dans leurs relations avec d’autres groupes, avec un fonctionnement interne plus patriarcal et une capacité de violence dans les relations avec d’autres groupes relevant du registre des Chimpanzés.
Comme le fait aussi Marylène Patou-Mathis, on peut s’interroger sur la place de l’empathie et de la morale dans cette réflexion autour de la nature fondamentalement bonne ou mauvaise de l’homme. Les archéologues pacifistes voient des signes préhistoriques d’empathie dans le fait que des fossiles présentent la preuve que des hommes préhistoriques comme Neandertal s’occupaient de leurs blessés ou d’enfants trisomiques. Cette façon de chercher à tout extraire de fossiles n’est-il pas excessif ? Ne trouve-t-on pas déjà de signes d’empathie de la sorte dans le fonctionnement des sociétés Bonobo, ne s’occupent-elles pas déjà de leurs blessés et de leurs mourants ? J’ai personnellement vu une scène susceptible d’être considérée comme de l’empathie chez mes propres chats, tous regroupés autour de leur mère sur le point de mourir après avoir été écrasée par une voiture. Alors qu’elle s’éteignait, mes cinq autres chats étaient tous en cercle autour d’elle, sans rien dire, semblant la veiller.
L’empathie n’est pas une invention de l’homme anatomiquement moderne, mais une constante animale. Ce qui semble plus problématique, c’est la capacité de l’être humain, de l’homme, à oublier cette empathie naturelle pour tuer, violer et assassiner son prochain ou sa prochaine. Cette capacité à haïr et à tuer. Comme en témoignent toutes les guerres ou l’attaque du Hamas dans la bande Gaza.
C’est plus là que l’on trouve l’aberration. Cette obligation de l’homme de créer et de penser une morale afin de suppléer la disparition des contraintes naturelles de l’homme qui font désormais de lui le pire des animaux, le pire des prédateurs, insensible pour certains à l’empathie et à la modération, oubliant notre humanité commune.
Saucratès
Nota bene : Ne pas oublier de prendre en compte l’autre vision théorique de l’homme défendue par les archéologues pacifistes, les philosophes et les anthropologues. L’homme est évidemment un animal social qui naît et vit dans des groupes, des bandes ou des tribus humaines depuis des millions d’années. Il n’existe ainsi pas d’hommes ou de femmes qui vivent à l’état de nature, seuls, hors de relations sociales depuis des millions d’années, depuis qu’il est devenu primate. L’état de nature tel que le discute ainsi Hobbes ou Rousseau ne concerne donc pas véritablement l’homme préhistorique mais le mammifère ancestral avant qu’il ne devienne primate.
Au sein de ces groupes, bandes ou tribus dans lesquels l’être humain naît et vit, le groupe a inventé des règles d’exogamie et d’exclusion permettant l’évitement de l’inceste, qu’ils prennent la forme d’exclusion du groupe des jeunes mâles ou des jeunes femelles, qu’ils prennent la forme de moitiés ou de clans créant des interdits de sexualité ou qu’ils prennent la forme d’échange entre tribus voisines de jeunes femmes ou de jeunes hommes. Il existe au fond une continuité entre les règles d’évitement de l’inceste chez les primates, fondées sur l’exclusion du groupe des jeunes mâles conduits à rejoindre d’autres groupes ou à affronter d’autres mâles pour prendre leur place chez certains primates ou certains prédateurs sociaux, et les règles et rites d’exogamie mis en place par de nombreux peuples humains.
Ces groupes ont aussi inventé une une explication mythique du monde et de leur existence à un moment quelconque de leur histoire, qu’ils se sont transmis et qu’ils ont fait évoluer au fil des générations, de générations en générations. Au gré des travaux de Loic Le Quellec, on sait ainsi que ces mythes se sont transmis depuis plus de 100.000 ans pour les plus anciens, que l’on parle des mythes de l’émergence de l’humanité depuis une caverne ou des mythes par le biais du plongeon créateur.
https://saucrates.blog4ever.com/retour-sur-les-mythes-1
https://saucrates.blog4ever.com/les-mythes-a-lorigine-de-lhumanite
On ne peut évidemment pas déterminer les traces des plus anciens mythes (ceux antérieurs aux plus anciens mythes retrouvés, à savoir celui de l’émergence primordiale datant de 100.000 ans), ni même si ces mythes s’expliquent véritablement par des événements marquants survenus dans ce passé très ancien. Ces mythes se retrouvent inscrits sur les parois des grottes depuis quelques dizaines de milliers d’années en Australie et probablement ailleurs. L’Australie nous enseigne le temps du rêve, et on peut se demander si ce temps du rêve ne prend pas sa source dans les temps antérieurs à la migration des aborigènes en Australie, si le temps du rêve n’était pas commun à l’humanité sortie d’Afrique.
Cela ne signifie cependant pas que les premières traces d’une quelconque légende remonte à 100.000 ans avec le mythe de l’émergence primordiale. Cela signifie simplement qu’on ne peut faire remonter aucun mythe avant ce mythe, qu’aucun mythe plus ancien ne se soit transmis jusqu’à nos jours. Ce que l’on sait, c’est qu’il y a environ 100.000 ans, chez les ancêtres du peuple Khoisan, on se racontait des mythes, des histoires sur l’origine de l’homme, mythes qui se sont répandus jusqu’à nos jours, de la même manière que le temps du rêve des australiens s’est racontée jusqu’à nos jours. Il y a 100.000 ans, les hommes se racontaient déjà des mythes sur leur origine. Ils cherchaient déjà à expliquer leur origine et ce qui les entourait. Il y a 100.000 ans, la culture humaine existait.
Bibliographie :
Johann Jakob Bachofen - Le droit maternel - Recherche sur la gynécocratie de l’Antiquité dans sa nature religieuse et juridique - 1996 - Éditions L’Age d’Homme, Lausanne … Titre original : Das Mutterrecht - 1861
Cornelius Castoriadis - La création humaine II - Ce qui fait la Grèce - 1. D’Homère à Héraclite - Séminaires 1982-1983 - Éditions La Couleur des Idées - Seuil, Paris
Bernard Chapais, Aux origines de la société humaine – Parenté et évolution - 2017 - Editions du Seuil, Paris
Pierre Clastres - La société contre l’Etat - Recherches d’anthropologie politique - 1974 - Les éditions de Minuit - Collection Critique
Pierre Clastres - Recherches d’anthropologie politique - 1980 - Editions du Seuil
Pierre Clastres - Archéologie de la violence - La guerre dans les sociétés primitives - 1997 - Editions de l’Aube
Richard Dawkins - Il était une fois nos ancêtres. Une histoire de l’évolution - 2007 - Éditions Robert Laffont, Paris
Christophe Darmangeat - Justice et guerre en Australie aborigène - 2021 - Smolny, Toulouse
Heide Goettner-Abendroth - Les sociétés matriarcales - Recherches sur les cultures autochtones à travers le monde - 2019 - Éditions Des femmes - Antoinette Fouque, Paris
Emmanuel Guy - Ce que l’art préhistorique dit de nos origines - 2017 - Éditions Flammarion - Au fil de l’histoire, Paris
Etienne de La Boétie - Discours de la servitude volontaire - 1576 - Collection Mille et une nuits n°76
Bronislaw Malinowski - Les Argonautes du Pacifique occidental - 1967 - Gallimard, Paris
Lewis Henry Morgan - La société archaïque - 1971 - Éditions Anthropos, Paris … Titre original : Ancient Society - 1877
Marylène Patou-Mathis - Préhistoire de la violence et de la guerre - 2013 - Éditions Odile Jacob, Paris
Jean-Jacques Rousseau - L’Etat de guerre - 2000 (rédigé en 1756-1757) - Babel
Alain Testart – Le communisme primitif - Economie et idéologie - 1985 - Editions de la Maison des sciences de l’homme, Paris
Alain Testart – Eléments de classification des sociétés - 2005 - Editions Errance, Paris
Alain Testart – Avant l’histoire – L’évolution des sociétés de Lascaux à Carnac – 2012 – Editions Gallimard NRF – Bibliothèque des sciences humaines, Paris
Sources orientales - Tome 1 - La naissance du monde - 1959 - Éditions du Seuil, Paris
Violence et guerre en Australie
Les observations réalisées en Australie ou ailleurs sont-elles généralisables à l’époque paléolithique ?
Par Saucratès
Saint-Denis de La Réunion, samedi 17 août 2024
Je vais revenir sur un sujet qui me passionne, moi comme de nombreux autres auteurs, archéologues ou anthropologues: la place de la violence et de la guerre dans les sociétés archaïques ou paléolithiques.
J’ai déjà plusieurs fois traité de ce sujet dans mes écrits antérieurs. Vous en trouverez un échantillon à la fin de cet article. Mais je m’intéresserais ci-dessous à un concept que j’ai peu évoqué jusqu’à présent, à savoir la guerre dans ces sociétés archaïques. J’ai souvent évoqué la violence interne aux sociétés, mais plus rarement le concept de guerre.
Le concept de guerre dans le cadre des sociétés archaïques est un sujet extrêmement polémique ; un grand nombre de chercheurs, penseurs, archéologues et théoriciens rejettent la violence et la guerre dans les sociétés archaïques du paléolithique. Pour la grande majorité des théoriciens, ils estiment que les guerres ont été inventées par nos sociétés modernes, que les sociétés humaines du paléolithique et les sociétés primitives étaient des sociétés pacifiques et qu’au pire elles pouvaient tuer certains de leurs membres ou des étrangers dans des buts rituels. Ils se situent notamment dans la lignée de la vision idyllique de Rousseau et son mythe du bon sauvage.
«Tant que les hommes ne s’appliquèrent qu’à des ouvrages qu’un seul pouvait faire, et qu’à des arts qui n’avaient pas besoin du concours de plusieurs mains, ils vécurent libres, sains, bons et heureux autant qu’ils pouvaient l’être par leur nature, et continuèrent à jouir entre eux des douceurs d’un commerce indépendant ; mais dès l’instant qu’un homme eut besoin du secours d’un autre ; dès qu’on s’aperçut qu’il était utile à un seul d’avoir des provisions pour deux, l’égalité disparut, la propriété s’introduisît, le travail devint nécessaire et les vastes forêts se changèrent en des campagnes riantes qu’il fallut arroser de la sueur des hommes, et dans lesquelles on vit bientôt l’esclavage et la misère germer et croître avec les moissons.»
Jean-Jacques Rousseau, «Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes»
Ma vision des sociétés archaïques du paléolithique est extrêmement pessimiste, se fondant sur les écrits des uns et des autres sur les sociétés aborigènes observées sur différents continents, que ce soit de Clastres ou de Testard. On tue pour des droits sur des femmes, pour venger des morts, pour venger des offenses fussent-elles imaginaires, pour prélever de la graisse surrénale très valorisée, et on mange les cadavres, de la famille, des ennemis. Chouettes sociétés. Nul besoin de richesses pour s’entretuer. Thèse de Testart : toutes les sociétés du paléolithique ressemblaient à la société aborigène. Et la toute première des richesses, ce sont les femmes. Le féminisme en prend un coup. Et les thèses matriarcales originelles. Sauf à supposer que la société australienne ne serait qu’une orientation des sociétés parmi d’autres, une déviation de l’histoire ! À supposer qu’il ait existé des sociétés matriarcales organisées pour y remettre en cause la valeur de la femme en tant que possession.
J’ai lu récemment deux livres défendant des positions opposées sur ce point. D’un côté, le livre de Christophe Darmangeat intitulé «Justice et guerre en Australie aborigène», datant de 2021, où il s’appuie sur toute la littérature coloniale disponible pour décrire les différentes formes de conflits, de violences et de guerres dans les nombreuses sociétés aborigènes australiennes rencontrées au début de la colonisation de l’Australie par les colons anglais. De l’autre, le livre de Marylène Patou-Mathis, intitulé «Préhistoire de la violence et de la guerre», datant de 2013, où l’auteur défend l’opinion inverse d’une absence presque complète de violence guerrière avant la néolithisation.
L’un des principaux arguments utilisés par Marylène Patou-Mathis repose sur l’absence presque totale, à de rares exceptions, de traces archéologiques de violence et de blessures ayant causé la mort sur les squelettes du paléolithique:
«Que pouvons-nous conclure à partir de ces données ? Il ressort que si une forme de violence existait déjà au travers des rites cannibales, aucune preuve archéologique n’atteste de la pratique de la guerre au paléolithique. Alors pourquoi et comment les peuples ‘pacifiques’ du paléolithique se sont-ils mués en sociétés guerrières ?»
Marylène Patou-Mathis, «Préhistoire de la violence et de la guerre», page 44
Cet argument a souvent été dénoncé et combattu par Alain Testard tout comme par Christophe Darmangeat, qui argumente sur le traitement potentiel probable différent des morts à la guerre par rapport aux morts de cause naturelle faisant l’objet de rites d’enterrement, sur la difficulté de conservation de squelettes selon les terrains, qui expliquerait le faible nombre de témoins archéologiques retrouvés. Il faut des sols et des conditions d’enterrement très particuliers pour que les traces archéologiques nous parviennent. Et les traces archéologiques du néolithique sont beaucoup plus proches de nous que celles du paléolithique, et la densité démographique ne devait pas être comparable. Et enfin, les processus de glaciation et de déglaciation survenus avant le néolithique ont encore dû faire disparaître de potentiels traces archéologiques de telles violences.
On ne retrouve par ailleurs en Australie aucune trace archéologique des violences commises avant le dix-neuvième siècle alors qu’elles sont pourtant patentes et documentées. C’est un peu comme si on remettait en cause les guerres d’Azincourt, de Waterloo, d’Austerlitz ou de Verdun ou de la campagne napoléonienne de Russie sous prétexte que l’on ne retrouverait pas archéologiquement les squelettes des combattants décédés lors de ces guerres et de ces combats. L’absence de traces archéologiques de violences guerrières au paléolithique peut simplement signifier que les conditions d’inhumation de ces décès n’ont pas permis leur conservation archéologique jusqu’à nous. En déduire comme ils le font (Patou-Mathis et les archéologues pacifistes) que les hommes du paléolithique étaient pacifiques n’a aucun validité.
En Australie, en Amazonie, en Nouvelle-Guinée, en Afrique ou chez les Inuits, on tue et on assassine pour prendre des femmes, pour venger des crimes réels ou imaginaires, pour venger des morts, pour des rites d’initiation, pour prouver qu’on est un homme ou juste parce qu’on est ennemi. Au début du vingtième siècle, Shapera Isaac décrit ainsi de la manière suivante les San !Kung, archétype d’un peuple supposément totalement parfaitement pacifiste :
«Les relations entre bandes voisines ne sont pas toujours amicales. Les homicides, les intrusions, le vol, l’adultère et le vol de femmes suscitaient des querelles et des conflits qui prenaient généralement la forme d’un feud (expédition vengeresse) et qui pouvaient même parfois conduire à des guerres.»
Christophe Darmangeat, «Justice et guerre en Australie aborigène», page 242
Mais ce que ces peuples nous apprennent, c’est surtout les manières dont ils ont également réussi à ritualiser ces conflits pour en réduire la létalité. En Australie, il existe ainsi des batailles régulées, qui s’arrêtent au premier sang versé, impliquant des nombres précis de guerriers et qui servent à vider des querelles. Dans le cadre de raids de représailles, lorsque des guerriers sont repérés autour des camps, le groupe envoyait des femmes aux guerriers adverses afin d’éteindre le conflit. S’ils rejetaient les faveurs sexuelles, on était assuré de leurs intentions bellicistes.
«Inclure des femmes dans une délégation chargée de présenter des griefs constituait donc le pendant de la pratique déjà évoquée consistant, à l’approche d’une troupe menaçante, à lui proposer des rapports sexuels avec les femmes du campement afin d’éteindre le conflit. Cette coutume est attestée chez les Jaitmathang, ainsi que chez les Dieri et les Arabana, sur lesquels on dispose de détails significatifs. Ainsi, pour aller discuter avec les tribus voisines, on s’efforçait de choisir des femmes qui en étaient originaires. Elles étaient accompagnées de leurs maris, qui se chargeaient de présenter les demandes à la tribu visitée. Ils laissaient alors les femmes seules à quelque distance du camp.
Si les membres du groupe hôte décident de se conformer à leur demande, tous les hommes de ce groupe, quelle que soit leur classe matrimoniale, ont accès aux femmes ; mais si l’on décide de ne pas y donner suite, on ne rend pas visite aux femmes. Accepter ces faveurs sans satisfaire les demandes de ceux qui les offrent constituerait une grossière violation de la coutume tribale.»
Christophe Darmangeat, «Justice et guerre en Australie aborigène», page 228
La société aborigène australienne est-elle pour autant une abominable société patriarcale, une évolution supposément ratée à mille lieux des sociétés paléolithiques que les pacifistes imaginent matriarcales. Probablement non. Chaque homme et chaque femme des sociétés aborigènes australiennes est enserré dans un ensemble d’obligations auxquelles il ne peut échapper. Obligations matrimoniales à vie des hommes vis-à-vis de leur belle-mère et de leur beau-père, obligations d’accepter la justice aborigène qui peut à tout moment les déclarer responsable d’une mort ou d’une vengeance, obligations de se marier avec des personnes appartenant à une catégorie particulière, choisies par les générations précédentes, obligation de se marier avec l’homme choisi par leurs parents ou grands parents … et donc obligations sexuelles pour les femmes pour apaiser les conflits, conséquence de l’obligation de se soumettre aux décisions du groupe, aux décisions prises par les anciens du groupe.
Au sein des autres formes de ritualisation des conflits mises en œuvre par les sociétés archaïques, on peut retenir les simulacres d’enlèvements et de razias que représentent certaines fêtes de mariages chez des peuples comme les touareg, ou bien les marchandages dont Claude Levi-Strauss se faisait l’écho et qui l’ont conduit à considérer que les guerres n’étaient que des négociations autour d’échanges de femmes qui avaient mal tourné, qui avaient échoué. De la même manière, on retrouve sous la plume de Pierre Clastres la description de coutumes des indiens Yanomami permettant à des jeunes gens de prendre femme dans des tribus avec lesquels ils sont ennemis acharnés.
«Le lendemain à l’aube, départ pour une visite aux Patanawateri… Pourquoi cette expédition ? La mère d’un jeune coéquipier habituel de Lizot (Hebewe) est originaire de ce groupe, bien que mariée dans un autre. Depuis plusieurs semaines, elle se trouve en visite chez sa parenté. Son fils veut aller la voir. (En fait, ce désir filial se double d’un désir tout différent. On y reviendra). La chose se complique un peu de ce que le groupe du fils (ou du père) et le groupe natal de la mère sont ennemis acharnés. Or le jeune homme, en âge de faire un bon guerrier, risque tout simplement de se faire flécher s’il se présente là-bas. Mais le leader Patanawateri, oncle maternel du garçon, a fait en quelque sorte savoir aux guerriers : malheur à celui qui touchera au fils de ma sœur ! Bref, on peut y aller.»
Pierre Clastres - Le dernier cercle - Recherches d’anthropologie politique - Page 9
Même les raids sont ritualisés d’une manière ressemblante, ce qui nous conduit à noter des similarités troublantes entre des descriptions des Yanomami et celles d’aborigènes australiens, malgré l’éloignement géographique et temporel entre ces peuples qui se sont séparés il y a au moins 50.000 ans.
«Ils (les hommes de la tribu Patanawateri) sont tous partis à la guerre contre un groupe ennemi, les Hasubueteri. Une guerre yanomami, c’est un raid surprise, on attaque à l’aube, quand les gens sont encore endormis, on largue toutes les flèches par dessus le toit. Les blessés, les rares tués, le sont le plus souvent par hasard, au gré de la chute des flèches. Les attaquants s’enfuient alors à toute allure, car les autres passent sans tarder à la contre-attaque.
… Le jour de notre arrivée, Hebewe a parlé longuement avec sa mère. Il l’interrogeait sur sa parenté, voulant savoir qui étaient ses cousins. Mais le bougre se soucie peu d’enrichir son savoir généalogique, ce qu’il tient à connaître, c’est avec qui il n’est pas parent, c’est-à-dire qu’elles sont les filles avec qui il peut coucher. En effet, dans son propre groupe - les Karohiteri - il est parent avec presque tout le monde, toutes les femmes lui sont interdites. Il lui faut donc aller les chercher ailleurs…»
Pierre Clastres - Le dernier cercle
La ressemblance est ainsi troublante. Vous remplacez simplement les flèches des Yanomami par les sagaies et les lances des aborigènes australiens (qui se sont séparés du reste de l’humanité avant l’invention de l’arc et ne l’ont ni inventé, ni assimilé par la suite lors de contacts par le détroit de Florès), les bananes comme nourriture par les plantes australiennes, et le système matrimonial yanomami par le système des moitiés australiennes.
Je m’inscris ainsi en faux avec les thèses développées par Marylène Patou-Mathis sur l’absence de guerres et de conflits armés pendant le paléolithique. Son livre présente l’intérêt de documenter le cannibalisme au paléolithique, que ce soit chez Cro-magnon ou bien chez Néandertal. On le retrouve d’ailleurs de la même manière chez les aborigènes australiens, à la fois pour les cadavres de leurs ennemis chez certaines tribus, ou pour leurs proches dans d’autres tribus.
Les observations sur la guerre, les conflits et les raids que l’on a pu réaliser chez les aborigènes australiens au moment du contact peuvent être considérées comme une survivance des comportements des humains au cours du paléolithique ancien. Un peuple resté pratiquement à l’écart des évolutions du reste de l’humanité, dont les rares contacts eurent lieu via le canal de Florès avec la Papouasie Nouvelle Guinée. L’Australie est un cas unique. Les autres peuples vivant à l’écart, comme les San !Kung, les Guayakis du Paraguay voire les indiens des îles Sentinelles vivent peut-être à part du reste du monde, isolés, se croyant les seuls humains au monde, et tuant toute tribu ou tout étranger qu’ils croiseraient, mais aucun de ces peuples n’est réellement resté à l’écart du reste de l’humanité. Les indiens des îles Sentinelles furent déportés dans un passé ancien, de même que les Guayakis appartenaient à un peuple beaucoup plus nombreux décimé par les conquistadors espagnols lors de la Conquête des Amériques par les espagnols et les portugais. Et les San !Kung furent rejetés vers les terres inhospitalières de l’Afrique du Sud à mesure de l’avancée des peuples bantous puis des anglais et des afrikaners.
L’image que l’Australie nous renvoie du paléolithique aux alentours de 50.000 ans avant nos jours est ainsi particulièrement sombre. Une conflictualité de plus en plus marquée à l’égard des peuples et des tribus habitant de plus en plus loin, alors que les relations entre tribus voisines sont plus ritualisées, cherchant à être moins létales. Certains ont argumenté que l’espèce humaine se serait éteinte si elle n’avait pas été pacifiste, si l’humanité n’avait pas collaboré et partagé les ressources dont elle disposait ou dont elle avait besoin.
L’exemple aborigène australien démontre que l’inverse est possible. Les aborigènes ont pu survivre 50.000 ans sur ce continent et le peupler presque totalement, malgré leurs guerres et leurs conflits armés incessants. Ce qui semble certains, c’est que ces conflits incessants ont empêché tout développement social et économique de la société aborigène australienne. Les conflits et raids incessants, la place laissée aux anciens, détenteurs des droits sur les femmes, de la sorcellerie et de la connaissance du temps du rêve, ont permis d’éviter la survenue de puissants guerriers et de puissants chefs au sein de ses sociétés. L’absence de tout développement social a conduit à la stagnation des armements, des techniques, dans une société n’assimilant pas facilement de nouvelles techniques. Ni l’arc, ni la fumaison de la nourriture, ni la conservation, ni le stockage. Mais grâce à eux, on a aussi pu redécouvrir l’art des boomerangs ou bâtons de jets, qui avaient il me semble disparus ailleurs dans le monde.
Effectivement, dans le reste du monde, à un quelconque moment de notre histoire au cours du paléolithique, au cours des 50.000 dernières années, les circonstances ont évolué et l’humanité a quitté cette forme forme d’organisation sociale pour accepter le changement, changement qui donna lieu à tout ce qui permis le monde moderne : stockage alimentaire, agriculture, élevage, domestication animale, chefferie, esclavage, richesse et différence de richesse. Cela s’est produit à un moment quelconque au cours des cinquante derniers millénaires, voire avant si ces changements s’étaient produits avant dans d’autres branches de l’humanité avant qu’elle ne se sépare pour donner naissance aux aborigènes australiens.
Là où Marylène Patou-Mathis et Rousseau ont raison, c’est que la néolithisation n’explique pas à elle seule ce changement. Tout cela ne peut pas s’expliquer seulement par la domestication animale et la récolte puis la domestication de nouvelles céréales servant à l’alimentation humaine ou animale que l’on peut stocker pour permettre la sédentarisation de la tribu. Avant cela, il a fallu que les structures sociales mutent. Mais avant cela, il n’est pas possible d’imaginer que la rencontre entre les Homo sapiens sapiens et les homos néandertaliens se fasse de manière pacifique. Que ce soit au Moyen-orient ou en Europe, les deux populations d’homos ne durent probablement pas cohabiter pacifiquement mais je suis persuadé que leur rencontre s’accompagna de la première extermination de masse de l’histoire de l’humanité moderne et conduisit à l’extinction de l’une des dernières familles de l’humanité. Une quelconque parmi les multiples guerres et massacres qui accompagna l’évolution de l’humanité vers le monde que nous connaissons aujourd’hui ! Ce qui est l’inverse des théories à la fois de Marylène Patou-Mathis et des pacifistes qui comme elle idéalise l’humanité paléolithique.
Saucratès
Nota bene - Liste de mes précédents écrits sur des sujets approchants
L’un de mes écrits le plus complet sur la violence dans les sociétés dites primitives date de novembre 2023. J’y décrivais un ensemble de constatations autour de l’exercice du pouvoir dans ces sociétés. J’y indiquais que l’absence de pouvoir coercitif étatique a pour conséquence une violence exacerbée entre ses membres.
https://saucrates.blog4ever.com/les-societes-primitives-et-le-pouvoir
En août 2023, j’avais déjà écrit sur l’exercice du pouvoir dans les sociétés amazoniennes et sur la pensée de l’anthropologue Pierre Clastres, qui ne présente pas les sociétés qu’il étudie comme des sociétés sans pouvoir coercitif, contre l’Etat, comme des sociétés auxquelles il manque quelque chose, le pouvoir coercitif, mais bien au contraire, comme des sociétés où il y a quelque chose de différent, quelque chose de différent, en plus, où toute la société est construite pour s’opposer à l’apparition du pouvoir.
https://saucrates.blog4ever.com/nouvelles-reflexions-sur-le-pouvoir
J’y concluais que «la différence entre les sociétés contre l’Etat amazonienne et nos sociétés modernes occidentales, ou celles qui les ont précédées, ne repose peut-être pas tant sur des différences fondamentales, mais plutôt sur l’idée que les dirigeants de ces sociétés différentes ont réussi à institutionnaliser leur fonctionnement pour permettre à certains chefs de se maintenir et de consolider leur pouvoir, par des artifices institutionnels.»
Dans un autre article de novembre 2023, je m’intéressais au sujet de la protohistoire, ou histoire des sociétés antérieures à l’invention de l’écriture, et notamment sur cette période antérieure de 9.000 ans avant le présent, où, en plusieurs endroits du globe, partout pratiquement à la même époque, en Chine, en Égypte, en Mésopotamie, en Turquie, dans la vallée de l’Indus, dans les Andes en Amérique, des peuples inventent l’agriculture, la domestication végétale et animale, ce que l’on a appelé le phénomène de ‘néolithisation’.
https://saucrates.blog4ever.com/questions-sur-la-protohistoire
J’y revenais une nouvelle fois sur l’énigme de Göbekli-Tepe, contemporain de ce que l’on appelle la fin du Dryas récent, cette période de 1.200 ans s’étendant de -12.850 ans à -11.650 ans avant le présent (soit de -10.900 ans à -9.700 ans avant notre ère), qui représente la dernière oscillation froide de la dernière période glaciaire avant l’Holocène. Pourquoi les hommes ont-ils eu besoin de construire Göbekli-Tepe dès la sortie de ce dernier épisode glaciaire ?
En juillet 2023, j’effectuais aussi une nouvelle description de la situation ethnologique australienne, l’histoire d’un peuple isolé (pratiquement) du reste de la marche de l’humanité pendant les 50.000 dernières années, l’histoire de la cérémonie d’Intichiuma, c’est-à-dire un rite de multiplication et de réparation de la nature qui peut nous intéresser, dans notre monde où la nature est tellement exsangue, où la réflexion écologique (mais non extrémiste) prend une telle importance, où un tel rite aurait une très forte signification et une très forte urgence … Et enfin, j’y abordais les pratiques matrimoniales.
https://saucrates.blog4ever.com/quelques-donnees-ethnologiques-sur-laustralie
Enfin, un peu précédemment, en mars 2023, je m’intéressais à la violence comme principe explicatif de l’évolution des sociétés.
Ma première hypothèse portait sur la forme privilégiée des contacts noués entre peuples lors d’un premier contact. Contacts pacifiques, échanges de techniques ou génocide ? J’y exprimais que toutes les expériences de contacts entre bandes inconnues d’humains se sont toujours produites de la même manière, par la violence, par le rapt et par la mort. Cela concerne tous les peuples premiers ou aborigènes, qu’ils soient amazoniens, australiens, de Papouasie-Nouvelle-Guinée ou des zones reculées d’Afrique.
https://saucrates.blog4ever.com/evolution-des-societes-la-violence-comme-principe-explicatif
J’y concluais enfin que la violence expliquait tout. «La violence et la guerre explique à la fois les expansions des grands peuples civilisateurs, ou éradicateurs, mais aussi la permanence de certaines sociétés premières qui échappèrent à la civilisation, à l’apparition du pouvoir, à l’apparition de la domination des uns sur les autres. Car c’est aussi la violence des rites d’initiation marquant les corps, et rappelant que tous sont égaux car ils ont tous été marqués de la même manière par les mêmes rites, la violence intrinsèque de ces sociétés premières à l’encontre de tous ceux qui voudraient chercher le pouvoir pour le pouvoir, la richesse pour la richesse, ou simplement ceux qui violent les coutumes ou les règles.»
Bibliographie :
Johann Jakob Bachofen - Le droit maternel - Recherche sur la gynécocratie de l’Antiquité dans sa nature religieuse et juridique - 1996 - Éditions L’Age d’Homme, Lausanne … Titre original : Das Mutterrecht - 1861
Cornelius Castoriadis - La création humaine II - Ce qui fait la Grèce - 1. D’Homère à Héraclite - Séminaires 1982-1983 - Éditions La Couleur des Idées - Seuil, Paris
Bernard Chapais, Aux origines de la société humaine – Parenté et évolution - 2017 - Editions du Seuil, Paris
Pierre Clastres - La société contre l’Etat - Recherches d’anthropologie politique - 1974 - Les éditions de Minuit - Collection Critique
Richard Dawkins - Il était une fois nos ancêtres. Une histoire de l’évolution - 2007 - Éditions Robert Laffont, Paris
Christophe Darmangeat - Justice et guerre en Australie aborigène - 2021 - Smolny, Toulouse
Heide Goettner-Abendroth - Les sociétés matriarcales - Recherches sur les cultures autochtones à travers le monde - 2019 - Éditions Des femmes - Antoinette Fouque, Paris
Emmanuel Guy - Ce que l’art préhistorique dit de nos origines - 2017 - Éditions Flammarion - Au fil de l’histoire, Paris
Etienne de La Boétie - Discours de la servitude volontaire - 1576 - Collection Mille et une nuits n°76
Bronislaw Malinowski - Les Argonautes du Pacifique occidental - 1967 - Gallimard, Paris
Lewis Henry Morgan - La société archaïque - 1971 - Éditions Anthropos, Paris … Titre original : Ancient Society - 1877
Marylène Patou-Mathis - Préhistoire de la violence et de la guerre - 2013 - Éditions Odile Jacob, Paris
Alain Testart – Le communisme primitif - Economie et idéologie - 1985 - Editions de la Maison des sciences de l’homme, Paris
Alain Testart – Eléments de classification des sociétés - 2005 - Editions Errance, Paris
Alain Testart – Avant l’histoire – L’évolution des sociétés de Lascaux à Carnac – 2012 – Editions Gallimard NRF – Bibliothèque des sciences humaines, Paris
Sources orientales - Tome 1 - La naissance du monde - 1959 - Éditions du Seuil, Paris
Quelques éléments récents sur l’origine de l’Homme
Quelques éléments récents sur l’origine de l’Homme
Par Saucratès
Saint-Denis de La Reunion, samedi 18 mai 2024
Un article de la revue «Espèces» de septembre 2023 a publié un petit entrefilet sur «nos multiples racines africaines».
«Homo sapiens était présent en Afrique il y a au moins 300.000 ans, mais le peu de fossiles et de données archéologiques connus pour cette période (au Maroc, en Éthiopie et en Afrique du Sud) fait que le scénario de son origine africaine demeure flou. Pour contourner le problème, des chercheurs ont utilisé le génome de 290 individus actuels (quatre groupes de différentes régions africaines et des individus eurasiens) et les ont analysés à l’aide d’algorithmes informatiques. Résultat : une histoire complexe ! Une première divergence aurait eu lieu il y a un million d’années à partir d’une population africaine unique. Une des deux branches créées à partir de ce tronc se serait elle-même divisée en deux, et l’un de ces rameaux aurait quitté l’Afrique il y a 600.000 ans et engendré la lignée des Néandertaliens. Les deux branches restées africaines se seraient entrelacées de nombreuses fois durant des centaines de milliers d’années, avec deux événements de fusion. La première, il y a 120.000 ans, fut à l’origine d’une population ancestrale au Sud de l’Afrique ; la seconde, il y a 100.000 ans, qui a abouti à la formation des populations de l’ouest et de l’est de l’Afrique, ainsi que de celles qui ont quitté l’Afrique et colonisées autres continents il y a des dizaines de milliers d’années. Les échanges incessants de gènes qui se sont poursuivis durant presque un million d’années seraient à l’origine de la diversité génétique d’Homo sapiens. Celle-ci a peut-être contribué à sa survie, à la différence de son cousin Homo neanderthalensis moins diversifié.»
Article paru dans la revue Espèces n°49 de septembre 2023, page 11, recensant un article paru dans Nature, pages 755 à 763, de A.P. Ragsdale «A weakly structured stem for human origins in Africa»
La découverte de fossiles d’Homo sapiens au Maroc remontant à 315.000 ans, c’est-à-dire remontant bien au-delà des croyances antérieures de l’apparition d’Homo sapiens, avait notamment été présenté en 2017 dans l’article suivant du Monde. Cette découverte évidemment controversée repoussait ainsi l’apparition d’Homo sapiens d’au moins 100.000 ans.
A noter que l’article de la revue Espèces ne donne pas à un âge à l’apparition d’Homo sapiens. Mais le simple fait que l’analyse de notre génome puisse permettre de remonter jusqu’à faire remonter notre horloge biologique jusqu’à un million d’années dans le passé, me paraît absolument invraisemblable.
L’analyse génétique décrite par A.P. Ragsdale me laisse néanmoins insatisfait. Pourquoi se contenter de génomes d’individus uniquement eurasiens et ne pas s’être également intéressés au génome d’individus mélanésiens, australiens ou d’indiens d’Amérique du Sud, pour vérifier l’origine de leurs migrations. Mais ces études doivent exister.
La science sur l’origine de l’Homme évolue constamment. Il y a un peu plus d’une décennie, les études basées sur l’ADN mitochondrial des cellules avait permis de faire remonter l’existence d’un goulot d’étranglement de l’humanité remontant à environ 100.000 ans. Vers la même époque, une étude se basant sur les évolutions des langues humaines etait également parvenue aux mêmes résultats, faisant remonter par la paléolinguistique la première langue parlée par l’humanité aux alentours de 100.000 avant notre ère. Une population unique de quelques milliers d’individus parlant une langue unique à l’origine de toutes les langues actuelles et qui était passée à deux doigts de disparaîtré.
Ces études se contredisaient-elles forcément ? Peut-être pas. Potentiellement pas. À moins que les progrès permanents en matière de recherche génétique ne repoussent toujours plus les connaissances sur l’origine de l’Homme.
Parmi d’autres publications observées, j’ai trouvé cette étude publiée sur le site de l’Ecole normale supérieure (gage de sérieux) sur les comparaisons de l’ADN mitochondrial entre Homo sapiens et Homo neanderthalensis , par Gilles Furelaud et Françoise Ibarrondo.
«(…) Les études réalisées de manière plus générale sur le génome mitochondrial de l’homme actuel suggèrent qu’il est âgé (sous sa forme actuelle) d’environ 163 000 ans. Or la séparation initiale entre les lignées ayant donné H. sapiens et H. neanderthalensis est estimée à environ 500 000 ans B.P. (de 365 à 853 000 ans B.P. selon les estimations les plus larges) d’après des calculs d’horloge moléculaire. Cela confirme l’idée d’un génome mitochondrial ayant évolué de manière séparée chez ces deux espèces, et donc l’absence de mélanges génétiques entre sapiens et Néandertal.»
Ils utilisent dans cette étude le même arbre d’origine de l’humanité qu’ils indiquent provenir des conclusions de Krings et al. (1997, 1999 et 2000) et Ovchinnikov (2000), citées dans « Aux origines de l’humanité – La génétique au service de la quête de nos origines », p 503). (les séquences de chimpanzés sont utilisées comme groupe extérieur pour enraciner l’arbre).
De la même manière, la limite de ses études demeure la possibilité qu’il existe des individus, des familles ou des groupes isolés qui pourraient remettre en question la profondeur de tous ces arbres génétiques de l’origine de l’Homme, les repoussant toujours plus loin dans le passé.
Comment retracer une histoire unifiée de l’humanité en se basant sur ces multiples outils que ce sont l’étude de la paléolinguistique, l’histoire des mythes et des mythemes cheres à Loic Le Quellec, et la recherche génétique sur l’ADN et l’ADN mitochondrial ?
Autre élément intéressant : l’existence d’une branche récente d’hominidés contemporaines de l’humanité récente, à savoir Homo naledi.
Homo naledi est une espèce de primates de petite taille ou d’hominidés qui aurait vécu au sud de l’Afrique jusqu’aux alentours de 300.000 ans avant notre ère, et qui semblent, selon Lee Berger et ses collègues, avoir pratiqué des rites d’inhumation et des rites mortuaires sur leurs morts. «Lee Berger et ses collègues font donc l’hypothèse que les corps ont été transportés là par leurs contemporains, qui auraient pu, à la lueur de torches, pratiquer une forme d’inhumation – un soin apporté aux défunts et un intérêt pour l’au-delà documentés uniquement à ce jour pour Homo sapiens et, dans des cas plus discutés, pour Homo neanderthalensis ou des prénéandertaliens.».
Homo naledi serait ainsi particulièrement éloigné morphologiquement de nous mais il aurait pratiqué des rites d’inhumation, en prenant soin de leur mort et en les enterrant dans un lieu mythique, pratiques que nous serions les seuls autres espèces de primates ou animales à pratiquer également, ce qui leur donne un caractère fondamentalement humain. Et ils ont été contemporains de l’humanité à la pointe septentrionale de l’Afrique. Quelle part de leur génome retrouve-t-on dans notre génome, dans le génome des populations habitant encore l’Afrique septentrionale ?
Saucratès
Retour sur les mythes
Une histoire des mythes pour Noël
Par Saucratès
Saint-Denis de la Réunion, lundi 25 décembre 2023
En ce jour de Noël, en ce 25 décembre 2023, il me semble intéressant de revenir à l’histoire des mythes. Dans le cadre d’un État laïc comme la France, peut-on d’ailleurs parler de jour de Noël, jour qui ne doit concerner qu’une grosse fraction de l’humanité. Amusant de se dire qu’un État d’Amérique du Sud, le Paraguay ou l’Uruguay, a renommé toutes les fêtes religieuses chrétiennes par des noms laïcs. Ainsi, la fête de Noël y a été renommée ‘fête des familles’ depuis 1917 ou 1919. Mais on n’y trouve encore dans les rues et dans les magasins des sapins de Noël (oups, des sapins des familles faudrait-il dire).
Les mythes. J’en avais déjà longuement parler dans un article de l’année précédente intitulé :
https://saucrates.blog4ever.com/les-mythes-a-lorigine-de-lhumanite
J’y avais décris un certain nombre de mythes, de récits encore narrés de nos jours, ayant apparemment accompagné l’Humanité tout au long du peuplement du globe.
- Le mythe de l’émergence primordiale
- Le mythe du corps souillé
- Le mythe de l’origine céleste de l’humanité
- Le mythe de création de l’humanité à partir de squales divins (ou coroplastie)
- Le mythe d’origine végétale de l’humanité, née d’une cucurbitacée
- Le mythe du plongeon créateur
Je me basais pour cela sur les travaux de l’anthropologue Jean-Loïc Le Quellec tels que rapportés par Sciences & Vie. Il y a cependant de très nombreuses questions de ces histoires des mythes ayant accompagnés l’Humanité, probablement tout au long de son histoire, ou bien que l’on retrouve de manière assez régulière partout dans le monde. Parce que Jean-Loïc Le Quellec a recensé de très nombreux autres mythes.
Sur le mythe du déluge, il écrit ainsi :
«… Des histoires de déluge se racontent en Afrique, en Asie, en Océanie et jusqu’en Amérique du Sud, dans des variantes qui ne doivent rien à la Bible ni aux missionnaires et qui ont été recueillies auprès de groupes isolés, très peu de temps après leurs premiers contacts avec les Européens. Comment ces gens auraient-ils pu conserver le souvenir d’un événement survenu en Europe, il y a environ huit mille cinq cents ans ; c’est-à-dire plusieurs millénaires après que leurs ancêtres aient commencé de peupler l’Amerique et de rester isolés du reste du monde jusqu’aux temps modernes ?»
Jean-Loïc Le Quellec - «Avant nous le Déluge ! L’Humanité et ses mythes» - Éditions du Détour - Novembre 2021 - Page 209
Il aborde dans cette citation la question de l’origine supposée du mythe du déluge ; la rupture lors de l’Holocène du détroit des Dardanelles et l’inondation qui en a suivi avec l’irruption des eaux de la Méditerranée dans la Mer Noire, qui serait supposée avoir fortement marqué les esprits de nos ancêtres et que se serait perpétué au fil des générations pour nous parvenir à travers le mythe du Déluge sumérien, puis babylonien puis biblique. Si l’origine de notre mythe du Déluge, pourquoi se retrouvait-il également, sous des formes différentes, presque partout dans le monde, dans les peuplades qui vivaient à des milliers de kilomètres de là, et qui s’étaient déjà séparées plusieurs millénaires ou dizaines de millénaires auparavant ? On le trouve ainsi chez des peuples aborigènes du Sud de l’Australie, en Nouvelle-Guinée et très largement en Amérique du Sud.
Quelles explications donne Jean-Loïc Le Quellec de l’origine possible de ces mythes ? Il faudrait plutôt noter qu’il liste les différentes explications qui ont été données par les préhistoriens, les psychanalystes, les anthropologues …
L’influence des missionnaires chrétiens
Peut-on supposer que le processus d’évangélisation de l’Eglise catholique romaine est à l’origine de certains mythes que l’on retrouve dans la majeure partie des terres émergées, et que l’on retrouve dans la Bible ainsi que dans les mythes de nombreux autres peuples ? Il y a un détail gênant en faveur de cette explication. Le fait que nombre de ces mythes ont souvent été récoltés justement par des missionnaires chrétiens qui rencontraient pour la première fois certains peuples. Jean-Loïc Le Quellec éliminé cette explication de diffusion chrétienne pour un certain nombre de raisons, notamment comme il l’indique dans cette citation parce ces mythes y ont «été recueillies auprès de groupes isolés, très peu de temps après leurs premiers contacts avec les Européens».
Deuxièmement, parce qu’il lui semble peu probable que des missionnaires ayant tenté de diffuser les propres mythes de la Bible se seraient satisfaits de mythes très fortement divergents du mythe biblique, sur la création du monde ou sur le déluge.
Mais il existe indubitablement un processus de diffusion et de modification des mythes racontés. Jean-Loïc Le Quellec raconte l’expérience vécue par Karl G. Heider lors de ses séjours chez les Dugum Dani, en Nouvelle-Guinée occidentale, en 1961-1963 et en 1968. En 1963, le mythe de création de l’Humanité mentionnait que «les hommes blancs étaient sortis en premier de la grotte Huwainmo, étant habillés et portant des fusils. Puis étaient sortis les Dani, avec une gourde pour étui pénien.» Cinq ans plus tard, lors d’un nouveau passage, en 1968, le mythe mentionnait que les blancs étaient sortis en premier de la caverne en avion Cessna. «Vous les blancs, vous êtes les premiers à être sortis de la grotte dans votre Cessna, alors c’est à vous de nous dire comment c’était avant». (Pages 29-31)
Qu’est-ce qui est mythe ?
C’est la grande question. Peut-on parler de mythes en parlant des histoires de création du monde ou de l’homme, d’Adam ou d’Eve, racontées par la Bible ? Même moi, en l’écrivant, cela me gêne.
Ou pourquoi ne parlerait-on de mythes que pour les legendes racontées par les autres peuples et pas pour les histoires toutes aussi rocambolesques contenues dans la Bible ?
Ainsi, en 1906, dans son ‘Dictionnaire du diable’, Ambroise Bierce pouvait écrire de manière probablement sarcastique :
«Coran, nom masculin. Livre que les mahométans croient sottement avoir été écrit par inspiration divine, mais que chrétiens savent être une vile imposture, en contradiction avec les saintes Écritures.
Ecritures, nom féminin. Livres sacrés de notre sainte religion, à distinguer des écrits faux et profanes sur lesquels se fondent toutes les autres convictions.» (page 54)
L’explication par la psychologie et la psychanalyse
Un certain nombre de penseurs ont cherché à donner des explications psychanalystes et psychologiques aux mythes humains, se fondant sur des sortes d’universaux fœtaux. Ainsi pour François Dor :
«Les mythes du monde entier ne seraient rien d’autre qu’un souvenir de la mémoire inconsciente de la vie fœtale. Fort de sa nouvelle clé de lecture, il soutient que Noé serait le fœtus embarqué dans l’arche (la membrane amniochorionique) ; l’arbre de vie figurerait les villosités du placenta ; les serpents et dragons représenteraient le cordon ombilical ; l’expulsion du Paradis serait une figure de la naissance ; le déluge représenterait la perte des eaux amniotiques ; les pyramides, ziggourats et autres s’tu pas magnifieraient le nombril de l’embryon, etc.» (pages 46-47)
Mais les interprétations de Carl Jung sur les mythes ne sont guère plus fondées, «d’une naïveté et d’une ignorance confondantes».
Pour en revenir à notre mythe original, à savoir le déluge, les psychanalystes ont rivalisé d’imagination :
«Selon Géza Róheim, l’image du déluge serait né des rêves masculins, quand la pression de l’urine ou l’érection matinale suggère des images de liquide jaillissant. Pour une jungienne comme Eleanor Bertine, les flots du déluge seraient les périls de l’inconscient risquant d’inonder l’esprit, l’arche figurant alors la capacité de surmonter cette épreuve…
… Pour Alan Dundes, le déluge exprimerait le désir inconscient de grossesse masculine propre aux sociétés matriarcales et l’expression du mythe compenserait symboliquement l’incapacité masculine à enfanter.»
Ainsi, pour les psychanalystes, «les mythes seraient à l’inconscient collectif ce que rêves et fantasmes sont à l’inconscient individuel.»
La réponse de Jean-Loïc Le Quellec à ces explications psychologiques et psychanalytiques repose sur l’absence de généralisation de tels mythes. Si ces mythes se fondaient véritablement sur un invariant psychologique propre à chaque homme, à chaque femme, on observerait ces mythes partout, chez tous les peuples. Un certain nombre de ces mythes ne seraient pas totalement absents de certaines zones de la planète, comme par exemple en Afrique, alors que l’Afrique regroupe pourtant de très nombreux mythes (au sujet des mythes du plongeon créateur ou cosmogonique que certains rapportaient à un archétype jungien).
Quelles autres explications ?
Pour conclure, les principaux mythes ne s’expliquent donc ni par un diffusionnisme de la mythologie chrétienne du fait des l’évangélisation des missionnaires chrétiens à compter du quinzième siècle, ni par une sorte d’explication psychanalytique se basant sur des invariants humains ou des archétypes de type jungien. Il n’existe ainsi qu’une seule autre explication au fait que l’on trouve reparti à peu près partout dans le monde un certain nombre de mythes qui se ressemblent, qui utilisent les mêmes structures narratives, qui reposent sur une sorte de même substrat.
Le fait que ces mythes retracent les pérégrinations des mouvements de population humaine, que les mythes aient suivi les migrations des populations. Ce qui signifie également que ces mythes aient aussi pu survivre dans les histoires racontées par les peuples, par les conteurs, depuis pratiquement 40.000 à 50.000 ans, sans disparaître, mais en évoluant parfois en s’imprégnant de certaines divinités, de certaines structures narratives. Le chiffre TROIS en Asie, le chiffre QUATRE sur le continent américain, le chiffre DEUX en Afrique.
Lorsque l’on sait qu’une expérience amusante de psychologie sociale consiste à observer les déformations d’une histoire racontée au sein d’un groupe d’une vingtaine de personnes, sachant qu’au final, l’histoire racontée par la vingtième personne n’a souvent plus grand chose à voir avec l’histoire telle que racontée par la première personne, on ne peut que s’enthousiasmer et s’émerveiller que ces mythes et ces légendes aient pu survivre en gardant une même structure narrative au fil de dizaines de millénaires.
L’existence de très nombreux mythes et de très nombreuses variantes de ces mêmes mythes, comme la disparition et le remplacement de certains de ces mythes par d’autres mythes cosmogoniques (sur la création de la Terre, sur la création des hommes …) s’explique d’ailleurs par la succession de très nombreuses migrations qui se sont suivies au fil des millénaires, et tout particulièrement celles qui sont documentées dans l’histoire au fil des derniers millénaires.
Des mythes s’écrivent encore aujourd’hui
Les mythes ne font pas seulement partie du passé. Ils ne s’expliquent pas uniquement par la nécessité d’une pensée magique. Ils peuvent apparaître même dans un monde scientifique que le nôtre, que le monde occidental. Jean-Loïc Le Quellec donne ainsi l’exemple du mythe de la planète Gaïa en lequel un certain nombre d’écologistes, de personnes supposément savantes, d’experts, croient. Il donne l’exemple des nombreux mouvements New Age qui extrapolent autour de Gaïa.
Jean-Loïc Le Quellec donne ainsi l’exemple de ce qui a été raconté autour de l’épidémie de Coronavirus. Un virus envoyé par la planète, par l’écosystème pour se venger de l’humanité, de l’homme. De ce franchissement des espèces par les virus comme sanction à l’encontre de notre folie.
Que signifient donc les mythes ?
En lisant Jean-Loïc Le Quellec, on comprend ainsi que les mythes racontent plus l’histoire des migrations humaines qu’une histoire de nos origines ou de l’origine de l’homme. Les mythes nous racontent l’histoire que des sociétés se sont racontées sur leur origine, sur l’origine du Monde, sur l’origine de l’Homme, du premier homme ou de la première femme, ou du premier couple. Qu’il y ait ou non un fond de vérité dans les multiples mythes autour du déluge, il me semble que Jean-Loïc Le Quellec n’y croit pas.
Il critique toutes les théories selon lui abracadabrantes qui tentent d’expliquer ses mythes par une sorte d’histoire mythique originale, qu’il s’agisse d’extraterrestres, de continent perdu, ou autre. Il contredit les diverses théories psychanalytiques avancées comme listé ci-dessus. Il rit aussi du terme de pluies diluviennes ayant accompagné le déluge, en rappelant que dans des zones équatoriales, il pleut effectivement quarante jours de suite régulièrement, voire bien plus que quarante jours de suite.
Mais il ne répond pas pour moi à la question primordiale. N’y a-t-il pas eu dans un passé très lointain un événement si cataclysmique qu’il a marqué l’histoire d’un peuple si profondément, que cette histoire s’est transmise de générations en générations, puis a été raconté sous forme de mythe, d’histoire, de légende ancestrale, et qu’elle a suivi ce peuple tout au long de ses pérégrinations, de ses migrations, d’Afrique en Asie, d’Asie en Australie et en Indonésie, d’Asie en Afrique et d’Asie en Amérique.
Ne serait-ce pas ce qui risquerait d’arriver si un hiver nucléaire éclatait aujourd’hui ? Les rares survivants d’un conflit atomique ne se raconteraient-ils pas encore dans plusieurs dizaines de milliers d’années l’enfer des explosions nucléaires, le feu qui envahit le ciel, les nuées qui masquent le soleil pendant des générations, la végétation et les animaux qui s’éteignent peu à peu, et les rares survivants qui quelques siècles plus tard, sortiront enfin de leur caverne pour reconquérir les ruines de notre monde, les ruines de nos cités d’acier, les ruines de notre civilisation technologique disparue ? Et si les mythes nous racontaient qu’une apocalypse de la sorte s’est déjà produite par le passé ? Parce qu’il existe des mythes approchants :
«Il y a longtemps, les trois tribus Miao ont créé un grand chaos, alors le Ciel a chargé Yu de les détruire. Le Soleil est apparu la nuit et, pendant trois jours, il a plu du sang. Un dragon est né dans le temple ancestral, et des chiens ont hurlé sur la place du marché. La glace se formait en été, la terre se fissurait et les sources jaillissaient. Toutes sortes de céréales poussaient sous des formes anormales, et les gens étaient terrifiés. Dans le palais noir, Gao Yang a donné l’ordre que Yu prenne personnellement le bâton d’autorité en jade du Ciel afin de lancer une expédition contre les Miao. Alors que des éclairs brillaient tout autour, un esprit au visage d’homme et au corps d’oiseau descendit avec un bâton de jade pour attendre Yu. Une flèche frappa le commandant des Miao, et leur armée fut plongée dans le chaos. Ils furent alors éliminés. Après avoir conquis les trois tribus Miao, Yu sépara ensuiet les montagnes et les rivières, sépara le haut du bas et traça clairement les quatre extrémités directionnelles du monde. Dès lors, ni les esprits ni les hommes ne violèrent les lois et le monde entier fut en paix.»
Mythe chinois du déluge de l’empereur Yu le grand, fondateur de la première dynastie Xia, d’après le cinquième chapitre du Mo zi (page 222-223).
Joyeux mythe de Noël à vous toutes et à vous tous … Et bonnes fêtes de fin d’année si je n’écris rien d’ici fin décembre 2023.
Saucratès
Bibliographie :
Jean-Loïc Le Quellec - Avant nous le Déluge ! L’Humanité et ses mythes - Éditions du Détour - Novembre 2021
L’origine de l’humanité selon les mythes - Variations sur l’histoire de l’humanité - Yves Coppens - Ada Ackerman - Ugo Bellagamba - José Braga - Claudine Cohen - Laurent Genefort - Évelyne Heyer - Roland Lehoucq - Jean-Loïc Le Quellec - Marie-Christine Maurel - Marylène Patou-Mathis - Brigitte Senut - Jean-Sébastien Steyer - Nicolas Teyssandier - Valéry Zeitoun - La Ville Brûle - Octobre 2018
https://saucrates.blog4ever.com/les-mythes-a-lorigine-de-lhumanite
Questions sur la protohistoire
Des questions que l’on peut se poser sur les plus anciennes civilisations
Par Saucratès
Saint-Denis de la Réunion, mardi 29 novembre 2023
La notion de ‘Protohistoire’ a plusieurs sens selon les auteurs ou les dictionnaires. Pour certains, il s’agit de l’histoire des peuples sans écriture mais qui sont mentionnés dans les écrits d'historiens ou de chroniqueurs qui leur sont contemporains. Selon une définition plus récente, il s’agit de la période de la Préhistoire où les hommes vivent de la production agricole, quelles que soient leurs techniques d'outillage. Cette nouvelle définition élargit donc la protohistoire au Néolithique et aux âges des métaux.
Oublions le présent, ses guerres et ses conflits actuels, pour en revenir à un passé particulièrement passionnant, celui de l’origine de la civilisation humaine. Mais écrire sur ce passé préhistorique est presque aussi dangereux que de parler de l’actualité récente. Parce que ce passé est supposé être une matière réservée à une caste de scientifiques, de mandarins et de théologico-politiciens (car le féminisme en archéologie est une position doctrinale relevant de la politique) et que discourir sur ce passé est totalement interdit aux profanes et aux amateurs comme moi.
La période qui m’intéresse est pourtant celle qui précède l’apparition des grandes civilisations, sumériennes ou égyptiennes. Ces premières civilisations qui inventèrent supposément l’écriture, les grandes cités antiques, la civilisation telle qu’on l’entend aujourd’hui.
Ecrire sur ce passé n’est pas un exercice totalement inintéressant comme certains pourraient le penser. En discutant avec un ami, nous en sommes venus à réfléchir sur les hauts et les bas des civilisations humaines. Il me donnait l’exemple de la civilisation des grands temples khmers au Cambodge, sur sa magnificence entre le dixième et le douzième siècle de notre ère, et son effondrement par la suite. Mais l’histoire est riche de ses grandeurs et de ses décadences. Par exemple l’effondrement de la civilisation occidentale après la chute de l’Empire romain d’Occident à la fin du cinquième siècle de notre ère. Certains défendent l’idée que le moyen-âge européen n’a pas forcément été cette période d’obscurantisme. Certes, mais encore au dix-septième siècle de notre ère, il y a à peine quelques siècles, la Cour du roi à Versailles ne connaissait toujours pas les sanitaires, alors que les cités romaines étaient construites avec des systèmes d’aisance et d’assainissement, connaissaient l’hygiène et étaient toutes construites autour de thermes. Il faudra attendre les années 1900 pour que cela soit redécouvert en Occident.
De la même manière, on peut aussi citer l’exemple de la décadence de la Chine impériale. Cette civilisation millénaire si avancée sur le reste du monde pendant des siècles, qui a inventé la poudre à canon, qui connaissait les mathématiques et l’astronomie, mais qui s’est également effondrée jusqu’à sa conquête par les puissances occidentales. «Les Chinois surveillaient attentivement ce phénomène, jugé très important pour l'Empereur. Et gare à ceux qui échouaient dans leurs prédictions. En 2137 avant notre ère, deux astronomes de cour, les frères Hi et Ho, auraient eu la tête tranchée pour avoir échoué à prédire l'éclipse.» Et pourtant, lors de sa rencontre avec l’Occident, la Chine impériale
On connaît tous l’histoire de cet astronome jésuite capable de prédire une éclipse de Lune alors que les astronomes chinois en sont désormais devenus incapables. C’était le 1er septembre 1646 et il s’agissait du père jésuite Johann Adam Schall von Bell (Tang Ruowang, né à Cologne en 1592, mort à Pékin en 1666). «Le 1er septembre 1644, il prédit une éclipse de soleil à la minute près – les astronomes chinois s’étaient trompés d’une demi-heure, et les astronomes musulmans d’une heure. À la fin de l’année, l’empereur Shunzhi nomme Schall à la tête du Bureau d’astronomie.»
https://www.bienpublic.com/actualite/2014/08/10/l-astronome-et-l-empereur
Et pourtant, la rencontre aurait eu lieu quelques millénaires auparavant que l’histoire en aurait été inversée, si ce qui est dit de la tragédie des frères Hi et Ho ayant échoué à prédire une éclipse en -2137 est vraie … La première prédiction exacte d’une éclipse est imputée à Thalès de Milet en 585 avant notre ère, selon Hérodote. «Néanmoins, les astronomes doutent que Thalès ait réellement eu les moyens de faire une telle prédiction à son époque. C'est au IIè siècle de notre ère, avec le grec Ptolémée et son grand traité d'astronomie, que la connaissance précise des différents paramètres nécessaires pour prédire correctement une éclipse a été acquise.»
Et on ne parle pas ici de la grandeur et de la décadence des grandes civilisations précolombiennes et andines, et de leur effondrement sous les coups de boutoir des armes des Conquistadors espagnols.
De multiples civilisations ont connu des hauts et des bas et certaines ont disparu corps et âmes. Rome a survécu huit ou neuf siècles. Les incas, les Mayas, les Aztèques ont survécu parfois à peine quelques siècles. La civilisation occidentale, née à peu près vers la découverte des Amériques, aux alentours de la fin du quinzième siècle, il y a un peu plus de cinq siècles, disparaîtra elle-aussi un jour. Mais en s’étant mondialisée, c’est l’ensemble de l’humanité qui risque de s’effondrer avec elle. Dans combien de décennies ou de siècles ?
Est-il néanmoins possible que des civilisations précédent les premières civilisations antiques connues, à savoir l’Egypte, la Chine, les Sumériens ou celle de la vallée de l’Indus, aient pu s’effondrer et disparaître avant les premières d’écritures connues sans que l’on puisse en retrouver de traces archéologiques, soit parce qu’il est difficile de retrouver des traces archéologiques remontant à plus de 6.000 ans, soit parce que les endroits où ces civilisations archaïques ont disparu sous la surface des mers ou des océans ? Que retrouverait-on de nos villes et de nos constructions dans plus de 6.000 ans si le niveau de nos océans s’élevait encore de plus de 100 mètres ?
• La civilisation chinoise remonterait selon les légendes, au troisième millénaire avant notre ère, soit il y a environ 5.000 ans. Mais la culture du millet et du riz remonterait à -7.000 ans et -6.000 ans avant notre ère.
• La civilisation égyptienne remonterait pour sa part à -3.150 ans avant notre ère avec l’unification politique des royaumes de Haut-Egypte au Sud et de Basse-Egypte au Nord. Mais selon Wikipédia, on estime que les premiers peuples à avoir occupé les rives du Nil remontent à -5.700 ans avant notre ère, avec les cultures Badari et Nagada, à une époque où le Sahara était encore vert (de -8.000 à -4.000 ans avant notre ère, avant sa brutale nouvelle aridification).
• La civilisation sumérienne remonte à -3.500 ans avant notre ère mais, selon Wikipédia, les premières traces de peuplement en Basse-Mésopotamie remontent aux derniers siècles du septième millénaire avant notre ère (il y a 9.000 ans). «La question de savoir s'il y avait un peuplement antérieur échappe à la documentation archéologique (…) la remontée des eaux du Golfe en raison de la fonte des glaces à la fin de la dernière glaciation a recouvert des régions auparavant à sec et potentiellement habitées».
• La civilisation de la Vallée de l’Indus, ou civilisation harappéenne, remonte selon les traditions soit à -2.600 ans avant notre ère, soit à -5.500 ans avant notre ère (implantation des premières tribus dans la vallée de l’Indus), soit à -7.000 ans avant notre ère avec le début de la phase de Néolithisation à partir du Baloutchistan voisin.
• Les civilisations Valvidia et Caral sont les plus anciennes civilisations amérindiennes connues, dont l’origine remonte entre -4.000 ans et -3.000 ans avant notre ère.
• Çatal Höyük est une ville turque de l’époque néolithique dont l’occupation humaine remonte à -7.560 ans avant notre ère jusqu’à 4.340 ans avant notre ère. Il s’agit d’une ville en deux tells (Est et Ouest) abandonnée par la suite. On accède à des maisons sans porte ni fenêtre vers l’extérieur, auxquelles on accède par des échelles depuis les toits.
• Enfin, la construction du temple de Gobekli Tepe en Turquie s’étend de -9.600 ans à -8.000 ans avant notre ère, avant d’être ensevelie par ses contemporains. De telle sorte que ce n’est qu’en 1994 qu’il a pu être redécouvert. Cela signifie que ce site a été construit et occupé il y a 11.600 ans BP (before présent) et se trouve être contemporain du début de l’holocène et de la fin du Dryas récent.
https://www.caminteresse.fr/histoire/gobekli-tepe-les-5-mysteres-du-plus-ancien-temple-de-lhumanite-11146344/
Vers -7.000 avant notre ère, il y a donc près de 9.000 ans, en plusieurs endroits du globe, partout pratiquement à la même époque, en Chine, en Égypte, en Mésopotamie, en Turquie, dans la vallée de l’Indus, dans les Andes en Amérique, des peuples inventent l’agriculture, la domestication végétale et animale, ce que l’on a appelé le phénomène de ‘Néolithisation’.
L’existence de Göbekli-Tepe présente un certain nombre de mystères, que ce soit dans la signification des pierres immenses et des gravures qui les recouvrent, du poids de ces pierres et de la distance à parcourir depuis la carrière où elles sont prélevées et découpées, du nombre élevé de personnes qui ont été nécessaires pour cette construction, et de la manière dont ces personnes pouvaient être nourries, au dixième et au neuvième millénaire avant notre ère, à une époque où l’agriculture n’est pas sensée exister, où l’homme n’est pas sensé savoir planter des céréales et les récolter.
Et surtout, Göbekli-Tepe est contemporain de ce que l’on appelle la fin du Dryas récent, cette période de 1.200 ans s’étendant de -12.850 ans à -11.650 ans avant le présent (soit de -10.900 ans à -9.700 ans avant notre ère), qui représente la dernière oscillation froide de la dernière période glaciaire avant l’Holocène. Les hommes auraient eu besoin de construire Göbekli-Tepe dès la sortie de ce dernier épisode glaciaire ? Pour témoigner de quoi ?
Un journaliste et archéologue américain, Graham Hancock, traque l’existence de civilisations disparues antérieures aux grandes civilisations que j’ai cité, traque des traces archéologiques qui dévieraient de la chronologie officielle des débuts de l’histoire et des civilisations, et il propose la théorie que ce monument de Göbekli-Tepe, comme les temples mégalithiques de l’île de Malte, auraient été construits comme témoignages d’un cataclysme cosmique ayant causé la survenue du Dryas récent.
Evidemment, ces théories peuvent paraître loufoques. Les preuves avancées par ces auteurs peuvent n’avoir aucune valeur. Le fait que Netflix propose le documentaire de Graham Hancock , «A l’aube de notre histoire», ne donne pas forcément une légitimité à sa thèse. Mais les découvertes scientifiques évoluent. Avant 1994, personne n’aurait imaginé que l’humanité aurait été capable de construire un site comme Göbekli-Tepe vers -9.600 ans avant notre ère. Que découvrira-t-on au cours des prochaines décennies ? Combien de nouveaux vestiges préhistoriques permettront-ils de revoir la chronologie de notre préhistoire ? Des lieux improbables que Graham Hancock décrit, l’un de ceux qui me surprend le plus est le site de Gunung Panang en Indonésie.
Pour ma part, à la recherche moi aussi des traces de cette période, j’ai découvert que Platon, qui vécut de -428 à -348 ans avant notre ère, fait remonter la disparition de l’Atlantide à 9.000 années avant l’époque de Solon (de -640 à -560 ans avant notre ère). Bien évidemment, on estime que l’Atlandide que Platon évoque est supposé être une contrée mythique, et qu’elle doit se rapporter à quelques événements et à quelques civilisations n’ayant rien à voir avec notre légende et à notre mythe actuel de l’Atlantide.
Et pourtant, cette date de 9.000 années avant l’existence de Platon, et l’époque de Solon, grand législateur athénien, ramène cette légende de l’Atlantide de Platon aux alentours de -11.600 ans BP (before present) environ. Soit une date là encore très proche du début de la construction de Göbekli-Tepe et de cette satanée supposée fin du Dryas récent, de ce début véritable de l’Holocène, de la brusque remontée des températures qui en a découlé et de la tout aussi brusque remontée du niveau des océans qui s’est produite à la même période.
Cette description faite par Platon de l’Atlandide se trouve seulement dans deux dialogues de Platon, dans le dialogue du Timée, et dans le dialogue du Critias, où il y est indiqué cela :
«Quelle preuve en avons-nous et qu’est-ce qui reste du sol d’alors qui justifie notre dire ? Le pays tout entier s’avance loin du continent dans la mer et s’y étend comme un promontoire, et il se trouve que le bassin de la mer qui l’enveloppe est d’une grande profondeur. Aussi, pendant les nombreuses et grandes inondations qui ont eu lieu pendant les neuf mille ans, car c’est là le nombre des ans qui se sont écoulés depuis ce temps-là jusqu’à nos jours, le sol qui s’écoule des hauteurs en ces temps de désastre ne dépose pas, comme dans les autres pays, de sédiment notable et, s’écoulant toujours sur le pourtour du pays, disparaît dans la profondeur des flots.» (page 23)
https://beq.ebooksgratuits.com/Philosophie/Platon-Critias.pdf
Tout ceci peut-il seulement être le fruit du hasard ? Si tout ceci est une invention, comment Platon peut-il fournir par hasard une date si proche du début de l’Holocène et de la fin du Dryas récent, épisodes qu’il ne pouvait connaître sauf à imaginer l’existence d’archives historiques antérieures à l’invention de l’écriture ? Si d’hasard et d’invention il s’agit, on parlerait alors d’une chance invraisemblable.
C’est à peu près ce que nous raconte Jacques Collina-Girard, géologue et préhistorien à l’université de Provence. Selon ce qu’il écrit :
«L’Atlantide un mot écrit dans un texte très ancien (IV° siècle avant J.C) qui depuis a suscité bien des fantasmes à travers des articles, des romans, des films, etc… Cette Atlantide que les uns situent en Grèce, d’autres au Sahara et d’autres encore au centre de l’Atlantique a pourtant bien existé pour les géologues. Il s’agit d’une île située dans le détroit de Gibraltar, émergée lorsque le niveau marin était à 135 mètres au-dessous de son niveau actuel. Cette Atlantide géologique a été engloutie, 9600 ans avant J.C. La catastrophe a été associée à un séisme et à un tsunami contemporains d’une accélération de la remontée de la mer liée au réchauffement climatique post-glaciaire.»
Environ 12.000 ans avant le présent (BP), un séisme quatre fois plus puissant que le séisme de Lisbonne de 1775 se serait produit à cet endroit, entraînant un abaissement de 30 mètres de cette partie du plateau géologique.
https://www.hominides.com/html/references/atlantide-retrouvee-collina-girard-0294.php
N’y a-t-il pas encore autre chose à découvrir dans les temps qui précèdent la période des berceaux de l’humanité aux alentours des -10.000 ans à -7.000 ans avant notre ère ?
Saucratès