Critiques de notre temps

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Du concept de forêt sombre en astrophysique

Du concept de forêt sombre en astrophysique

Par Saucratès 

Saint-Denis de la Réunion, dimanche 26 mai 2024

 
La question des problèmes autour de l’astrophysique et de la conquête spatiale m’interpelle, probablement parce que je suis un lecteur acharné de science-fiction. Et que mon fils se passionne depuis l’enfance pour cette science.

 

Mon premier article sur cette question concernait l’existence ou non d’une limite de masse à notre planète Terre, dans le cadre de l’utilisation probable à venir de matériaux issus du système planétaire et du système d’astéroïdes du système solaire. 

 

https://saucrates.blog4ever.com/problemes-dastrophysique-existe-t-il-une-limite-de-masse-de-la-terre

 

Cet article ne répondait pas à cette question, sur l’existence d’une limite de masse. Au fond, il existe des planètes plus massives que notre chère planète Terre et pourtant elles tournent autour de leur étoile, elles disposent d’un champ gravitationnel et électromagnétique. Et surtout, il apparaissait de cette réflexion que les simples astéroïdes de notre système solaire ne saurait faire varier la masse de notre planète Terre que de quelques pourcents :


• On estime que la masse totale de la ceinture d'astéroïdes s’élève entre 3,0 et 3,6 × 10^18 tonnes (3 à 3,6 milliards de milliards de tonnes), soit environ 2 dix-millième de la masse de la Terre.

 

• La masse de la Lune est estimée à 7,342 × 10^19 tonnes, soit 1,23 % de celle de la Terre.

 

• La masse de la ceinture de Kuiper est estimée à environ 10% de la masse de la Terre, soit probablement aux alentours de 5 à 6 × 10^22 tonnes.

 

• Enfin, la masse théorique de l’hypothétique nuage d’Oort, qui représente les débris de comètes compris de 20 000 à 30 000 unités astronomiques (ua) et jusqu'à plus de 100 000 ua pourrait dépasser 3 à 4 fois la masse terrestre.

 

• En regard, j’y rappelais aussi que la diminution de la masse de la Terre depuis plusieurs millions d’années pouvait être ramené à la consommation de charbon et de pétrole des 20 dernières décennies, qui ne s’élève qu’à un dixième de milliardième de la masse terrestre (4,2 x 10^11 tonnes comparée à 5,9 × 10^21 tonnes).

 
Il s’agissait du premier problème d’astrophysique que je voulais initialement aborder. Il reste à modéliser les effets d’un accroissement de la masse de notre planète le jour où des minerais issus des astéroïdes seront rapatriés sur Terre ou en orbite stable pour y construire de nouvelles installations, et notamment les effets en terme de champ gravitationnel et électromagnétique.

 

Mes prochaines réflexions en astrophysique se baseront plus sur des problèmes évoqués dans le cadre de livres de science-fiction par un certain nombre d’auteurs.

 

• Le premier sera le concept de la ‘forêt sombre’ pensé par l’auteur chinois Liu Cixin dans son livre «Le problème à trois corps» et sa suite.

 
• Un deuxième concept concernera la possibilité du respect des droits de l’homme et de la femme et de l’égalité des sexes dans l’aventure spatiale et la colonisation spatiale, en me basant notamment sur les bandes dessinées de Léo («Aldebaran», «Beltegeuse» et «Antarès»).

 

• Enfin, un troisième concept reposera sur l’impossibilité même de la colonisation spatiale, à travers les écrits de Brian Aldiss («Helliconia»), de Kim Stanley Robinson dans «Aurora» ou de Laurent Genefort dans «Lum’en».

 

La première question que j’aborderais donc ici est le concept de ‘forêt sombre’. Il faut lire le livre de science-fiction du même nom («La forêt sombre») de Liu Cixin, considéré comme une véritable légende de la SF en Chine, et qui apporte effectivement une vision novatrice de l’aventure spatiale et de la science-fiction.

 
L’idée de la forêt sombre de Liu Cixin est une adaptation du paradoxe de Fermi. Ce dernier consiste à se demander pourquoi l'Humanité n’a, jusqu'à présent, trouvé aucune trace de civilisations extraterrestres, alors que le Soleil est plus jeune que beaucoup d’étoiles situées dans notre galaxie. Selon Fermi, des civilisations plus avancées auraient dû apparaître parmi les systèmes planétaires plus âgés et laisser des traces visibles depuis la Terre, telles que des ondes radio.

 

Le paradoxe de Fermi peut s'énoncer sous la forme d'une question : «S'il y avait des civilisations extraterrestres, leurs représentants devraient être déjà chez nous. Où sont-ils donc ?»

 

«L'Univers est une forêt sombre dans laquelle chaque civilisation est un chasseur armé d'un fusil. Il glisse entre les arbres comme un spectre, relève légèrement les branches qui lui barrent la route, il s'efforce de ne pas faire de bruit avec ses pas. Il retient même sa respiration. Il doit être prudent, car la forêt est pleine d'autres chasseurs comme lui. S'il remarque une autre créature vivante – un autre chasseur, un ange ou un démon, un bébé sans défense ou un vieillard boiteux, une magnifique jeune fille ou un splendide jeune homme, il n'a qu'un seul choix : ouvrir le feu et l'éliminer. Dans cette forêt, l'enfer c'est les autres. Une éternelle menace. Chaque créature qui dévoile son existence est très vite anéantie. Voici la cartographie de la société cosmique. C'est la réponse au paradoxe de Fermi.» Liu Cixin

  
L’astrophysique se trouve ainsi exposée à un paradoxe insurmontable et mortel. Si l’univers est une forêt sombre dans laquelle se cachent des civilisations mortes de peur d’être découvertes et anéanties par d’autres civilisations, n’est-il pas dangereux et potentiellement mortel d’émettre des communications radios vers des étoiles ou des galaxies lointaines ? Pour quelle raison les autres civilisations galactiques extra-terrestres seraient-elles forcément pacifiques et bienveillantes, parce qu’elles auraient atteint un haut niveau de technologie ? La civilisation terrienne deviendra-t-elle forcément pacifique et bienveillante lorsqu’elle attendra l’âge de la colonisation d’autres systèmes planétaires alors que nous avons colonisé et exterminé chaque peuplade et chaque nouvelle île ou terre découverte sur notre propre planète ?
 
La vision de Liu Cixin de la société cosmique se nourrit certainement de cette histoire coloniale compliquée de la civilisation occidentale ou chinoise et il est probable que l’histoire récente de la relation chinoise avec l’occident éclaire cette vision pessimiste de Liu Cixin et plus largement de la SF chinoise. 
 
Au fond, si une espèce extra-terrestre atteint un niveau technologique suffisant pour détruire des systèmes solaires éloignés, et qu’elle découvre des traces d’autres civilisations émergentes, aura-t-elle suffisamment confiance pour les laisser se répandre et progresser technologiquement, jusqu’à pouvoir éventuellement eux-mêmes les exterminer ? Ou bien ne choisiront-ils pas de se protéger par anticipation en utilisant leur armement pour les réduire en poussière préventivement. C’est bien cela que représente cette théorie de la forêt sombre.
 
Néanmoins, ne vaudrait-il pas mieux s’assurer que la vision cosmique de la forêt sombre est fausse avant de se mettre à émettre hors de notre système solaire, avant de chercher à s’étendre au-delà de notre système planétaire ? Il est surprenant de noter que cette vision de l’univers n’ait pas été retranscris dans d’autres ouvrages de science-fiction, qui n’aborde pas particulièrement ce paradoxe.
 
Plus largement, se pose la question du comportement à venir des terriens lorsqu’ils s’étendront hors de notre système planétaire, lorsqu’ils seront en mesure de coloniser de nouvelles planètes extra-solaires, dans d’autres systèmes solaires. On peut ainsi penser au film ‘Avatar’ de Cameron, ou aux bandes dessinées de Léo ; comment réagira l’humanité face à une planète occupée par une autre biosphère incompatible avec notre métabolisme ou occupée par une autre espèce intelligente ? L’attrait du profit, de nouvelles ressources à exploiter, de nouvelles terres à ensemencer, ne l’emportera-t-il pas sur une éventuelle morale qui est encore à construire ? Ne répéterons-nous pas toutes les erreurs et horreurs de notre histoire ? Comme dans le film Avatar 2 où les humains exterminent des cétacés doués d’intelligence et d’humanité pour récupérer une simple petite fiole d’un liquide qui prolonge la vie, dans un abominable parallèle avec la chasse à la baleine qui vit les humains exterminer pratiquement tous les cétacés terrestres pour récupérer de l’huile de baleine, utile pour éclairer nos villes et nos maisons occidentales. Et comme sur Terre, les humains d’Avatar laissent pourrir et couler les carcasses de cétacés assassinés comme les baleiniers le faisaient également au dix-neuvième siècle avec les cadavres dépecés des baleines et des cachalots. Au fond, les films Avatar 1 et 2 n’apparaissent même pas comme exagérés. C’est une image fidèle de toutes les atrocités commises par l’Humanité jusqu’à aujourd’hui, envers les autres peuplades qu’ils ont rencontrées et les écosystèmes qu’ils ont ravagés. Sur la Terre …

Dans ces conditions, comment peut-on imaginer que des peuples extraterrestres puissent être meilleurs ou différents que l’humanité ? Le concept de forêt sombre de Liu Cixin résout ainsi parfaitement le paradoxe de Fermi. Il n’y a rien à voir dans l’univers parce qu’il faut s’y cacher.

 
 
Saucratès

 

 

Nota : À côté du paradoxe de Fermi (du nom de son inventeur,  le physicien italien Enrico Fermi), on peut aussi parler de l’échelle de Kardachev (du nom de son inventeur, l’astrophysicien soviétique Nikolaï Semionovitch Kardachev) qui propose de classer les civilisations extraterrestres éventuelles en fonction de leur consommation énergétique : type I - toute l'énergie d'une planète - type II - toute l’énergie d'une étoile - et type III - l’énergie d'une galaxie.

 
L’équation de Drake (du nom de son inventeur, l’astronome américain Frank Drake), est une autre réponse et une modélisation du paradoxe de Fermi, dont les calculs aboutissent à un nombre de 3.500 civilisations extra-terrestres potentielles dans la galaxie.

 

L'équation de Drake est la suivante (source Wikipédia) : 


• N est le nombre de civilisations extraterrestres dans notre galaxie avec lesquelles nous pourrions entrer en contact,

• R* est le nombre d'étoiles en formation par an dans notre galaxie,

• fp est la fraction de ces étoiles possédant des planètes,

• ne est le nombre moyen de planètes par étoile potentiellement propices à la vie,
• fl est la fraction de ces planètes sur lesquelles la vie apparaît effectivement,

• fi est la fraction de ces planètes sur lesquelles apparaît une vie intelligente,

• fc est la fraction de ces planètes capables et désireuses de communiquer,

• L est la durée de vie moyenne d’une civilisation, en années.



26/05/2024
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