Critiques de notre temps

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Réforme du Baccalauréat : quels objectifs véritables ?

Réforme du Baccalauréat : quels objectifs véritables ?

 

Par Saucratès 

 

Saint-Denis de la Réunion, lundi 11 juillet 2022


À l’heure des résultats du Baccalauréat 2022, il est une question qui se pose : quels pouvaient être les objectifs véritables de la réforme du baccalauréat et du processus de sélection pour l’enseignement supérieur via Parcours.Sup, voulue par le président Emmanuel Macron et le ministre Jean-Michel Blanquer, à leur arrivée au pouvoir ?

 

Ces résultats sont particulièrement ‘excellents’ : 91,1% d’admis en 2022, après des taux de 93,9% en 2021 et de 95,7% en 2020. En 2019, dernière année du Baccalauréat normal, le taux de réussite était de 88,1%. Et si on s’intéresse aux taux de réussite pour chacune des trois voies principales, le taux de réussite monte à 96,1% d’admis en voie générale, contre 90,6% en voie technologique et 82,3% en voie professionnelle. 

https://www.lemonde.fr/bac-lycee/article/2022/07/09/avec-91-1-d-admis-les-resultats-du-bac-2022-sont-en-recul_6134126_4401499.html

 

Une toute petite proportion de 3,9% des élèves ratent donc le Baccalauréat en série générale, voire moins sachant qu’une petite partie des lycéens des écoles hors contrat doivent continuer à passer les épreuves normales du Bac, sans prise en compte des notes du contrôle continu. Il semble même désormais plus simple de réussir son Baccalauréat en voie générale qu’en voie professionnelle, ce qui est contraire à toute logique, sauf à penser comme nos élites et comme nos gouvernants que le niveau d’éducation et de connaissance de nos chères ‘têtes blondes’ progressent depuis la dernière réforme des enseignements au lycée !

Comment ne pas comprendre l’incompréhension des élèves refoulés et de leurs parents lorsqu’ils contestent l’échec de leurs enfants ; «vous donnez le baccalauréat à tous les enfants. Pourquoi pas à mon enfant ?» Et ils ont raison : l’échec au Baccalaureat devient désormais une injustice puisque pratiquement tout le monde l’obtient, à l’exception de quelques élèves qui servent de victimes expiatoires.

 

Le Monde indiquait ainsi les raisons suivantes pour cette réforme du Baccalauréat : «Cette politique (…) a rendu obsolète le baccalauréat d’antan, injuste, coûteux et inadapté à sa fonction de porte d’entrée dans l’enseignement supérieur, car trop décalé par rapport aux exigences des différentes filières universitaires. Les principales innovations du « nouveau bac » introduit depuis 2020 – enseignement de spécialités, contrôle continu, grand oral, etc. – doivent permettre de mieux articuler le lycée et l’université et de réduire les échecs en premier cycle.»

 

https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/07/11/le-bac-est-mort-vive-le-bac_6134312_3232.html

 
Evidemment, tout ceci est un énorme mensonge, un enfumage à grande échelle. Les universités et les écoles découvrent des gosses auxquels ils doivent réapprendre les connaissances de base en mathématiques, en physique ou en chimie, puisque par le biais des enseignements en spécialités en classes de première et de terminale, ils ont forcément dû abandonner certaines de ces matières. S’il existait une possibilité de mesurer le niveau moyen des élèves obtenant le Baccalauréat et accédant à l’enseignement supérieur, on observerait une diminution continue de ce niveau depuis les années 1980. Un précieux sésame que presque tout le monde obtient (96,1% des candidats) est-il encore un sésame ? Le brevet des collèges est-il encore un sésame ? Le sésame de ceux qui n’ont rien décroché d’autre ?

 

Cette réforme pose un problème. L’absence de toute possibilité de comparer le niveau des élèves obtenant le Bac entre classes d’un même lycée et entre les lycées. On voudrait nous faire croire que tous les lycées se valent, qu’il n’y a pas de différence de niveaux entre les lycéens d’Henri IV, de Louis Le Grand, de Ginette, et celui de quelconques lycées publics de Paris et de sa proche banlieue, ou de la Cambrousse ? Aujourd’hui, grâce à cette réforme du Baccalauréat de Blanquer, on ne peut plus réellement différencier ces lycées élitistes privés du reste des lycées. Ils affichent tous les mêmes taux de réussite au Baccalauréat, tournant entre de 96% et 100%, une proportion de mentions relativement proches, puisque les mentions dépendent des moyennes générales et qu’il n’existe pas d’échelle absolue des notes. Et d’ici quelques années, il ne sera plus possible de démontrer que les lycéens de Louis Le Grand ou d’Henri IV seront meilleurs que ceux d’une quelconque lycée de ZEP où la majorité des eleves ne parlent même pas français couramment. Et pourtant leurs résultats seront les mêmes. Et il faudra en prendre la même proportion dans les grandes écoles, à Sciences Po, ou en écoles d’ingénieurs.

 

Dans la classe de mon enfant, en collège privé, l’un des derniers élèves de sa classe de troisième avait choisi de rejoindre un lycée public pour la seconde. Il a terminé sa seconde parmi les premiers élèves de sa classe. Pour la classe de première, il a choisi de rejoindre le lycée privé de mon fils, et il s’est immédiatement retrouvé dans les derniers de sa classe en première et en terminale. De la même manière, un jeune lycéen mahorais, le meilleur de son lycée à Mayotte, a également rejoint ce même lycée privé réunionnais, et il a aussi terminé à la dernière place de sa classe en terminale. Mais ces enfants ont-ils les mêmes chances d’accéder au Supérieur en étant dernier dans un lycée élitiste privé, ou bien premier dans un lycée public lambda ? Évidemment que non ! Même s’ils ont malgré tout leur Bac. Au mieux ils iront à l’Université en étant derniers, alors qu’ils auraient pu rejoindre des classes préparatoires en terminant dans les premiers dans un lycée plus faible.

Dans tous les lycées, dans toutes les classes, les enseignants notent à peu près tous les élèves sur une échelle de notation allant de 8 à 20, que les l’élèves soient tous excellents, ou tous nuls. Attribuer le Baccalauréat majoritairement au Contrôle continu est ainsi une hérésie et une imposture intellectuelle.

 

Au mieux, ce système ne vise plus à être juste, ne vise plus à sanctionner de manière juste une scolarité, comme le Baccalauréat que nous avons connu, dans les années 1980-1990, mais juste à traiter égalitairement tous les lycéens qu’ils viennent de lycées élitistes ou non ! 

 

C’est au fond le grand débat entre justice et équité ! Et cette réalité démontre l’abomination de cette opposition. L’équité est une horreur lorsqu’elle ne vise pas à réparer des injustices, mais repose sur des injustices et sur une idéologie politique.

 

Au pire, cette réforme visait à faire disparaître l’enseignement privé de qualité, ces boîtes à bac que la méritocratie républicaine qui nous gouverne veut voir disparaître. Macron, Blanquer et son successeur risque de réussir là où Mitterrand et les socialistes avaient échoué à faire disparaître l’enseignement privé. Après cela, ce sera au tour des classes préparatoires de disparaitre, après l’ENA que Macron a déjà fait disparaître (bien qu’il en sorte). Et puis ce sera au tour des grandes écoles et de la première d’entre elle, celle qui a osé ne pas accepter Emmanuel Macron, à savoir les Ecoles Normales Supérieures comme Ulm et Cachan. 

Il reste évidemment un dernier point à évoquer : les supposés accusations de bienveillance de certains professeurs et de certains correcteurs, ou les harmonisations massives de notes par le ministère. 

Mme Catherine Nave-Bekhti, du SGEN-CFDT, citée par l’article du Monde, indique ainsi au sujet «de la fameuse bienveillance de mise en temps de Covid-19» qu’il «y a quand même une probité des correcteurs, qui est indispensable et qui existe, rappelle Catherine Nave-Bekhti. Les collègues peuvent tenir compte du contexte en sanctionnant moins sévèrement les imprécisions. Mais ils ne vont jamais jusqu’à dire que c’est réussi alors que c’est raté.» 

 

Lorsque les résultats d’un lycée dépendent du taux de mention et du taux de réussite au Baccalauréat, et que celui-là dépend des notes attribuées par ces mêmes professeurs, on comprend que cette bienveillance existe évidemment. Et qu’un professeur ne peut même pas avoir la moindre petite idée du niveau des élèves dans une autre classe ou dans un autre lycée. Imaginons un enseignant venant d’Henri IV et rejoignant un lycée de la banlieue parisienne qui continuerait à avoir les mêmes exigences, et qui noterait toutes ses copies entre 0 et 4 ? Pensez-vous que le système le laisserait faire, qu’il ne serait pas sanctionné, éliminé ?

 

Il ne peut pas exister de probité en la matière ! Seules des épreuves nationales communes le permettent, et un système d’harmonisation des corrections comme cela existait pour le Baccalauréat d’autan. Car deux correcteurs, aussi probes soient-ils, ne pourront jamais apprécier de la même manière une copie. Un même correcteur pourra lui-même apprécier différemment une copie en fonction de la copie qui l’aura précédée ou qui l’aura suivie. Les correcteurs ne sont pas des machines. Et je ne parle même pas des enseignants du public qui voue une haine farouche pour le privé et vice-versa. Si par malheur l’un d’eux peut se rendre compte que la copie qu’il corrige vient de l’un ou l’autre, il pourra saquer une telle copie simplement par idéologie. 

 

Vous avez dit «probité» ? Il y a quelques années, j’intervenais dans un club de sport, et les salariés de ce club devaient intervenir dans les écoles primaires pour faire des ateliers de découverte de leur sport. La présidente de ce club, enseignante en primaire dans le public, fonctionnaire par conséquent, a refusé que ses salariés interviennent également dans la seule école primaire privée de la commune. Jamais de son vivant s'était-elle exclamée ! On trouve partout de ses idéologues bornés parmi les enseignants du public, haïssant l’enseignement privé même si parfois ils y mettaient leurs enfants pour leur offrir les meilleurs chances de réussite. Mais cela c’était avant cette réforme !

 

 

Saucratès 



11/07/2022
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