CIVITAS, coupable ou victime expiatoire
CIVITAS, coupable ou victime expiatoire ?
Par Saucratès
Saint-Denis de La Réunion, jour de l’Assomption (mardi 15 août 2023)
Les ministres de l’intérieur en France (j’allais dire un peu virulents, mais ils sont dans la réalité tous virulents, de Nicolas Sarkozy à Charles Pasqua, en passant par Manuel Valls ou maintenant l’actuel ministre macroniste de l’intérieur, Gérald Darmanin), mais aussi les premiers ministres, qui aiment s’afficher sur les sujets régaliens, adorent cibler des ennemis de l’intérieur en les accusant péremptoirement d’être des antisémites. Et il s’agit là d’une accusation sans appel possible, qui, une fois lancée, se suffit à elle-même, possède sa propre légitimité et présente l’avantage, ou l’inconvénient, d’interdire toute contestation. Toute personne qui voudrait défendre ou contester l’abominable antisémite serait immédiatement taxée d’être également un antisémite. CQFD. Ou bien le serpent se mord la queue.
Rappelons-nous bien, sous les socialistes, Manuel Valls, alors premier ministre, en quête d’un dérivatif, avait ciblé l’humoriste Dieudonné en l’accusant d’être un antisémite et en faisant interdire ses spectacles partout en France. On peut se moquer de tout en France, sauf des musulmans, d’Allah, de Mohamet, et surtout pas d’Israel, des juifs, sans oublier désormais de l’Ukraine, des ukrainiens et des ukrainiennes et de son leader charismatique et si beau et si intelligent et si grand. Par contre, se moquer de Dieu, du pape, des chrétiens, c’est permis, toléré, encouragé, célébré, applaudi, signe d’une ouverture et d’une indépendance d’esprit, signe d’une occupation salutaire.
Donc aujourd’hui, notre ministre macroniste de l’intérieur, Gérald Darmanin, futur présidentiable, décide d’en découdre avec l’association ultra-catholique CIVITAS en demandant sa dissolution, en dénonçant des «propos ignominieux tenus lors de l’université d’été de juillet du groupuscule». Il s’était précédemment attaqué à l’association ‘Soulèvement de la Terre’ et la NUPES est bizarrement absolument contre. Mais là, CIVITAS, tout le monde est d’accord.
De quels propos ignominieux et antisémites est-il ici question ? Il s’agit d’une intervention de Pierre Hillard, tenus lors du rassemblement de l'UDT Civitas à Pontmain, dans le département de la Mayenne, dénoncée par la LICRA et relayée par les députés de la NUPES. Pierre Hillard y développe l’idée que les politiques d’intégration des étrangers de religion musulmane trouvent leur origine dans la loi d’émancipation des juifs du 27 septembre 1791 votée par l’Assemblée nationale révolutionnaire et promulguée par le Roi de France Louis XVI.
«Louis, par la grâce de Dieu et par la loi constitutionnelle de l'État, roi des Français, à tous présents et à venir, salut. L'Assemblée nationale a décrété et nous voulons et ordonnons ce qui suit: Décret de l'Assemblée nationale du 27 septembre 1791:
L'Assemblée nationale considérant que les conditions nécessaires pour être citoyen français et pour devenir citoyen actif sont fixées par la Constitution, et que tout homme qui, réunissant lesdites conditions, prête le serment civique et s'engage à remplir tous les devoirs que la Constitution impose, a droit à tous les avantages qu'elle assure ; révoque tous ajournements, réserves et exceptions insérés dans les précédents décrets relativement aux individus juifs qui prêteront le serment civique, qui sera regardé comme une renonciation à tous privilèges introduits précédemment en leur faveur. »
Conclusion de la LICRA : «Nous interpellons @GDarmanin et @NunezLaurent et demandons une condamnation ferme ainsi que la dissolution de Civitas ! @_LICRA»
Soyons clair, cette idée et ce rapprochement sont stupides. Les débats à l’Assemblée nationale dans les deux années précédant 1791 rappellent la violence de l’antisémitisme de nombre de parlementaires de l’époque, mais également que déjà des musulmans peuvent être ou devenir citoyens français, selon WIKIPEDIA, mais pas les juifs. Et cette même page WIKIPEDIA rappelle la condition abominable faite aux juifs dans toute l’Europe, excluant de la citoyenneté, interdit de certains métiers, cantonnés à habiter dans des ghettos, et interdit d’ester en justice ou contraint à des procédures abominables, comme le serment more judaico.
Alors évidemment, voire dans cette loi du 27 septembre 1791 l’origine des politiques assimilationnistes ultérieures est stupide ! Penser que la remise en cause des politiques assimilationnistes pourrait nécessiter de remonter jusqu’à cette loi révolutionnaire (et royale), et la remettre aussi en cause, est également particulièrement stupide et inutilement vexatoire. Mais s’agit-il pour autant de propos ignominieux et antisémites ? Et doit-on dissoudre CIVITAS parce qu’un idiot y a prononcé un discours stupide ? Non. Pas selon moi. Faut-il dissoudre WIKIPEDIA parce qu’un article y explique les débats survenus dans l’Assemblée nationale de l’époque sur la question de la citoyenneté des juifs ? Non. Faut-il dissoudre le ministère de l’intérieur parce qu’un article y parle de cette même loi du 27 septembre 1791 ? Non plus. Faut-il dissoudre la LICRA parce qu’elle appelle à dissoudre un mouvement catholique et que c’est ignominieux d’attaquer un mouvement catholique, fut-il intégriste ? Non.
Tout le monde y va donc de sa petite musique. La LICRA, la NUPES et Darmanin veulent la dissolution de CIVITAS. Pierre Salmona nous explique quant à lui que «contrairement à ce qu’affirme Hillard, les juifs n’ont pas été naturalisés en 1791 mais émancipés». Bon, c’est un peu jouer sur les mots dans le cas présent, même si la formule est historique. Parce que la question derrière cette querelle d’historiens est bien de savoir, à cette époque, et pendant deux ans, si «les juifs vivant en France peuvent prétendre ou non à la citoyenneté française», droit qui leur était refusé à cette époque. «À cette époque, seule une communauté sépharade, qu'on appelle les Juifs portugais ou espagnols, résidant dans le sud-ouest et à Avignon, disposent depuis seulement 1787 de l’égalité civile.»
On se trouve ainsi devant une querelle de termes utilisés, d’historiens sur une matière qui est l’histoire, sur des sujets extrêmement sensibles. Soyons clair, l’Europe a appliqué des politiques abominables à l’encontre des citoyens européens de relevions juive. La France a même été le premier état européen à casser le statut discriminatoire des juifs par cette loi de 1791. Et si émettre une opinion historique sur l’histoire des juifs peut être traité comme de l’antisémitisme, c’est extrêmement dangereux parce qu’on pourrait aussi considérer que l’article de Pierre Salmona énonce également des positions antisémites en rappelant simplement l’histoire de cette loi … ou moi-même.
Faut-il rappeler ce que signifiait le serment More Judaico (qui signifie en latin «d’après la coutume juive» ? Faut-il rappeler que dans l’empire byzantin, au dixième siecle, le juif doit prêter serment en justice avec une couronne d’épine sur les reins ? Qu’à Arles, en 1150, une guirlande d'épines est enfilée autour du cou du jureur juif, tandis que d'autres branches d'épines entourent ses genoux ? Qu’à Souabe, au treizième siècle, le Juif doit prêter serment en se tenant debout sur une peau de truie ou d’agneau ensanglantée ? Qu’en Silésie, en 1422, le Juif doit se tenir debout sur un tabouret à trois pieds et payer une amende à chaque fois qu'il tombe. S'il tombe quatre fois, il perd son procès ? Et ainsi de suite …
Faut-il rappeler que le serment More Judaico restera en vigueur en Prusse jusqu’au 15 mars 1869, que les Pays-Bas ne modifieront le serment qu’en 1818 et que la Roumanie ne supprimera ce serment qu’en 1902 ? L’antisémitisme, à savoir la haine des juifs, est une histoire ancestrale en Europe et elle reste tellement proche de nous. Même en France, même après 1791, la question de l’égalité civile et juridique des juifs n’a pas été immédiatement tranchée.
Mais le simple fait de rappeler l’histoire, même de manière stupide, même avec des raccourcis stupides et honteux, et des conclusions fausses, ne doit pas relever de l’accusation d’antisémitisme, parce que sinon, c’est tout rappel de l’histoire qui pourrait conduire à des accusations d’antisémitisme ainsi qu’à la dissolution de tous ceux qui font œuvre d’historiens.
L’acharnement de l’histoire européenne vis-à-vis des citoyens de religion juive à travers l’histoire est intolérable et abominable. Mais il faut pouvoir parler de cette histoire, de cette horreur, qui nous a conduit jusqu’à l’holocauste, sans jugement hâtif d’hommes politiques intéressés uniquement par leur carrière politique.
Saucratès
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