Critiques de notre temps

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Quels enseignements peut-on tirer de la condamnation de France Telecom

Saint-Denis de La Réunion, dimanche 22 décembre 2019

 

Sept anciens dirigeants de France Telecom ont donc été condamnés par la trente-et-unième chambre correctionnelle du tribunal de Paris, ce 20 décembre 2019. De nombreux salariés du groupe France Telecom se sont suicidés ou ont tenté de se suicider entre 2005 et 2010 du fait de leurs agissements. Il ne faut pas oublier le nom de leurs bourreaux ! Nous le leur devons.

 

Ils s'appellent Didier Lombard (ex-Pdg), Louis-Pierre Wenès (ex-DG adjoint), Olivier Barberot (ex-DRH), Nathalie Boulanger-Depommier (ex-directrice des actions territoriales), Jacques Moulin (ex-directeur territorial de l'est de la France), Guy-Patrick Cherouvrier (ex-DRH France), et Brigitte Bravin-Dumont (ex-responsable du programme ACT). Il ne faut pas oublier leurs noms. Même poursuivies, ces personnes ont continué à être protégés par leurs réseaux, par l'establishment. En récompense de leurs bons et loyaux services, des plans sociaux qu'ils ont aidé à mettre en œuvre, nonobstant le nombre de morts qu'ils ont pu causer, ils ont été nommés par la suite à des postes de Direction générale d'autres filiales de France Telecom, devenue Orange, ou dans d'autres entreprises ! Des gens aussi brillants, aussi insensibles aux morts qu'ils peuvent causer, doivent être rares et précieux ! Certains ou certaines ont été décorées de la Légion d'honneur et ils peuvent arborer au revers de leur veste le précieux signe. Mme Brigitte Bravin-Dumont sera-t-elle au moins déchue de cette décoration, de cette légion d'honneur gagnée par le sang de salariés ?

 

Un courrier du syndicat CFE-CGE d'Orange

(...) «La CFE-CGC déplore que Madame Brigitte DUMONT soit toujours Directrice de la Responsabilité Sociale d’Entreprise d’Orange, Présidente du syndicat patronal de la branche des Télécoms (Unetel – RST) et Vice-Présidente d’Opcalia (un des plus gros organismes collecteur pour la formation professionnelle). Il en est de même pour Monsieur Jacques MOULIN à la tête de l’IDATE, think tank sur les télécommunications dont Orange est l’un des principaux soutiens financiers. Leur maintien à ces postes jette le discrédit sur les activités qu’ils supervisent. Les autres prévenus sont en retraite. Didier LOMBARD est resté membre du Conseil de Surveillance de la société Radiall jusqu’en 2017, société familiale dirigée par Pierre GATTAZ, actuel Président du Medef. La responsabilité morale des sept prévenus dans la crise sociale et ses conséquences les plus tragiques, les suicides de nos collègues, est avérée. Il appartient désormais à la justice de se prononcer sur leur responsabilité pénale.»

http://morvillepierre.over-blog.com/2018/06/harcelement-a-orange-accuse-didier-lombard-pourquoi-lui-seulement.html

 

Qui sont ces gens ? Des énarques ? Des polytechniciens ? Vraisemblablement. On n'atteint pas ce genre de postes dans les grandes entreprises françaises si on ne sort pas d'un de ces corps. Je sais ce que je ferais si je devais avoir en face de moi, dans mon entreprise, ces personnes-là. Ces personnes ont été condamnées par la justice pour harcèlement moral institutionnel systématique, pour les trois premiers, ou pour complicité de harcelement moral, pour les quatre autres. Et le pire, c'est que la plupart d'entre eux et d'entre elles ont continué à sévir au sein même du groupe Orange, parfois même au sein de la DRH du groupe Orange ! Cela me semble invraisemblable, inconcevable ! Leurs victimes ne doivent plus rien y comprendre !

 

 

En matière de management et de comportement managérial, que faut-il retenir de cette catastrophe humaine ? Le management intermédiaire de France Telecom à l'époque n'a pas été poursuivi dans ce procès, tous les managers humains mais aussi tous les petits chefs arrivistes qui ont dû relayer et appliquer les ordres inhumains édictés en haut de la hiérarchie. Car j'imagine bien qu'il y a dû y avoir de tout comme type de managers à cette époque. Ceux qui ont dû vouloir se mettre en avant, plus royalistes que le roi. Qui doivent aussi avoir le sang de certains de leurs subordonnés sur les mains. Et d'autres qui ont dû vouloir rester le plus humain possible. Mais comment rester humain lorsque la société dans laquelle on évolue est devenue folle, inhumaine, qu'elle tue ses propres salariés ? 

 

Parce que la situation de France Telecom n'est pas unique. Pratiquement toutes les entreprises et toutes les administrations publiques françaises sont désormais confrontées aux mêmes impératifs que France Telecom en 2005-2010. Il faut réduire le nombre de salariés, il faut réformer le fonctionnement des entreprises, il faut evoluer et changer ou à défaut l'entreprise ou l'administration disparaitre. Il faut s'adapter ! Et gare aux réfractaires ! Evidemment, on ne les isolera plus dans un bureau vide, sans rien à faire et sans devoir bouger d'un pouce. Les méthodes seront désormais plus subtiles, plus sournoises. Mais le résultat sera le même. La même violence institutionnelle pour forcer les salariés à changer, à s'adapter, à partir.

 

Il reste un enjeu nous traité. En tant que manager, comment peut-on réagir à ce genre d'événements, à ce genre de plans stratégiques. Le fait d'anticiper et d'être pro-actif ne fait-il pas de nous un supplétif de ceux qui nous menacent, qui nous détruisent, qui nous tuent ? Ou au contraire, cela peut-il permettre de protéger ceux que nous dirigeons ? Mais à quel coût ? Quel pourcentage de nos subordonnés peut-on sacrifier pour en préserver le plus grand nombre ? À France Telecom, sur 120.000 salariés, ils cherchaient à obtenir 22.000 départs et 10.000 mobilités. Soit un ratio de 1 sur 4. Et Didier Lombard et la majeure partie des autres condamnés et condamnées croient encore qu'ils ont sauvé l'entreprise, que leur condamnation est injuste, politique !

 

 

Saucratès



22/12/2019
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