Critiques de notre temps

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Violence et guerre en Australie

Les observations réalisées en Australie ou ailleurs sont-elles généralisables à l’époque paléolithique ?

Par Saucratès 

Saint-Denis de La Réunion, samedi 17 août 2024

 

Je vais revenir sur un sujet qui me passionne, moi comme de nombreux autres auteurs, archéologues ou anthropologues: la place de la violence et de la guerre dans les sociétés archaïques ou paléolithiques. 
 

J’ai déjà plusieurs fois traité de ce sujet dans mes écrits antérieurs.  Vous en trouverez un échantillon à la fin de cet article. Mais je m’intéresserais ci-dessous à un concept que j’ai peu évoqué jusqu’à présent, à savoir la guerre dans ces sociétés archaïques. J’ai souvent évoqué la violence interne aux sociétés, mais plus rarement le concept de guerre.

 
Le concept de guerre dans le cadre des sociétés archaïques est un sujet extrêmement polémique ; un grand nombre de chercheurs, penseurs, archéologues et théoriciens rejettent la violence et la guerre dans les sociétés archaïques du paléolithique. Pour la grande majorité des théoriciens, ils estiment que les guerres ont été inventées par nos sociétés modernes, que les sociétés humaines du paléolithique et les sociétés primitives étaient des sociétés pacifiques et qu’au pire elles pouvaient tuer certains de leurs membres ou des étrangers dans des buts rituels. Ils se situent notamment dans la lignée de la vision idyllique de Rousseau et son mythe du bon sauvage.

 

«Tant que les hommes ne s’appliquèrent qu’à des ouvrages qu’un seul pouvait faire, et qu’à des arts qui n’avaient pas besoin du concours de plusieurs mains, ils vécurent libres, sains, bons et heureux autant qu’ils pouvaient l’être par leur nature, et continuèrent à jouir entre eux des douceurs d’un commerce indépendant ; mais dès l’instant qu’un homme eut besoin du secours d’un autre ; dès qu’on s’aperçut qu’il était utile à un seul d’avoir des provisions pour deux, l’égalité disparut, la propriété s’introduisît, le travail devint nécessaire et les vastes forêts se changèrent en des campagnes riantes qu’il fallut arroser de la sueur des hommes, et dans lesquelles on vit bientôt l’esclavage et la misère germer et croître avec les moissons.»

 

Jean-Jacques Rousseau, «Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes»

 

Ma vision des sociétés archaïques du paléolithique est extrêmement pessimiste, se fondant sur les écrits des uns et des autres sur les sociétés aborigènes observées sur différents continents, que ce soit de Clastres ou de Testard. On tue pour des droits sur des femmes, pour venger des morts, pour venger des offenses fussent-elles imaginaires, pour prélever de la graisse surrénale très valorisée, et on mange les cadavres, de la famille, des ennemis. Chouettes sociétés. Nul besoin de richesses pour s’entretuer. Thèse de Testart : toutes les sociétés du paléolithique ressemblaient à la société aborigène. Et la toute première des richesses, ce sont les femmes. Le féminisme en prend un coup. Et les thèses matriarcales originelles. Sauf à supposer que la société australienne ne serait qu’une orientation des sociétés parmi d’autres, une déviation de l’histoire ! À supposer qu’il ait existé des sociétés matriarcales organisées pour y remettre en cause la valeur de la femme en tant que possession.

 

J’ai lu récemment deux livres défendant des positions opposées sur ce point. D’un côté, le livre de Christophe Darmangeat intitulé «Justice et guerre en Australie aborigène», datant de 2021, où il s’appuie sur toute la littérature coloniale disponible pour décrire les différentes formes de conflits, de violences et de guerres dans les nombreuses sociétés aborigènes australiennes rencontrées au début de la colonisation de l’Australie par les colons anglais. De l’autre, le livre de Marylène Patou-Mathis, intitulé «Préhistoire de la violence et de la guerre», datant de 2013, où l’auteur défend l’opinion inverse d’une absence presque complète de violence guerrière avant la néolithisation.

 

L’un des principaux arguments utilisés par Marylène Patou-Mathis repose sur l’absence presque totale, à de rares exceptions, de traces archéologiques de violence et de blessures ayant causé la mort sur les squelettes du paléolithique:

 

«Que pouvons-nous conclure à partir de ces données ? Il ressort que si une forme de violence existait déjà au travers des rites cannibales, aucune preuve archéologique n’atteste de la pratique de la guerre au paléolithique. Alors pourquoi et comment les peuples ‘pacifiques’ du paléolithique se sont-ils mués en sociétés guerrières ?»

 

Marylène Patou-Mathis, «Préhistoire de la violence et de la guerre», page 44

 
Cet argument a souvent été dénoncé et combattu par Alain Testard tout comme par Christophe Darmangeat, qui argumente sur le traitement potentiel probable différent 
des morts à la guerre par rapport aux morts de cause naturelle faisant l’objet de rites d’enterrement, sur la difficulté de conservation de squelettes selon les terrains, qui expliquerait le faible nombre de témoins archéologiques retrouvés. Il faut des sols et des conditions d’enterrement très particuliers pour que les traces archéologiques nous parviennent. Et les traces archéologiques du néolithique sont beaucoup plus proches de nous que celles du paléolithique, et la densité démographique ne devait pas être comparable. Et enfin, les processus de glaciation et de déglaciation survenus avant le néolithique ont encore dû faire disparaître de potentiels traces archéologiques de telles violences.

 

On ne retrouve par ailleurs en Australie aucune trace archéologique des violences commises avant le dix-neuvième siècle alors qu’elles sont pourtant patentes et documentées. C’est un peu comme si on remettait en cause les guerres d’Azincourt, de Waterloo, d’Austerlitz ou de Verdun ou de la campagne napoléonienne de Russie sous prétexte que l’on ne retrouverait pas archéologiquement les squelettes des combattants décédés lors de ces guerres et de ces combats. L’absence de traces archéologiques de violences guerrières au paléolithique peut simplement signifier que les conditions d’inhumation de ces décès n’ont pas permis leur conservation archéologique jusqu’à nous. En déduire comme ils le font (Patou-Mathis et les archéologues pacifistes) que les hommes du paléolithique étaient pacifiques n’a aucun validité.

 

En Australie, en Amazonie, en Nouvelle-Guinée, en Afrique ou chez les Inuits, on tue et on assassine pour prendre des femmes, pour venger des crimes réels ou imaginaires, pour venger des morts, pour des rites d’initiation, pour prouver qu’on est un homme ou juste parce qu’on est ennemi. Au début du vingtième siècle, Shapera Isaac décrit ainsi de la manière suivante les San !Kung, archétype d’un peuple supposément totalement parfaitement pacifiste :

 

«Les relations entre bandes voisines ne sont pas toujours amicales. Les homicides, les intrusions, le vol, l’adultère et le vol de femmes suscitaient des querelles et des conflits qui prenaient généralement la forme d’un feud (expédition vengeresse) et qui pouvaient même parfois conduire à des guerres.»

 

Christophe Darmangeat, «Justice et guerre en Australie aborigène», page 242

 

Mais ce que ces peuples nous apprennent, c’est surtout les manières dont ils ont également réussi à ritualiser ces conflits pour en réduire la létalité. En Australie, il existe ainsi des batailles régulées, qui s’arrêtent au premier sang versé, impliquant des nombres précis de guerriers et qui servent à vider des querelles. Dans le cadre de raids de représailles, lorsque des guerriers sont repérés autour des camps, le groupe envoyait des femmes aux guerriers adverses afin d’éteindre le conflit. S’ils rejetaient les faveurs sexuelles, on était assuré de leurs intentions bellicistes.

 

«Inclure des femmes dans une délégation chargée de présenter des griefs constituait donc le pendant de la pratique déjà évoquée consistant, à l’approche d’une troupe menaçante, à lui proposer des rapports sexuels avec les femmes du campement afin d’éteindre le conflit. Cette coutume est attestée chez les Jaitmathang, ainsi que chez les Dieri et les Arabana, sur lesquels on dispose de détails significatifs. Ainsi, pour aller discuter avec les tribus voisines, on s’efforçait de choisir des femmes qui en étaient originaires. Elles étaient accompagnées de leurs maris, qui se chargeaient de présenter les demandes à la tribu visitée. Ils laissaient alors les femmes seules à quelque distance du camp.

 

Si les membres du groupe hôte décident de se conformer à leur demande, tous les hommes de ce groupe, quelle que soit leur classe matrimoniale, ont accès aux femmes ; mais si l’on décide de ne pas y donner suite, on ne rend pas visite aux femmes. Accepter ces faveurs sans satisfaire les demandes de ceux qui les offrent constituerait une grossière violation de la coutume tribale.»

 

Christophe Darmangeat, «Justice et guerre en Australie aborigène», page 228

 

La société aborigène australienne est-elle pour autant une abominable société patriarcale, une évolution supposément ratée à mille lieux des sociétés paléolithiques que les pacifistes imaginent matriarcales.  Probablement non. Chaque homme et chaque femme des sociétés aborigènes australiennes est enserré dans un ensemble d’obligations auxquelles il ne peut échapper. Obligations matrimoniales à vie des hommes vis-à-vis de leur belle-mère et de leur beau-père, obligations d’accepter la justice aborigène qui peut à tout moment les déclarer responsable d’une mort ou d’une vengeance, obligations de se marier avec des personnes appartenant à une catégorie particulière, choisies par les générations précédentes, obligation de se marier avec l’homme choisi par leurs parents ou grands parents … et donc obligations sexuelles pour les femmes pour apaiser les conflits, conséquence de l’obligation de se soumettre aux décisions du groupe, aux décisions prises par les anciens du groupe.
 
Au sein des autres formes de ritualisation des conflits mises en œuvre par les sociétés archaïques, on peut retenir les simulacres d’enlèvements et de razias que représentent certaines fêtes de mariages chez des peuples comme les touareg, ou bien les marchandages dont Claude Levi-Strauss se faisait l’écho et qui l’ont conduit à considérer que les guerres n’étaient que des négociations autour d’échanges de femmes qui avaient mal tourné, qui avaient échoué. De la même manière, on retrouve sous la plume de Pierre Clastres la description de coutumes des indiens Yanomami permettant à des jeunes gens de prendre femme dans des tribus avec lesquels ils sont ennemis acharnés.

 

«Le lendemain à l’aube, départ pour une visite aux Patanawateri… Pourquoi cette expédition ? La mère d’un jeune coéquipier habituel de Lizot (Hebewe) est originaire de ce groupe, bien que mariée dans un autre. Depuis plusieurs semaines, elle se trouve en visite chez sa parenté. Son fils veut aller la voir. (En fait, ce désir filial se double d’un désir tout différent. On y reviendra). La chose se complique un peu de ce que le groupe du fils (ou du père) et le groupe natal de la mère sont ennemis acharnés. Or le jeune homme, en âge de faire un bon guerrier, risque tout simplement de se faire flécher s’il se présente là-bas. Mais le leader Patanawateri, oncle maternel du garçon, a fait en quelque sorte savoir aux guerriers : malheur à celui qui touchera au fils de ma sœur ! Bref, on peut y aller.»

 

Pierre Clastres - Le dernier cercle - Recherches d’anthropologie politique - Page 9

 

Même les raids sont ritualisés d’une manière ressemblante, ce qui nous conduit à noter des similarités troublantes entre des descriptions des Yanomami et celles d’aborigènes australiens, malgré l’éloignement géographique et temporel entre ces peuples qui se sont séparés il y a au moins 50.000 ans.

 

«Ils (les hommes de la tribu Patanawateri) sont tous partis à la guerre contre un groupe ennemi, les Hasubueteri. Une guerre yanomami, c’est un raid surprise, on attaque à l’aube, quand les gens sont encore endormis, on largue toutes les flèches par dessus le toit. Les blessés, les rares tués, le sont le plus souvent par hasard, au gré de la chute des flèches. Les attaquants s’enfuient alors à toute allure, car les autres passent sans tarder à la contre-attaque.

 

… Le jour de notre arrivée, Hebewe a parlé longuement avec sa mère. Il l’interrogeait sur sa parenté, voulant savoir qui étaient ses cousins. Mais le bougre se soucie peu d’enrichir son savoir généalogique, ce qu’il tient à connaître, c’est avec qui il n’est pas parent, c’est-à-dire qu’elles sont les filles avec qui il peut coucher. En effet, dans son propre groupe - les Karohiteri - il est parent avec presque tout le monde, toutes les femmes lui sont interdites. Il lui faut donc aller les chercher ailleurs…»


Pierre Clastres - Le dernier cercle

 

La ressemblance est ainsi troublante. Vous remplacez simplement les flèches des Yanomami par les sagaies et les lances des aborigènes australiens (qui se sont séparés du reste de l’humanité avant l’invention de l’arc et ne l’ont ni inventé, ni assimilé par la suite lors de contacts par le détroit de Florès), les bananes comme nourriture par les plantes australiennes, et le système matrimonial yanomami par le système des moitiés australiennes.

 

Je m’inscris ainsi en faux avec les thèses développées par Marylène Patou-Mathis sur l’absence de guerres et de conflits armés pendant le paléolithique. Son livre présente l’intérêt de documenter le cannibalisme au paléolithique, que ce soit chez Cro-magnon ou bien chez Néandertal. On le retrouve d’ailleurs de la même manière chez les aborigènes australiens, à la fois pour les cadavres de leurs ennemis chez certaines tribus, ou pour leurs proches dans d’autres tribus. 

  

Les observations sur la guerre, les conflits et les raids que l’on a pu réaliser chez les aborigènes australiens au moment du contact peuvent être considérées comme une survivance des comportements des humains au cours du paléolithique ancien. Un peuple resté pratiquement à l’écart des évolutions du reste de l’humanité, dont les rares contacts eurent lieu via le canal de Florès avec la Papouasie Nouvelle Guinée. L’Australie est un cas unique. Les autres peuples vivant à l’écart, comme les San !Kung, les Guayakis du Paraguay voire les indiens des îles Sentinelles vivent peut-être à part du reste du monde, isolés, se croyant les seuls humains au monde, et tuant toute tribu ou tout étranger qu’ils croiseraient, mais aucun de ces peuples n’est réellement resté à l’écart du reste de l’humanité. Les indiens des îles Sentinelles furent déportés dans un passé ancien, de même que les Guayakis appartenaient à un peuple beaucoup plus nombreux décimé par les conquistadors espagnols lors de la Conquête des Amériques par les espagnols et les portugais. Et les San !Kung furent rejetés vers les terres inhospitalières de l’Afrique du Sud à mesure de l’avancée des peuples bantous puis des anglais et des afrikaners. 

L’image que l’Australie nous renvoie du paléolithique aux alentours de 50.000 ans avant nos jours est ainsi particulièrement sombre. Une conflictualité de plus en plus marquée à l’égard des peuples et des tribus habitant de plus en plus loin, alors que les relations entre tribus voisines sont plus ritualisées, cherchant à être moins létales. Certains ont argumenté que l’espèce humaine se serait éteinte si elle n’avait pas été pacifiste, si l’humanité n’avait pas collaboré et partagé les ressources dont elle disposait ou dont elle avait besoin. 
 
L’exemple aborigène australien démontre que l’inverse est possible. Les aborigènes ont pu survivre 50.000 ans sur ce continent et le peupler presque totalement, malgré leurs guerres et leurs conflits armés incessants. Ce qui semble certains, c’est que ces conflits incessants ont empêché tout développement social et économique de la société aborigène australienne. Les conflits et raids incessants, la place laissée aux anciens, détenteurs des droits sur les femmes, de la sorcellerie et de la connaissance du temps du rêve, ont permis d’éviter la survenue de puissants guerriers et de puissants chefs au sein de ses sociétés. L’absence de tout développement social a conduit à la stagnation des armements, des techniques, dans une société n’assimilant pas facilement de nouvelles techniques. Ni l’arc, ni la fumaison de la nourriture, ni la conservation, ni le stockage. Mais grâce à eux, on a aussi pu redécouvrir l’art des boomerangs ou bâtons de jets, qui avaient il me semble disparus ailleurs dans le monde.

 
Effectivement, dans le reste du monde, à un quelconque moment de notre histoire au cours du paléolithique, au cours des 50.000 dernières années, les circonstances ont évolué et l’humanité a quitté cette forme forme d’organisation sociale pour accepter le changement, changement qui donna lieu à tout ce qui permis le monde moderne : stockage alimentaire, agriculture, élevage, domestication animale, chefferie, esclavage, richesse et différence de richesse. Cela s’est produit à un moment quelconque au cours des cinquante derniers millénaires, voire avant si ces changements s’étaient produits avant dans d’autres branches de l’humanité avant qu’elle ne se sépare pour donner naissance aux aborigènes australiens. 

 
Là où Marylène Patou-Mathis et Rousseau ont raison, c’est que la néolithisation n’explique pas à elle seule ce changement. Tout cela ne peut pas s’expliquer seulement par la domestication animale et la récolte puis la domestication de nouvelles céréales servant à l’alimentation humaine ou animale que l’on peut stocker pour permettre la sédentarisation de la tribu. Avant cela, il a fallu que les structures sociales mutent. Mais avant cela, il n’est pas possible d’imaginer que la rencontre entre les Homo sapiens sapiens et les homos néandertaliens se fasse de manière pacifique. Que ce soit au Moyen-orient ou en Europe, les deux populations d’homos ne durent probablement pas cohabiter pacifiquement mais je suis persuadé que leur rencontre s’accompagna de la première extermination de masse de l’histoire de l’humanité moderne et conduisit à l’extinction de l’une des dernières familles de l’humanité. Une quelconque parmi les multiples guerres et massacres qui accompagna l’évolution de l’humanité vers le monde que nous connaissons aujourd’hui ! Ce qui est l’inverse des théories à la fois de Marylène Patou-Mathis et des pacifistes qui comme elle idéalise l’humanité paléolithique. 

 

  
Saucratès

 

 

Nota bene - Liste de mes précédents écrits sur des sujets approchants

 

L’un de mes écrits le plus complet sur la violence dans les sociétés dites primitives date de novembre 2023. J’y décrivais un ensemble de constatations autour de l’exercice du pouvoir dans ces sociétés. J’y indiquais que l’absence de pouvoir coercitif étatique a pour conséquence une violence exacerbée entre ses membres.

 

https://saucrates.blog4ever.com/les-societes-primitives-et-le-pouvoir

 
En août 2023, j’avais déjà écrit sur l’exercice du pouvoir dans les sociétés amazoniennes et sur la pensée de l’anthropologue Pierre Clastres, qui ne présente pas les sociétés qu’il étudie comme des sociétés sans pouvoir coercitif, contre l’Etat, comme des sociétés auxquelles il manque quelque chose, le pouvoir coercitif, mais bien au contraire, comme des sociétés où il y a quelque chose de différent, quelque chose de différent, en plus, où toute la société est construite pour s’opposer à l’apparition du pouvoir.

 

https://saucrates.blog4ever.com/nouvelles-reflexions-sur-le-pouvoir

 

J’y concluais que «la différence entre les sociétés contre l’Etat amazonienne et nos sociétés modernes occidentales, ou celles qui les ont précédées, ne repose peut-être pas tant sur des différences fondamentales, mais plutôt sur l’idée que les dirigeants de ces sociétés différentes ont réussi à institutionnaliser leur fonctionnement pour permettre à certains chefs de se maintenir et de consolider leur pouvoir, par des artifices institutionnels

 

Dans un autre article de novembre 2023, je m’intéressais au sujet de la protohistoire, ou histoire des sociétés antérieures à l’invention de l’écriture, et notamment sur cette période antérieure de 9.000 ans avant le présent, où, en plusieurs endroits du globe, partout pratiquement à la même époque, en Chine, en Égypte, en Mésopotamie, en Turquie, dans la vallée de l’Indus, dans les Andes en Amérique, des peuples inventent l’agriculture, la domestication végétale et animale, ce que l’on a appelé le phénomène de ‘néolithisation’.

 

https://saucrates.blog4ever.com/questions-sur-la-protohistoire 

 

J’y revenais une nouvelle fois sur l’énigme de Göbekli-Tepe, contemporain de ce que l’on appelle la fin du Dryas récent, cette période de 1.200 ans s’étendant de -12.850 ans à -11.650 ans avant le présent (soit de -10.900 ans à -9.700 ans avant notre ère), qui représente la dernière oscillation froide de la dernière période glaciaire avant l’Holocène. Pourquoi les hommes ont-ils eu besoin de construire Göbekli-Tepe dès la sortie de ce dernier épisode glaciaire ? 

 

En juillet 2023, j’effectuais aussi une nouvelle description de la situation ethnologique australienne, l’histoire d’un peuple isolé (pratiquement) du reste de la marche de l’humanité pendant les 50.000 dernières années, l’histoire de la cérémonie d’Intichiuma, c’est-à-dire un rite de multiplication et de réparation de la nature qui peut nous intéresser, dans notre monde où la nature est tellement exsangue, où la réflexion écologique (mais non extrémiste) prend une telle importance, où un tel rite aurait une très forte signification et une très forte urgence … Et enfin, j’y abordais les pratiques matrimoniales. 

 
https://saucrates.blog4ever.com/quelques-donnees-ethnologiques-sur-laustralie

 

Enfin, un peu précédemment, en mars 2023, je m’intéressais à la violence comme principe explicatif de l’évolution des sociétés. 

Ma première hypothèse portait sur la forme privilégiée des contacts noués entre peuples lors d’un premier contact. Contacts pacifiques, échanges de techniques ou génocide ? J’y exprimais que toutes les expériences de contacts entre bandes inconnues d’humains se sont toujours produites de la même manière, par la violence, par le rapt et par la mort. Cela concerne tous les peuples premiers ou aborigènes, qu’ils soient amazoniens, australiens, de Papouasie-Nouvelle-Guinée ou des zones reculées d’Afrique. 

 

https://saucrates.blog4ever.com/evolution-des-societes-la-violence-comme-principe-explicatif
 

J’y concluais enfin que la violence expliquait tout. «La violence et la guerre explique à la fois les expansions des grands peuples civilisateurs, ou éradicateurs, mais aussi la permanence de certaines sociétés premières qui échappèrent à la civilisation, à l’apparition du pouvoir, à l’apparition de la domination des uns sur les autres. Car c’est aussi la violence des rites d’initiation marquant les corps, et rappelant que tous sont égaux car ils ont tous été marqués de la même manière par les mêmes rites, la violence intrinsèque de ces sociétés premières à l’encontre de tous ceux qui voudraient chercher le pouvoir pour le pouvoir, la richesse pour la richesse, ou simplement ceux qui violent les coutumes ou les règles.»

 

 

Bibliographie :

 

Johann Jakob Bachofen - Le droit maternel - Recherche sur la gynécocratie de l’Antiquité dans sa nature religieuse et juridique - 1996 - Éditions L’Age d’Homme, Lausanne … Titre original : Das Mutterrecht - 1861

 

Cornelius Castoriadis - La création humaine II - Ce qui fait la Grèce - 1. D’Homère à Héraclite - Séminaires 1982-1983 - Éditions La Couleur des Idées - Seuil, Paris

  

Bernard Chapais, Aux origines de la société humaine – Parenté et évolution - 2017 - Editions du Seuil, Paris

 

Pierre Clastres - La société contre l’Etat - Recherches d’anthropologie politique - 1974 - Les éditions de Minuit - Collection Critique

 

Richard Dawkins - Il était une fois nos ancêtres. Une histoire de l’évolution - 2007 - Éditions Robert Laffont, Paris

 
Christophe Darmangeat - Justice et guerre en Australie aborigène - 2021 - Smolny, Toulouse

 

Heide Goettner-Abendroth - Les sociétés matriarcales - Recherches sur les cultures autochtones à travers le monde - 2019 - Éditions Des femmes - Antoinette Fouque, Paris

 

Emmanuel Guy - Ce que l’art préhistorique dit de nos origines - 2017 - Éditions Flammarion - Au fil de l’histoire, Paris

 
Etienne de La Boétie - Discours de la servitude volontaire - 1576 - Collection Mille et une nuits n°76

 

Bronislaw Malinowski - Les Argonautes du Pacifique occidental - 1967 - Gallimard, Paris

 
Lewis Henry Morgan - La société archaïque - 1971 - Éditions Anthropos, Paris … Titre original : Ancient Society - 1877

 

Marylène Patou-Mathis - Préhistoire de la violence et de la guerre - 2013 - Éditions Odile Jacob, Paris

 

Alain Testart – Le communisme primitif - Economie et idéologie - 1985 - Editions de la Maison des sciences de l’homme, Paris

 

Alain Testart – Eléments de classification des sociétés - 2005 - Editions Errance, Paris

 

Alain Testart – Avant l’histoire – L’évolution des sociétés de Lascaux à Carnac – 2012 – Editions Gallimard NRF – Bibliothèque des sciences humaines, Paris

 
Sources orientales - Tome 1 - La naissance du monde - 1959 - Éditions du Seuil, Paris



17/08/2024
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