Critiques de notre temps

Critiques de notre temps

Biens communs et capitalisme

Saint-Denis de la Réunion, dimanche 29 août 2021


Un article du Monde m’a intéressé. Il parlait des communs fonciers. Cette tribune d’un collectif de personnalités écologistes met en avant l’importance et l’apport des biens fonciers communs (ou communaux). 
 

https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/08/28/les-communs-fonciers-peuvent-servir-de-modele-pour-relever-les-defis-ecologiques_6092597_3232.html

 

Intéressant parce que les biens communs mondiaux, ou biens publics mondiaux, sont une notion fondamentale en économie du développement. Formation, transports, moyens de communication, électricité, éclairage public, réseaux d’assainissement ou de distribution d’eau, un bien commun ou un bien public est un bien dont la production a nécessité d’être assuré par le secteur public, et qui permet l’accroissement du bien-être général d’une population.

 

En économie, on parle de non-rivalité et de non-excluabilité. La consommation du bien concerné par un agent n'affecte pas la quantité disponible pour les autres agents (principe de non-rivalité). Et il est impossible d'exclure un agent de l'utilisation de ce bien, même s'il n'a pas participé à son financement (principe de non-excluabilité). A ne pas confondre avec les biens publics purs comme l’eau ou l’air.

 
Evidemment, le principe d’un bien public ou commun n’est pas général. Au-delà d’un certain usage, la consommation par un usager peut dégrader la qualité disponible pour tous les usagers. Dans le cas d’une route, on voit l’apparition de bouchons et de blocage. Idem pour la distribution d’électricité lorsque le réseau électrique est surchargé par l’afflux de la consommation électrique et que le réseau s’écroule ou que des délestages sont nécessaires. 

L’économie libérale a pour objectif d’arriver à libéraliser, privatiser, l’accès à l’ensemble des biens communs et des biens publics. C’est je pense la marque de fabrique du capitalisme. Et ceci est d’autant plus vrai, ce qui rend d’autant plus intéressant cette tribune, c’est qu’à l’origine de toute la théorie économique libérale, de toute pensée capitalisme, de tout le capitalisme, on trouve une controverse qui s’est déroulée en Angleterre et qui porte le nom des «enclosures». Cette controverse a opposé Malthus à Ricardo. Le mouvement des enclosures est à l’origine du capitalisme anglais. A partir du XVIe siècle et jusqu’au XVIIIe siècle, les riches propriétaires fonciers anglais convertissent les champs ouverts et les pâturages communs cultivés par les communautés paysannes en pâturages pour des troupeaux de moutons pour le commerce de la laine. 

Remettre en avant désormais l’usage et l’importance des biens communs, et leur intérêt en matière de gestion des ressources pour le bien de l’humanité est un magnifique pied de nez réalisé au grand capitalisme mondial. Le forcer à mutualiser, à rendre l’accès public et libre, de tous les biens qu’ils ont confisqués, qu’ils ont accaparés, au fond que nous avons confisqués et accaparés ... Car derrière ce capitalisme, il y a nous, petits bénéficiaires et petits consommateurs. 

Une autre notion en lien avec ces biens communs a été ce que l’on a appelé la «tragédie des biens communs», de Garrett Hardin. Que si un bien commun n’appartient à personne, alors personne n’a d’intérêt à l’entretenir et à en réguler l’usage entre les utilisateurs. Se pose aussi et surtout le souci des resquilleurs, des passages clandestins, de ceux qui cherchent à en user sans participer à sa gestion, à sa production ou à son entretien. La théorie de Hardin a été contredite notamment par Elinor Ostrom.

 

https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/03/11/les-communs-renouveau-de-la-democratie-locale_6032562_3232.html

 

Plus de cinq cent ans après le mouvement des enclosures anglais, que Karl Polanyi ou Karl Marx présentaient comme le moment constitutif de l’apparition du capitalisme, il est intéressant d’observer que le mouvement citoyen et écologiste va enfin s’attaquer à une cause réelle de la suprématie capitalisme, l’accaparemment des ressources communes par le grand capital.

 
 

Saucratès



29/08/2021
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 49 autres membres