Critiques de notre temps

Critiques de notre temps

Sur la politique


Existe-t-il des gouvernements qu’il est normal de combattre, et d’autres qu’il est intolérable de vouloir renverser?

Existe-t-il des gouvernements qu’il est normal de combattre, et d’autres qu’il est intolérable de vouloir renverser?

Par Saucratès 

Saint-Denis de la Reunion, lundi 16 janvier 2023


En quoi le fait que des supporters de Bolsonaro aient envahi les principaux lieux de pouvoir brésilien, le bâtiment du congrès à Brasilia, représente-t-il une si grave menace pour la démocratie, que l’ensemble des dirigeants des États démocratiques occidentaux se sentent obliger de le dénoncer de manière aussi virulente ? De la même manière, en quoi l’irruption du peuple américain, cette fraction du peuple américain qui supportait inconditionnellement Donald Trump, dans le temple de la démocratie américaine, à savoir le congrès, était-il à ce point-là choquant qu’il devait être contesté par tous les médias occidentaux défendant la démocratie, par tous les gouvernements des États démocratiques occidentaux ?

 

https://www.lemonde.fr/international/article/2023/01/09/tentative-d-insurrection-au-bresil-joe-biden-juge-scandaleuses-les-violences-des-pro-bolsonaro-emmanuel-macron-assure-lula-du-soutien-indefectible-de-la-france_6157098_3210.html

  

https://www.lemonde.fr/international/article/2023/01/08/au-bresil-des-centaines-de-partisans-de-bolsonaro-envahissent-l-exterieur-du-congres_6157090_3210.html

 

Soyons clair, je ne cherche pas à me prononcer sur l’invasion du Capitole américain ou du Congrès brésilien. Je ne suis pas vraiment ni pro-Trump, ni pro-Bolsonaro. Je cherche plutôt à comprendre pour quelles raisons les dirigeants, les médias et les élites politiques de pays supposément démocratiques, nés de violentes révolutions menées non pas par le peuple, mais en fait par des fractions de ce peuple, peuvent réagir aussi violemment, de manière aussi virulente, peuvent dénoncer de manière aussi intransigeante, des mouvements sociaux qui ne sont en fait pas très différents des mouvements sociaux qui sont à l’origine de leurs propres régimes démocratiques.

 

Au fond, le problème n’est pas tant ces foules acclamant Trump ou Bolsonaro et tentant d’occuper des lieux de pouvoir, que la peur que l’on ressent chez tous ceux qui s’en offusquent, tout ceux qui les condamnent. Le mouvement des gilets jaunes n’aurait pas saccagé l’Arc de Triomphe le 1er décembre 2018, mais aurait marché sur l’Elysee et l’aurait occupé, renversant le pouvoir autoproclamé de notre Jupitérien président, que l’on aurait vu fleurir également dans tous les pays se disant démocratique une formidable condamnation. Les armées de l’UE auraient peut-être même marché sur Paris pour libérer le monarque jupitérien injustement emprisonné par le peuple.

 

On en saura évidemment rien. Le mouvement des gilets jaunes a avorté et a raté sa révolution ce jour-là. Le pouvoir policier lui a ensuite fait payer sa peur et sa terreur. Le macronisme est passé ce jour-là tout près de sa chute. Les énucléations des gilets jaunes ne sont que le prix à payer pour cette peur des puissants, pour cette vengeance des puissants envers les sans-dents.

 

Au fond, les dirigeants du monde entier n’ont jamais agi différemment après une révolte du peuple. Chercher des coupables, de préférence parmi leurs opposants politiques, parmi leurs adversaires, et punir des victimes expiatoires, afin de terroriser leurs adversaires, leurs contestataires.

 

https://www.lemonde.fr/international/article/2023/01/14/anderson-torres-ancien-ministre-de-jair-bolsonaro-arrete-dans-le-cadre-de-l-enquete-sur-le-saccage-a-brasilia_6157886_3210.html

 
https://www.lemonde.fr/international/article/2023/01/14/bresil-une-enquete-pourrait-etre-ouverte-contre-jair-bolsonaro-apres-la-tentative-d-insurrection-de-l-extreme-droite-a-brasilia_6157821_3210.html

 

La peine doit être la plus afflictive possible afin que le prix à payer pour une prochaine révolte fasse reculer les prochains qui seraient tentés de se révolter. C’est la raison pour laquelle les jacqueries du moyen-âge furent réprimer le plus sauvagement possible, le plus violemment possible, de la même manière que Macron a fait charger sans arrêt, à condamner sans arrêt le mouvement des gilets jaunes.

 

Les dirigeants, les médias de la France, du Royaume-Uni, des États-Unis d’Amérique sont donc les plus virulents pour condamner l’occupation du congrès brésilien par les partisans de Bolsonaro, ou précédemment l’occupation du congrès américain par les partisans de Trump. Ont-ils oublié que la France célèbre un mouvement social comparable : le renversement de la royauté et de son pouvoir, par le peuple de Paris, ou plutôt par des membres du peuple de Paris. Ils ont occupé puis rasé la prison de la Bastille, occupé le palais des Tuileries et Versailles, puis emprisonné et guillotiné le roi légitime de la France. 

Le régime parlementaire anglais est né d’un régicide. Et quant aux États-Unis d’Amérique, aux glorieux États-Unis d’Amérique, ils se sont révoltés et libérés du carcan d’un merveilleux régime démocratique et parlementaire. Tous les états démocratiques sont nés dans le sang et dans la fureur. En quoi le combat d’une partie du peuple d’autres pays merite-t-il d’être condamné et lynché aussi violemment, si ce n’est parce que ces régimes meurent de peur ? Leur violence et leur virulence, et celle des médias qui les défendent et qui se nourrissent d’eux, se nourrissent de leur peur, de leur terreur d’être les prochains sur la liste.

 

Car ils n’ont aucun peuple qui se lèvera pour les protéger. Ils n’ont qu’un État policier pour les protéger, ils n’ont que l’armée, la police et la gendarmerie pour les garantir de la colère et de la haine du peuple qu’ils méprisent si ouvertement. «Il suffit de traverser la rue pour trouver du travail».

Rien n’empêche donc des personnes qui glorifient la Révolution française, anglaise ou américaine, de condamner le plus vigoureusement possible des mouvements populaires tout à fait respectables.

 

Il existe donc des gouvernements qu’il est normal de renverser, et d’autres qu’il est intolérable de vouloir renverser.

Lorsque les partisans de Trump ou de Bolsonaro cherchent à renverser leurs adversaires gauchistes ou démocrates, c’est ignoble, abject, insupportable. Lorsque les partisans de Gaino cherchent à renverser Maduro ou lorsque celui-ci s’autoproclame président, les démocraties occidentales applaudissent et chantent ses louanges, et lui confie la gestion des avoirs de réserves du Venezuela en Occident. Demain, le peuple russe renverserait Poutine qu’il serait acclamé par tous les dirigeants et médias occidentaux.

 

Pourquoi donc ces différences ? Sur quoi se fondent-elles ? Qu’est-ce qui sépare l’élection qui a porté Macron, Biden, ou Lula des élections qui ont porté Poutine ou Maduro au pouvoir ? La forme démocratique ou non démocratique de ces élections ? Lorsque tous les pouvoirs constitués, pratiquement tous les partis politiques de la droite à l’extrême gauche, tous les syndicats, toutes les associations, ont appelé à voter Macron et à faire barrage à l’extrême droite ? Ceci serait différent des élections russes ou vénézuéliennes ? Parce qu’on appelle cela une démocratie ? Et malgré le fait qu’elle se batte pratiquement seule contre une multitude, Marine Le Pen fait pratiquement 45% des suffrages !

 

Il y a des gouvernements qu’on a le droit ou le devoir moral de combattre, parce qu’ils sont le MAL par nature, et ceux qu’il serait anti-démocratique de combattre, contre lesquels il ne faut pas résister, parce qu’ils seraient BONS par nature.

 

Voilà la raison de ces réactions internationales outragées. En raison d’une vision manichéenne des gouvernements, selon qu’ils sont catalogués comme BONS, conformes aux valeurs, aux principes occidentaux, au règne de l’argent et au respect des puissants et des élites, ou alors catalogués comme MAUVAIS, comme LE MAL, contraires aux valeurs ou aux principes occidentaux. Et puis au-delà du manichéisme, il y a la Chine, trop puissante, trop riche, trop dangereuse pour être classée dans les forces du MAL. 

 

Si la Révolution française se rejouait aujourd’hui, que se passerait-il ?

La Révolution française est supposée être un symbole mondial de l’histoire de la démocratie et des droits de l’homme. Mais elle se rejouerait, ou se jouerait sous nos yeux, quelles seraient les réactions internationales ou médiatiques ? Dithyrambiques ? Ou condamnation unanime des médias et de nos partenaires occidentaux ? Vous le savez évidemment.

 

La fin des privilèges de naissance ? Il en existe encore tout autant, liés notamment à l’héritage financier, et personne n’a utilisé cet argument pour excuser ou défendre le mouvement des gilets jaunes. Et aucun média français. Et les privilèges des lords anglais ou la richesse des Windsor ne gênent personne en Occident ! En fait, la Revolution française se jouerait aujourd’hui sous nos yeux que le monde entier condamnerait le peuple français, ou la fraction du peuple français qui aurait osé raser et brûler la Bastille ou fait décapiter le Roi, seul gouvernement légitime reconnu.

 

On célèbre ainsi un événement qui serait condamné s’il était effectué à notre époque. Nos dirigeants le célèbrent en grande pompe, des dirigeants étrangers y sont invités, mais ces célébrations n’ont pour seul objectif que de boucher les yeux du peuple. La plus grande crainte de nos dirigeants est que le peuple français se révolte à nouveau contre ses nouveaux maîtres.

 

Ce qui sépare la Révolution française de l’assaut du congrès américain par les supporters de Trump ou de l’assaut du congres brésilien par les défenseurs de Bolsonaro n’est pas une différence de valeur, n’est pas la différence entre le BIEN et le MAL, mais simplement une question de réussite. Ils eussent réussi que dans deux siècles, le peuple américain ou brésilien chanteraient encore les louanges des émeutiers, ainsi que leurs dirigeants ‘démocratiquement’ élus. Mais ils ont échoué, et les condamnations pénales ou internationales vont leur tomber dessus comme la grêle, comme la vérole.

 


Saucratès


15/01/2023
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Iniquité des ZFE, à quand la révolte ?

Iniquité des ZFE, à quand la révolte ? 
La Réunion sera-t-elle concernée par cette loi inique ?

Par Saucratès 

Saint-Denis de la Réunion, mardi 3 janvier 2023

 

Que sont ces zones à faibles émissions (ZFE) qui deviennent désormais pratiquement obligatoires pour toutes les agglomérations de plus de 150.000 habitants, et nous concerneront-elles au cours des prochaines années ? 

Le Monde a publié un certain nombre d’articles en décembre 2022 et janvier 2023 sur ce sujet des ZFE. Apparemment, les départements d’outre-mer ne seraient pas forcément concernés par cette loi, mais cela s’explique essentiellement par le fait qu’aucune agglomération d’outre-mer n’atteignait 150.000 habitants. Mais l’agglomération de Saint-Denis de la Réunion s’en approche. A la dernière estimation du recensement, Saint-Denis atteignait 147.931 habitants (2017) et elle dépassera la barre des 150.000 habitants vraisemblablement en 2022.  Derrière elle, seule la ville de Saint-Paul dépasserait la barre des 100.000 habitants (104.519 habitants en 2017). 

Combien de temps resterons-nous à l’abri de ce genre de politiques ? Combien de temps les hommes et femmes politiques de notre département résisteront-ils à l’envie de nous imposer des législations ennuyeuses et emmerdantes pour supposément participer à l’effort collectif de la Nation pour lutter contre le réchauffement climatique ?

 

https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/10/11/zfe-pour-les-vehicules-les-plus-polluants-de-forts-risques-d-injustices_6145322_3232.html

 

https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/10/11/les-villes-face-au-defi-de-l-acceptation-sociale-des-zones-a-faibles-emissions_6145269_3234.html

 

https://www.lemonde.fr/planete/article/2022/12/24/zones-a-faibles-emissions-certaines-agglomerations-pourront-demander-des-derogations_6155610_3244.html

 

Le gouvernement de Macron cherche-t-il la confrontation violente avec le peuple français des gilets jaunes, avec la large fraction des classes appauvries et des classes moyennes que ces lois cherchent à exclure des centres-villes, des villes, au sein du territoire français ? 

Ces articles du Monde parlent d’acceptation sociale des zones à faibles émissions, de risques d’injustices sociales pour tous les possesseurs de véhicules diesel un peu anciens … 

 

Comme pour toutes les législations prises et édictées par Emmanuel Macron et ses différents gouvernements depuis 2015, le concept d’intérêt supérieur de la Nation et de l’intérêt collectif est particulièrement politisé et idéologiquement chargé. C’est l’ultra libéralisme qui sous-tend chacune de ces lois, chacune de ces décisions, comme si la théorie du ruissellement, comme si l’intérêt des milliardaires qui possèdent la majorité de la richesse française, étaient l’alpha et l’oméga de la politique française. 

 

Les ZFE et le fait de pouvoir exclure de certaines zones des villes de plus de 150.000 habitants les véhicules ne disposant que d’une vignette Crit’Air 5 (ou ne disposant pas de cette vignette), sont particulièrement injustes. Et comme l’indiquait une jeune militante malgache se battant pour la démocratie, il est injuste de valider des lois ou des projets qui ne reposent que sur les lubies de quelques dirigeants, hommes ou femmes politiques.

 

Le concept de démocratie n’a de sens que s’il correspond réellement aux décisions de la majorité du corps des électeurs. Et des lois pondus par quelques individus élus sur la base du hasard, d’un malentendu, ne respectent pas ce principe de consentement de la majorité. Un gouvernement gouvernant sur la base d’articles 49.3 ne peut pas imposer des règles liberticides à une partie de la population française, sous prétexte qu’elle est pauvre, désargentée, ou qu’elle ne peut pas s’offrir des voitures neuves ou qu’elle ne veut pas rentrer dans la spirale de l’endettement indispensable pour changer un véhicule qui fonctionne toujours. De la même manière, ce genre de décision ne peut pas être prise par un maire ou un conseil municipal quelque soit la majorité électorale dont ils ont bénéficié sans validation par la majorité des citoyens concernés de la région !

 

Mais ce ne sont pas d’ailleurs les seuls citoyens qui seront concernés. Entre 2023 et 2025, ce ne sont pas seulement les citoyens disposant d’un véhicule avec une vignette Crit’Air 5 qui seront exclus de nos grandes ou moyennes villes, mais aussi potentiellement les véhicules avec des vignettes Crit’Air 3 et 4. 

C’est assez simple, tous les véhicules diesel antérieurs au 1er janvier 2011 seront exclus, ou plutôt leurs propriétaires, ainsi que tous les véhicules à essence antérieurs au 1er janvier 2006. De manière assez surprenante, même les véhicules hybrides essence antérieurs aux 1er janvier 2006, relativement écologique (du moins à l’époque) pourront être exclus de nos villes, ce qui me semble plutôt cocasse. Leurs possesseurs devront trouver particulièrement injustes de se voir également traiter comme des nuisibles dans nos villes d’ici quelques années. 

Si vous cherchez à comprendre ces règles des vignettes Crit’Air, vous trouverez ici un tableau récapitulatif assez simple pour les véhicules des particuliers. Pour récapituler,

 

- vignette Crit’Air 0 : tous les véhicules 100% électriques et hydrogènes

- vignette Crit’Air 1 : tous les véhicules gaz et hybrides rechargeable, et les moteur essence de norme Euro 5 et 6 (depuis le 1/01/2011)

- vignette Crit’Air 2 : essence Euro 4 (du 1/01/2006 au 31/10/2010) et diesel Euro 5 et 6 (depuis le 1/01/2011)

- vignette Crit’Air 3 : essence Euro 2 et 3 (depuis le 1/01/1997) et diesel Euro 4 (1/01/2006)

- vignette Crit’Air 4 : diesel Euro 3

- vignette Crit’Air 5 : diesel Euro 2

- sans vignette (polluants) : tous les véhicules antérieurs au 31/12/1996 (Euro 1)

https://www.certificat-air.gouv.fr/files/CQA_classementVoitureParticuliere.pdf

 

Seront ainsi exclus à terme de nos moyennes et grandes villes (près d’une quarantaine de villes sont concernées en France métropolitaine) tous les véhicules diesel antérieurs à 2005 et tous les véhicules essence antérieurs à 1996. Il est difficile de trouver une loi plus injuste, plus stupide et plus inique. Plus bêtement automatique, parfaitement macronienne, sans réflexion, sans prise en compte des cas particuliers, des situations individuelles ou particulières. Simplement et stupidement technocratique …

 

Mais Le Monde a peur d’une révolte de tous ces exclus, de toutes ces pauvres gens, de tous ces citoyens des classes moyennes ou des classes pauvres, qui ne peuvent pas acheter le véhicule idoine qui leur permettront de continuer à se déplacer et à se rendre à leur travail, mais également les jeunes, les étudiants, les apprentis, les stagiaires dont les parents ne sont pas suffisamment riches pour leur offrir une voiture neuve.

 

Et le gouvernement ? A-t-il peur d’une telle révolte en comparaison de laquelle les manifestations des gilets jaunes pourraient ressembler à de gentils défilés pacifiques ? Et les maires, les élus municipaux qui prendront de telles mesures ou ne feront rien pour les refuser, ont-ils également peur d’une telle révolte ? Ou bien leur idéologie écolo-islamo-gauchiste leur font-ils ignorer la prudence et la peur ?

 

Il est temps de refaire la révolution, de remettre de l’ordre dans la noblesse technocratique aveugle aux difficultés des français. L’occasion de chanter encore une fois : «Allons enfants de la patrie, le jour de gloire est arrivé !» Ou bien vaudrait-il mieux voter intelligemment, éliminer dans les urnes tous les technocrates, les ultra-libéraux, les écologistes, les islamo-gauchistes et tous ceux qui nous pourrissent la vie à longueur de lois et à longueur d’années, depuis tant de décennies ! Tous ceux dont le programme rime avec sanctions, privations, normes et climat … et ouverture des frontières …

 

 

Saucratès


02/01/2023
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Qu’est-ce qu’une démocratie libérale

Au fond, qu’est-ce qu’une démocratie libérale ? Qu’est-ce qu’un État de droit ?

Par Saucratès 

Saint-Denis de la Reunion, jeudi 24 novembre 2022

 

Mes lecteurs peuvent raisonnablement s’interroger devant la teneur de plus en plus réactionnaire de mes points de vue et articles. Mais je pense que les points de vue que j’y exprime dénotent en priorité un élément, un questionnement qui les sous-tend tous.

 

Cette question, c’est : qu’est-ce réellement qu’une démocratie libérale ? Qu’est-ce réellement qu’un État de droit ? Si c’est bien le nom que l’on donne au système politique dans lequel nous vivons ?

 

Le risque me semble particulièrement élevé qu’un certain nombre de pays européens, qu’un certain nombre de peuples européens, remettent en cause les grands principes fondamentaux et les grands principes juridiques arrêtés au sortir de la seconde guerre mondiale, arrêtés sur les ruines, sur les décombres, des sociétés européennes traumatisées. 
 
- exclusion du champ politique des partis d’extrême-droite 

- respect des droits de l’homme et leur consécration internationale

- importance et protection accordées au droit d’asile et aux demandeurs d’asile

- mise en place d’un État Providence profitant uniformément à tous, sans distinction de statut

- primauté d’un droit international et des traités ratifiés par les gouvernements

 

Qu’est-ce donc qu’une démocratie libérale ou un État de droit ? Les différences entre ces deux notions divergentes ne me semblent au fond pas vraiment pertinentes. Elles recouvrent les deux faces d’une même apparence mensongère. Car c’est dans ces deux régimes politiques que les dérives des dernières années se sont produites.

 

Avant les années 2020 et les confinements décidés un peu partout dans le monde, avant 2012 et le gouvernement socialiste de François Hollande en France, et encore plus avant la crise des gilets jaunes sous la présidence d’Emmanuel Macron, la question ne se posait pas. Une démocratie libérale, un État de droit, était un État où les droits de chacun, où les libertés publiques de chacun d’entre nous, étaient protégés, défendus, et où personne n’imaginait qu’il pourrait se trouver priver de ses droits, de sa liberté, sans avoir été en contravention avec la loi. Et il y avait des tribunaux pour nous permettre de nous défendre, le conseil constitutionnel pour défendre les libertés publiques, contre les attaques à nos droits. 

 

Par opposition, les États ou les zones de non-droit étaient des régions où les libertés publiques étaient bafouées, où le droit de manifestation et de contestation était interdit, impossible ou criminalisé, où le droit de propriété n’était pas reconnu ou défendu, et enfin où des hommes ou des femmes se maintenaient au pouvoir par la force ou par la ruse et la manipulation des foules. C’était des pays où la presse était bâillonnée, le droit à l’information était bafoué, où l’information était manipulée, où les médias relayaient la propagande du gouvernement, des dirigeants politiques.

Mais aujourd’hui, que reste-t-il de nos droits et de nos libertés publiques ? Notre gouvernement, et les gouvernements de nombreux autres pays, ont interdit tout déplacement aux citoyens français pendant des semaines et des mois, sauf aux chefs d’entreprise, aux grands commis de l’Etat, tout ceci sous la menace des forces de l’ordre qui étaient chargés de contrôler toute personne circulant, où seuls des laisser-passer nous permettaient de circuler dans un rayon de quelques kilomètres, pendant une heure, comme en zone de guerre. Et tout ceci pour quelle raison ? Une guerre ? Une invasion de notre pays par une armée étrangère ? Non, juste un virus, juste un test grandeur nature de confinement et d’enfermement de toute la population adulte d’un pays !

 

Nous avons aussi eu la mise en oeuvre d’une obligation vaccinale imposée à toute la population, à l’échelle de tous les pays du monde. Toujours pour un virus. Et l’unanimité politique qui a prévalu, de la gauche du Parti socialiste et des écologistes, jusqu’à la droite, en passant par les centristes et le parti gouvernemental LAREM, a laissé la contestation et la représentation politique des millions de citoyens en colère au seul parti d’extrême-droite du Rassemblement National (et peut-être à quelques Insoumis peu diserts). 

A compter des manifestations contre la Loi Travail, puis à l’époque des Gilets Jaunes, on a vu se mettre en œuvre des mécanismes croissants de gestion des manifestations dans le but de les criminaliser, de les pénaliser et d’éliminer ceux considérés comme des casseurs. Avoir sur soi un foulard, un bouclier de protection, des lunettes, un masque ou un casque de chantier, suffisait à faire de vous un casseur, même à des kilomètres de la manifestation, et permettre votre incarcération puis votre condamnation et des interdictions de vous rendre à Paris ou à tel ou tel lieu !

 

Mon impression ? Depuis 2012 et l’élection de François Hollande et encore plus depuis celle d’Emmanuel Macron et le coronavirus, les seuls défenseurs de nos libertés publiques et des valeurs de la démocratie sont l’extrême-droite. Ce sont les seuls à représenter les français, le peuple, et non pas la frange mondialisée des bobos écologistes LBT+ et des immigrés réunis. 

Quand on en arrive à remettre au centre de son discours le «peuple», par opposition à une frange corrompue mais ayant confisqué l’exercice du pouvoir politique, lorsqu’on en arrive à opposer les nationaux et les immigrés, on peut penser que les affres du précédent conflit mondial, de l’horreur du nazisme sont en train de resurgir. Et la question importante est la suivante : Pourquoi en est-on arrivé là? Comment en est-on arrivé là?

 

Une démocratie libérale, un État de droit, ne peut pas être le régime de privation de nos droits, des libertés publiques, dans lequel nous vivons depuis Hollande, Valls et Macron, de mise sous contrôle de nos vies, de nos libertés. Une démocratie libérale, un État de droit, ne peut pas être ce régime politique où il n’existe plus de liberté de presse, avec des journaux, des médias, relayant la sainte parole macroniste comme un seul homme, un lieu de privation de tout esprit critique, où les journalistes transmettent, relaient sans réflexion, sans aucune critique, les saintes paroles du président et de ses séides.

 

La question n’est pas de savoir s’il existe des endroits pires au monde ? Dans la Russie de Poutine, la Chine ou la Corée du Nord des Kim?

 

Non! La question est de savoir si nous pouvons encore dire que nous vivons toujours dans une démocratie libérale, dans un État de droit ? Et si c’est cela un État de droit, un État où les libertés publiques du peuple sont bafouées, alors comment faudra-t-il réellement appelé un véritable régime démocratique, où les droits respectées ne seront pas seulement ceux d’une petite minorité, LGBT+, migrants et hommes araignée célébrés, féministes extrémistes, et riches, puissants et membres de l’aristocratie ? 


Non, nous ne vivons plus en démocratie. Et lorsque le seul espoir du peuple est d’être représenté et défendu par les partis politiques des extrêmes, d’extrême-droite ou d’extrême-gauche, c’est qu’il y a un problème de régime et qu’il est temps de refonder la république.

 

 

Saucratès 


24/11/2022
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De l’extrémisme en Politique et de l’inéquité médiatique

De l’extrémisme en Politique et de l’inéquité médiatique 

Et pour quelles raisons les médias prennent-ils faits et causes pour certains extrémismes et s’acharnent-ils sur les autres ?

Par Saucratès

Saint-Denis de la Réunion, samedi 19 novembre 2022

 

Tout n’est-il pas qu’extrémisme en Politique ? Pour les Ecologistes, pour la France Insoumise, pour le Rassemblement National, la question ne se pose évidemment pas.

 

Pour les Républicains américains, la question ne se pose pas non plus, puisque ceux-ci sont rentrés dans une lutte idéologique contre le droit à l’avortement, contre la théorie du genre à l’école, et il est tellement simple d’incriminer l’influence néfaste d’un seul homme, Donald Trump, alors que celui-ci a juste permis que cela se produise. 

 

https://www.lemonde.fr/international/article/2022/11/04/ils-montent-l-opinion-publique-contre-nous-dans-le-kentucky-comme-dans-le-reste-des-etats-unis-les-republicains-a-l-assaut-de-l-ecole_6148424_3210.html


L’article du Monde ci-dessus a aussi le mérite de rappeler que les Démocrates américains non plus ne sont pas en reste en matière d’extrémisme politique, parce qu’ils ont aussi lancé une guerre culturelle contre une partie du peuple américain, de la même manière que le font les élus et le gouvernement LAREM en France. Faire de Willie Carver l’enseignant de l’année du Kentucky et le convier à la Maison Blanche juste parce qu’il met en avant son identité gay et la cause de la communauté LGBTQ+, n’est pas extrémiste ? Vouloir faire changer une société par la contrainte, n’est-ce pas extrémiste ?

 

La question n’est pas de savoir si on est favorable ou au contraire gêné par l’homosexualité ? La question est de savoir si c’est une raison de mettre en avant une personne comme enseignant ? Et la réponse selon moi est non. Sinon, on peut aussi imaginer qu’à l’autre bout des États-Unis, un autre enseignant sera élu pour mettre en œuvre des thérapies de conversion forcée dans sa classe, et il pourra aussi être reçu à la Maison Blanche par un autre président. 

 

Concernant LAREM, les Républicains ou les Socialistes, ces partis sont tout autant extrémistes que les premiers cités. Ces sont des ultralibéraux extrémistes. Emmanuel Macron tout juste élu a sorti des ordonnances sur le dialogue social réformant et révolutionnant un droit social datant de 1945, voire du Front populaire de 1936, et l’imposant à tous et partout. Sa réforme a entrainé un recul drastique des droits des salariés et des élus dans les entreprises, et désormais même dans la fonction publique, sans aucune concertation, sans aucune discussion. Tout ceci s’était fait au cours de l’été 2017. Concernant les socialistes, ils partagent comme les démocrates américains la même volonté de violenter la majorité du corps politique français avec leurs théories sur le genre, sur l’ouverture à l’immigration africaine, pour détruire l’identité nationale. Tout comme LAREM. Ce n’est pas un mystère si tant de députés socialistes ont basculé du côté de LAREM. Les idées sont les mêmes sur tous les sujets. Simplement, il faut bien occuper l’ensemble du champ politique et éviter que l’appareil politique des socialistes ne tombent entre les mains de vrais révolutionnaires à la Jaurès. Et puis il faut une offre politique apparemment adverse même si c’est exactement la même, avec les mêmes personnes qui se font successivement élire sous des étiquettes différentes, pour laisser croire à une alternance politique. 

 

Pour l’écologie politique, la question de l’extrémisme est plus simple à comprendre. On le voit notamment dans les mouvements violents de l’actualité de ces dernières semaines ou derniers mois. Si on élimine les politiques pro-islamistes et non laïquement neutres des mairies écologistes françaises, on peut penser aux actions contre le projet des mégabassines dans les Deux-Sèvres, qui a vu l’opposition entre Sandrine Rousseau, des jeunes écologistes extrémistes et Yannick Jadot, ou bien les happenings muséaux de Just Stop Oil à Londres ou Letzte Generation à Potsdam. 

 

https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/11/04/simon-persico-l-histoire-de-l-ecologie-politique-est-marquee-par-la-tension-entre-responsabilite-et-radicalite_6148441_3232.html

 

J’en arrive au final à cette idée ‘aussi sotte que grenue’ que les médias ne traitent pas équitablement l’actualité et les partis politiques. Il y a les partis et les hommes politiques qui sont protégés par les médias, pour lesquels les moindres faux pas politiques sont masqués, tus, gommés, et inversement, ceux pour lesquels les moindres faux pas sont grossis, traités à outrance, voire exacerbés. On y trouve Donald Trump ou bien Marine Le Pen et Eric Zemmour. Il ne sert à rien d’avoir des codes de déontologie journalistiques si on ne les applique pas, et si au fond, à la base, l’appréciation de l’intérêt d’un quelconque sujet journalistique dépend au final de d’indépendance journalistique de chaque journaliste, de chaque journal.

 

Rappelons-nous de la blague d’Emmanuel Macron sur les kwassa-kwassa mahorais. La dépêche du Monde qui en traitait a disparu en quelques secondes du site internet du Monde. Macron était-il protégé à cette époque par le journal Le Monde ? Jeune président qui représentait l’espoir de la France face aux chemises brunes de Marine Le Pen. Les journaux titraient alors que Macron était l’espoir des démocraties occudentales. Ce n’est qu’après l’épisode de la place de la Contrescarpe que le journal Le Monde a fait évoluer son positionnement pro-macroniste, sans toutefois jamais le renier. 

Inversement, pourquoi s’acharner de cette manière sur le député du Rassemblement National de Fournas ? Parce qu'une phrase à double sens lui a échappé dans l’hémicycle ? Et parce qu’il a été exclu de l’hémicycle pour deux semaines pour cette simple raison ? Parce qu’il a fait de la publicité pour son vin familial sur compte twitter de député ? Mais par le passé, plusieurs députés de gauche ou LAREM ont également déjà fait l’objet de rappel ou de sanction à la déontologie par le déontologue de l’Assemblée nationale, notamment de la France Insoumise («François Ruffin avait été rappelé à l’ordre, en novembre 2017, pour avoir diffusé une vidéo sur YouTube le montrant dans son bureau à l’Assemblée relatant son activité hebdomadaire et invitant le spectateur à acheter son journal, Fakir») ou du parti majoritaire LAREM («Pascale Fontenel-Personne, dont l’entreprise de transports proposait une prestation payante comprenant une visite du Palais-Bourbon, avait été sanctionnée en 2017), sans que le journal Le Monde ne le mentionne. Pourquoi donc le Monde titre-t-il sur le député de Fournas actuellement, alors qu’au mieux les deux autres députés préalablement épinglés ont à peine fait l’objet d’un entre-filet dans les colonnes du Monde ? 

https://www.lemonde.fr/politique/article/2022/11/17/gregoire-de-fournas-depute-rn-tance-pour-manquement-deontologique_6150358_823448.html 

 

Et si un jour futur, un gouvernement Rassemblement National ‘tancera’ des journaux ou des journalistes pour manquement déontologique et les sanctionneront, certains hurleront-ils à la fin de la démocratie ?

 

 

Saucratès 


19/11/2022
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De la démocratie ou du principe de graphè paranomon

De la démocratie ou du principe de graphè paranómōn

 

Par Saucratès 

 

Istanbul, mardi 6 septembre 2022

 

La France est-elle une démocratie ? Et si cette réponse est «oui», est-il possible d’expliquer comment on peut appeler «démocratie» un régime dans lequel le pouvoir est confisqué par une infime minorité de personnes appartenant à une élite économique, financière, administrative ou nobiliaire, et dans lequel le peuple n’a d’autres choix que d’obéir aux lois et voter une fois l’an pour l’un des cinq gugusses qu’on lui présente pour supposément le représenter ? Et tous ceux qui applaudissent frénétiquement au mot «démocratie», qui agressent aveuglément toute critique de la supposée démocratie française (pour faire simple AMA, POLO, Bokapola ou Lesseps) ne sont-ils pas tout simplement les bénéficiaires de ce système ?

 

Démocratie : Du grec ancien, démos, peuple, et kratos, pouvoir. Ou en conséquence, «du pouvoir du peuple». Il s’agit véritablement à la fois d’un mot fourre-tout, qui englobe tout (après tout, les pays de l’Europe de l’Est du Pacte de Varsovie ne se faisaient-ils pas appeler des «démocraties populaires» alors que les États d’Europe occidentale, liés à l’OTAN, ne se faisaient-ils pas appeler «démocratie parlementaire»), mais aussi de la plus grande invention de l’humanité, qui nous vient dans son acceptation première, de la Grèce Antique, et tout particulièrement de la cité antique d’Athènes. C’est la première civilisation à avoir mis en œuvre une organisation démocratique de la vie publique, entre ses membres, à théoriser le droit de chacun des citoyens de la cité, d’Athènes, à participer à la vie collective, à l’élaboration des lois, aux décisions publiques engageant la vie de tous. 

On a parlé de miracle grec en parlant de cette invention de la démocratie et cela énervait Cornelius Costariadis. Lire Cornelius Costariadis est intéressant, comme la lecture de tous les grands philosophes, parce que cela nous permet de nous placer sur les épaules des géants qui nous ont précédé plutôt que de tenter de réinventer stupidement et péniblement ce que d’autres ont déjà écrit ou pensé avant nous. En effet, selon lui, il faudrait alors parler de miracle pour toutes les autres civilisations qui sont apparues sur Terre depuis l’Antiquité.

 

Au fond, la démocratie athénienne n’est qu’une réinterprétation d’un fond immémoriel de l’humanité que l’on trouve dans toutes les sociétés sans État encore existantes, en Australie ou en Amérique amazonienne, et dans les sociétés archaïques passées, disparues ou assimilées comme les tribus germaniques de l’Antiquité ou la Ligue des Iroquois, de son vrai nom «le peuple de la grande maison».

 

Cette légende, cette histoire ont survécu aux siècles et aux millénaires et nous ont été transmis à nous, européens, leurs descendants, leurs représentants, et tous les peuples que nous avons influencés. 

 

Évidemment, on peut tout dire de la démocratie athénienne, qu’elle ne concernait que les citoyens hommes, mais excluait les femmes et les esclaves. Qu’elle avait inventé ce principe invraisemblable d’élection et de nomination de représentants dont la durée du mandat s’étendait de un jour à une année. Qu’elle avait inventé ce droit invraisemblable du peuple à faire la loi, à proposer des textes de loi au vote de l’assemblée, par tout citoyen. Ce même droit que l’on retrouvait aussi dans les structures démocratiques du «peuple de la grande maison», où, là aussi, les lois, les affaires étudiés par le grand conseil de la Fédération  pouvaient être soumises par n’importe quel membre du «peuple de la grande maison».

Mais il y avait une autre disposition contingente à ce droit octroyé à tout citoyen athénien. Il existait une procédure dite ‘graphè paranómōn’ (en grec ancien γραφὴ παρανόμων). «Cette expression grecque signifie poursuite contre des projets de lois illégaux. Il s’agissait d’une action publique, portant sur un acte présumé contraire à l’intérêt général.»

 

Cornelius Costariadis en parlait de la manière suivante :

 

«Ainsi de la graphè paranomôn, institution très importante et sur laquelle nous reviendrons. Elle est bien connu depuis longtemps (Gustave Glotz fut l’un des premiers à insister sur l’importance de la graphè paranomôn, l’action publique pour Motion illégale, comme frein que la démocratie athénienne s’impose à elle même), mais il a fallu attendre que Moses Finley en parle à nouveau dans son livre sur la démocratie grecque pour que l’on voie clairement à quel point c’est une institution fantastique, fondamentale. De quoi s’agit-il ? Tout citoyen athénien peut proposer une loi à l’Assemblée du peuple, et celle-ci peut éventuellement l’approuver ; mais n’importe quel autre citoyen peut ensuite traîner le citoyen auteur de la proposition devant un tribunal et le faire condamner pour avoir poussé le corps souverain, l’ekklèsia, l’assemblée du peuple, à voter une loi up injuste : voilà la graphè paranomôn. Fantastique vaccination, énigme de la démocratie, de la société autonome ! Le fait etait là, mais personne avant Finley n’en avait vu la signification profonde. On pourrait d’ailleurs ajouter d’autres traits à ceux qu’il indique, et notamment que cette procédure renvoie à une conception explicite de la démocratie comme régime sans aucune norme extérieure à lui-même, en tout cas aucune norme politique législative. Il revient donc aux citoyens non seulement de faire la loi mais de répondre à la question : qu’est-ce qu’une loi juste, une bonne loi ? Et cela sans ouvrir aucun livre sacré ni écouter un prophète - il n’y a pas de prophète. Ni non plus, et c’est très étonnant, consulter l’oracle. On consulte l’oracle de Delphes pour savoir quelles sont les actions qu’il faut ou non entreprendre : organiser une expédition, bâtir une cité, choisir où la bâtir, etc. Mais on n’a jamais eu l’idée de lui demander quelle loi établir. Jamais.»

 

Cornelius Costoriadis, «Ce qui fait la Grèce», Séminaire du 17 novembre 1982.

 
L’institution de la graphè paranómōn est une procédure qui possède de nombreuses autres dispositions, comme par exemple d’engager la responsabilité du président de l’ekklésia pendant une année complète, année pendant laquelle toutes les lois qui auront été votées pourront entraîner sa condamnation, sachant que la peine d’atimie pouvait être prononcée apres trois condamnations pour graphè paranómōn.

 

https://www.frwiki.net/wiki/Graphe_paranomon

 
Bizarrement, nos si belles démocraties parlementaires n’ont jamais proposé ni envisagé de mettre en œuvre une procédure tirée ou inspirée de la graphè paranómōn athénienne. Jamais. Il n’existe rien de tel. La possibilité de poursuivre un ministre devant la cour de justice de la République n’est en rien une procédure ressemblant à la graphè paranómōn, au mieux une pâle interprétation. 

Nos parlementaires peuvent ainsi proposer des lois qui les avantagent eux personnellement ou les groupes de pression, les industriels, les membres de l’élite qui en profiteront ensuite. Ainsi, certains peuvent se faire désigner comme PDG du groupe issu du rapprochement des caisses d’épargne et des banques populaires même si ce même personnage en avait été lui-même le promoteur et l’instigateur lorsqu’il était secrétaire général de l’Élysée, sans qué celui-ci puisse être condamné par la suite. Des entreprises et des banques peuvent faire privatiser des établissements où des entreprises publiques sous l’égide dé gouvernements de gauche ou de droite afin de les faire disparaître ou de s’enrichir immodérément. Un président des riches peut faire disparaître l’impôt sur la fortune au bénéfice des milliardaires qui ont organisé ou permis son élection à la présidence de la République, sans qu’aucune action ne puisse être menée contre ces lois iniques ou illégitimes. 

La seule procédure apte à combattre la prise illégale d’intérêts de toutes ces élites qui nous gouvernent, est justement cette institution qui n’a pratiquement jamais été étudiée, n’a jamais été copiée, n’a jamais été envisagée comme moyen de réguler cette démocratie et ces innombrables dérives. À quand la mise en œuvre de la graphè paranómōn dans la démocratie européenne ou la démocratie française ? À quand la possibilité de faire condamner des hommes politiques et ceux qui cherchent à profiter des modifications des lois, et faire annuler les lois iniques votées au cours de ces dernières mandatures ?

 

 
Saucratès

 

Nota : Le terme ‘graphè’ ou ‘graphai’ (en grec ancien γραφὴ ou γραφαί) qui signifie actions publiques se distingue des «dikai» (δίκαι) qui se rapportent aux actions privées civiles, commerciales ou pénales.

 

A noter que dans ces actions judiciaires, que ce soit des actions privées (dikai) ou publiques (graphai), lorsque le demandeur ou le plaideur échouait à démontrer la faute de son adversaire, il devait donner des dommages ou intérêts. En cas de graphai, «les peines étaient afflictives ou pécuniaires au profit du trésor. S’il y avait acquittement, et que l’accusateur n’avait pas obtenu 1/5ème des voix, il devait payer une amende de 1000 drachmes.»

http://philo-lettres.fr/grec-ancien/justice-athenienne/


11/09/2022
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