Critiques de notre temps

Critiques de notre temps

L'affaire du groupe de Tarnac (1)

 

Réflexion onze (21 décembre 2009)
L'affaire Tarnac plus d'un an après ...


« (...) Non pas se rendre visible, mais tourner à notre avantage l'anonymat où nous avons été relégués et, par la conspiration, l'action nocturne ou encagoulée, en faire une inattaquable position d'attaque. L'incendie de novembre 2005  en offre le modèle. Pas de leader, pas de revendication, pas d'organisation, mais des paroles, des gestes, des complicités. N'être socialement rien n'est pas une condition humiliante, la source d'un tragique manque de reconnaissance - être reconnu : par qui - mais au contraire la condition d'une liberté d'action maximale. Ne pas signer ses méfaits, n'afficher que des sigles fantoches (...) est une façon de préserver cette liberté (...) »
«L'insurrection qui vient» du Comité invisible


Il y a plus d'un an que Julien Coupat, Yldune Lévy et les autres membres du groupe de Tarnac étaient arrêtés dans les montagnes de Tarnac par des policiers encagoulés et placés en détention préventive pour des accusations d'actes terroristes contre des candélabres de la SNCF (ne jamais s'attaquer à des candélabres de la SNCF) ... Ces derniers mois, peu de nouvelles informations sont venues expliciter cette affaire particulièrement obscure, où l'on ne sait toujours pas si les accusations terroristes n'étaient qu'une pure invention du pouvoir politique pour autoriser un durcissement de la politique sécuritaire du gouvernement ou si elles se fondaient sur certains éléments concrets. Récemment, la justice a allégé les contraintes du contrôle judiciaire pesant sur les membres du groupe, en ne leur imposant plus de se présenter chaque semaine dans un commissariat. Cette décision n'était pas conforme aux volontés de l'accusation.
http://www.lemonde.fr/societe/article/2009/12/19/tarnac-controle-judiciaire-allege_1283108_3224.html

Quelques semaines auparavant, les avocats du groupe de Tarnac avaient contesté les rapports de filature des policiers ayant suivi Julien Coupat et Yldune Levy la nuit de l'attentat terroriste, principal élément de preuve impliquant le groupe de Tarnac dans l'attentat (contre les candélabres SNCF) ... Selon une reconstitution faite par les avocats, il était matériellement impossible aux policiers de faire le parcours de filature mentionnée dans les délais indiqués. Ils demandaient au juge d'instruction de procéder à cette reconstitution des évènements de la nuit, en instruisant également à décharge et non uniquement à charge.
http://www.lemonde.fr/societe/article/2009/11/25/sabotages-sncf-la-defense-denonce-la-fabrication-de-preuves_1272075_3224.html

Saura-t-on un jour la vérité sur cette affaire du groupe de Tarnac, et verra-t-on autre chose qu'un procès politique pour appuyer la version du gouvernement Sarkozy et sa fixation sur les groupuscules d'ultra-gauche ? Saura-t-on un jour pour quelles raisons la ministre de l'intérieur Alliot-Marie s'est-elle lancée dans ce délire d'accusation, au mépris de la présomption d'innocence ? Et pendant encore combien d'années cette mascarade sera-t-elle poursuivie ?

Mais à lire cet opuscule, il en ressort toutefois que Julien Coupat s'en est tenu strictement, soit par décision politique, soit parce qu'il avait participé à son écriture ou soit du fait de son innocence, à l'absence de toute revendication, au respect de l'anonymat et au refus d'endosser le costume du chef ou du héraut. Ce qui eut pour conséquence d'énerver quelques révolutionnaires patentés qui ne comprenaient pas qu'il ne reconnaisse rien et qu'il n'endosse aucun costume de révolutionnaire. Ils le trouvèrent trop tièdes, mais peut-être était-il innocent ou alors trop extrêmiste dans sa recherche de l'anonymat.


Réflexion dix (6 septembre 2009)
Où en est l'affaire Julien Coupat et du groupe de Tarnac ?

« (...) En un siècle, la liberté, la démocratie et la civilisation ont été ramenées à l’état d’hypothèses. Tout le travail des dirigeants consiste dorénavant à ménager les conditions matérielles et morales, symboliques et sociales où ces hypothèses sont à peu près validées, à configurer des espaces où elles ont l’air de fonctionner. Tous les moyens sont bons à cette fin, y compris les moins démocratiques, les moins civilisés, les plus sécuritaires. C’est qu’en un siècle la démocratie a régulièrement présidé à la mise au monde des régimes fascistes, que la civilisation n’a cessé de rimer, sur des airs de Wagner ou d’Iron Maiden, avec extermination, et que la liberté prit un jour de 1929 le double visage d’un banquier qui se défenestre et d’une famille d’ouvriers qui meurt de faim. On a convenu depuis lors – disons : depuis 1945 – que la manipulation des masses, l’activité des services secrets, la restriction des libertés publiques et l’entière souveraineté des différentes polices appartenaient aux moyens propres à assurer la démocratie, la liberté et la civilisation. (...) »
«L'insurrection qui vient» du Comité invisible


Julien Coupat avait été libéré il y a plusieurs mois et le silence médiatique s'est désormais abattu sur l'enquête policière et judiciaire concernant le groupe de Tarnac et la dangereuse mouvance anarcho gauchiste. Le ministre de l'intérieur a également été changé, et on ne sait si, au ministère de la justice, le garde des sceaux continue de se focaliser sur les dangereux mouvements anarcho gauchistes, et si, au ministère de l'intérieur, le nouveau ministre, Brice Hortefeux, a la même préoccupation ou la même monomanie ?

Où en est désormais l'enquête sur les attentats terroristes contre les catenaires SNCF et sur le groupe de Tarnac (chaque pays a les attentats terroristes qu'il mérite, ou bien se donne les terroristes qu'il craint ... les Etats-Unis d'Amérique eurent l'attentat contre le World Trade Center et le terrorisme islamique ... l'Espagne eut les attentats de l'ETA ... la France a ses terroristes des caténaires des lignes SNCF ... interdit d'en rire ...) ? Il ne faut pas oublier que les divers protagonistes du groupe de Tarnac continuent de faire l'objet d'un contrôle judiciaire qui leur interdit de se rencontrer, et qu'ils demeurent vraisemblablement sous le coup d'une surveillance de tous les instants. La lenteur de la justice française, et tout particulièrement des enquêtes judiciaires, doit être consternantes pour ceux qui en font l'objet. Il est à craindre que plusieurs années ne s'écoulent encore avant que cette enquête ne donne lieu à un procès public et que l'on puisse confronter à la vérité l'acharnement policier et judiciaire dont Julien Coupat et Yldune Lévy firent l'objet ?

Saura-t-on un jour si ces deux jeunes gens, maintenus plusieurs mois en prison au mépris de la présomption d'innocence, étaient bien effectivement les dangereux terroristes que la ministre de l'intérieur de l'époque, Mme Alliot-Marie, nous avait à multiples reprises dépeint ? Saura-t-on un jour si ces évènements ne constituait pas la première dérive totalitaire du gouvernement libéral de Nicolas Sarkozy, la mise en coupe réglée de toute forme de contestation de sa politique sécuritaire, les premiers pas vers un fascisme totalitaire qui nous guette prochainement ? Saura-t-on un jour si l'acharnement dont firent également l'objet leurs proches, comme la photographe professionnelle Tessa Polak, membre du comité de soutien au groupe de Tarnac, arrêté militairement en pleine rue et maintenue pendant 72 heures en garde à vue en vertu des lois exceptionnelles sur le terrorisme, était aussi justifié ?

Même le site de soutien aux inculpés de Tarnac n'offre plus d'informations récentes sur cette affaire. A peine informe-t-il que la justice française n'a pas abandonné l'idée de démontrer l'implication du groupe de Tarnac, et de Julien Coupat, dans les attentats terroristes contre les caténaires des lignes SNCF (interdit de rire), tout en prenant enfin en compte la piste allemande ... Les 16 et 17 juillet 2009, trois allemands avaient ainsi été convoqués par des juges, à Berlin et Hambourg, pour témoigner dans le cadre de l’affaire de Tarnac. Les autorités allemandes répondaient par ces auditions aux commissions rogatoires lancées par le juge Fragnoli, basant sa suspicion envers les deux berlinois sur le fait qu’ils avaient déjà été inquiétés il y a dix ans et relaxés, suite à une campagne de sabotage des lignes de train pour protester contre les convois de déchets nucléaires Castor.

Jamais encore à ma connaissance, il ne me semble, un gouvernement français, hormis à l'époque de l'occupation allemande, sous le Régime de Vichy, n'avait lancé aussi loin l'usage des lois d'exception pour insuffler la peur à toute forme de contestation de sa politique, pour baillonner toute opposition et toute forme d'expression critique ... De l'affaire de Tarnac pour museler la contestation des jeunes anarchistes, des procès de Nicolas Sarkozy contre tous ceux qui osent émettre publiquement un commentaire sur sa personne, du «casse-toi pauvre con» qu'il avait pourtant été le premier à dire en direction d'un interlocuteur (mais il est au-dessus des lois), au «je te vois Sarkozy» lors d'un banal contrôle d'identité, jusqu'à la plainte de Nadine Morano contre une internaute qui osait la traiter de menteuse sur Dailymotion ... et bientôt peut-être contre des présentatrices de télévision considérées comme trop irrévérencieuses à l'égard de la police ou de certains ministres ...

Où s'embarque la France ? Sommes-nous aujourd'hui encore dans une démocratie, malgré les gesticulations télévisuelles permanentes du Pouvoir, que ce soit le Président de la République, son premier ministre ou ses ministres ?


Réflexion neuf (8 juin 2009)
L'affaire Dominique Broueilh ou la répression croissante sur internet ...


« (...) « La première boucherie mondiale, celle qui, de 1914 à 1918, a permis de se débarasser en un coup d'une large part du prolétariat des campagnes et des villes, a été conduite au nom de la liberté, de la démocratie et de la civilisation. C'est en apparence au nom des mêmes valeurs que se poursuit depuis cinq ans, d'assassinats ciblés en opérations spéciales, la fameuse guerre contre le terrorisme. Le parallèle s'arrête ici : aux apparences. La civilisation n'est plus cette évidence que l'on transporte chez les indigènes sans autre forme de procès. La liberté n'est plus ce nom que l'on écrit sur les murs, suivi qu'il est, comme son ombre désormais, par celui de sécurité. Et la démocratie est de notoriété générale soluble dans les plus pures législations d'exception - par exemple dans le rétablissement officiel de la torture aux Etats-Unis ou la loi Perben 2 en France. (...) »
«L'insurrection qui vient» du Comité invisible


L'affaire Dominique Brouielh, c'est l'histoire de cette mère de famille landaise, maman de trois enfants et âgée de 49 ans, convoquée prochainement au commissariat de police de Dax, pour être entendue par un officier de police judiciaire de la Brigade de répression de la délinquence contre les personnes (BRDP), venant de Paris. Son crime ? Avoir posté un message «Hou la menteuse» sous une vidéo de la secrétaire d'état à la famille Nadine Morano, hébergée sur le site Dailymotion. Dans cette vidéo, Nadine Morano s'expliquait sur la chaîne iTélé sur son passage éclair à un meeting de Ségolène Royal.

Nadine Morano avait porté plainte en février dernier contre X pour injure publique contre un membre du gouvernement. Cette plainte a donné lieu à une réquisition de la BRDP afin  d’obtenir en urgence la date, l'heure et les adresses IP utilisées et tout élément d'identification, pour la mise en ligne des commentaires, selon le journal Sud Ouest. C'est ce qui a permis de remonter à Dominique Brouielh.

La France est-elle encore une démocratie ? Chacun de nos actes et de mots sur internet, et donc également dans notre vie de tous les jours, risquent-ils aujourd'hui d'être surveillés, écoutés, enregistrés et poursuivis en justice ? Cette plainte est invraisemblable, de même que la célérité de la police pour trouver le ou la responsable de cette 'terrible injure'.

Où allons-nous désormais ? Dans quelle société Nicolas Sarkozy et sa clique nous entraînent-ils désormais à grande vitesse ? Dans quelle forme de société la police et la justice française sont-ils en train de nous entraîner, dans leur soif de complaire au pouvoir politique ?

Cette affaire nous apprend plusieurs choses. Premièrement, que la moindre de nos paroles sur internet peut être enregistrée et faire l'objet de poursuites pénales. Deuxièmement, que notre anonymat n'est absolument pas protégé sur internet. Troisièmement, que la France n'est plus une démocratie où toutes les opinions, dès lors qu'elles demeurent courtoises et respectueuses des idées des autres, sont tolérées.

Ce n'est manifestement plus le cas. Il y avait eu l'histoire de cet enseignant condamné pour avoir affiché une parole prononcée pourtant quelques temps auparavant par Nicolas Sarkozy lui-même, devant les médias («casse-toi pauvre con»). Il y avait l'histoire de cet homme poursuivit pour avoir dit (ou redit) «Sarkozy je te vois», à des gendarmes procédant à une interpellation musclée.

La France bascule. C'est le temps de la répression politique tout azimut. Et l'UMP enregistre pourtant un score extrêmment favorable. Et de nombreux commentateurs estiment qu'il ne s'agit aucunement de dérapages, mais des agissements normaux et naturels d'une justice et d'une police indépendante. Comment se fait-il alors que cette célérité profite uniquement au gouvernement et aux proches de Nicolas Sarkozy ?


Réflexion huit (28 mai 2009)
L'affaire du groupe de Tarnac et la mise en question de la démocratie en France ...

« La France est un produit de son école, et non l’inverse. Nous vivons dans un pays excessivement scolaire où l’on se souvient du passage du bac comme d’un moment marquant de la vie. Où des retraités vous parlent encore de leur échec, quarante ans plus tôt, à tel ou tel examen, et combien cela a grevé toute leur carrière, toute leur vie. L’école de la République a formé depuis un siècle et demi un type de subjectivités étatisées, reconnaissables entre toutes. Des gens qui acceptent la sélection et la compétition à condition que les chances soient égales. Qui attendent de la vie que chacun y soit récompensé comme dans un concours, selon son mérite. Qui demandent toujours la permission avant de prendre. Qui respectent muettement la culture, les règlements et les premiers de la classe. Même leur attachement à leurs grands intellectuels critiques et leur rejet du capitalisme sont empreints de cet amour de l’école. C’est cette construction étatique des subjectivités qui s’effondre chaque jour un peu plus avec la décadence de l’institution scolaire (...) »
«L'insurrection qui vient» du Comité invisible


Ou encore, quelques mots tirés de l'interview que Julien Coupat a donné au journal Le Monde et publié le 25 mai 2009 ...
http://www.lemonde.fr/societe/article/2009/05/25/julien-coupat-la-prolongation-de-ma-detention-est-une-petite-vengeance_1197456_3224.html


« Détrompez-vous : ce qui nous arrive, à mes camarades et à moi, vous arrive aussi bien. C'est d'ailleurs, ici, la première mystification du pouvoir : neuf personnes seraient poursuivies dans le cadre d'une procédure judiciaire "d'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste", et devraient se sentir particulièrement concernées par cette grave accusation. Mais il n'y a pas d'"affaire de Tarnac" pas plus que d'"affaire Coupat", ou d'"affaire Hazan" [éditeur de L'insurrection qui vient]. Ce qu'il y a, c'est une oligarchie vacillante sous tous rapports, et qui devient féroce comme tout pouvoir devient féroce lorsqu'il se sent réellement menacé. Le Prince n'a plus d'autre soutien que la peur qu'il inspire quand sa vue n'excite plus dans le peuple que la haine et le mépris.

Ce qu'il y a, c'est, devant nous, une bifurcation, à la fois historique et métaphysique: soit nous passons d'un paradigme de gouvernement à un paradigme de l'habiter au prix d'une révolte cruelle mais bouleversante, soit nous laissons s'instaurer, à l'échelle planétaire, ce désastre climatisé où coexistent, sous la férule d'une gestion "décomplexée", une élite impériale de citoyens et des masses plébéiennes tenues en marge de tout. Il y a donc, bel et bien, une guerre, une guerre entre les bénéficiaires de la catastrophe et ceux qui se font de la vie une idée moins squelettique. Il ne s'est jamais vu qu'une classe dominante se suicide de bon cœur.

La révolte a des conditions, elle n'a pas de cause. Combien faut-il de ministères de l'Identité nationale, de licenciements à la mode Continental, de rafles de sans-papiers ou d'opposants politiques, de gamins bousillés par la police dans les banlieues, ou de ministres menaçant de priver de diplôme ceux qui osent encore occuper leur fac, pour décider qu'un tel régime, même installé par un plébiscite aux apparences démocratiques, n'a aucun titre à exister et mérite seulement d'être mis à bas ? C'est une affaire de sensibilité.

La servitude est l'intolérable qui peut être infiniment tolérée. Parce que c'est une affaire de sensibilité et que cette sensibilité-là est immédiatement politique (non en ce qu'elle se demande "pour qui vais-je voter ?", mais "mon existence est-elle compatible avec cela ?"), c'est pour le pouvoir une question d'anesthésie à quoi il répond par l'administration de doses sans cesse plus massives de divertissement, de peur et de bêtise. Et là où l'anesthésie n'opère plus, cet ordre qui a réuni contre lui toutes les raisons de se révolter tente de nous en dissuader par une petite terreur ajustée. »

Julien Coupat (Le Monde)


L'emprisonnement depuis maintenant près de six mois de Julien Coupat, l'acharnement policier et judiciaire dont il est aujourd'hui victime, lui ainsi que tous ceux qui le défendent, le soutiennen, ou l'ont approché, posent le problème de la mise en question du fonctionnement et du dévoiement de notre démocratie.

Peut-on écrire aujourd'hui ces quelques mots sans risquer d'être fiché, mis en examen, ou d'être victime d'accidents de connexion, d'accès, ou autres ? La France est-elle encore une démocratie ? On poursuit aujourd'hui un jeune homme et ses ami(e)s pour avoir écrit un livre, certes présentant une analyse révolutionnaire et révoltée de la société, sans même que l'on soit certain qu'il en soit l'auteur, ou que le fait d'avoir écrit un tel livre puisse être un crime. La France possède une constitution politique censée nous protéger de telles poursuites policières et étatiques, mais elle ne possède pas d'abéas corpus anglo-saxons, ni d'aucune institution aussi puissante que la Cour Suprême des Etats-Unis, dont le rôle soit de défendre les droits personnels des citoyens français.

La France est-elle prête à basculer dans un état de non-droit ? On se trouve, face à ces lois d'exception que sont les lois anti-terroristes, à la limite de la démocratie et au bord du plongeon dans un état sécuritaire et totalitaire. Julien Coupat a raison d'écrire que ce qui lui arrive, à lui et à ses camarades, pourrait tout aussi bien nous arriver à nous même ... même sans lois anti-terroristes ... On peut ne pas être d'accord sur tout ce qu'il écrit. Ne pas voir dans les salariés français kidnappant leurs patrons des révolutionnaires sanctifiés. Mais en même temps reconnaître que la démocratie française vit aujourd'hui, en France comme vraisemblablement dans d'autres pays occidentaux, une période difficile et dangereuse. La France a peut-être déjà basculé, sans que l'on se soit rendu compte, dans un fonctionnement totalitariste, sous couvert de la primauté donnée à la lutte contre l'insécurité. Nous avons peut-être déjà confié notre liberté en de mauvaises mains ; c'est peut-être déjà trop tard ... Nous le saurons trop tard. Le jour où nous serons braqués en pleine rue par la police anti-terroriste, mis en examen quelques faits obscurs, ou alignés contre un mur comme dans les années 1940, et abattus par un pelloton de miliciens qui se seront mis du bon côté, du côté du pouvoir ...


« (...) Si l'on traque avec tant d'avidité les témoignages de l'intérieur qui exposeraient enfin les secrets que la prison recèle, c'est pour mieux occulter le secret qu'elle est : celui de votre servitude, à vous qui êtes réputés libres tandis que sa menace pèse invisiblement sur chacun de vos gestes (...) »
Julien Coupat (Le Monde)


La servitude ... Il faut lire et relire le discours de La Boétie sur la servitude (ou Le Contr'Un) ... et ne pas s'en lasser ... car nous sommes en plein dedans, et il nous faut aujourd'hui nous interroger sur notre acceptation d'une remise en cause croissante de notre liberté, celle née de la Révolution française et des combats successifs de nos prédécesseurs pour maintenir cette liberté ... de nos parents, grands-parents ou arrière grands-parents qui ont combattu le nazisme et la milice de Vichy pour que la France et l'idée qu'ils pouvaient avoir de la démocratie résistent et survivent à l'innommable ... Ce qui ce joue aujourd'hui n'est peut-être pas uniquement la liberté d'un jeune-homme, pratiquement encore un gamin ... Ce qui se joue aujourd'hui, face à la police de Nicolas Sarkozy et à ses lois anti-terroristes, c'est peut-être notre démocratie et celle de nos enfants ...
http://fr.wikisource.org/wiki/Discours_de_la_servitude_volontaire


Réflexion sept (25 mai 2009)
Une interview de Julien Coupat ...


« (...) La sphère de la représentation politique se clôt. De gauche à droite, c'est le même néant qui prend des poses de cador ou des airs de vierge, les mêmes têtes de gondole qui échangent leur discours d'après les dernières trouvailles du service communication. Ceux qui votent encore donnent l'impression de n'avoir plus d'autre intention que de faire sauter les urnes à force de voter en pure protestation. On commence à deviner que c'est en fait contre le vote lui-même que l'on continue de voter (...) »
«L'insurrection qui vient» du Comité invisible


Interview fleuve de Julien Coupat publiée dans Le Monde du 25 mai 2009 ... Un véritable talent de philosophe ... Il me semble lire du grand Guy Debord ... Un souffle révolutionnaire, de grands accents ... Et au sein de toutes ses paroles, peu de choses que je n'aurais pas pu écrire ou pas voulu écrire, dans un style plus révolutionnaire toutefois que ce que j'écris normalement
1. http://www.lemonde.fr/societe/article/2009/05/25/julien-coupat-la-prolongation-de-ma-detention-est-une-petite-vengeance_1197456_3224.html
2. http://www.lemonde.fr/societe/article/2009/05/25/julien-coupat-la-prolongation-de-ma-detention-est-une-petite-vengeance_1197456_3224_1.html
3. http://www.lemonde.fr/societe/article/2009/05/25/julien-coupat-la-prolongation-de-ma-detention-est-une-petite-vengeance_1197456_3224_2.html
4. http://www.lemonde.fr/societe/article/2009/05/25/julien-coupat-la-prolongation-de-ma-detention-est-une-petite-vengeance_1197456_3224_3.html

Et cette question lancinante : le groupe de Tarnac et Julien Coupat représentaient-ils réellement une menace terroriste en fin d'année dernière, ou bien le gouvernement français s'est-il acharné sur d'innocentes victimes, coupables de se réclamer du gauchisme et d'être de jeunes idéalistes ... On saura vraisemblablement un jour la vérité sur cette histoire. Et il faudra alors instruire le procès, soit de Julien Coupat et du terrorisme, soit de la ministre Alliot-Marie et de l'abus de pouvoir de la droite gouvernementale ...
1. http://www.lemonde.fr/societe/article_interactif/2009/05/25/tarnac-le-point-sur-un-dossier-aux-zones-d-ombre-troublantes_1195503_3224.html#ens_id=1164748
2. http://www.lemonde.fr/societe/article_interactif/2009/05/25/tarnac-le-point-sur-un-dossier-aux-zones-d-ombre-troublantes_1195503_3224_1.html
3. http://www.lemonde.fr/societe/article_interactif/2009/05/25/tarnac-le-point-sur-un-dossier-aux-zones-d-ombre-troublantes_1195503_3224_2.html
4. http://www.lemonde.fr/societe/article_interactif/2009/05/25/tarnac-le-point-sur-un-dossier-aux-zones-d-ombre-troublantes_1195503_3224_3.html

Des articles intéressants à lire ...

Faut-il en inclure que le respect des libertés publiques en France est d'ores-et-déjà gravement compromis en France au bout de deux années de présidence de Nicolas Sarkozy ? Cela fait longtemps que je le crains. Cela fait très longtemps que nombre de personnes le craignent ... En disant cela, je ne pense pas au blog d'Anna ... Je pense à certaines personnes de ma connaissance, pour certaines militantes UMP ... Aujourd'hui évidemment, rien ne permet véritablement de craindre une dérive policière, sécuritaire et totalitaire du gouvernement de Nicolas Sarkozy. Rien si ce n'est ces quelques incidents ... Les trois prochaines années seront éclairantes sur ce qui nous attend ... Pour ceux qui ne seront pas emprisonnés ou n'auront pas disparu brutalement ...


Réflexion six (12 mai 2009)
Tarnac - Une fixation des autorités policières françaises ...


Il faut lire cet autre article du Monde sur la manière dont une photographe professionnelle, Tessa Polak, âgée de 36 ans, membre du comité de soutien au groupe de Tarnac, a été interpellée et placée en garde à vue durant 72 heures par la police antiterroriste (SDAT) le 28 avril dernier.
http://www.lemonde.fr/societe/article/2009/05/11/les-policiers-ont-fait-bingo-comme-s-ils-avaient-decouvert-une-cache-d-armes_1191399_3224.html

Sommes-nous encore dans le cadre d'une démocratie, arrivés à cette extrêmité de la criminalisation d'un mouvement de contestation ? Appartenir à l'ultragauche n'est pourtant pas un crime. Ces faits, cette criminalisation de la contestation de notre société est le signe d'une peur du pouvoir politique devant les risques d'embrasement social. Le simple fait de possèder un bouquin comme 'L'insurrection qui vient', que j'ai vu en librairie bien avant qu'éclate cette affaire, n'est pas constitutif d'un crime. Le pouvoir politique et policier de notre pays est en train de perdre pied et de perdre son calme dans sa hantise d'être débordé par la grogne sociale.

Le respect des règles démocratiques est un principe intangible dans une démocratie. Les Etats-Unis ouvrent actuellement un débat sur l'obligation pour une démocratie de continuer à respecter les règles de fonctionnement démocratique, même en étant acculé à des attaques terroristes les frappant directement. En France, il ne s'agit encore que de suspiscion d'incitations ou de vélléités de participer à des actes terroristes (endommager des caténaires SNCF), et le pouvoir politique et policier de notre pays, sous la férule de Nicolas Sarkozy, en est déjà arrivé à suspendre nos règles de fonctionnement démocratique, en procédant à des mises en examen, des placements en détention provisoire, et des gardes à vue 'bidon', par mesure d'intimidation.

Ce qui se déroule actuellement dans cette affaire, en France, est grave ! Ces violations des droits de certains justiciables, dans un accès de folie sécuritaire du pouvoir politique, pourrait demain être étendue à d'autres, à vous ou à moi, dans cette affaire ou dans une autre. Il faudrait que la justice et la police retrouve une certaine mesure dans le traitement dans cette affaire, et que la justice instruise sereinement cette affaire de Tarnac.

L'ultragauche ? Ou du moins, ceux qui se réclament d'une certaine forme de gauchisation du discours, pour réformer le fonctionnement de notre société ... Mais nous sommes des millions de citoyens à avoir une telle aspiration, insatisfait du gouvernement de Nicolas Sarkozy et de sa politique libérale favorable aux plus hauts revenus et aux plus riches ... La volonté du gouvernement est-elle de nous faire peur, de nous criminaliser ? Est-ce de cette manière qu'il souhaite gagner les prochaines élections présidentielles et législatives ? Envisage-t-il de garder le pouvoir par la force policière ou par l'intimidation ?

Pour ceux que cela intéresserait, un lien pour télécharger le livre 'L'insurrection qui vient' du Comité invisible ... En espérant que ce lien ne me conduise pas en garde-à-vue ... (Paranoïa ?)
http://www.liberterre.fr/liberterres/z-pdf-liberterres/Insurrection.pdf


Réflexion cinq (19 avril 2009)
Qu'est-ce que le terrorisme ?


L'affaire dite du groupe de Tarnac, ces jeunes gens du plateau de Millevaches, et notamment l'accusation d'organisation d'actes terroristes à l'encontre de Julien Coupat et d'Yldune Lévy, continue de poser le problème de la qualification du terrorisme. Plusieurs journaux interrogent désormais la qualification de terroristes retenue à l'encontre de ces jeunes gauchistes, au grand déplaisir de la ministre de l'intérieur, qui récuse à la presse le droit de juger cette affaire («ce ne sont pas les journaux qui rendent la justice»), oubliant notamment que l'action de la presse ne la gênait pas lorsqu'elle émettait les mêmes jugements qu'elle, et oubliant aussi le fameux «J’accuse !» de l’écrivain-journaliste Emile Zola, publié dans le journal L'Aurore le 13 janvier 1898 dans l'affaire d'état (déjà) Dreyfus.
http://www.crdp-nice.net/editions/supplements/2-86629-399-1/F2_Zola.pdf

Juridiquement, qu’est-ce que le terrorisme ?

Il n'y a pas de définition juridique unique, claire et précise du terrorisme ! Il existe de nombreuses règles internationales ... La Convention de Strasbourg de 1977 vise «tout acte grave de violence dirigé contre la vie, l’intégrité corporelle ou la liberté des personnes et tout acte grave contre les biens lorsqu’il a créé un danger collectif pour les personnes».

En France, l’article 421-1 du Code pénal reprend certains des mots de cette convention, mais l’expression « acte grave » est remplacée par l’énumération des infractions concernées (les atteintes à la vie, les armes, les explosifs, les vols, les extorsions de fonds, les destructions, les dégradations et détériorations, l’informatique, le recel, le blanchiment d’argent, le délit d’initié, etc...)

Le législateur n’a pas voulu créer d’infractions spécifiques. Il appartient aux autorités judiciaires de déterminer au cas par cas si tel acte délictueux est considéré comme un acte terroriste. Ce qui change à la fois les conditions de l’enquête (garde à vue, surveillances, juridictions…) mais aussi les peines encourues. Si les faits incriminés sont inscrits dans le tableau des infractions ciblées, le juge n’a qu’une question à se poser : l’auteur de l’acte revendique-t-il un caractère politique ? On a donc fait du terrorisme un acte criminel de droit commun, en se dotant d’un arsenal juridique hors du commun.

Dans la Revue de science criminelle (n° 2004-01), David Cumin, Maître de conférences à l’université Jean-Moulin, Lyon-III, estime qu’il est impossible de parvenir à une définition objective du terrorisme, mais il en donne l’approche criminologique suivante : «Relève du terrorisme l’acte isolé et sporadique de violence armée commis dans un but politique en temps de paix contre des personnes ou biens protégés. Est terroriste l’auteur d’un tel acte, quelles que soient la composition du groupe auquel il appartient et l’idéologie qui l’anime» (in «Tentative de définition du terrorisme à partir du jus in bello»).

Toujours dans la Revue de science criminelle (n° 2006-02), Philippe Mary, professeur ordinaire à l’École des sciences criminologiques de l’Université Libre de Bruxelles, se pose la question de la différence entre le terrorisme et la délinquance urbaine. Pour lui, le terrorisme se caractérise par son aspect «grande criminalité». Mais ce qui rapproche ces deux types de criminalité, c’est que dans les deux cas, il s’agit de phénomènes indéfinis. Traités le plus souvent dans l’urgence, ils génèrent une politique de gestion des risques, dans laquelle la sécurité apparaît comme une fin en soi. «Une telle évolution de la notion de sécurité est le signe de passage d’un État social à un État sécuritaire», affirme-t-il (in «Des similitudes entre guerre anti-terroriste et lutte contre la délinquance urbaine»).

Ces définitions s’appliquent-elles à Coupat et à ses acolytes (... des malveillances contre la SNCF ?...) ? On peut en douter. N’est-on pas en train de «banaliser» le terrorisme ? Supposons que ces bandes de banlieues qui font si peur à Monsieur Sarkozy deviennent plus virulentes, plus dangereuses pour la société, ne pourrait-on pas dénicher derrière leur action une volonté politique qui en ferait des terroristes ?

Dans un récent rapport au Sénat, Robert Badinter déclaraite : «Nous n’avons pas été, à ce jour, capables d’avoir une définition internationale du terrorisme. Ceci pour des raisons éminemment politiques. Si on regarde les textes existants, on trouve des définitions faites par raccroc  ... Quand on regarde de très près les textes et notamment le texte fondateur de la Cour pénale internationale, on trouve une définition du terrorisme qui paraît acceptable : on considère comme crime contre l’humanité les actions décidées par un groupement organisé, pas nécessairement un État, ayant pour finalité de semer la terreur, dans des populations civiles, pour des motifs idéologiques. Les attentats du 11 septembre 2001 constituent une de ces actions...»

Dans une résolution du 14 janvier 2009, le Parlement européen «se préoccupe du fait que la coopération internationale dans la lutte contre le terrorisme a souvent abouti à une baisse du niveau de protection des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, notamment du droit fondamental au respect de la vie privée, à la protection des données à caractère personnel et à la non-discrimination...».

En France, une loi du 13 février 2008 autorise la ratification d’une convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme. Elle oblige les États à incriminer certains actes perçus comme pouvant conduire à la commission d’infractions terroristes, même si l’acte terroriste n’est pas commis. Il en va ainsi du recrutement et de l’entraînement de futurs terroristes, ou encore de la provocation à commettre des infractions terroristes.

Ne sommes-nous pas allé trop loin dans la qualification des actes terroristes en France, si on en arrive à poursuivre une bande de jeunes anarchistes gauchisants qui auraient eu l’intention de tenter de détruire des caténaires de la SNCF ?


Réflexion quatre (8 janvier 2009)
Considérations sur la démocratie (suite) - L'affaire des sabotages présumés de lignes ferroviaires à grande vitesse ... ou la criminalisation des mouvances d'ultra-gauche ...


Yldune Lévy, compagne de Julien Coupat, membre d'un groupe de neuf personnes dite 'groupe de Tarnac', restera encore en prison. La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris a refusé, mardi 6 janvier, sa remise en liberté, en confirmant la décision d'un juge des libertés et de la détention (JLD). Le motif de cette décision : Yldune Lévy n'avait pas encore été interrogée par le juge d'instruction chargé de l'enquête, Thierry Fragnoli. Sa première audition par le magistrat depuis sa mise en examen est prévue jeudi après-midi. La jeune femme avait toutefois été mise en examen le 15 novembre pour destructions en réunion et association de malfaiteurs à visée terroriste. Pour une dangereuse terroriste, ce juge d'instruction ne semble pas pressé de l'interroger. Une autre personne mise en examen dans ce dossier pour le même chef, Gabrielle Hallez, avait été remise en liberté le 2 décembre ... après ou sans avoir été auditionné par ce même juge d'instruction. Yldune Lévy est la dernière membre du 'groupe de Tarnac' à être incarcérée avec Julien Coupat, présenté comme le chef de cette "cellule invisible" anarcho-autonome.

Et il paraît que nous vivons en démocratie. Qu'est-ce que cela serait, sinon, si nous vivions dans un régime totalitaire ?


Réflexion trois (24 décembre 2008)
Considérations sur la démocratie en cette veille de Noël ...


Rien ne va plus en France. Ce sera Noël demain, mais Julien Coupat et Yldune Lévy demeureront en prison, lui à la Santé, elle à Fleury Mérogis ... Le père de Julien Coupat a raison de dénoncer un acharnement à l'encontre de son enfant. Cette décision a été prise par la présidente de la cour d'appel de Paris, alors qu'un juge des libertés et de la détention avait précédemment ordonné leur remise en liberté.

Une démocratie se mesure au traitement accordé au plus humble de ses justiciables. Au même moment, on apprenait la grâce présidentielle accordée par Nicolas Sarkozy à Jean-Charles Marchiani, ex-préfet du Var (parmi vingt-sept autres détenus méritants), précédemment condamné à trois ans de prison pour corruption et emprisonné depuis quelques mois, mais dont certaines personnes (d'anciens otages au Liban dont il avait obtenu le relachement) souhaitaient la libération ... Sans compter ses appuis à l'UMP ... Par cette grâce présidentielle, Jean-Charles Marchiani pourra bénéficier presque immédiatement d'une mesure de libération conditionnelle avant l'achèvement total de sa peine. On n'ose imaginer que cette mesure de libération puisse être décidée par la même présidente de la cour d'appel, et on n'ose imaginer le traitement qu'elle en ferait ... ni qu'il puisse être différent de celui réservé à la demande de Julien Coupat ...

Sous ce gouvernement libéral, j'ai de plus en plus de peine à convenir que la France puisse demeurer une véritable démocratie, qui respecte encore nos droits individuels et les libertés publiques ... entre une presse muselée, une justice aux ordres, une droite décomplexée et une police également décomplexée et libérée ...

L'acharnement dont font l'objet ces jeunes gens et leurs compagnons, apôtres d'une révolution menée contre le capitalisme, par un pouvoir exécutif qui ne partage évidemment pas la même haine du capitalisme et de l'argent, de la puissance et des réseaux occultes, par un système judiciaire et policier qui ne hait jamais rien autant que l'idéalisme, me pose problème. Il est aberrant que ce pouvoir politique continue de voler au secours du capitalisme lorsque celui-ci a failli, sans poursuivre aucun des responsables de cette gabegie, mais s'acharne sur quelques jeunes idéalistes qui rêvent de révolution et qui ont pu éventuellement endomager quelques lignes de chemins de fer ... Dans la droite ligne des actions menées par les résistants français contre l'occupant nazi, à l'époque de la seconde guerre mondiale.

Nous ne trouvons pas face à une possibilité de deux poids deux mesures ... Nous y sommes. Le pouvoir exécutif et judiciaire français semble vouloir faire un exemple de ces deux jeunes gens, parachutés comme icônes à la fois de la résistance à la droitisation de la République française et au capitalisme financier, et à la fois d'un terrorisme dont ce pouvoir excécutif fragilisé ne veut surtout voir s'implanter au centre même de la République française ...

En cette veille de Noël 2008, en cette deuxième année du quinquenat de Nicolas Sarkozy, à trois ans de la libération de la France de sa politique bling-bling libérale et partisane, que ces jeunes gens perdus dans une guerre qui les dépasse vraisemblablement, sachent que l'on pensera à eux, malgré leur enfermement dans nos prisons françaises.

Qu'ils soient persuadés que quelque soit leur implication dans de possibles actes de sabotage, leur cause était juste (à défaut d'être conforme aux lois de notre république), et l'acharnement dont ils font l'objet est profondément injuste. Et que d'autres avant eux avaient choisi la même voie pour combattre l'arbitraire et l'injustice, et que l'Histoire leur a donné raison. Et que leurs noms résonnent encore dans les annales de l'Histoire lorsque ceux de leurs adversaires ont été bannis des mémoires et sont frappés d'ignominie ... En espérant que quelque juge d'une cour d'appel lise ces quelques mots ...


Réflexion deux (7 décembre 2008)
La crainte de l'ultra-gauche ou la tentation du fascisme ...


Je trouve qu'il y a une forme d'aberration dans le fait que les forces de police et le ministère de l'intérieur puissent se focaliser sur quelques petits groupes de gauchistes et de quelques groupuscules prônant la révolution. L'impression que si Karl Marx et Friedrich Engels était encore en vie, ce même gouvernement les ferait surveiller et jeter en prison au premier bris de caténaire.

Il me semblait que dans notre société démocratique, toutes les opinions étaient tolérées et acceptables ... Qu'elles prônent la révolution comme Karl Marx et Friedrich Engels au siècle dernier, Guy Debord et les situationnistes dans les années soixante ou le comité invisible aujourd'hui ... Ou qu'elles prônent l'enrichissement immédiat, l'abrutissement des masses et la politique bling-bling comme tant de libéraux ou des amis de notre Président de la République ...

Que le pouvoir politique qui détient en ses mains le contrôle de notre pays hier encore plus ou moins démocratique et qui tente de contrôler de plus en plus profondément nos vies et nos pensées ait une telle peur d'un si petit opuscule (L’insurrection qui vient) prouve au choix son extrême vulnérabilité à la critique, ou bien la fin de la démocratie française et celle de nos libertés individuelles.

Impression que toute critique systémique de notre société devient désormais interdite. Pourtant, la jeunesse a souvent horriblement horreur de ressembler aux générations précédentes et d'être récupérer ou avaler par la société. C'est une forme de contestation plus ou moins violente mais qui disparaît le plus souvent en vieillissant ... il suffit de regarder les anciens soixante-huitards et ce qu'ils sont aujourd'hui devenus. Et c'est une forme d'évolution indispensable pour l'être humain.

En ce début de vingt-et-unième siècle, en ce début de quinquénat de Nicolas Sarkozy, j'ai de plus en plus peur pour le respect de nos droits politiques fondamentaux, ceux qui nous permettent d'avoir droit à des procès équitables, de bénéficier d'un traitement policier dans le respect de la légalité, de vivre dans une démocratie où toutes les opinions sont autorisées et respectées ... Mais ce n'est plus aujourd'hui vraiment le cas, comme nous le prouve le traitement policier réservé à ces quelques jeunes qui rêvaient d'une autre société, d'une autre vie, d'une autre philosophie, qu'ils aient ou non abimé quelques caténaires de trains ...

L'aberration, c'est de nommer 'terrorisme' des actes aussi limités et anodins. Si ce gouvernement libéral de Nicolas Sarkozy avait officié au cours de la seconde guerre mondiale, lorsque la France était occupée par les forces nazies occupantes, lorsque la zone libre était gérée par le régime de Vichy, comment ces hommes et ces femmes auraient-ils dénommés les actes terroristes de la résistance militaire française contre les voies ferrées françaises, lorsque des résistants au péril de leur vie et de celle des habitants des villages environnants, faisaient exploser les voies ou les trains allemands ou français, pour faire le maximum de dégâts et ralentir l'effort de guerre allemand ?

Peut-on imputer à ces jeunes gens le fait que les trains à grande vitesse français soient tellement fragiles et peu sécuritaires qu'une simple barre de fer sur un caténaire puisse les bloquer ou mettre en danger les voyageurs qu'ils transportent ? Selon moi, non ! L'industrie française et plus largement capitaliste est simplement incapable de penser à des modes de transport solides ou non fragiles, non polluants, et durables. C'est le propre du capitalisme que de créer des biens fragiles et demandant de fréquentes réparations et de fréquents remplacements ... Pas le fait de ces quelques enfants tout juste sortis de l'adolescence et contestant cette société pourrie contrôlée par des aspirants-dictateurs !


Réflexion une (26 novembre 2008)
Nos enfants risquent-ils aussi d'être traités demain comme des terroristes par la police et les médias ?


Le traitement médiatique dont on fait l'objet un groupe de neuf jeunes gens qui avaient choisi de vivre aux marges de notre société française moderne et urbaine, qui ont peut-être participé à la rédaction d'un manifeste révolutionnaire (mais d'autres l'ont fait avant eux, de Karl Marx à Guy Debord et les situationnistes) doit au moins nous conduire à nous interroger. La même chose peut-elle viser demain nos enfants. La police a-t-elle véritablement toutes les preuves sur l'implication de ces jeunes dont ces affaires. La gravité des faits mérite-t-elle qu'ils soient qualifiés d'actes terroristes ? Je l'ignore mais il nous faut garder les yeux ouverts.

Pour cette raison, je reproduis ci-dessous la lettre ouverte des parents des neuf mis en examen du 11 novembre en date du 23 novembre 2008, publiée dans plusieurs médias dont Le Nouvel Observateur.

« Lorsque la cacophonie s'accorde pour traîner dans la boue une poignée de jeunes emmurés, il est très difficile de trouver le ton juste qui fasse cesser le vacarme; laisser place à plus de vérité.

Certains médias se sont empressés d'accréditer la thèse affirmée par la ministre de l'intérieur dans sa conférence de presse, alors que les perquisitions étaient en cours : Les personnes arrêtées étaient d'emblée condamnées.

Personne n'aura pu rater l'épisode de "police-réalité" que nous avons tous subi la semaine passée. L'angoisse, la peur, les pleurs nous ont submergé et continuent à le faire. Mais ce qui nous a le plus blessés, le plus anéanti, ce sont les marées de mensonges déversées. Aujourd'hui ce sont nos enfants, demain ce pourrait être les vôtres.

Abasourdis, nous le sommes encore, paralysés nous ne le sommes plus. Les quelques évidences qui suivent tentent de rétablir la vérité et de faire taire la vindicte.

Les interpellés ont à l'évidence bénéficié d'un traitement spécial, enfermés pendant 96 heures, cela devait faire d'eux des personnes hors normes. La police les suspecte d'être trop organisés, de vouloir localement subvenir à leurs besoins élémentaires, d'avoir dans un village repris une épicerie qui fermait, d'avoir cultivé des terres abandonnées, d'avoir organisé le ravitaillement en nourriture des personnes agées des alentours. Nos enfants ont été qualifiés de radicaux. Radical, dans le dictionnaire, signifie prendre le problème à la racine. A Tarnac, ils plantaient des carottes sans chef ni leader. Ils pensent que la vie, l'intelligence et les décisions sont plus joyeuses lorsqu'elles sont collectives.

Nous sommes bien obligés de dire à Michelle Alliot Marie que si la simple lecture du livre "L'insurrection qui vient" du Comité Invisible fait d'une personne un terroriste, à force d'en parler elle risque de bientôt avoir à en dénombrer des milliers sur son territoire. Ce livre, pour qui prend le temps de le lire, n'est pas un "bréviaire terroriste", mais un essai politique qui tente d'ouvrir de nouvelles perspectives.

Aujourd'hui, des financiers responsables de la plus grosse crise économique mondiale de ces 80 dernières années gardent leur liberté de mouvement, ne manquant pas de plonger dans la misère des millions de personnes, alors que nos enfants, eux, uniquement soupçonnés d'avoir débranchés quelques trains, sont enfermés et encourent jusqu'à 20 ans de prison.

L'opération policière la plus impressionnante n'aura pas été de braquer cagoulé un nourrisson de neuf mois en plein sommeil mais plutôt de parvenir à faire croire que la volonté de changer un monde si parfait ne pouvait émaner que de la tête de détraqués mentaux, assassins en puissance.

Lorsque les portes claquent, nous avons peur que ce soient les cagoules qui surgissent.
Lorsque les portent s'ouvrent, nous rêvons de voir nos enfants revenir.
Que devient la présomption d'innocence?

Nous demandons qu'ils soient libérés durant le temps de l'enquête et que soit évidemment abandonnée toute qualification de terrorisme. »


Saucratès



22/11/2010
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