Critiques de notre temps

Critiques de notre temps

Critique de l'économie (1)

 

Réflexion sept (29 août 2010)
La main invisible des marchés ...


S'il est un concept fondamental en économie, c'est bien la main invisible du marché inventée par Adam Smith au dix-huitième siècle ; cette idée qu'une sorte de main invisible arrange automatiquement les choses et guide les actions humaines individuelles égoïstes pour qu'elles tendent vers l'intérêt général de la société dans son ensemble ; cette idée que des actions guidées par notre seul intérêt peuvent contribuer à la richesse et au bien-être commun.  

« (...) et en dirigeant cette industrie de manière à ce que son produit ait le plus de valeur possible, il ne pense qu'à son propre gain ; en cela, comme dans beaucoup d'autres cas, il est conduit par une main invisible à remplir une fin qui n'entre nullement dans ses intentions ; et ce n'est pas toujours ce qu'il y a de plus mal pour la société, que cette fin n'entre pour rien dans ses intentions. Tout en ne cherchant que son intérêt personnel, il travaille souvent d'une manière bien plus efficace pour l'intérêt de la société, que s'il avait réellement pour but d'y travailler. »
«Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations», Adam Smith, 1776

Ce concept de la main invisible a été revisitée et théorisée par les économistes classiques Vilfredo Pareto et Léon Walras, selon lesquels si chaque consommateur peut choisir librement ses achats et si chaque producteur peut choisir librement les produits qu'il vendra et la façon dont il les produira, alors le marché évoluera vers une situation mutuellement bénéfique pour tous les agents. 

On parle depuis lors de l'«optimum de Pareto» ; le fait que la situation atteinte de la sorte est un optimum optimorum, l'allocation des ressources la plus optimale possible, ce qui signifie que toute nouvelle allocation différente des ressources existantes, par exemple liée à l'intervention de l'Etat par le biais d'un impôt ou d'une taxe, ne pourra être que sous-optimale par rapport à la situation précédente, c'est-à-dire diminuera la richesse totale produite dans la société pour l'ensemble des acteurs.

La justification empirique de cette théorie est que le penchant égoïste des individus va conduire chaque individu à se comporter d'une manière qui sera bénéfique pour la société. Les firmes choisiront les méthodes de production les plus efficaces afin de maximiser leur profit. Les prix de vente seront réduits sous l'effet de la concurrence sur les marchés. Les agents investiront dans les industries qui ne parviennent pas à satisfaire la demande et qui fournissent donc les retours sur investissement les plus élevés. Dans les secteurs en surproduction, les agents se retireront sous l'effet de profits nuls ou négatifs. Dans le domaine de l'éducation, les étudiants sont amenés à choisir les carrières qui manquent de travailleurs, les plus rémunératrices.

Tous ces effets auront lieu automatiquement. Néanmoins, cette théorie ne s'appliquera plus lorsque des actions des agents produisent des externalités ; dans ce cas, l'intervention de l'État est alors nécessaire (théorie développée par l'économiste anglais Arthur Cecil Pigou).

Les néo-libéraux d'aujourd'hui continuent toujours de faire reposer leur approche de la réalité économique sur cette vieille idée que la conjugaison des actions individualistes et égoïstes des hommes conduit à la meilleure forme d'organisation sociale et économique possible, dans laquelle l'intervention de l'état doit être la plus minime possible.

Quelle est la justification de cette main invisible sur laquelle les économistes néo-libéraux font reposer leur approche théorique de l'organisation économique et sociale ? Je n'ai pas de réponse à apporter, puisque ces justifications sont essentiellement mathématiques et dépendent surtout des hypothèses utilisées dans le cadre du modèle de la concurrence pure et parfaite, que les néo-libéraux utilisent, mais qui est totalement différent de la réalité économique et sociale. Dans le cadre de la concurrence pure et parfaite, il serait exact de dire que la main invisible des marchés existerait.

Mais hors de ses hypothèses (atomicité du marché, homogénéité des produits, transparence du marché, libre entrée et libre sortie, libre circulation des facteurs de production), et hors du présupposé d'une rationalité parfaite des acteurs économiques, il demeure à prouver que le concept même de main invisible du marché, cette idée que les actions guidées par notre seul intérêt peuvent contribuer à la plus grande richesse et plus grand bien-être commun possible, est bien vraie, vérifiée ... et que toutes interventions étatiques sont à bannir, puisqu'elles ne pourraient que dégrader, que rendre sous-optimale la situation  économique (et sociale) mondiale.

Hors de la théorie, hors des hypothèses des sciences économiques, il demeure selon moi à démontrer que la main invisible des marchés existe, que le libéralisme fonctionne, que l'action de l'Etat conduit à des situations sous-optimales économiquement et socialement ... Et pourtant cela n'empêche pas les néo-libéraux de prôner leurs méthodes de gouvernement et leurs réformes des règles économiques ... Comme cela n'empêche pas les politiques d'appliquer leurs recettes économiques et politiques malgré leurs coûts sociaux pour les plus démunis ...

 

 

Réflexion six (26 août 2010)
Retour à l'économie et à la critique économique ...


Il me semble désormais nécessaire d'en revenir aux sciences économiques en laissant tomber les polémiques de l'actualité politique, pour un temps. Retour donc aux concepts économiques ! L'économie est devenue une science à partir du moment où elle a abandonné les sciences humaines pour fonder sa théorie sur les concepts de la rationalité parfaite des agents économiques, qu'ils soient consommateurs ou producteurs, et de leurs actes, et sur la mathématisation des relations économiques.

La transformation de sciences molles en sciences dures est une tendance qui a touché toutes les sciences humaines et sociales. De la philosophie à partir de l'époque de Emmanuel Kant jusqu'à l'anthropologie à l'époque de Claude Levi-Strauss (et sa théorie de l'anthropologie structurale). L'objectif poursuivi : apporter une justification basée sur la rigueur mathématique à un corpus théorique riche mais foisonnant d'explications possibles et de théories opposées. Cette idée que la froideur du raisonnement mathématique permettrait de classer et séparer le bon grain de l'ivraie. Mais ne pas voir l'apauvrissement extrême que cette mathématisation entraîne sur une théorie, sur les explications possibles des phénomènes observés, l'apauvrissement extrême des explications elles-mêmes.

Le concept même de la rationalité des agents économiques est un concept repris à la philosophie allemande, à Kant et à Weber. Il ne faut pas oublier qu'au dix-neuvième siècle, jusqu'à Marx mais également Ricardo, la théorie économique ne repose pas sur ce concept de rationalité des agents économiques, mais sur la théorie de la valeur travail comme fondement de la valeur, à la base de la pensée économique. Le concept de la micro-économie, de la mathématisation des relations économiques (la révolution marginaliste) , nécessitant l'hypothèse que les actes des agents économiques sont parfaitement prévisibles et logiques, répétitifs, n'apparaît qu'à partir du milieu du dix-neuvième siècle et ne l'emportera définitivement qu'à la charnière avec le vingtième siècle, avec les travaux de l'anglais William Stanley Jevons, du français Léon Walras, de l'autrichien Karl Menger et de l'italien Vilfredo Pareto.

Sans rationalité des agents économiques, il ne peut y avoir de sciences économiques telle que l'on l'entend aujourd'hui. Evidemment, ce concept de rationalité parfaite des agents a été revisitée régulièrement depuis l'école marginaliste, et modifiée pour intégrer les théories du jeu et autres variations, permettant de prouver que même si individuellement, les comportements des acteurs pris individuellement ne paraissent pas rationels, ils obéissent néanmoins à des modèles comportementaux modélisables, prévisibles et agrégeables.

Néanmoins, le concept même de comportement rationnel en économie me heurte, car au fond, on peut faire dire tout et son contraire au concept de rationalité, jusqu'à son contraire : l'irrationalité, comme les comportements observés en matière financière nous le prouvent ... Même si l'irrationalité peut être modélisée bien rationnellement, l'idée même que l'on puisse modéliser mathématiquement mes comportements et ceux d'une foule, d'une population, me heurte profondément.


Réflexion cinq (16 décembre 2008)
Le fonctionnement réel des marchés en oligopoles ... signification et dérives ...


Selon les canons de l'économie libérale (et non pas de la beauté), la concurrence pure et parfaite (multitude d'offreurs et de demandeurs, incapables d'influer sur les prix et sur les équilibres des marchés) devrait prévaloir dans la réalité telle qu'elle existe pour obtenir un fonctionnement le plus 'efficient' des marchés en économie.

Dans la réalité, si les canons de la concurrence pure et parfaite sont le plus souvent respectés pour les consommateurs (même si la capacité de ces derniers à se regrouper au sein des associations de consommateurs est une faille dans cette théorie), il n'en va pas de même pour les offreurs, qui se trouvent en fait le plus souvent dans une situation d'oligopoles.

Une situation d'oligopole (source wikipedia) se rencontre lorsque sur un marché il y a un nombre très faible d'offreurs (vendeurs) et un nombre important de demandeurs (clients). On parle aussi de situation de marché oligopolistique. Il s'agit en fait du type de marché le plus répandu.

Il s'agit d'une situation de marché imparfait : dans le cadre de la concurrence pure et parfaite, les offreurs sont indépendants, alors que dans le cas d'un oligopole le profit de chaque producteur dépend de l'attitude des autres offreurs. Lorsque les rendements sont constants ou croissants, les producteurs sont naturellement incités à grossir afin de réaliser des économies d'échelle, ce qui tend à la concentration, et l'équilibre d'un tel système est une situation de monopole où il ne reste plus qu'un producteur. Néanmoins, dans le but de protéger le consommateur des abus, les institutions politiques s'opposent à la constitution de monopoles. Ces marchés tendent alors désormais naturellement vers un équilibre oligopolistique.

Une fois cet équilibre atteint, les producteurs peuvent se livrer une concurrence féroce (cas d'Intel et AMD sur le marché des microprocesseurs), mais peuvent aussi s'entendre de manière plus ou moins formelle et constituer un cartel. De même qu'elles interdisent l'abus de position dominante, les institutions politiques s'opposent aux ententes abusives. Certains secteurs d'activité sont des secteurs « naturellement oligopolistiques » : les rendements d'échelle sont tellement grands qu'il est plus rentable pour l'économie que le nombre d'acteurs soit limité.

Dans la réalité, les services européens (ou américains) de la concurrence doivent régulièrement condamner des groupes industriels ou commerciaux pour des faits d'entente ; les oligopoles ayant très souvent tendance à tenter de biaiser le fonctionnement des marchés pour maintenir les marges bénéficiaires les plus importantes possibles. Il est d'ailleurs pratiquement impossible pour un consommateur d'être certain de ne pas faire l'objet de pratiques d'entente, notamment dans les grandes surfaces alimentaires ou d'ameublement ...

Quelles sont les conséquences d'une concurrence imparfaite, puisque c'est la véritable réalité en économie ... sans compter les divers monopoles qui existent partout ... Les conclusions du libéralisme économique, fondées sur l'existence d'une concurrence pure et parfaite, peuvent-elles encore être appliquées ?

Mais lorsque l'on voit les déboires enregistrés sur les marchés financiers de capitaux mondiaux, les faillites retentissantes observées, les besoins réguliers d'appui financier de la part des autorités monétaires et publiques, que ce soit en France, en Allemagne, pays apôtres d'un interventionnisme étatique, ou en Angleterre ou aux Etats-Unis, défendeurs d'un pur libéralisme ... marchés qui se trouvent ressembler de la manière la plus approchée aux préceptes de la concurrence pure ou parfaite ... où quelque soit la puissance d'un intervenant, même collossale, elle est infinitésimale par rapport aux capitaux en circulation ... Il devient difficile de croire dans la pertinence des leçons libérales et de la nécessité de la concurrence pure et parfaite ... et du fait qu'elle permet d'atteindre un équilibre le plus efficace possible ... ou alors nous n'avons pas tous la même définition pour efficace !

La crise financière mondiale a donc au moins un intérêt ... Démontrer la fausseté des proclamations du libéralisme et des lendemains chantants qu'il promettait ... Le fonctionnement libre et pratiquement sans entrave de marchés fonctionnant selon le principe de la concurrence pure et parfaite ne permet pas un fonctionnement efficace, mais la création de déséquilibres majeurs, de désordres et de chimères incroyables, qui mettent en danger la perpétuation de ces mêmes marchés. La concurrence pure et parfaite est ainsi une aberration, comme les oligopoles, en ce qu'elle nécessite forcément un contrôle démocratique et légitime pour réguler son fonctionnement. Cette régulation a vraisemblablement un coût en terme d'efficacité à court terme, mais les crises qui secouent ces marchés rendent absolument nécessaire une régulation ... en espérant que les contrôleurs sauront empêcher la survenance d'une nouvelle crise de même ampleur, même dans un siècle.

 
Réflexion quatre (14 décembre 2008)
Le concept de comportement moyen des agents économiques et le problème de ses écarts avec la réalité ... Et l'invention de la publicité ...


Un autre principe de l'économie pure est l'atomicité des intervenants sur le marché, pour caractériser le paradigme de concurrence pure et parfaite. Par atomicité, il faut entendre leur taille infinitésimale en regard du marché leur interdisant d'influer sur la formation des prix, sur la demande et sur l'offre. Evidemment, la majeure partie des consommateurs respectent ce principe d'atomicité, notamment dans la grande distribution alimentaire. Mais pas les entreprises du côté de l'offre, et notamment les grandes surfaces en produits alimentaires.

La concurrence pure et parfaite n'est ainsi respectée que du côté des acheteurs, qui sont trop 'petits' pour influer sur la formation des prix, mais pas du côté de l'offre, qui se trouve organisée dans le cadre d'un oligopole. Ce qui n'interdit pourtant pas aux économistes libéraux d'appliquer leurs recettes économiques libérales, alors que les hypothèses de leurs modèles théoriques ne sont pourtant pas respectées dans la réalité.

Pourtant, la demande atomisée qui s'adresse aux différents produits proposés à la vente dans ces grands magasins présente la particularité d'être extrêmement différente, pour chaque consommateur. Ils affectent tous des valeurs et des préférences différentes aux biens qui leur sont proposés, et accordent également des valeurs différentes à l'argent, au temps, à la consommation, à la pollution environnante, à leur solitude ou à la fête. Ces modèles mathématiques complexes qui sont censés rendre compte de la réalité en économie, qui sont censés prendre en compte des variations de certains paramètres pour en déterminer les conséquences, reposent en fait sur des approximations des comportements moyens de millions de consommateurs et de centaines de milliers d'entreprises, d'industries et de commerce ...

La science économique, ainsi, n'est qu'une immense approximation de la réalité des échanges économiques. Approximation des comportements différents des millions de consommateurs de la réalité ... Approximation de la capacité d'influer sur les prix de la part des grandes entreprises, à mille lieux des hypothèses d'atomicité des modèles économiques ... Approximation des lois économiques retenues pour reproduire le fonctionnement des sociétés humaines réelles, comme celle concernant la rationalité des consommateurs poursuivant la maximisation de leur satisfaction ...

La publicité ... Solution retenue par l'industrie de la grande distribution et par les industriels pour influencer le comportement des consommateurs et créer des demandes factices et programmées. La publicité permet ainsi de limiter, de réduire les comportements différents des millions de consommateurs, en homogénéisant leur demande et leur comportement, de façon à ce qu'ils se rapprochent du comportement moyen utilisé dans les modèles.

Ainsi, la publicité, bien qu'étant une invention de l'économie réelle pour contrôler et accroître la demande adressée à une entreprises et à un produit, permet en même temps de rapprocher les comportements divergents des millions de consommateurs, en une demande moyenne modélisable.

Mais la publicité est peut-être aussi une tentative d'accorder une valeur réelle aux biens, dans une théorie qui ne reconnaît que des échelles subjectives de valeur pour les biens. Une demande factice et provoquée pour un bien particulier, mais une valeur affirmée reposant sur une demande grossie et amplifiée.


Réflexion trois (30 novembre 2008)
De la théorie de la valeur et de l'usage des comportements moyens du consommateur en économie


Le principe, en économie néoclassique, c'est que la valeur d'un bien ne dépend pas de son coût de fabrication, mais de l'utilité que les consommateurs lui trouvent ou lui trouveront. Dans l'absolu, ce n'est pas faux. Mais dans la réalité, les millions (ou milliards) de consommateurs n'accordent pas tous la même valeur aux mêmes biens. Une entreprise pourra donc le plus souvent trouver suffisamment de consommateurs pour acheter les produits qu'elle fabrique au prix qu'elle déterminera. En effet, face aux goûts différents de millions de consommateurs potentiels, chaque bien produit peut réussir à trouver des consommateurs intéressés, quelque soit le prix demandé. Seule la quantité vendue dépendra du prix demandé. Concernant leur prix de vente, les entreprises ont tendance à utiliser leur coût de production, augmenté d'une marge, pour fixer le prix de leurs produits. Et il est rare qu'elles descendent véritablement en dessous de ce prix minimum de revient. A la rigueur, elles tenteront d'abaisser leur coût de revient si elles ont des problèmes de débouchés, ou augmenteront leur marge si au contraire la demande venant des consommateurs excède leur offre.

Je n'ai évidemment pas remis en cause les préceptes de l'économie néoclassiques avec ces quelques lignes. Je n'ai pas démontré d'erreurs dans la théorie néoclassique de la valeur-utilité. Bien au contraire, je n'ai fait qu'exposer quelques problèmes de la formation des prix, auxquels la théorie néoclassique répond parfaitement.

Mais ces quelques lignes me permettent d'interroger cet élément fondamental de la théorie économique néoclassique, de cette absence de valeur des biens, des choses et des marchandises ... Ce manque explique selon moi que l'économie réelle elle-même soit creuse, qu'il puisse exister des bulles spéculatives et à d'autres moments à l'inverse des creux spéculatifs, puisqu'il n'y existe plus aucune notion ni possibilité de mesure de la valeur, que la valeur y est purement subjective, et qu'elle peut donc aussi bien disparaître. Il y a autant de valeur-utilité que de consommateurs, car chacun d'entre nous donnerait une valeur différente à un même bien, et si cela ne tenait qu'à nous, si nous en avions conscience, nous en offririons le prix minimum.

La théorie néoclassique essaie de modéliser, de rendre compte, d'un monde réel où il n'y a plus aucune notion de valeur fixe, du fait de l'existence de multitudes de consommateurs aux goûts différents, et de la variation des prix que ceux-ci seraient prêts à dépenser pour un bien en fonction des moments et des circonstances (comme à l'extrême dans le cas de l'eau pour un consommateur assoiffé dans le désert). La théorie néoclassique réussit ainsi à rendre parfaitement compte de cette réalité, mais elle met en oeuvre un système philosophique totalement creux, totalement replié sur lui-même ... sur un système de valeurs totalement privé de consistance et de réalité ...

Et pourtant, les entreprises dans la réalité de tous les jours continuent de s'appuyer sur des prix réels, stables le plus souvent, correspondant à peu près à l'ancienne valeur-travail des anciens classiques (même si certains formes de coûts, notamment publicitaires, échappent quelque peu à cette détermination) ...

En choisissant de fonder son analyse sur une définition fluctuante de la valeur des choses et des biens, la théorie néoclassique et ses explications théoriques de la réalité, des mouvements économiques, monétaires et financiers, en généralisent ainsi une explication fluctuante et floue. La nature spéculative du capitalisme, et sa capacité de désordre y trouve peut-être ainsi un début d'explication. Le simple choix d'un jeu d'hypothèses n'est ainsi pas neutre sur le devenir de l'ensemble.


Réflexion deux (23 novembre 2008)
De la théorie de la valeur


Il était d'usage, autrefois, de commencer un ouvrage d'économie en discourant sur la mesure de la valeur. Quelle est la valeur des biens ou des marchandises ? Comment la mesure-t-on ? Comment la détermine-t-on ? On trouve une telle introduction chez Ricardo, Marx, Sraffa, parmi d'autres. Ainsi le premier point du chapitre premier de la première section du livre premier du 'Capital' de Marx commence par la phrase suivante : « Les deux facteurs de la marchandise : valeur d'usage et valeur d'échange ou valeur proprement dite (substance de la valeur, grandeur de la valeur) ».

Il est donc naturel que ma première réflexion critique sur l'économie commence sur ce point théorique.

Evidemment, l'économie moderne, depuis l'avènement des théories néo-classiques, ne s'intéresse plus véritablement à la valeur des biens. Même si les livres modernes d'économie s'ouvrent malgré tout sur le concept d'utilité, ou valeur-utilité (c'est ainsi le cas de 'Introduction à la microéconomie' de Hal. R. Varian).

L'idée néo-classique, c'est que la valeur d'un bien ne dépend pas de son coût de fabrication, mais de l'utilité que les consommateurs lui trouvent. Elle repose sur ce que l'on appelle la 'conception subjective de la valeur'. La 'conception subjective de la valeur' est une conception de la valeur en économie qui postule que, pour avoir de la valeur, un objet doit être utile et rare. Elle reconnait également qu'un objet peut répondre aux besoins d'un individu et non d'un autre. Autrement dit, la valeur des choses est une qualité qui leur est attribuée par chaque observateur de façon subjective, et donc variable dans le temps et entre observateurs différents.

Elle s'oppose à la 'conception objective de la valeur', selon laquelle la valeur d'un objet peut être déterminée indépendamment des préférences des acteurs. Selon cette conception opposée, la valeur des choses aurait un fondement objectif indépendant de l'observateur. La variante la plus connue est la théorie de la valeur travail, selon laquelle la valeur d'un bien est formée par le travail qu'il a fallu dépenser pour produire ce bien. Cette thèse a été défendue par les classiques anglais (Adam Smith, David Ricardo), et reprise par Marx. Ricardo écrit ainsi dans 'Des principes de l'économie politique et de l'impôt' : « Ce n’est donc pas l’utilité qui est la mesure de la valeur échangeable, quoiqu’elle lui soit absolument essentielle. [..] Les choses, une fois qu’elles sont reconnues utiles par elles-mêmes, tirent leur valeur échangeable de deux sources, de leur rareté, et de la quantité de travail nécessaire pour les acquérir ».

Pour illustrer la thèse néoclassique de l'utilité marginale, on peut prendre l'exemple de l'eau et du diamant. L'eau a une valeur moindre que le diamant, ce dernier étant plus rare et plus dur à extraire. Cependant, comme l'illustre Condillac dans 'Le Commerce et le Gouvernement considérés l'un relativement à l'autre', un homme assoiffé dans le désert payera une somme très importante pour un verre d'eau (et le préférera à un diamant). La valeur résulte ainsi de la disponibilité d'un bien en un endroit donné. Toutefois une fois le premier verre d'eau consommé, et un second voire un troisième, l'utilité marginale, très importante au premier verre, décroît nettement si bien que le dernier verre (avant l'état de satiété où la consommation n'entraîne plus de satisfaction supplémentaire) n'a presque plus de valeur.


Réflexion une (23 novembre 2008)
Introduction


En quoi la science économique nous ment-elle et nous trompe-t-elle ? A côté de mes réflexions sur l'économie, il me semble intéressant de cibler plus précisément mon analyse sur quelques erreurs de la science économique et sur leurs conséquences sur le fonctionnement et le développement du capitalisme et plus généralement de l'économie.

J'étudierais en premier lieu le concept de valeur en économie, à la fois l'ancienne forme de la valeur-travail, qui donnait un véritable fondement à la notion de valeur des choses, et à la fois la forme actuelle de valeur-utilité, dont je soulignerais l'absolue inanité ...

Dans le même ordre d'idée, je m'intéresserais aussi aux concepts de production, de richesses produites, de consommation, de monnaie, en m'intéressant aux biais que ces concepts, ces notions créent dans l'organisation de notre société. Je reviendrais particulièrement sur la notion même de 'moyenne' que toutes ces notions sous-entendent ou sur laquelle elles reposent.

Je m'intéresserais aussi au fondement même du capitalisme et des sciences économiques, à savoir la notion de concurrence pure et parfaite, concept cher à l'économie. Cette notion de concurrence pure et parfaite qui est la bible du capitalisme et du fonctionnement des marchés, mais n'existe justement en aucune manière. Cette pierre de rosette du capitalisme sur laquelle se repose toutes les politiques économiques libérales proposées, mais dont il n'est pas certain qu'elles puissent être démontrées hors de ce modèle ...

En quelques mots ci-après, une critique de certains concepts de l'économie, du fonctionnement rêvé du capitalisme ... Pour des prolégomènes à une critique aboutie du capitalisme et du monde de l'économie ...


Saucratès



26/11/2010
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