Critiques de notre temps

Critiques de notre temps

Débat sur les retraites (2)

Réflexion dix (8 octobre 2010)
Mon incompréhension devant la position des jeunes vis-à-vis de la réforme sur les retraites (suite)


Comme je l'indiquais précédemment, il existe quatre variables sur lesquelles on peut agir pour équilibrer un régime de retraites : agir sur le nombre de cotisants (1), sur le nombre de retraités (2), sur le montant des retraites (3) et sur le niveau des cotisations de retraite (4). On peut également modifier le système du régime de retraite, entre trois possibilités : un régime par répartition, un régime par capitalisation, un régime en comptes notionnels. Mais la modification de la forme du régime de retraite reviendrait dans les faits à agir sur l'une des variables évoquées ci-dessus.

Concernant la variable n°4 (agir sur le niveau des cotisations de retraite), j'avais à peu près répondu à la question en rappelant que les taux de cotisation pour les régimes obligatoires de retraite s'établissaient à 23,95% (9,75% à la charge des salariés et 14,20% pour les charges patronales) jusqu'à la tranche A et à 21,70% (8,10% pour la part salariale et 13,60% pour la part patronale) pour les tranches B et C. Il me semble illusoire de défendre l'idée d'une majoration de la seule part patronale, en sachant que la majeure partie de ces régimes de retraites obligatoires sont gérés de manière paritaire, c'est-à-dire par un nombre égal de représentants des organisations syndicales de salariés et de représentant du patronat. Pour les taux ARRCO et AGIRC, il faut ainsi prévoir qu'une augmentation des taux de cotisation se partagera presque inévitablement entre une hausse des parts salariales et patronales ... Ceux qui militent pour un relèvement des cotisations de retraite envisagent ainsi de faire contribuer toujours plus les salariés au financement des retraites ; effort qui portera essentiellement sur les plus jeunes salariés, qui seront concernés beaucoup plus longuement que les travailleurs les plus âgés. A moins d'évoquer une piste alternative et de faire cotiser les retraités pour le paiement de leur retraite, mais cela conduira inévitablement à un abaissement des pensions de retraite, c'est-à-dire à la variable n°3.

La variable n°3 (agir sur le montant des retraites) est pour sa part plus ou moins exclue des discussions et elle n'est pas évoquée. Selon le gouvernement, la réforme proposée a justement pour objet de ne pas se voir conduire les prochaines années à ce genre de solutions drastiques d'abaisser le montant des retraites. En même temps, la hausse de la durée de cotisation revient à cette même idée ; cotiser plus longtemps pour maintenir le niveau de remplacement. Et il est fort probable que les taux de remplacement que les jeunes lycéens ou étudiants aujourd'hui pourront obtenir demain, à l'âge de leur retraite, sera très différent des niveaux de remplacement que les retraités d'aujourd'hui peuvent obtenir ...

La variable n°1 (agir sur le nombre de cotisants) est tout autant intouchable. Il est évident que cette variable ne dépend pas de la négociation sociale, mais de la situation économique de la France et de l'évolution de facteurs démocraphiques. A la rigueur, le gouvernement et les partenaires sociaux ne peuvent intervenir sur cette variable qu'en reculant ou en avançant l'âge légal de départ à la retraite, ou en modifiant les durées de cotisation nécessaires pour une retraite à taux plein.

Ainsi, la variable n°3 (agir sur le nombre de retraités) demeure la seule variable sur laquelle il est possible d'agir véritablement, en avançant ou en reculant l'âge de départ à la retraite. Plus il y aura de retraités à indemniser, plus le coût en sera élevé, à la charge des actifs en âge de travailler ... L'une des manières est de remonter l'âge de départ en retraite, par un relèvement de l'âge légal ... Une autre manière étant de relever le nombre de trimestres nécessaires pour pouvoir partir à taux plein, ce qui revient, on l'a vu, à diminuer les niveaux de retraites à verser ...

De tous les citoyens français, les lycéens, les étudiants et les plus jeunes des salariés sont les premiers à être concernés par l'importance de ce débat, mais en aucun cas par le problème sur le relèvement de l'âge légal de départ à la retraite. De toute façon, au train où vont les choses, tout particulièrement si les manifestants l'emportent aujourd'hui face au gouvernement, ce n'est pas à 62 ans ou 67 ans qu'ils doivent prévoir de prendre leur retraite mais jamais ; ils paieront toute leur vie pour une retraite dont ils ne verront jamais la couleur, même à 90 ans, parce qu'il leur faudra financer la retraite des classes d'âge qui auront continué pendant quelques décennies à partir entre 58 ans et 60 ans. 



 

Réflexion neuf (9 septembre 2010)
Mon incompréhension devant la position des jeunes vis-à-vis de la réforme sur les retraites


Je me limiterais ici à m'intéresser à la position d'un certain nombre de jeunes lycéens et étudiants vis-à-vis de la réforme des retraites. Evidemment, j'ai été moi-aussi un jeune étudiant et j'ai manifesté et contesté contre une réforme de l'université en 1986 (contre le projet du ministre délégué Alain Devaquet ... cf. un récit de ces évènements). Le fait d'avoir participé à ce mouvement estudiantin m'a marqué politiquement pour de nombreuses années, faisant de moi un gauchiste pour quelques temps.

Je sais pour l'avoir vécu (phrase qui n'aurait pas de sens si l'on suit Wittgenstein ... lire «De la certitude») qu'il suffit de très peu d'arguments pour mobiliser des jeunes, qu'ils soient étudiants ou lycéens, et que la joie d'en découdre avec le pouvoir, de s'opposer aux projets d'un gouvernement, est bien souvent suffisant. J'ai également remarqué que les mêmes raisons poussent depuis 1986 les contestations et les manifestations estudiantines et servent d'arguments à leurs meneurs : le risque de privatisation de l'université.

Les jeunes qui se rangent derrière les manifestations syndicales et politiques contre la réforme des retraites se disent donc inquiets pour leur retraite, craignant que du fait de cette réforme, ils ne puissent plus partir en retraite. Evidemment, ils seront effectivement concernés par un relèvement de l'âge de départ en retraite des générations actuelles. Mais je n'ose croire que ces jeunes, même pas encore entrés dans le monde du travail, puissent déjà penser à leur future retraite !

Je me hasarderais ainsi à quelques explications pour essayer de leur faire entendre raison. Le système de retraite existant en France repose sur la répartition, c'est-à-dire que les cotisations des actifs à un instant T payent les retraites des inactifs à ce même instant T. Il existe deux autres régimes de retraites possibles : la retraite par capitalisation (chaque actif se constitue un capital qui servira pour lui servir une rente pour sa retraite ... système des pays anglo-saxons, qui existait en France dans la première moitié du vingtième siècle et qui s'est effondré avec la seconde guerre mondiale) et les comptes notionnels (système mis en place dans les pays nordiques européens).

Dans un système de retraite par répartition, il doit y avoir un équilibre entre le nombre de cotisants, le nombre de retraités, le montant des retraites et le niveau des cotisations. C'est une simple équation à quatre inconnues, chaque variable pouvant participer à l'équilibre général. Au jour d'aujourd'hui, les régimes par répartition de l'AGIRC et de l'ARRCO sont devenus déficitaires (les cotisations de l'année ne couvrant plus les prestations de retraite versées en 2009) conduisant ces régimes à ponctionner environ respectivement 3% et 6% de leurs réserves financières pour équilibrer leurs comptes (2009). A ce régime-là, alors que les classes d'âge nombreuses du baby boom commencent à peine à passer en retraite, les régimes AGIRC et ARRCO vont devoir trouver des solutions pour équilibrer leurs comptes ... Ces régimes sont gérés paritairement, c'est-à-dire par des représentants en nombre égal du patronat et des organisations syndicales ...

Sur les quatre variables sur lesquelles on peut agir pour équilibrer un régime de retraite, on peut évidemment augmenter les taux de cotisations payés par les salariés et les entreprises. Cette variable a été régulièrement utilisée au cours des dernières décennies. Il est aujourd'hui considéré que les cotisations atteignent des niveaux que l'on ne peut plus relever :
- 14,75% pour la sécurité sociale sur la tranche A (dont 6,65% à la charge du salarié) auquel il faut rajouter 1,70% sur le salaire total (dont 0,10% à la charge du salarié)
- 7,50% sur la tranche A (dont 3% à la charge du salarié ... parfois 3,75%) pour les régimes complémentaires (ARRCO et AGIRC) et 20% (20,30% pour l'AGIRC) sur les tranches B et C (dont 8% à la charge des salariés).

Les cotisations salariales de retraite représentent ainsi 9,75% du salaire brut des salariés en dessous de la tranche A (un peu plus de 30.000 euros de salaire annuel) et 8,10% au delà de la tranche A. Au-delà de huit fois le plafond, il n'y a plus de cotisations (sauf 0,10%), ni de droits à retraite. Les cotisations patronales représentent pour leur part 14,20% en dessous de la tranche A et 13,60% pour les tranches B et C.

L'augmentation de ces cotisations (salariales) aurait pour conséquence immédiate une baisse des salaires et du pouvoir d'achat des salariés. Mais elle aurait surtout l'inconvénient de toucher de manière durable les jeunes travailleurs, qui y resteront soumis pendant des décennies, alors que les travailleurs plus âgés, proches de la cinquantaine n'y seront soumis que provisoirement.

L'interrogation de ces jeunes sur le devenir des retraites, je le comprends, je me suis interrogé de nombreuses années durant ; à quoi cela sert-il de cotiser à vide, pour rien, pour des caisses de retraite, sans être certain que cela servira à quelque chose, que cela existera encore le jour où je partirais à la retraite, surtout au niveau de cotisations auquel nous sommes soumis (9,75% jusqu'au plafond de la sécurité sociale). Le fait de se poser cette question sur le devenir des retraites est normal. Je me suis toujours dit que rien ne changera tant qu'il n'y aura pas un mouvement de contestation des jeunes salariés qui refuseront de continuer à payer à vide pour les retraites des plus vieux.

Ce qui est moins normal, c'est, comme pour ces jeunes lycéens et étudiants, de s'associer à ce genre de manifestations anti-gouvernementales, comme s'ils pouvaient croire que les organisations syndicales de salariés avaient vraiment à coeur de représenter l'ensemble des citoyens français, et non pas principalement la classe d'âge qui s'approche aujourd'hui de l'âge de la retraite, sans aucun égard pour la classe d'âge des jeunes lycéens, étudiants ou salariés récents. Ceux-ci ne sont pas en effet syndiqués auprès de ces centrales syndicales, et leurs dirigeants sont tous plus proches de la cinquantaine que de la vingtaine d'années !


Réflexion huit (7 septembre 2010)
Mobilisation

Que penser du projet de réforme des retraites présenté par le gouvernement et dont l'étude par le parlement a démarré ? Faut-il faire grève ? Pour quelles raisons, pour quels objectifs ? Ce sont quelques questions qu'un certain nombre de français doivent vraisemblablement se poser ces derniers temps.

Nous assistons il me semble à un conflit entre d'un côté des syndicats qui semblent avoir pour unique objectif de faire reculer le gouvernement, des salariés qui veulent contester la politique de Nicolas Sarkozy, un parti socialiste et des partis d'opposition qui s'opposent, et de l'autre un gouvernement libéral qui tente de vendre une réforme qui va devenir impopulaire. Mais où se trouve la sagesse et le courage dans cette affaire ; il n'est pas certain que ces valeurs se trouvent du côté des manifestants.

Les syndicats, au coeur de la contestation sur les réformes semblent s'enfermer dans une opposition acharnée. Ils ne peuvent valider la réforme proposée par le gouvernement sans se mettre à dos les masses de manifestants contestataires bien français, et sans risquer de perdre leurs précieux adhérents. Leurs arguments reposent sur l'injustice de la réforme (mais ils ne nous expliquent pas ce que serait une réforme juste si ce n'est qu'elle ne change rien et que son financement ne repose que sur les contribuables plus riches qu'eux, forcément trop riches ...) ainsi que sur le fait que le projet ne règle pas tous les déséquilibres à venir des régimes de retraite ...

En un sens, nous nous trouvons face à une situation de blocage dont la France est une spécialiste et une habituée depuis plus d'une décennie et la réforme ratée de Juppé, en 1997. L'âge de départ en retraite a été relevé partout ailleurs en Europe de manière concertée, à 65 ans et au-delà ... Cela ne pose problème qu'en France ! La France est un drôle de pays où les salariés rêvent de retraites dès la cinquantaine écoulée, parfois même bien avant.

Il me faut répondre à une contradiction ; j'ai fait grève aujourd'hui 7 septembre comme au mois de juillet, simplement pour donner aux syndicats qui nous représentent une légitimité suffisante face au gouvernement pour obtenir de nouvelles concessions, mais pas pour que le projet de réforme ne soit rejeté. Car je suis persuadé que cette réforme, et notamment le report de l'âge de départ à la retraite au-delà de 60 ans, est une nécessité. Par contre, le relèvement d'un point du taux maximum d'imposition sur les plus hauts revenus ne me semblent par exemple par suffisant. La création d'une nouvelle tranche d'imposition pour les revenus plus élevé me semblerait ainsi également nécessaire, en plus du relèvement plus important de cette tranche.

Que les salariés âgés d'une cinquantaine d'années face grève et militent pour l'abandon de ce projet me semble naturel ; cette réforme repousse en effet de deux ans l'âge auquel ils rêvent déjà de partir ... Que des salariés d'une quarantaine d'années s'y associent également, passe encore. Mais lorsque j'entends que de jeunes lycéens et de jeunes étudiants s'associent également à ces manifestations en faisant état qu'ils s'inquiètent de leur possibilité future de partir à la retraite ; je me sens interpelé. Cela n'a évidemment aucun sens. Cette réforme a justement pour objectif de sécuriser leur droit à une retraite ; en ne faisant rien comme le souhaitent les manifestants, ils courent justement le risque ne plus avoir de retraites dans le futur (bien que ce soit justement à démontrer). Pour avoir été étudiant, je sais que ces jeunes sont facilement manipulables par une personne habile, par des camarades doués dans l'art d'haranguer des foules,  et que l'envie de s'opposer à l'autorité (du gouvernement) présente un attrait irrépressible pour ces jeunes.

Je m'attacherais donc dans mes prochains posts à développer plus précisément les raisons qui me conduisent à défendre l'allongement de la durée de travail, de la durée de cotisation, et celles pour lesquels les plus jeunes de nos citoyens (ou apprentis citoyens) devraient au contraire revendiquer une réforme plus importante des régimes de retraite, et notamment de repousser plus nettement l'âge de départ à la retraite des générations qui les précèdent.


Réflexion sept (18 juin 2010)
Le projet gouvernemental de réforme des retraites (suite bis) ...

Que faut-il penser du projet présenté hier par le gouvernement sur les retraites ? Je reste persuadé que le recul de l'âge de départ en retraite au-delà de soixante ans est une nécessité. Partir à soixante ans me semble difficilement conciliable avec une espérance de vie qui dépasse quatre-vingt ans. Le projet du gouvernement de repousser l'âge de départ à la retraite à 62 ans d'ici à 2018 ne me semble pas condamnable. Le parti socialiste pose le problème des travailleurs ayant commencé jeunes à travailler, avant 18 ans, pour condamner ce recul de l'âge de départ en retraite. Pourtant, le parti socialiste est apparemment d'accord sur un allongement de la durée de cotisation, ce qui est une manière détournée, mais qui ne dit pas son nom, de repousser l'âge de départ à la retraite.

Je trouve peu de choses à critiquer dans la réforme proposée par le gouvernement sur les retraites. C'est un projet relativement équilibré, puisqu'il permet de maintenir un droit de partir à la retraite entre 58 et 60 ans justement pour les travailleurs ayant commencé à travailler tôt, ce que le parti socialiste défend lui-même. Ce projet ouvre également un droit pour les travailleurs handicapés de pouvoir partir avec une retraite sécurité sociale complète ... Evidemment, tout dépendra avant tout de la mise en application de ces différentes mesures. Pas d'interrogation possible sur l'application du recul de l'âge légal à 62 ans, et à 67 ans pour pouvoir bénéficier d'une retraite non pas à taux plein, mais sans abattement. Par contre, au-delà de cette principale mesure, les autres points dépendront de leur formulation exacte dans le projet de loi, et de leur mise en application.

Si les travailleurs ayant commencé à travailler jeunes peuvent toujours partir plus tôt que les autres, entre 58 et 60 ans, l'opposition du parti socialiste perdrait de sa justification. Et elle ne serait plus qu'une opposition idéologique à ce projet de loi, et non une défense de quelques cas particuliers de travailleurs ayant commencé à travailler jeunes.

Ce projet peut évidemment être encore amendé, pour sécuriser le droit de partir tôt en retraite pour ces travailleurs précoces, ou pour accroître le volet fiscalité de ce projet de réforme : le relèvement de 1 point du taux d'imposition de la plus haute tranche de l'impôt sur le revenu. La création d'une nouvelle dernière tranche, à 50% par exemple, me semblerait beaucoup plus intéressante et fiscalement rentable. Mais dans les faits, je ne serais pas étonné que ce gouvernement d'inspiration purement libérale ne préfère plutôt augmenter au final toutes les tranches d'imposition de 1 point, ce qui serait aussi particulièrement rentable (je vois bien cette modification surgir au cours du débat parlementaire, pour faire participer l'ensemble des contribuables à l'effort national).

Mais toutes ces oppositions posent un problème de légitimité.

1) Pour quelle raison des travailleurs ayant commencé à travailler tôt devraient-ils partir avant les autres à la retraite ? Cela sous-entend que ces travailleurs auraient vu leur santé être détériorée par leur entrée précoce dans la vie active, par opposition avec les autres travailleurs ayant commencé à travailler plus tardivement. C'est peut-être vrai. Mais il faudrait alors encore relever l'âge de démarrage de la vie professionnelle au-delà de 16 ans, à partir de 20 ans ou de 22 ans s'il est réellement dangereux pour notre santé de commencer à travailler trop jeune ! Mais relever l'âge de la scolarité obligatoire à 20 ans ou à 22 ans aurait-il un sens ? Cela correspondrait-il à une demande sociale ?

Par ailleurs, le simple fait d'avoir cotisé plus longtemps que les autres travailleurs constitue-t-il une injustice ? Pour quelles raisons, à partir du moment où les années de cotisations supplémentaires offrent une majoration de la retraite future, que ce soit la retraite de base ou les retraites complémentaires (par points).

Par opposition au parti socialiste, je ne suis pas persuadé que ces travailleurs aient un droit à partir en retraite plus jeunes. Par contre, il y a des métiers plus pénibles que d'autres. Travailler dans le bâtiment et les travaux publics fait courir beaucoup plus de risques que dans d'autres secteurs d'activité de service. Il me semble évident que partir à 62 ans ou 67 ans lorsque l'on travaille derrière un bureau est beaucoup plus acceptable que pour des travailleurs du bâtiment. C'est évidemment encore plus vrai si l'on a commencé à travailler tôt, dès 16 ans. Mais la légitimisation de cette mesure n'est plus alors celle avancée par le parti socialiste, mais celle de la pénibilité des tâches.

2) Le deuxième problème de légitimité que pose une contestation de cette réforme concerne l'égoïsme de tous ceux qui n'aspirent qu'à partir le plus tôt possible en retraite, pour en profiter le plus longtemps possible, sans s'interroger sur ceux l'équilibre du système global. Evidemment, ces personnes estiment avoir cotisé suffisamment longtemps pour leur retraite, ou pour les retraités passés. Je suis pour ma part convaincu que je devrais travailler beaucoup plus longtemps pour avoir droit à une retraite.

Evidemment, ces personnes estiment leur position est renforcée par un certain nombre d'arguments. Que la dégradation des comptes sociaux s'explique essentiellement par la crise financière. Que travailler plus longtemps n'a pas de sens quand tant de travailleurs âgés de plus de 55 ans sont exclus du marché du travail, ou que tant de jeunes galèrent pour trouver un travail.

L'égoïsme des uns et des autres se trouve ainsi excusé, transformé, recouvert d'une sorte de vernis de bonne conduite, de bonne citoyenneté, en déclarant que les retraités permettent à des jeunes de trouver un travail en les remplaçant à leur poste de travail. Ce que l'on appelle se donner bonne conscience à bon compte !

3) Enfin, il reste l'aberration de voir tant de travailleurs âgés d'à peine un peu plus de cinquante ans ne plus aspirer, ne plus attendre que de partir à la retraite, et qui passeront les dix ou quinze dernières années de leur vie professionnelle, lorsqu'ils ont la chance de bénéficer d'un travail, à se lamenter et à se traîner à leur travail, en aspirant plus qu'à partir. Moi, il y a quelque chose qui me déplait dans ce comportement : qu'y a-t-il après la retraite si ce n'est la mort ? Je ne vois dans la retraite qu'une dernière partie de la vie avec la vieillesse puis la mort au bout du chemin !


Réflexion six (25 mai 2010)
Du projet gouvernemental de réforme des retraites (suite) ...

Il semble que le gouvernement français ait parfaitement travaillé sa communication au sujet des retraites : préparation des esprits en amont avec la publication de sondages ; présentation du rapport du Conseil d'orientation des retraites (COR) en avril ; mise en avant de la concertation organisée avec les partenaires sociaux ; rencontre des leaders des différents partis ... L'opinion publique française, et nous-mêmes internautes, ferions-nous l'objet d'une manipulation médiatique ?
http://www.lemonde.fr/politique/article/2010/05/22/retraites-le-gouvernement-cherche-3-a-4-milliards-de-recettes-nouvelles_1361415_823448.html
http://www.lemonde.fr/politique/article/2010/05/24/retraites-cafouillage-gouvernemental-sur-la-retraite-a-60-ans_1362104_823448.html

Je suis en effet particulièrement satisfait du projet de réforme des retraites envisagé ... et il n'est pas inconcevable de penser que j'ai pu être manipulé par une bonne communication médiatique du gouvernement. Sauf que je partage depuis de nombreuses années l'idée qu'une réforme des retraites est indispensable et que le report de l'âge de départ à la retraite après 60 ans est nécessaire et indispensable, même s'il a pu être possible au cours des années 1981 à 2000. La raison est que je me vois mal faire supporter à mes enfants le poids du paiement de ma retraite pendant les vingt ou trente ans de ma retraite, si j'ai la chance de vivre jusqu'à là. Travailler trente ans durant (puisque les français rêvent très souvent à peine la cinquantaine passée de partir à la retraite) pour passer ensuite trente ans en retraite ne me semble en effet pas vivable à long terme sans faire supporter aux générations suivantes (nos enfants) un poids exorbitant et insupportable ! C'est d'ailleurs une opinion ancienne, qui n'a pas attendu la manipulation (s'il s'agit d'une manipulation) du gouvernement. Cela ne fera pas non plus de moi un électeur de l'UMP, car je ne me reconnais en aucun cas ni en l'UMP (sauf peut-être en Villepin), ni en Sarkozy.

Sur la question des retraites, on observe néanmoins un clivage important entre les syndicats, les partis politiques et l'opinion publique, qui pourrait facilement basculer entre une opinion et les autres. Les partis d'opposition de gauche mais également les syndicats manquent cruellement d'hommes publics courageux capables de prendre des décisions difficiles, comme de dire des choses désagréables aux français. Il est tellement plus simple de s'attaquer aux questions, aux interrogations, aux problèmes nés du chômage de masse.

Pourquoi retarder l'âge de départ en retraite puisque les entreprises licencient leurs seniors ?... et que les salariés âgés de plus de 55 ans sont majoritairement au chômage ?... Pourquoi retarder l'âge de départ à la retraite lorsque le chômage et le mal-emploi frappe toujours plus de 10% de la population active ? Effectivement, dit comme cela, on peut s'interroger. Il est tellement plus simple de faire croire que l'on peut augmenter les taxes sur les revenus du capital, même si là encore, ce seront avant tout les économies des mêmes petits épargnants, pour leur retraite, qui seront surtout ponctionnés ... Mais pas uniquement.

Nul dans les syndicats ne semble voir qu'un véritable problème survient en matière de retraite, dont aucun expédient ne permettra de s'affranchir : la durée de temps grandissante pendant laquelle les retraités demeurent (et demeureront) en retraite ... et les charges financières croissantes qui seront supportées par les générations suivantes ... la mienne, celles de nos enfants et de nos petits enfants ... Problème qui ira croissant jusqu'à ce que, dans une génération, on ne s'aperçoive, si rien n'est fait aujourd'hui, que les choses ne pourront pas demeurer en l'état.

A mon avis, ce que les syndicats n'ont pas compris ou refusent d'assumer, en se réfugiant dans un rôle populiste de déni et de défense des intérêts acquis des salariés proches de la retraite ... C'est qu'en l'absence d'une réforme aujourd'hui, c'est l'ensemble du système qui pourrait être détruit dans quelques décennies ... Dans vingt ans, combien de temps encore des jeunes salariés accepteront de payer pour rien, pour un système de retraite qui ne leur garantira aucune retraite future, s'ils sont obligés de travailler jusqu'à quatre-vingt ans (et de cotiser à des taux énormes) pour payer la retraite des actifs d'aujourd'hui qui n'avaient pas le courage de travailler quelques années de plus ? L'aveuglement des syndicats et tout particulièrement des salariés syndiqués d'aujourd'hui est invraisemblable à mes yeux, à ne vouloir défendre que leurs propres intérêts, au détriment des intérêts de tous les futurs salariés, qui peuvent être leurs propres enfants !

Vision partisane du problème des retraites, qui ne doit pas conduire à repousser l'âge de départ à la retraite ? Mais si le report de cet âge était inéluctable, et que tout l'objet du débat était de déterminer quelle tranche d'âge serait concernée, combien de français pourraient encore bénéficier de la retraite à soixante ans, quel qu'en soit le coût pour les générations suivantes, même s'il fallait qu'elles partent ensuite à 65 ans, 67 ans, 70 ans voire 80 ans ?

Il y a bien sûr encore tellement d'autres choses à dire des systèmes de retraite.

1) Le traitement des expatriés d'abord. Imaginons d'abord les gentils traders de la City londonnienne, qui, lors de la survenue de la crise financière, sont venus se réfugier en France pour profiter de notre système social (eux qui le condamnaient violemment à leur époque dorée) en prenant des petits jobs chez Mac Donald quelques semaines durant pour pouvoir ensuite bénéficier d'indemnités chômage calculées sur la base de leurs salaires de traders londoniens, touchant alors les indemnités maximales prévues (6.000 à 7.000 euros) sans avoir jamais cotisé pour le financement du chômage ... Que feront-ils au moment du départ en retraite ? Ne trouveront-ils pas encore une arnaque à la sécurité sociale pour pouvoir bénéficier de retraites dorées en France, malgré le fait qu'ils ont fuit comme des rats (raz) le bateau et ont toujours refusé de payer pour les autres, pour la collectivité, célébrant les systèmes anglo-saxons ... Ce que l'on appelle vouloir le beurre, l'argent du beurre, et l'estime de la crémière.

2) Le fonctionnement des systèmes par répartitition. A tous ceux qui critiquent notre système en vantant les mérites des systèmes de retraite par capitalisation, il ne faut pas perdre de vue la situation des systèmes de retraite américains, où des millions de retraités sont désormais obligés de rechercher du travail après que la crise financière ait fait disparaître l'ensemble de leur épargne accumulée ... et leur retraite actuelle. C'est le principal inconvénient des systèmes de retraite par capitalisation ; inconvénient qui avait déjà été observé au début du vingtième siècle, après les deux guerres mondiales et les désordres financiers qui en avaient découlés. Par opposition, le système par répartition, qui fait fi de toute réserve financière accumulée, paraissait plus sûr, faisant reposer sur les générations suivantes le paiement des retraites de la génération précédente. Mais c'était sans compter sur des déséquilibres démographiques, avec des retraités devenant de plus en plus nombreux jusqu'à égaliser le nombre d'actifs cotisants ! Pour ces diverses raisons, il me semble indispensable de sauvegarder le système de retraite par répartition en prenant le plus tôt possible des mesures pour en limiter les risques démographiques qui pourraient le faire imploser. Un système par capitalisation serait beaucoup plus dangereux, même s'il ne serait pas désagréable que des réserves financières conséquentes (des fonds de pension) existent dans notre système.


Saucratès



02/11/2010
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