De la politique monétaire (4)
Réflexion vingt-deux (6 septembre 2007)
La crise financière de l'été 2007 et la politique monétaire
Cet été 2007 aura vu exploser une violente tempête sur les marchés financiers mondiaux. Cette crise est partie des Etats-Unis et trouve son origine dans le marché immobilier américain, notamment le marché des 'subprime' sur lesquels les journaux financiers nous ont abondamment informés au cours des mois de juillet et août 2007.
Cette crise financière risque d'avoir des conséquences négatives sur le potentiel de croissance des principaux pays développés en 2007, si on croit un certain nombre d'experts financiers ou certains organismes internationaux. Le gouvernement français à l'inverse veut croire en l'absence de contagion.
Le débat n'est pas récent. Une crise purement financière comme celle-ci peut-elle se transmettre à l'ensemble de l'économie réelle. La crise des valeurs internet de l'année 2000 ou la crise de 1929 étaient elles-aussi initialement purement financières. Les marchés boursiers ont déjà enregistré au cours des quatre dernières années un certain nombre de décrochages de grande ampleur, touchant toutes les bourses mondiales, qui se sont cependant avérées sans conséquences. Qu'est-ce qui donne donc à la crise financière de cet été une autre dimension ?
Il s'agit essentiellement des risques de ralentissement de la croissance économique américaine, impactée par le ralentissement de son marché immobilier, accentuée par les effets de la déconfiture d'un certain nombre d'intervenants du marché du 'subprime' américain. Un marché repose par définition sur la notion de confiance. Confiance dans la croissance des économies et des entreprises, indispensable pour que les cours boursiers continuent de se progresser. Confiance dans la capacité de ses cocontractants à honorer les contrats, c'est-à-dire confiance dans la qualité des risques.
Ce sont ces deux fondamentaux des marchés qui se sont trouvés questionnés au cours de cet été. La grande nouveauté observée a néanmoins été la méfiance qui a contaminé les marchés monétaires européens et mondiaux, qui a fait que certains importants établissements de crédit européens n'ont plus trouvé de refinancements interbancaires. Cette forme de méfiance a fortement ressemblé au début de la crise de 1929. L'intervention concertée des banques centrales des pays occidentaux a toutefois permis d'apporter les liquidités nécessaires au fonctionnement des marchés monétaires, en Europe, au Japon et aux Etats-Unis.
Il s'est toutefois trouvé que cette crise a pris à contrepied la Banque Centrale Européenne qui avait prévu de poursuivre au mois de septembre 2007 son mouvement de remontée de ses taux directeurs. Il y avait ainsi un risque que les marchés financiers interprêtent maladroitement un recul de la BCE. Il se trouve toutefois que la BCE a pris finalement une décision de statu-quo monétaire, largement anticipée. Un relèvement des taux monétaires par la BCE aurait par contre eu des conséquences relativement négatives sur les marchés boursiers (ce qui n'est pas grave) mais surtout l'aurait mis en accusation, surtout si le ralentissement économique européen se poursuivait et si la crise financière prenait de l'ampleur. Dans ce cas, il n'est pas certain que cette institution aurait été capable de résister à la tourmente politique qui aurait suivi.
Quant à l'existence d'un lien entre niveau des taux et niveau de croissance et niveau de chômage, ce lien n'est pas aussi évident qu'il n'y paraît à certains.
Premièrement, on ne peut pas déconnecter le niveau des taux d'une économie avec la situation de cette économie. Ainsi, le Japon a du maintenir pendant de nombreuses années des taux directeurs nuls alors que l'archipel nippon demeurait en récession et son économie en déflation (diminution régulière des prix). S'il existait un lien mécanique automatique entre taux et activité économique, cette situation aurait été impossible.
Une politique monétaire dépend ainsi de la position d'une économie dans son cycle d'expansion. Des taux directeurs à un bas niveau sont ainsi nécessaires en période de récession, tandis que des taux directeurs plus élevés sont nécessaires en période d'expansion, de façon à supprimer tout caractère accommodant à la politique monétaire, de façon à ce qu'elle demeure simplement neutre. Un peu comme pour un moteur automobile, où l'apport en carburant est plus important en phase d'accélération.
La crise actuelle du 'subprime' est ainsi considérée par un certain nombre d'experts et d'économistes comme étant la conséquence de la politique de taux bas conduite par la FED au début des années 2000. Des taux directeurs trop bas peuvent ainsi donné un message incorrect aux intervenants sur les marchés, et notamment à les conduire à sélectionner des investissements trop risqués ou insuffisamment rentables.
Réflexion vingt-et-une (28 mars 2007)
Politique monétaire et politique de taux
Pour Artémis (http://artemis.blogs.nouvelobs.com).
Je vais essayer de définir un peu plus précisément ce que représentent les taux directeurs d'une banque centrale et plus largement le genre d'action qu'une banque centrale peut mener sur les taux.
1. Les outils de la politique monétaire
On a l'habitude en matière de politique monétaire de distinguer quatre niveaux au sein des dispositifs mis en place par les banques centrales (je copie içi le très intéressant article de Wikipédia sur la Politique monétaire ... pourquoi inventer la poudre lorsqu'elle existe déjà ?)
http://fr.wikipedia.org/wiki/Politique_monétaire
1) D'un côté, les objectifs finaux de la politique monétaire. Ce sont les buts ultimes poursuivis par la politique monétaire. Dans le cas de la Banque centrale européenne, il s'agit de la stabilité des prix. Mais la politique monétaire ne peut viser directement ces objectifs car les banques centrales n'ont qu'un contrôle très indirect de ces grandeurs économiques, qui réagissent avec des décalages assez longs et variables aux impulsions de la politique monétaire, et ne sont observées qu'avec un retard important et une périodicité assez espacée.
2) Les objectifs intermédiaires. Une banque centrale n'ayant pas de contrôle directement sur ces objectifs finaux (cf. ci-dessus), elle va donc sélectionner des objectifs intermédiaires (comme l'évolution des agrégats de monnaie -M3- dans le cas de la BCE) qu'elle peut plus facilement contrôler. Ces cibles intermédiaires n'ont pas de valeur en elles-mêmes, si ce n'est leur corrélation avec les buts finals avec lesquels elles entretiennent une relation causale (de cause à effet). Elles sont mieux contrôlables et plus rapidement observées que les objectifs ultimes.
3) Les indicateurs avancés de la politique monétaire. Ce sont des variables économiques qui fournissent à la banque centrale de l'information sur l'état de l'économie (typiquement : les pressions ou les anticipations inflationnistes ou bien l'orientation effective de la politique monétaire, le degré de son caractère expansif ou restrictif, l'évolution des concours bancaires à la clientèle).
4) Enfin, les instruments de la politique monétaire, parfois appelés objectifs opérationnels. Ce sont des variables qui sont directement sous le contrôle de la banque centrale. Le choix des instruments et les règles définies pour les manipuler déterminent la politique monétaire au jour le jour. Il existe deux principaux moyens d'action pour la banque centrale :
- L'action par la liquidité bancaire, par laquelle la banque centrale agit sur les banques de second rang en les rendant plus ou moins liquides. La banque centrale joue sur la liquidité en alimentant plus ou moins les banques de second rang en monnaie, et en modifiant le taux des réserves obligatoires.
- L'action par les taux, où la banque centrale joue sur les trois taux directeurs qu'elle contrôle (taux de facilité de prêt marginal, taux de facilité de dépôt, taux des opérations d'open market). Les variations de ces taux modifient le comportement des banques de second rang.
Les trois types de taux mentionnés correspondent aux trois types d'actions que peut être amenée à conduire une banque centrale :
- Un taux normal d'intervention, encore appelé taux directeur principal (le taux des opérations d'open market ou taux des prises en pensions), qui correspond aux interventions normales de la banque centrale sur le marché monétaire ;
- Un taux exceptionnel de prêt aux banques qui se trouvent dans l'impossibilité de se refinancer normalement sur le marché monétaire (le taux de la facilité de prêt marginal). Le taux de ses prêts est souvent plus élevé que le taux directeur principal : 100 points de base dans le cas de la BCE, soit 4,75% actuellement contre 3,75% pour le taux REPO (opérations principales de refinancement) ;
- Un taux de rémunération des dépôts des banques auprès de la banque centrale (taux de la facilité de dépôt), qui atteint 2,75% pour la BCE.
(nota : La notion de 'banques de second rang' s'oppose à celle de 'banque de premier rang' ou encore 'banque en dernier ressort', c'est-à-dire la banque centrale elle-même, dont dépend la liquidité du système bancaire global, la seule banque qui soit toujours capable de prêter en dernier lieu)
2. Taux directeurs
Tout ceci donc pour en arriver à ce point. La politique de contrôle des taux, ou la fixation de ses taux directeurs par une banque centrale, sont un instrument de politique monétaire. Pour comprendre l'influence des taux directeurs, il suffit donc de remonter à l'envers le dispositif de la politique monétaire.
En fonction des indicateurs avancés de la conjoncture économique observés par une banque centrale (pressions inflationnistes, évolution des crédits ou de l'activité économique ...), celle-ci pourra jouer sur ses instruments de politique monétaire, soit en restreignant ou en alimentant en liquidités le système bancaire (notamment si un certain nombre d'établissements présentent des difficultés de refinancement, comme observé aujourd'hui aux Etats-Unis au niveau des établissements de crédit immobilier à risques), soit en augmentant ou en diminuant ces taux d'intervention (quand une banque centrale touche à son taux principal, elle touche également à toute sa palette de taux, car il serait notamment dangereux que le taux de prêt marginal soit proche du taux principal de refinancement).
En modifiant un de ses intruments de politique monétaire, elle compte en fait agir sur les objectifs intermédiaires de la politique monétaire, c'est-à-dire, dans le cas la BCE, obtenir un ralentissement de la masse monétaire (c'est-à-dire la masse de monnaie en circulation dans l'économie européenne). L'action entre les taux et la masse monétaire n'est toutefois pas immédiate.
La hausse des taux directeurs se transmet immédiatement aux taux du marché monétaire, c'est-à-dire aux taux à court terme (il est en effet pratiquement impossible (*) que le marché monétaire présente des taux inférieurs à ceux de la banque centrale, ce qui voudrait sinon dire que certains établissements prêteraient à perte à se refinançant plus cher auprès de la banque centrale). La hausse des taux de refinancement des banques se transmet mécaniquement aux taux des crédits qu'elles consentent à leur clientèle non financière (investissement ou exploitation des entreprises, consommation ou habitat des ménages).
[(*) Cette notion recouvre un raccourci sémantique ... les taux du marché monétaire pourraient être inférieurs au taux de la Banque Centrale s'il y avait excès de liquidités dans l'économie, c'est-à-dire si les banques ne trouvaient pas preneurs pour employer toutes leurs liquidités ... mais la gestion de la liquidité bancaire est justement la première préoccupation des banques centrales depuis la crise de 1929 et les hyperinflations des années 1930 et 1950. Il faut également noter que les marchés financiers ont été décloisonnés dans la majeure partie des économies développées dans les années 1980 pour permettre justement une meilleure action de la Banque centrale sur le niveau des taux d'intérêt et sur la liquidité de l'économie. Cette situation ne devrait donc pas pouvoir s'observer dans nos économies occidentales.]
Cette hausse des taux entraîne toujours mécaniquement un ralentissement de l'octroi de nouveaux crédits ; certains agents repoussant éventuellement à plus tard l'achat ou l'investissement qu'ils avaient envisagé. Un effet pervers à court terme est toutefois possible, dans le cas où les agents économiques anticipent une poursuite de la hausse des taux au cours des prochains mois ou prochaines années, et précipitent alors une acquisition ou un investissement. Mais cet effet ne peut être que passager.
Le ralentissement de l'offre de crédits à la clientèle se traduit enfin par un ralentissement de la progression de la masse monétaire, dont les crédits sont une des principales contreparties (au même titre que les avoirs extérieurs ou les refinancements publics).
En dernier lieu, cette action sur les objectifs intermédiaires de la politique monétaire est censée être transmise aux objectifs finaux de la politique monétaire, à savoir le ciblage de l'inflation pour la Banque centrale européenne.
CQFD (ce qu'il fallait démontrer). Ces explications sur les taux directeurs sont-elles suffisamment claires ?
Réflexion vingt (25 mars 2007)
Politique monétaire et politique de change
La politique monétaire peut se voir assigner un certain nombre d'objectifs. Certains de ces objectifs peuvent être intérieurs. Par exemple, la politique monétaire peut avoir pour objectif de favoriser croissance et stabilité des prix, ou encore un certain niveau d'emplois dans l'économie. Mais ces objectifs peuvent aussi être externes, comme par exemple favoriser l’équilibre des échanges ou défendre une fixité des changes.
Mais les instruments de politique monétaire utilisables sont en nombre relativement limités. Les autorités monétaires, le plus souvent des banques centrales, peuvent intervenir essentiellement de trois manières différentes :
- par des achats ou des ventes de devises sur les marchés nationaux ou internationaux
- par la fixation de taux directeurs
- par l'imposition de normes en terme d'obligation de constitution de réserves obligatoires ou en terme de capitaux minimums nécessaires pour l'activité d'établissements de crédit
L'histoire nous rappelle que ces instruments de politique monétaire permettent essentiellement de poursuivre un seul objectif de politique monétaire, et non pas plusieurs à la fois. Une politique monétaire doit donc privilégier un objectif prioritaire ; elle peut à la rigueur poursuivre deux objectifs à la fois en sachant qu'aucun de ces deux objectifs ne sera parfaitement atteint, mais que la politique suivie permettra de se rapprocher de l'un et de l'autre (un peu à la manière de la Réserve Fédérale américaine (FOMC) qui a pour objectif une croissance non inflationniste et le plein emploi).
Ainsi, à l'époque du Système monétaire européen, la politique monétaire française avait pour seul objectif le maintien d'un taux de change fixe du franc avec les autres monnaies européennes, et peu importait que le niveau des taux d'intérêt français soient excessifs en regard d'une croissance non inflationniste ou de la poursuite du plein emploi. De nombreux autres pays poursuivent toujours actuellement une telle politique monétaire, de la Chine au Brésil en passant par la Bulgarie.
Il faut donc comprendre qu'il est impossible de poursuivre par une politique monétaire à la fois le plein emploi, une croissance non inflationniste et un certain taux de change.
En matière de politique de change, on dénombre un certain nombre de types de politiques. En premier lieu, il me semble important de rappeler que la Banque centrale europénne n'a pas la responsabilité de la définition du change de l'euro ; c'est une responsabilité partagée avec le Conseil européen. Aujourd'hui, la politique monétaire conduite par la BCE n'a pas pour objectif le taux de change de l'euro. Le comportement de la BCE a été le même dans les années 2002, lorsque le cours de l'euro était considéré par les médias et les politiques comme anormalement bas, vers 0,90 dollar pour 1 euro, et aujourd'hui, lorsque les mêmes médias et les mêmes politiques considèrent le cours de l'euro comme anormalement haut, à 1,33 dollar pour 1 euro.
A côté d'une politique de change flottant comme celle menée par la BCE, on dénombre une politique dite des changes fixes, dont l'objectif est de maintenir le taux de change de la monnaie nationale avec une monnaie ou un panier de monnaies (cas de la Chine). Dans ce cas, la banque centrale renonce à l'indépendance de sa politique monétaire, en étant soumise au 'triangle des incompatibilités' (dite théorie Mundell-Fleming).
Cette théorie du 'triangle des incompatibilités' détaille l'absence de marges de manœuvre d'une banque centrale dans un environnement international donné. Selon Mundell et Fleming, une banque centrale ne peut concilier une politique monétaire autonome, tournée vers l'activité économique intérieure, avec la liberté des mouvements de capitaux avec l’extérieur et un taux de change de sa monnaie nationale fixé par rapport aux autres devises. Il lui faut nécessairement renoncer à l’un de ces trois éléments : une politique monétaire autonome, la liberté de mouvements des capitaux ou les changes fixes qui sont incompatibles ensembles. Le régime de changes flexibles est le seul moyen de sauvegarder l’autonomie des politiques monétaires nationales dans un système économique mondialisé où la liberté des capitaux, au sein de marchés libéralisés et internationalisés, est incontrôlable.
A partir du moment où une banque centrale comme la BCE mène une politique monétaire autonome et défend la liberté des mouvements de capitaux, elle ne peut également poursuivre une fixité du taux de change de l'euro avec les autres devises.
Le 'Currency board' est un autre type de politique de change, un cas particulier de la fixité des changes. Cette politique de change vise à rétablir une stabilité et une crédibilité monétaire en adossant totalement une monnaie à une autre monnaie considérée comme stable. En currency board, la banque centrale doit disposer dans ses réserves d'une unité de la monnaie d'ancrage pour chaque unité de monnaie nationale en circulation. En currency board, la banque centrale ne dispose plus d'aucune latitude d'autonomie. De telles politiques ont été appliquées au dix-neuvième siècle dans les colonies anglaises, dans la continuité des thèses de la 'Currency school' qui conduisit au fonctionnement de la Banque d'Angleterre à partir de 1844. Ces thèses sont aujourd'hui appliquées essentiellement après des épisodes d'hyper-inflation. L'Equateur (depuis 2000), la Bulgarie (1997), la Bosnie-Herzégovine (1997), la Lituanie (1994), l'Estonie (1992), Hong Kong (1983), Brunei (1967), Djibouti (1949), les Iles Caïmans (1972) et les Iles Féroé (1940) appliquent actuellement des politiques de ce type. L'Argentine l'a abandonné après la grave crise économique qu'elle a traversée.
En conclusion, il faut noter que ces régimes de changes fixes sont extrêmement sensibles aux attaques spéculatives, comme les assauts des années 1992-1995 contre le Système monétaire européen devraient nous le rappeler, ou comme ceux de l'année 1998 contre le dollar de Hong-Kong (où les taux d'intérêt interbancaires sont montés à 330% en octobre). Et ces attaques spéculatives conduisent souvent à des ralentissements voire à des crises économiques en raison des mesures de défense des taux de change qui doivent mener les autorités monétaires.
Réflexion dix-neuf (21 mars 2007)
L'exemple de la politique monétaire chinoise
Je vais revenir aux notions de la politique monétaire, en partant de l'exemple de la politique monétaire conduite par la Banque populaire de Chine (PBOC - the People's Bank of China), la Banque centrale de la République démocratique de Chine, une des dernières économies communistes, dont on estime souvent que la monnaie, le yuan (aussi dénommé Renminbi) est sous-valorisée par rapport au dollar ou à l'euro. Au cours des onze derniers mois, la Banque Populaire de Chine a ainsi relevé à trois reprises ses taux directeurs de refinancement, les portant de 5,58% début avril 2006 à 6,39% actuellement. Le dernier relèvement (de 27 points de base) a eu lieu le 17 mars 2007, les deux premiers ayant eu lieu en avril et août 2006. Parallèlement, le 17 mars 2007, elle a également augmenté simultanément le taux de rémunération des dépôts à un an de 27 points de base en le portant à 2,79%.
Cette légère remontée des taux d'intérêt est analysée par les intervenants sur les marchés financiers comme le signe d'une normalisation progressive de l'économie chinoise et d'une importance grandissante de l'influence des marchés de capitaux dans le financement de l'économie chinoise. En même temps, cette hausse limitée (les taux chinois n'ont progressé que de 1,08 point depuis 2004 lorsque les taux américains ont été relevés de 425 points au total) rappelle que l'arme monétaire demeure utilisée avec parcimonie par les autorités chinoises, qui se satisfont d'un yuan apparemment sous-valorisé à l'origine d'excédents commerciaux et de réserves de change (1.000 milliards de dollars) records.
Cette décision de relèvement des taux directeurs fait notamment suite à un niveau d'inflation élevé observé au mois de février 2007 (+2,7%) et à une progression très rapide des crédits d'investissement en janvier et février 2007 (supérieur à 10% par mois pour ces deux mois). Jusqu'à présent, la Banque populaire de Chine utilisait plutôt l'outil des réserves obligatoires sur les ressources pour tenter de limiter la hausse des liquidités dans l'économie chinoise, ainsi que l'augmentation du niveau minimal de capital social imposé aux établissements de crédit. La Banque populaire de Chine avait ainsi relevé à cinq reprises le taux des réserves obligatoires en yuans des banques, portant le 25 février 2007 le taux à 10% (soit une hausse de 0,50 point - la précédente hausse, également de 0,50 point, ayant eu lieu le 15 janvier 2007).
Un certain nombre de notions monétaires me semble cependant devoir être explicité.
1. La politique monétaire
La politique monétaire est l'ensemble des mesures qui sont destinées à agir sur les conditions du financement de l'économie. Elle porte sur le volume et la valeur de la monnaie en circulation dans l'économie.
La politique monétaire peut prendre un certain nombre de formes, ou utiliser un certain nombre d'outils de politique monétaire. On dénombre essentiellement trois types d'outils, qui peuvent par ailleurs prendre des formes différentes :
- la gestion des taux d'intérêt
- la gestion de la liquidité bancaire
- l'encadrement du crédit
La politique d'encadrement du crédit est un vieil outil de politique monétaire, plus ou moins abandonné aujourd'hui par les autorités monétaires de la majeure partie des pays. Il a été appliqué en France au cours des années 1975-1985. Il consiste à encadrer l'activité de distribution de crédits des établissements bancaires, en pénalisant par l'application de réserves obligatoires élevées (sur les emplois), le dépassement des bornes fixées par la banque centrale.
La gestion de la liquidité bancaire consiste à tenter de réguler les liquidités disponibles sur le marché monétaire dans une économie donnée. Il existe deux possibilités ou deux outils pour y parvenir. Le premier outil repose sur les réserves obligatoires et est utilisé notamment par la banque populaire de Chine (mais aussi par la majeure partie des banques centrales dont la Banque centrale européenne). L'objectif des réserves obligatoires consiste à stériliser une partie des liquidités des banques en les forçant à les bloquer auprès de la Banque centrale, avec une rémunération nulle ou faible. Le deuxième outil pour gérer la liquidité bancaire repose sur l'action directe (emprunt ou prêt) sur le marché monétaire, qui prend le nom de politique d'open market. L'objectif de ce genre de politique est d'assécher ou de fournir en liquidités le marché monétaire (donc les banques) et a pour conséquence de contrôler le niveau des taux qui y est pratiqué. Le fait d'augmenter la liquidité sur le marché monétaire permet de faire diminuer le taux d'intérêt pratiqué, tandis que la politique inverse d'assèchement aura pour conséquence une hausse du taux d'intérêt.
La gestion des taux d'intérêt peut aussi prendre la forme de modification de taux directeurs (taux de refinancement), qui est la forme de politique monétaire privilégiée par la majeure partie des banques centrales aujourd'hui. , qui . Les modifications des taux directeurs par la banque centrale sont normalement transmises à l'ensemble du marché du crédit bancaire et influent normalement sur les taux d'intérêt à cout terme, ci qui permet à la banque centrale d'avoir une forte influence sur l'offre de liquidité. En revanche, au fur et à mesure que la maturité augmente, les taux incorporent les anticipations du marché et échappent ainsi au contrôle de la banque centrale.
Dans les faits, les politiques monétaires conduites par les autorités monétaires de la majorité des pays combinent ces différents outils. Ainsi, même si la Banque centrale européenne gère les taux d'intérêt dans la zone euro par le biais de la détermination de ses taux directeurs, elle impose également aux établissements de crédit de la zone euro la constitution de réserves obligatoires, et pratique également des opérations d'open market pour réguler le volume des liquidités monétaires en circulation.
2. Les réserves obligatoires
Les réserves obligatoires sont un des instruments de politique monétaire, dont nous avons déjà brièvement parlé précédemment. En forçant les établissements de crédit d'une zone monétaire donnée à constituer des réserves obligatoires dans ses comptes, une banque centrale stérilise une partie des liquidités monétaires disponibles ou crée une demande supplémentaire de refinancement en monnaie banque centrale, ce qui améliore l'efficacité de la politique monétaire. Ainsi, le précédent relèvement de 0,5 point des réserves obligatoires en Chine du 15 janvier 2007 avait conduit à retirer 150 milliards de yuans (18, 8 milliards de dollars) de la circulation bancaire.
Concernant la Banque centrale européenne qui applique des réserves obligatoires aux taux de 2% sur certaines formes de dépôts (0% sur d'autres), un "système de réserves obligatoires remplit deux fonctions principales : contribuer à la stabilisation des taux d'intérêt du marché monétaire ; élargir la demande de monnaie de banque centrale en créant ou accentuant un déficit structurel de liquidités sur le marché, ce qui permettra également à long terme de répondre au développement de nouvelles technologies en matière de paiements, comme la monnaie électronique.
Les deux fonctions facilitent la régulation du marché monétaire par le SEBC. Sans l'existence d'un système de réserves obligatoires, le SEBC serait exposé à une volatilité relativement forte des taux d'intérêt du marché monétaire, qui imposerait un fréquent recours aux opérations d'open market pour des besoins de réglage fin. Une telle situation pourrait compromettre l'efficacité de la politique monétaire, les signaux envoyés par la banque centrale risquant d'être brouillés si les marchés éprouvent des difficultés à distinguer ce qui relève des signaux de politique monétaire de simples ajustements techniques. En réduisant le besoin d'intervention de la banque centrale sur le marché, le système de réserves obligatoires permet au SEBC de tirer des informations précieuses sur les anticipations d'évolution des taux d'intérêt. En outre, le système de réserves obligatoires accroît le besoin de refinancement structurel des établissements de crédit de la zone euro préservant ainsi le rôle des banques centrales nationales en tant que fournisseurs de liquidités au système bancaire." (source Banque de France)
Les réserves obligatoires peuvent porter le plus souvent sur les dépôts des établissements de crédit à caractère bancaire, c'est-à-dire sur les produits de placement ayant une forme monétaire, c'est-à-dire correspondant à certaines composantes de la masse monétaire (dépôts à vue, comptes sur livret, dépôts à terme ...). On parle alors de réserves sur les ressources, au sens des banques. Mais elles peuvent aussi parfois porter sur les emplois des banques, comme à une époque en France. Elles sont alors établies sur les encours de crédits distribués par les établissements de crédit, que sont à l'origine de la création monétaire, et donc de l'augmentation de la masse monétaire.
Les taux appliqués par la BCE de 2% (voire 0%) présente une faible action sur la liquidité bancaire. Par ailleurs, les réserves obligatoires constituées dans la zone euro sont rémunérées au taux de refinancement principal de la BCE (alors qu'elles peuvent ne pas être rémunérées). Dans le cas de la PBOC (yuan), il est évident qu'un taux de réserves obligatoires de 10% a une action beaucoup plus importante sur la liquidité bancaire.
Réflexion dix-huit (1er mars 2007)
(Ré)-introduction
Peut-on parler de politique monétaire si l'on est pas professeur d'économie ou dirigeant de banque centrale ? Supposons donc que le pari est possible et légitime. A savoir cependant si ces questions peuvent passionner les foules, c'est une autre interrogation !
Ce quatrième ensemble de réflexions sur ce questionnement commence par un rappel des outils et objectifs d'une politique monétaire menée par une banque centrale, tente ensuite une approche de la problématique des rapports entre la politique monétaire et une politique de change, puis une politique de taux, avant de s'intéresser à la crise financière de cet été 2007 pour y essayer d'y apporter quelques éléments d'explication.
Tout ceci pour tenter d'apporter un éclairage français sur la problématique monétaire, sans tomber nécessairement dans l'habitude typiquement française de critique permanente de la politique monétaire dès lors que cette dernière n'obéit pas aux desideratas politiques de dirigeants populistes, de Nicolas Sarkozy à Ségolène Royal, sous oublier Jean Marie Le Pen, Philippe de Villiers et d'autres.
Pour une réhabilitation dans l'opinion française d'une certaine façon de certains fondements de la théorie monétariste sur la politique monétaire.
Saucratès
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