De la politique monétaire (2)
Réflexion quatorze (14 janvier 2007)
Actualité
Quelques articles de ces derniers jours me donnent envie de revenir sur le sujet de la politique monétaire, de l'indépendance de la Banque centrale européenne et sur le niveau des taux d'intérêt.
Il y a d'abord l'article du Monde du 13 janvier sur Angéla Merkel où elle fait part de son inquiétude au sujet du débat français sur l'€uro, de sa fermeté sur l'indépendance de la Banque centrale, et des décisions courageuses que les allemands ont prises pour améliorer la compétitivité de l'économie allemande. Elle rappelle que l'€uro avait été mis en cause de la même manière en Italie au cours des dernières élections et que cette monnaie commune peut être une énorme avancée pour les peuples d'Europe.
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3214,36-855047,0.html
Il y a un deuxième article intéressant du Monde sur la préoccupation des banques centrales européennes vis-à-vis de l'inflation, que je dédicace tout spécialement pour Real avec lequel nous avons une divergence sur l'existence de risques inflationistes en zone €uro. Je sélectionnerais notamment deux passages de l'intervention de Jean-Claude Trichet, particulièrement intéressants. Le premier confortera Real dans son opinion sur la BCE ... "Le conseil de la BCE est plutôt à l'aise avec les anticipations des marchés, qui misent sur un relèvement d'un quart de point au premier trimestre 2007, a déclaré M. Trichet, ajoutant qu'il ne fera rien qui puisse contredire ces attentes." (servile obéissance aux volontés du marché qu'il ose reconnaître). Le deuxième explicite les tensions inflationistes que la BCE surveille ... "La croissance, toujours solide, ne donne pas de signe d'inquiétude, mais, selon M. Trichet, des risques à la hausse continuent de peser sur les perspectives d'évolution des prix (renchérissement des prix du pétrole, éventuelle hausse des salaires supérieure aux anticipations...). Et, surtout, le maintien de la forte croissance des liquidités et du crédit dans un environnement de liquidité abondante est porteur de risques à la hausse pour la stabilité des prix, s'est inquiété M. Trichet." Cet article fait également apparaître que les taux de la BCE sont très inférieurs à ceux de la Banque centrale anglaise, qui les a remonté d'un quart de point à 5,25% le 11 février 2007. Enfin, préparez-vous à entendre les politiques français hurler le mois prochain (Nicolas Sarkozy en premier cette fois-ci ?), puisque la BCE relèvera presque certainement ses taux d'un quart de point pour les porter à 3,75% (pour son taux principal dit taux Repo).
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3234,36-855091@51-852480,0.html
Et enfin, un troisième article intéressant du Monde traite des allocations de devises dans les réserves des banques centrales du monde entier, et vient écorner l'idée que l'€uro deviendrait une monnaie de réserve, en remplacement du dollar américain. La conclusion de l'article me plaît tout particulièrement : "Face à un dollar qui a vu le jour en 1785, il est encore bien tôt pour étudier l'ombre que lui fait le tout jeune euro."
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3232,36-854812@51-852480,0.html
Laissons donc vieillir tranquillement ce pauvre jeune €uro !
Réflexion treize (4 janvier 2007)
Liaison entre taux d'intérêt et taux de change
Pour répondre à tous ceux qui font un lien immédiat entre la parité de l'€uro et les taux directeurs appliqués par la BCE, je vais essayer d'expliciter un peu plus précisément les relations existant le taux de change et les taux d'intérêt.
J'ai déjà essayé d'expliquer ce qu'il fallait entendre par l'utilisation du pluriel pour les taux d'intérêt. Il n'existe pas en effet un taux d'intérêt de l'argent, ni même un 'argent'. Ce qu'on nous appelons véritablement 'argent' ne rapporte justement pas d'intérêts (les billets, les pièces, les dépôts à vue). Ce qui a un intérêt, c'est l'emprunt bancaire qui nous permet d'en obtenir. Il existe ainsi de nombreux types de monnaies et encore plus de types de placements dits non monétaires, avec des taux d'intérêt différents pour chacun. Mais les marchés financiers ont été libéralisés pour faire en sorte que tous ces taux différents soient déterminés par les taux directeurs de chaque banque centrale. D'une certaine manière, on peut ainsi retenir un taux de référence pour le court terme (les taux d'intervention de la banque centrale) et un autre pour le long terme (le taux moyen des obligations d'état).
Dans un modèle économique simple, il est certain qu'une hausse des taux directeurs d'une banque centrale va induire une attractivité supérieure de cette monnaie par rapport à ses concurrentes (en les supposant toutes absolument comparables), puisque les dépôts en cette monnaie seront mieux rémunérés. Le taux de change de cette monnaie s'accroîtrera ainsi jusqu'à ce qu'il y ait de nouveau égalité entre les revenus tirés des placements en cette monnaie et ceux des placements dans les monnaies concurrentes, comme sur n'importe quel marché.
Mais il est bien connu que nos économies ne sont pas aussi simples. Et pourtant, c'est cette relation simpliste qui est à chaque fois utilisée (ainsi par Ségolène Royal récemment). En même temps, on me dira que c'est aussi l'arme des taux d'intérêt à court terme qui est utilisé pour protéger une monnaie contre des attaques financières spéculatives ou contre des sorties trop importantes de capitaux. Ce devrait normalement être un signe de leur efficacité.
Oui et non ! L'objectif de l'augmentation des taux d'intérêt à court terme pour se protéger d'attaques spéculatives n'est pas d'augmenter l'attractivité de la monnaie nationale, mais de renchérir le coût des refinancements des spéculateurs en monnaies nationales. L'objectif poursuivi est en quelque sorte d'augmenter les risques liés aux attaques spéculatives afin de les décourager.
Par ailleurs, il est bien connu que les sorties trop importantes de capitaux et de devises d'un pays ne peuvent être combattus efficacement par un renchérissement des taux directeurs de la banque centrale, mais uniquement par un contrôle des changes et une interdiction des sorties de devises.
Ainsi, dans notre réalité, les principaux déterminants des taux de change des monnaies entre elles dépendent d'un grand nombre de facteurs, dont les taux d'intérêt, mais aussi et surtout la valeur attribuée à la possession de chaque monnaie. Cette valeur dépend des potentiels comparés de croissance, des équilibres économiques de chaque pays (commerce extérieur, budget de l'état ...), des niveaux d'inflation observés et anticipés. Cette valeur n'est évidemment pas figée. Elle varie régulièrement selon les critères que seront privilégiés par les marchés financiers à tel ou tel moment. Ces variations d'anticipations expliquent ainsi que l'€uro ait pu varier en quatre ans de 0,89 dollar à 1,30 dollar. Il est ainsi impossible d'être certain aujourd'hui que la parité de 1,34 dollar pour 1 €uro correspond à la valeur réelle de l'€uro.
C'est notamment pour cette raison qu'il est important que la politique monétaire de la banque centrale essaie au maximum de ne pas perturber ces marchés financiers, qui sont déjà assez complexes sans cela. C'est pour cette raison qu'une banque centrale fera en sorte de prévenir le plus possible à l'avance de ses actions, afin que le marché les ait correctement anticipées. Car surprendre les marchés peut être dangereux, lorsqu'il ne s'agit pas de contrer des attaques spéculatives.
La politique monétaire, c'est un peu comme de diriger un troupeau de vaches (j'ai trop regardé de western). Il faut de petites impulsions pour le diriger vers le bon endroit. Mais n'essayez pas de le faire dévier de sa route en vous mettant en travers de sa route.
Les taux d'intérêt sont ainsi essentiellement utilisables en tout qu'arme interne contre l'inflation et contre les anticipations inflationnistes, et ont peu d'effets en tant qu'arme externe en matière de taux de change. Mais je comprends bien que cela soit difficile à accepter, car c'est contraire à tout ce qui est enseigné par les médias et par les hommes ou femmes politiques français.
Réflexion douze (30 décembre 2006)
Eloge de Phelps par Stiglitz
Une autre approche de la politique monétaire
Après quelques réflexions sur l'histoire de la création de l'€uro, et sur l'histoire monétaire des pays constituant aujourd'hui la zone €uro, focalisée toutefois essentiellement sur l'histoire du franc et sur les interventions de la Banque de France, je vais pouvoir reprendre mes réflexions sur la politique monétaire en général. Ces réflexions sur l'histoire de l'€uro me conduise à penser que l'€uro a remplacé avantageusement nos monnaies nationales, ou nous permettant d'échapper notamment aux diverses attaques spéculatives qui visaient le Système monétaire européen, et d'éviter les hauts niveaux des taux d'intérêt que la prévention de ces attaques rendaient nécessaires, en dehors de toute nécessité. L'existence d'une monnaie unique est par ailleurs une occasion unique de rapprocher les différents peuples €uropéens, de gommer à terme les nationamismes, d'unifier ces pays €uropéens.
Les différents échanges avec Olivier, avec Real, avec Hubert ou avec Dima ont été riches d'échanges sur les ressentis de chacun d'entre nous vis-à-vis de l'inflation, sur le taux de parité de l'€uro, sur le déséquilibre existant entre un pouvoir monétaire indépendant et un gouvernement économique absent, et sur l'apparent aveuglement des décisions de politiques monétaires.
Ci-après, je vais citer quelques passages d'une chronique écrite par Joseph E. Stiglitz, prix Nobel d'économie 2001, professeur à l'université de Columbia, paru dans le journal Les Echos du 18décembre 2006, où il fait l'éloge de Edmund Phelps, prix Nobel d'économie 2006 (que de prix Nobel). Cette chronique présente une approche un peu différente de celle que j'ai développée précédemment. Elle relativise quelque peu les objectifs de la politique monétaire tels que je les conçois, mais n'est totalement différente. Elle explicite en d'autres termes cette relation entre le chômage et l'inflation dont j'ai parlé.
Selon Stiglitz, la principale contribution de Phelps "à la macroéconomie a été de démontrer que la relation entre l'inflation et le chômage est influencée par les anticipations. Celles-ci variant dans le temps, la relation entre l'inflation et le chômage varie aussi. Si un gouvernement cherche à trop faire baisser le chômage, l'inflation augmentera et les anticipations inflationistes avec elle."
... "Les politiques qui mettent uniquement l'accent sur l'inflation sont erronées pour plusieurs autres raisons (la première raison était que "le taux d'inflation n'accélérant pas le chômage" (Nairu en anglais) n'est pas immuable). Même en voulant contrôler les anticipations, la relation entre le chômage et l'inflation est très instable et difficilement saisissable. Les décideurs sont confrontés à une profonde incertitude quant au niveau du Nairu, et doivent choisir entre réduire trop fortement le chômage et relancer l'inflation, ou ne pas le réduire assez et gaspiller inutilement de l'argent."
... "Les faucons estiment qu'il faut s'attaquer préventivement à l'inflation. Bien que la majorité des banques centrales soient des tenants de cette théorie, leur avis tient plus d'une profession de foi que de la science économique. Il existe peu de preuves empiriques que l'inflation, au taux faible ou modéré, à laquelle elle s'est maintenue ces dernières décennies, puisse avoir de réelles conséquences négatives sur la production, l'emploi ou la redistribution."
... "L'oeuvre de Phelps nous aide à comprendre la complexité de la relation entre chômage et inflation et le rôle important des anticipations dans cette relation. Mais conclure que rien ne peut être fait pour remédier au chômage ou que les instances monétaires devraient uniquement mettre l'accent sur l'inflation est une interprétation fausse de son analyse. C'est le point de vue de la macroéconomie moderne qui suppose des anticipations rationnelles et des marchés parfaits. Ces hypothèses sont absurdes, tout comme leurs conclusions ... Le chômage serait dû à la rigidité des mesures gouvernementales et aux syndicats.
Depuis trente ans, Phelps montre qu'il existe une approche alternative. Il a cherché à comprendre comment on pouvait réduire le chômage et améliorer les conditions de vie des plus démunis. Mais il a aussi voulu expliquer les raisons du dynamisme des économies capitalistes, le rôle de l'esprit entrepreneurial et ce qu'il faut faire pour l'encourager ..."
Ceux qui, contre moi, estiment que la politique monétaire menée par la Banque centrale européenne est inappropriée trouveront peut-être dans ces quelques lignes, où dans les livres de Phelps (apparemment seulement disponibles en langue anglaise), quelques éléments de réflexion.
On peut également se référer à la chronique publiée par l'économiste français Jean-Paul Fitoussi publiée dans le journal Le Monde du 11 octobre 2006 (http://www.ofce.sciences-po.fr/article.php?ref=monde11-10-06), qui aborde d'une manière un peu différente les apports de Phelps à l'économie moderne.
Réflexion onze (21 décembre 2006)
'Bases théoriques de la crédibilité des politiques monétaires'
In 'Les Banques centrales et l'information des marchés'
Bulletin de la Banque de France du 1er trimestre 1994
Voilà une étude bien ancienne de la Banque de France (1er trimestre 1994) mais dont la pertinence théorique demeure encore aujourd'hui parfaitement valide. Je me contente de reproduire une partie de l'étude parue dans ce bulletin de la Banque de France (supplément Etudes), dont l'auteur était Robert Raymond, directeur général du Crédit à la Banque de France. La dernière phrase notamment me semble parfaitement d'actualité, pour tous ceux qui estiment que la BCE doit se plier aux décisions des pouvoirs politiques, pour maintenir des taux plus faibles à court terme.
"La théorie des antcipations rationnelles fondées à l'origine sur les travaux de Lucas nous invite à prêter attention au concept de crédibilité de la politique monétaire développé par Barro et Gordon. La théorie moderne réintroduit un élément psychologique dans la régulation monétaire qui, avec la recherche de corrélations staistiques et le monétarisme, avait plutôt été considérée depuis la guerre comme une mécanique précise.
Si le public est aussi bien informé que la banque centrale (pas d'asymétrie de l'information), et si ces deux partenaires développent les mêmes conclusions logiques à partir des mêmes prémisses, il ne devrait s'établir entre eux aucune des situations conflictuelles que traduisent parfois les crises de change, les crises boursières, les crises de système.
Dans la pratique, il arrive que les logiques diffèrent et s'affrontent. Les crises de change, qui se sont succédées depuis septembre 1992 [jusqu'à fin 1993], montrent un désaccord entre les intentions affichées par certaines banques centrales de maintenir la parité de leur monnaie vis-à-vis du deuschemark et le sentiment du marché. Dans certains cas, lorsque la monnaie en cause était surévaluée, le marché a jugé non crédibles les plans ou les intentions d'ajustement de l'économie destinés à rétablir la convergence. Dans d'autres cas, sans anomalies des taux de change, le marché a pensé que les conditions économiques, sociales et politiques du moment dans un pays exigeaient une modification des taux d'intérêt et du taux de change, indépendamment des fondamentaux. Ces exemples montrent qu'il n'y a pas d'accord sur un modèle de fonctionnement de l'économie, et notamment sur les effets des taux d'intérêt.
La crédibilité d'une banque centrale dépend de la capacité d'agir qui lui est reconnue. Or, sa capacité d'action dépend de nombreux facteurs institutionnels et socio-politiques. Elle est sans doute plus grande dans certains pays que dans d'autres. Elle est évaluée par le marché sur la base de l'expérience acquise. La confiance que le marché accorde aux signaux émis dépend de la cohérence des messages, de la continuité des intentions et de la concordance des résultats sur une longue période.
Il importe donc que la banque centrale ait conscience de la marge de manoeuvre qu'on lui reconnaît, et que son discours soit cohérent avec celle-ci. En même temps, c'est par les décisions qu'elle prend et leur succès, et non par le seul discours, qu'elle peut améliorer sa crédibilité. Plus celle-ci augmente, plus le discours peut être offensif. Plus le discours est offensif et jugé crédible, plus il tend à se substituer à l'action en partie, selon le principe : il faut montrer ses troupes pour ne pas avoir à s'en servir.
C'est ainsi qu'une banque centrale moins crédible qu'une autre doit, pour obtenir un résultat équivalent, maintenir des taux d'intérêt plus élevés, l'écart constituant dans l'esprit du marché une prime de risque."
Réflexion dix (18 décembre 2006)
La BCE répond
Dans un entretien paru lundi 18 décembre 2006 dans le journal allemand 'Der Tagesspiegel', Jean-Claude Trichet, président de la Banque centrale européenne, réagit aux critiques françaises contre la politique monétaire menée par la BCE. "Les citoyens d'Europe nous ont confié cette mission avec l'aide d'un traité qui a été approuvé par tous les gouvernements et tous les Parlements, ou, comme en France, par le peuple directement", déclare-t-il notamment. "Nous sommes indépendants parce que cela a été décidé par les démocraties politiques". "La BCE est une institution apolitique qui défend les intérêts de 315 millions de citoyens, quelles que soient leurs sensibilités".
L'agence Reuters rappelle que "des voix se sont élevées en France, dans la majorité comme dans l'opposition, pour remettre en cause le rôle de la BCE et demander qu'elle ait pour objectif de soutenir la croissance autant que de lutter contre l'inflation". "Ségolène Royal, la candidate du Parti socialiste à l'élection présidentielle, a notamment demandé que la BCE soit plus responsable devant les politiques et le Premier ministre Dominique de Villepin a appelé de ses voeux une clarification du rôle de la banque centrale dans la politique de change".
Il n'est pas neutre que la réponse de Jean-Claude Trichet paraisse en Allemagne et pas en France, dans un pays où il sait recevoir un appui solide à sa politique monétaire. Cela montre également l'actualité brûlante de ce dossier.
Reuters fait également état de la position de Jacques Chirac à ce sujet, qui est intervenu vendredi à l'issue du Conseil européen de Bruxelles. "Il y a une règle générale qui a été instituée par les politiciens légitimes (...) Par conséquent, j'estime que dans l'état actuel des choses il faut ou changer les règles, ce que personne n'a l'air d'exiger, ou les respecter".
Si tout le monde s'en rappelle, Jacques Chirac était opposé à l'€uro et à Maastricht. Il a bizarrement changé d'opinion en 1995 à son arrivée à l'Elysée (ou disons qu'il n'en a plus parlé). Aujourd'hui malgré tout, il intervient pour défendre l'€uro et la BCE, et son mot perfide sur les politiciens non légitimes (Ségolène Royal, François Bayrou et Dominique de Villepin aujourd'hui) me semble extraordinaire.
Je suis persuadé que l'euro actuel est une décision française, imposée à nos partenaires allemands qui n'en avait nul besoin. Et Jacques Chirac doit en savoir l'intérêt. Il me semble que cet épisode est relaté dans des mémoires de Mitterand.
Réflexion neuf (17 décembre 2006)
Le contre-exemple de l'Union Latine
Peut-on construire une unité économique et politique par le biais d'une union monétaire ? L'€uro n'est rien d'autre que cela. Une relance de l'unité européenne en mal de symbôle, pour la faire vivre dans la réalité, dans la vie journalière des européens. Je me suis rappelé qu'il y avait eu un précédent d'une telle tentative : l'Union latine.
Elle est créée le 23 décembre 1865 entre la Belgique, la France, l'Italie et la Suisse. La convention de 1865 laisse à ses signataires le droit de se retirer de l'Union à leur guise. La Grèce est la première à rejoindre l'Union latine le 8 octobre 1868. Vingt-six pays au total adhérèrent à l'Union latine, de l'Argentine à la Finlande. Mais ni l'Angleterre ni l'Allemagne ! Les États-Unis eux-mêmes envisagent de la rejoindre.
(source : http://www.herodote.net/histoire12230.htm)
L'Union latine sera néanmoins fragilisée par le bimétallisme or/argent propre à cette époque. En effet, les principes monétaires de l'époque procèdent sur une convertibilité parfaite des monnaies en or ou en argent, selon un rapport fixe (le rapport légal entre la valeur de l'or et de l'argent était de 15,5, qui passera à 19 en 1876 puis 33,3 en 1890), tandis que les monnaies de la France et des pays appartenant à la l'Union latine repose sur une convertibilité fixe en or fin (5,801 gramme pour une pièce de vingt francs française - le Napoléon). Cette convertibilité en or des monnaies remonte à la 'nuit des temps' et ne sera abandonnée définitivement qu'en 1971, par Nixon (le dollar a été la dernière monnaie convertible, ouvrant la voie à une crise majeure du système financier international).
L'Union latine disparaîtra définitivement le 1er janvier 1927, détruit par la première guerre mondiale et les déséquilibres financiers qui ont résulteront. Mais cette union monétaire n'aura pas su empêcher ce cataclysme, malgré le "sentiment d'appartenance à une communauté de civilisation, unie par des valeurs et des croyances identiques" qui existait à cette époque, comme la lecture du livre de Stephan Zweig (Le monde d'hier) le rappelle.
L'Union latine est-elle un contre-exemple valable pour remettre en question la tentative de construction de la zone €uro ? L'avenir seul pourra nous le dire. Et nous n'en sommes aujourd'hui que dans ces premières années de vie, à une période où l'Union latine connût ses premières difficultés avec les modifications de parité entre l'or et l'argent. La zone €uro va également vivre au cours des prochaines années ses premières tensions entre ses membres fondateurs, pour déterminer la politique monétaire à suivre, avec des tensions sur les parités de change. C'est une partie de notre histoire intéressante, un peu oubliée.
Saucratès
A découvrir aussi
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 42 autres membres