Critiques de notre temps

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Economie


Théorie économique et cyclicité

Théorie économique et cyclicité

Par Saucratès 

Saint-Denis de la Réunion, lundi 1er avril 2024
 

En ce lundi soir de Pâques, en ce 1er avril 2024, je vais vous parler de théorie économique. Le principe même de la théorie en Économie, c’est de disparaître dès lors que la situation économique que l’on devrait expliquer s’avère en contradiction avec les fondements ou les prémices de la théorie que l’on défend. 

 

Tout le monde sait ainsi que la théorie keynésienne, fondée par l’économiste anglais John Maynard Keynes, est née à la suite de la Grande dépression des années 1930, et que cette théorie a été peu à peu invalidée par la fin des trente glorieuses et la montée concomitante de l’inflation et du chômage, ce que l’on a nommé la stagflation des années 1970-1980. Mais il demeure encore aujourd’hui des économistes keynésiens, ou plutôt néo-keynésiens, de la même manière qu’il demeure des économistes marxistes en Occident (voire même en Russie). Essentiellement parce que leur explication théorique de l’économie, leurs préceptes, sont compatibles avec les différentes phases que traversent les économies occidentales, voire de toutes les économies, aussi peu développées industriellement soient-elles. 

Le keynésianisme parle de la possibilité grosso-modo de réguler l’activité économique d’un État à travers la variation de la dépense publique, de l’endettement public et du taux d’intérêt. Malgré tout, cette théorie a connu une longue éclipse depuis une cinquantaine d’années du fait de la naissance de nouveaux paradigmes néolibéraux qui intéressent les puissants qui nous dirigent, les gouvernements qui décident, et les riches qui en profitent. Moins d’Etat, moins de protection des salariés, moins d’imposition des profits et des bénéfices. Ce néolibéralisme s’appuie sur les différents courants de l’économie néoclassique et monétariste. C’est plus ou moins la même théorie qui s’est appliquée tout au long du dix-neuvième siècle et qui a mené d’abord à la longue dépression des années 1870-1890, puis la Grande dépression des années 1929-1939. Opportunément, les adeptes de cette théorie se sont fait discrets au cours des années 1930, se contentant d’inventer de nouveaux concepts économiques cherchant à expliquer les insuffisances de leur modèle. Ils ont ainsi inventé les notions d’anticipations rationnelles des acteurs économiques, et que c’est à cause des interventions de l’Etat que les anticipations rationnelles des agents sont perturbées. Sans aucune intervention de l’Etat, la crise de 1929 n’aurait pas eu lieu.

 

On a bien vu plus récemment le même fonctionnement à l’œuvre, lors de la crise financière des années 2007-2009 et les mesures exceptionnelles budgétaires et monétaires nécessaires pour surmonter cette crise. Les économistes néolibéraux adeptes de l’autorégulation des marchés et de l’orthodoxie budgétaire et monétaire ont brutalement disparu des médias. Les journalistes se sont brutalement souvenus qu’il existait d’autres branches de l’économie qui pouvait expliquer la situation, comme des ecoles neo-marxistes ou Noé-keynésiennes, comme les théoriciens de la théorie de la régulation. 

Mais cela n’a évidemment pas duré. Les néolibéraux sont ressortis du bois dès lors que le pire de la crise était passé, pour appeler à nouveau à respecter les préceptes du moins d’Etat, des privatisations, de la baisse des dépenses publiques. Peu leur importe que leur théorie soit incapable d’expliquer ce qui s’est passé dans ces années 2007-2009, pour quelles raisons les marches censés être ultra efficaces, capables de s’auto réguler, ont lamentablement échoué et que seuls les préceptes de la théorie keynésienne ont à nouveau seuls été capables de sauvegarder les économies occidentales ou mondiales et permis d’éviter en pire une nouvelle Grande dépression ! Peu leur importe. Ce qui compte à leurs yeux et aux yeux des puissants, c’est que les velléités de contrôler l’économie et la richesse au niveau mondial tombent à l’eau, et que les seuls préoccupations des gouvernements soient de réduire à nouveau les aides aux plus démunis pour favoriser le retour du plein emploi !

 

En ce sens, le combat électoral aux Etats-Unis voit s’affronter deux adeptes de la même vision. Des néolibéraux démocrates contre des populistes néolibéraux conservateurs, avec comme principal argument et victimes les immigrés. Comme en France ou en Europe.

 

En matière de théorie monétaire, c’est également la même chose. La théorie monétariste, que je ne conteste pas, repose sur les mêmes préceptes que l’ancienne théorie classique selon laquelle la monnaie est un voile. Le monétarisme néoclassique a simplement innové en la combinant aux anticipations rationnelles des agents économiques, en estimant que la politique monétaire doit faire en sorte que les agents économiques pensent que les autorités monétaires feront toujours tout pour que l’inflation soit contenue à un niveau faible, quoi qu’il en coûte. Les autorités monétaires doivent être prêtes à bloquer l’économie si c’est nécessaire, afin que les agents économiques croient que l’inflation ne dépassera jamais les 2% par exemple que les Banques centrales européennes ou américaines estiment être un bon niveau d’inflation.

 

Mais les néoclassiques ne sont pas les seuls à se cacher dès lors que la situation économique ou financière leur donne tord. Il y a quelques années, on entendait parler d’une nouvelle théorie monétaire, ou théorie monetaire moderne (TMM), selon laquelle l’inflation n’était plus un problème, qu’elle était durablement faible pour des causes exogènes, et que l’on pouvait dès lors créer autant de monnaies que l’on pouvait souhaiter. Et d’une certaine façon, cette nouvelle théorie monétaire venait simplement corroborer les politiques monétaires menées par les grandes Banques centrales occidentales qui injectaient des monceaux de liquidités dans les marchés financiers ou monétaires pour relancer l’économie, politiques mises en œuvre après les années de la crise financière de 2007-2009 pour empêcher l’effondrement des économies occidentales. Mais dès lors que le déclenchement de la guerre en Ukraine et la sortie de la pandémie de coronavirus a fait s’envoler l’inflation en Occident jusqu’à atteindre des niveaux inusités entre 6 et 10%, les théoriciens de la théorie monétaire moderne ont disparu, ou alors ou plutôt, les journalistes qui leur donnaient un certain crédit se sont opportunément rappelés que cette théorie devait être farfelue. Gageons néanmoins que dans quelques années, on reverra apparaître ces mêmes adeptes ou théoriciens ou sous une forme édulcorée. 
 

https://la-chronique-agora.com/precisions-a-propos-tmm/

https://la-chronique-agora.com/sujet/theorie-monetaire-moderne/

 

Fin de ma chronique économique de ce jour. Et pas de poisson en ce premier avril 2024.

 
 

Saucratès

 

 

Post scriptum du 2 avril 2024 : Plus qu’un poisson d’avril, certaines affirmations de ce commentaire étaient peut-être excessives. Je semble en effet opposer les néo-keynésiens et les néoclassiques, en présentant les uns comme les gentils, et les autres comme les méchants.

 

Les partisans de ces deux écoles de pensée sont en fait rattachés à ce que l’on appelle parfois la ‘nouvelle politique économique’. Même s’ils défendent parfois des préceptes légèrement différents, il est néanmoins difficiles de les différencier nettement ou bien de rattacher une politique économique d’un État occidental à une école ou à une autre. Ces deux écoles ont désormais en horreur les mêmes choses : l’inflation, le déficit budgétaire, et elles cherchent toutes deux la même chose : le plein emploi par l’ouverture du marché du travail à la concurrence, comme l’écrivait l’économiste Jean-Paul Fitoussi dans Le Monde du 26 avril 2004, il y a près de vingt ans.
 

Ces deux écoles sont ainsi à mille lieux de la pensée de John Maynard Keynes : «Les deux vices marquants du monde économique où nous vivons sont que le plein emploi n’y est pas assuré et que la répartition de la fortune et du revenu y est arbitraire et manque d’équité», dans la ‘Théorie générale’.


01/04/2024
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L’aberration du malus écologiste et ses conséquences industrielles

L’aberration du malus écologiste et ses conséquences industrielles

Par Saucratès 

Saint-Denis de la Reunion, dimanche 10 septembre 2023

 
Existe-t-il une analyse critique du malus automobile à la française ; cette taxe absurde qui pouvait atteindre 50.000 euros cette année sur les véhicules considérés comme très polluants, et qui devrait être déplafonnée et illimitée à compter de 2024. 

 

https://www.msn.com/fr-fr/auto/actualite/malus-%C3%A9cologique-2024-une-taxe-sans-limite-ce-que-l-on-sait-sur-ce-que-pr%C3%A9pare-le-gouvernement

 

Cette taxe est évidemment une magnifique interprétation des théories de Pigou, en tant que taxation des pollueurs, encore appelée principe des pollueurs-payeurs. Dans l’idéal, cela fonctionne parfaitement. On fait payer à l’achat aux automobilistes une taxe en fonction de la norme de pollution du véhicule qu’ils ont acheté. D’abord plafonnée à 10.000 euros, elle est passée successivement à 20.000 euros, puis à 30.000 euros, puis à 40.000 euros et en 2023 à 50.000 euros, sans pouvoir excéder 50% du prix du véhicule, ce qui n’était pas le cas en 2022. 

 

Le gouvernement français a rajouté à cette taxe sur les émissions de CO² une nouvelle taxe au poids, reposant toujours sur le principe pigouvien que plus un véhicule est lourd, plus il consomme et plus il pollue. Evidemment, ces taxes sont sensées avantager les constructeurs automobiles français et porter essentiellement sur les productions étrangères et notamment celles des grosses berlines allemandes.

 

Pourquoi donc est-ce que j’estime que cette taxe est une absurdité sans nom ? Les seules critiques sont le plus souvent celles des magazines automobiles, mais si ceux-ci encensent les productions automobiles françaises, et j’imagine qu’ils doivent recevoir des publicités importantes de la part des constructeurs automobiles français, ou du gouvernement, pour tenir ce langage sur les productions françaises. Comme par exemple les commentaires sur «Le magnifique touché de route des Peugeot, dont feraient bien de s’inspirer certaines productions étrangères », entre autres.

 

En fait, la France a déjà eu une politique fiscale particulière, qui lui était propre, et qui a durablement marqué la production automobile de notre pays, nous orientant selon moi vers un cul de sac productif. C’était le principe de la vignette automobile fonction de la puissance fiscale (chevaux fiscaux), qui matraquait les véhicules et les moteurs de grosses cylindrées, ainsi que les motocyclettes, et qui a orientait toute la production automobile française vers des moteurs à quatre cylindres de 5 à 7 chevaux fiscaux, c’est-à-dire avec des cylindrées d’environ 1.200 centimètres cubes. Et 1.900 centimètres cubes en moteur diesel. 

 

Accessoirement, il ne doit pas non plus rester de producteurs français de motocyclettes de grosse cylindrée en France, victimes de la même politique fiscale stupide, sans jamais que la pertinence de ces politiques fiscales confiscations n’ait été interrogées, que ce soit celle de la vignette automobile d’autrefois ou bien celle du malus écologique d’aujourd’hui. 

 

Les constructeurs automobiles français ont ainsi totalement abandonnés les moteurs à six, huit ou douze cylindres, abandonnant complètement le créneau des véhicules de luxe et haut de gamme, laissant ce créneau aux constructeurs allemands, italiens ou suédois, à compter des années 1970-1980. Et l’absurdité de cette fiscalité de la vignette automobile était à peine abandonnée que les énarques, hauts fonctionnaires et écolo-politiques ont inventé cette nouvelle fiscalité punitive sur le malus écologique. Comme la feu vignette automobile, cette fiscalité est en train d’orienter tout le marché automobile français et la production automobile française, sur la base d’une sorte d’idéal écologique déconnecté de la réalité des campagnes françaises. Et en plus cela ne sert à rien : l’Etat français se fait malgré tout condamner pour inaction climatique par des juges administratifs partisans et pro-écologie-collapsologie.

 

La France coule ainsi son industrie automobile pour satisfaire des lobbies écologistes qui ne seront de toute façon jamais satisfaits avant que nous ayons rejoint l’âge de pierre avant l’invention du feu (parce que le feu, ce n’est pas bon non plus, cela émet du CO²). Et ces mêmes lobbies écologistes sont également derrière les politiques européennes de sortie des moteurs thermiques en 2035 ou avant, qui aura les mêmes conséquences sur les productions automobiles européennes et notamment sur les constructeurs allemands. Au final, ces politiques n’avantageront qu’un seul interlocuteur : les producteurs automobiles chinois tandis que l’Europe cessera de produire des véhicules automobiles comme elle a dû cesser de fabriquer de l’électro-ménager depuis les années 1980. La production a d’abord été délocaliser en Chine ou dans d’autres pays en développement, avant que ces industriels ne perdent le contrôle de leurs filiales chinoises et disparaissent corps et âmes dans les cimetières du capitalisme. Il en sera demain de même de Peugeot, Renault, Citroën ou Volkswagen. Mais n’est-ce pas l’objectif ultime de la Commission européenne et du gouvernement français ? Un gigantesque marché ouvert aux intérêts des industriels chinois ? Avec une inflation modérée pour que le peuple soit satisfait ?

 

https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/09/04/il-ne-faudra-que-quelques-annees-a-byd-pour-devenir-le-leader-mondial-de-l-industrie-automobile_6187756_3234.html

 

L’analyse du marché automobile français et européens me semble particulièrement pertinent sur l’état de dégradation de notre patrimoine automobile.

 

« Entre 2004 et 2022, la production automobile en France est tombée de 3,66 à 1,37 million d’unités. Aucune des voitures les plus populaires dans l’Hexagone n’y est fabriquée : la Peugeot 208 vient de Slovaquie comme la Citroën C3, le 2008 arrive d’Espagne de même que le Renault Captur, tazndis que la Renault Clio est turque. Rare sont les pays qui disposent de marques automobiles nationales et qui fabriquent aussi peu sur place. A tel point qu’avec 161.000 exemplaires, le modèle le plus produit en France en 2022 était la … Toyota Yaris Cross. »

 

Tiré de l’éditorial du dernier Hors série de L’automobile magazine (toutes les voitures du monde 2023-2024)

 

Les immatriculations en France se sont ainsi élevées à 1.529.185 exemplaires, en baisse de -7,8% par rapport à 2021. Peugeot est le leader en France avec 245.608 exemplaires immatriculés devant Renault (236.405 exemplaires) et Dacia (130.855 exemplaires). Citroën suit à la quatrième place avec 129.883 exemplaires. Le véhicule est le modèle le plus immatriculé avec 88.821 exemplaires, devant le Dacia Sandero (64.308 exemplaires) et la Renault Clio (64.033 exemplaires). Avec 17.005 exemplaires immatriculés, la Tesla modèle 3 est à la 23è place du classement.

 

A titre de comparaison, 

 

  • L’Allemagne a enregistré en 2022 un total de ventes de 2,65 millions de véhicules automobiles, avec trois Volkswagen aux trois premières places (La Golf avec 84.282 exemplaires, le Tiguan avec 59.136 exemplaires et le T-Roc avec 58.942 exemplaires). Il n’y a pas une seule automobile française dans les dix modèles le plus commercialisés en Allemagne. 

 

  • Au Japon, les ventes se sont élevées à 4,2 millions de véhicules automobiles, avec aux trois premières places, la Honda N-Box (202.197 exemplaires), la Nissan Note (110.113 exemplaires) et la Toyota Roomy (109.236 exemplaires).

 

  • Pas une seule française non plus dans les dix véhicules automobiles les plus commercialisés au Royaume Uni (1,614 millions d’exemplaires commercialisés), avec le Nissan Qashqai en première place (42.704 exemplaires), la Vauxhall Corsa (39.910 exemplaires) et la Tesla Model Y (35.553 exemplaires).

 

  • Les Etats-Unis ont enregistré 13,88 millions de véhicules automobiles immatriculés, avec 653.957 pickups Ford F-séries, 513.354 pickups Chevrolet Silverado et 468.344 RAM Pickup. Pas non plus l’ombre d’une française dans les dix véhicules les plus commercialisés mais on y décompte 230.027 Tesla model Y.

 

  • Enfin, la Chine a enregistré 26,84 millions de véhicules automobiles commercialisés, avec la BYD Song Plus en première position (459.424 exemplaires), devant la Nissan Sylphy (446.492 exemplaires) et la Wuling Mini EV (443.384 exemplaires). Volswagen place son modèle Lavida à la quatrième place (361.734 exemplaires) mais on ne compte là non plus aucun modèle d’un constructeur français dans les dix modèles les plus commercialisés

 

«On achète désormais presque deux fois plus de voitures en Chine qu’aux Etats-Unis. Le classement est de plus en plus occupépar des modèles chinois et le constructeur BYD fait une entrée spectaculaire : il était absent du top 10 en 2021, il y classe trois modèles en 2022, dont un en tête.»

 

Du fait des politiques fiscales confiscatoires mis en place en France et des normes européennes drastiques rajoutées les unes sur les autres, les véhicules les plus commercialisés notamment aux Etats-Unis ou au Japon ne sont mêmes pas proposés ou commercialisables en France ou en Europe. Je vous parle bien sûr des gros Pickups américains ou des grosses berlines ou SUV américains que les médias considèrent comme non adaptés à notre réseau routier ou à nos centre-villes. Ou de tous les véhicules dont les motorisations tomberaient sous les coups de notre taxation prohibitive sur le malus écologique. 

 

En plus, cette politique, au-delà d’orienter la production française vers des modèles minuscules, aux cylindrées fragiles et picrolinesques, qui lui ferme l’ensemble des autres marchés automobiles des pays avancés (on doit certainement réussir à vendre des Renaut et des Peugeot en Afrique, même si on doit s’y faire également tailler des croupières par la production chinoise dont les modèles doivent pouvoir être beaucoup moins chers et de bien meilleure qualité. Mais comme les réseaux de distribution doivent être contrôlés par des groupes commerciaux français, ils doivent accaparer ces marchés pour en faire des marchés captifs et s’y enrichir.

 

Cette politique fiscale confiscatoire n’est enfin même pas juste puisque les plus riches de nos concitoyens peuvent échapper eux très facilement à cette fiscalité confiscatoire en immatriculant leurs véhicules luxueux dans d’autres pays européens et en les faisant circuler avec des plaques étrangères en France, ce qui leur évitera de payer des malus assassins et totalement stupides.

 

En fait, les seuls à se faire matraquer par cette fiscalité injuste, ce sont les classes pauvres et moyennes de notre société, qui perdront bientôt leurs emplois le temps que le marché de l’électrique se développe, que BYD et les chinois prennent le contrôle du marché automobile européen. Et le parc automobile français continue de vieillir puisque les prix des véhicules automobiles continuent leur surenchères tarifaires et qu’acheter un véhicule automobile neuf devient de plus en plus difficile.

 

Bientôt, la France ressemblera à Madagascar avec de vieux véhicules hors d’âge que les français s’échineront à faire rouler. Et encore, à Madagascar, ils ont les vieilles Peugeot increvables du passé, pas les pauvres Peugeot d’aujourd’hui aux petits moteurs boostés à l’obsolescence programmée. Bientôt, comme en Allemagne, il n’y aura plus que les nostalgiques de la grande époque qui rouleront encore dans des Renault ou dans des Peugeot.

 

Il manque en France une réflexion sur la légitimité et la responsabilité des outils de politique fiscale dans les choix et les impasses industriels dans lesquels les hauts fonctionnaires et les politiques dogmatiques ou manipulés par des lobbies écologistes tout-puissants nous emmènent et nous entraînent. Je pense à la destruction d’EDF et de la filière de la production d’électricité hydraulique et nucleaire au bénéfice du marché, du démantèlement de la SNCF et du rail, et de la politique fiscale autour de la filière automobile et de l’essence. Le problème est à la fois l’idéologie de quelques hauts fonctionnaires obnubilés par leur petit dada écolo-marxiste, et la vision court-termiste de l’ensemble de l’administration française où l’on cherche juste à trouver de nouvelles ressources fiscales pour couvrir le déficit budgétaire. 

 

Saucratès


10/09/2023
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Point sur la crise des cryptomonnaies

Point sur la crise des cryptomonnaies

Par Saucratès 

Saint-Denis de la Réunion, dimanche 29 janvier 2023

 

Qu’il soit clair que je ne conseille à personne d’acheter, d’investir, ou de spéculer dans des cryptomonnaies. Je reste persuadé que les cryptomonnaies ne reposent sur rien de concret, et qu’elles peuvent très facilement perdre demain toute valeur. Une action, une obligation, un fond commun de placement reposent normalement sur une part d’une entreprise, sur des valeurs, sur une activité, sur un rendement futur. Du fait de l’évolution des marchés, ces placements peuvent évidemment perdre toute valeur, s’effondrer, du jour au lendemain, mais c’est le propre de la vie et de l’économie. Des exemples de ce type pullulent dans l’histoire boursière : Bourbon, Moulinex, 1855.com … Mais malgré tout, ces échecs sont des exceptions, la faute à des erreurs de gestion, des erreurs de stratégie, ou des arnaques.

 

Mais les cryptomonnaies ne représentent aucune de ses protections, de ses sous-jacents, rien de tout cela. Elles ne correspondent pas à des valeurs, à des placements, à des activités. Elles ne sont que pure spéculation. Elles ne servent à rien, si ce n’est de moyens de paiement recherchés par des terroristes ou des mafieux du fait de leur supposée intraçabilité, ou par des spéculateurs ou des épargnants cherchant à spéculer et à s’enrichir.

Par ailleurs, j’ai beaucoup de peine avec la finance moderne, cette finance qui repose sur la désécurisation des flux financiers et des informations financières. Mais le monde a changé. La finance ne peut plus être maintenue à l’écart des hackeurs informatiques et du réseau.

 

Ceci étant dit, les évolutions des derniers mois interpellent. Je me permets donc de revenir ci-dessous sur les divers événements ayant touché l’univers des cryptomonnaies. 

https://g.co/finance/BTC-EUR?window=5Y


(nota : je ne conseille en aucun cas d’investir dans une cryptomonnaie, que ce soit le Bitcoin ou une autre), et par ailleurs je ne détiens aucune cryptomonnaie ni même le moindre produit type actions, OPCVM ou FCP en direct)

 

Après un somment atteint en septembre 2021, la chute des cryptomonnaies en 2022 … «Winter is coming»

 

En mai 2022, effondrement de l’UST et du LUNA provoque un tremblement de terre dans l’univers des cryptomonnaies. 

 

https://www.objectifeco.com/riche-rentier/argent/investir/investissement-cryptomonnaies.html

 

L’UST est un stablecoin dont la parité est arrimé au dollar à raison du cours minimal de 1 UST pour 1 dollar. Il avait été développé par TERRA dont le PDG, Do Kwon, était en fuite et recherché par Interpol.


Ce stablecoin, adossé en principe au dollar américain et qui se rêvait en tant qu’alternative crédible au BUSD de BINANCE, à l’USDC de CIRCLE et surtout à l’USDT de TETHER, permettait de bénéficier de rendements élevés.


La chûte de ce stablecoin qui n’avait de stable que le nom a fait s’écrouler le LUNQ, l’autre cryptomonnaie de TERRA qui a perdu l’entièreté de sa valeur.

 

https://journalducoin.com/actualites/catastrophe-terra-luna-analyste-blockchain/

 

La baisse globale des cours qui s’en est suivie a conduit à la banqueroute de plusieurs acteurs, dont Celsius, société dirigée par Alex Mashinsky, et le fond Three Arrows Capital (3AC) mené par Su Zhu et Kyles Davies.

 

Novembre 2022, faillite de FTX 

 

Deuxième plus grande plateforme d’échange de cryptomonnaies après BINANCE, la société FTX de l’emblématique PDG fondateur Sam Bamkman-Fried, aka SBF, qualifié de génie de la finance et des cryptomonnaies qui a surtout fait fortune grâce à une autre société, Alameda Research, est mise en faillite après l’échec de la tentative avortée de rachat par son principal concurrent BINANCE.

 

https://www.lerevenu.com/bourse/la-plateforme-de-cryptomonnaies-ftx-en-faillite-aux-etats-unis-son-patron-demissionne

 

On apprend ainsi que FTX utilisait les dépôts de ses clients en collatéral pour financer les opérations d’Alameda Research (malgré les dénégations de SBF), dont la CEO est Caroline Ellison, largement responsable de la débâcle FTX (jeune fille de 28 ans, sans aucune expérience préliminaire à ce type de job).

 

Ce qui fait dire aux journalistes sur ces boîtes de cryptomonnaies : «les PDG ont tous des têtes d’adolescents, les sociétés n’ont pas dépassé 5 ans d’âge et ils se retrouvent avec des milliards en gestion».


Des victimes collaterales de la chute de FTX : la banque SOFTBANK, le fonds SÉQUOIA CAPITAL, le Fonds de Pension des enseignants de l’Ontario (qui avait investi 95 millions de dollars dans FTX)

 

De nombreuses autres cryptomonnaies résistent cependant encore à ce que les spécialistes appellent désormais l’hiver des cryptomonnaies, parmi lesquelles on trouve : l’UST de TETHER, BINANCE (et son charismatique patron Changpeng Zhao, surnommé «CZ»), et bien sûr le roi BITCOIN.


BINANCE est-il trop grand pour faire faillite (Too Big to Fail) ? C’est la question que se pose certains articles, et ce qui protège aujourd’hui l’univers des cryptomonnaies d’une faillite généralisée.

 

Quelque chose de tout à fait normal pour quelque chose qui ressemble à de la monnaie décentralisée

 

Mais les jeunes générations qui croient avoir réinventé la monnaie et la finance me font rire, ou bien les vieux loups qui croient avoir découverts la poule aux œufs d’or ou la réponse au règne de l’argent roi. Cet hiver des cryptomonnaies n’est rien d’autres que quelque chose de très normal, tout à fait naturel. Le dix-neuvième siècle occidental a été rempli de ses phases d’expansion et de crise des monnaies, avec des centaines de faillites d’établissements bancaires. 

Ce que l’on observe depuis les années 1980 est l’exception d’un système financier qui a plusieurs siècles d’histoire et des réglementations derrière lui. La banque aujourd’hui est une aberration, et elle conduit les acteurs de la finance, de la cryptomonnaie à se méprendre sur ce qu’est la monnaie et la banque. Pour échapper à cette succession de faillites et de bulles, les États et les banques ont organisé le système des banques centrales, des prêteurs en dernier ressort d’une puissance financière monstrueuse. Et pourtant parfois, même ses puissances ont pu être dépassées par la spéculation sur les marchés financiers, comme lors de la crise du système monétaire européen dans les années 1992-1993, lorsque Georges Sorros avait réussi à battre la Banque centrale d’Angleterre, l’obligeant à laisser la livre sterling être dévaluée. 

L’univers des cryptomonnaies n’a rien de tout cela pour combattre la spéculation, ni prêteurs en dernier ressort, ni SEC, ni ACPR, ni droit bancaire, ni même autorités crypto-monétaires. Les acteurs de ce monde des cryptomonnaies ne sont que des fonds spéculatifs qui cherchent l’enrichissement. 

https://www.jeuxvideo.com/news/1664646/cette-plateforme-crypto-prevoit-de-racheter-des-banques.htm

 

Tout ceci ne cherche ni à vous décourager d’investir dans ce domaine des cryptomonnaies, ni inversement à vous encourager à y investir. Des personnes ont certainement dû gagner de l’argent en y investissant, et de nombreuses personnes ont dû se faire arnaquer, ont dû perdre toutes leurs économies. 

Au fond, tout ceci n’est peut-être qu’une tentative de faire revenir un camarade sur sa décision de ne plus rien poster sur ZINFOS. 

 

 

Saucratès



https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/01/10/coinbase-licencie-en-masse-pour-se-tirer-du-naufrage-des-cryptomonnaies_6157349_3234.html

 

https://www.lerevenu.com/bourse/la-plateforme-de-cryptomonnaies-binance-renonce-racheter-ftx

 

https://www.lerevenu.com/bourse/cryptomonnaies-les-remous-de-la-faillite-de-ftx-frappent-dautres-plateformes

 

https://www.lerevenu.com/bourse/devises/dogecoin-une-blague-18-milliards-deuros

 

https://www.lerevenu.com/bourse/devises/binance-coin-gare-aux-pirates

 

https://www.lerevenu.com/bourse/devises/tether-le-dollar-comme-metre-etalon


29/01/2023
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Retour sur la critique de l’économie

Idées pour une critique de l’économie

Par Saucratès 

Saint-Denis de La Reunion, samedi 3 décembre 2022

 

Qu’est-ce que cela signifie de vouloir réfléchir à une critique de l’économie ? Pourquoi est-il nécessaire ou utile de critiquer l’économie ? Ce sont des questions intéressantes. Si je veux vous parler de critique de l’économie, il faut déjà vous expliquer qu’est-ce que cette économie. 

L’economie est un ensemble de théories qui modélisent et chercher à expliquer le fonctionnement de nos sociétés occidentales modernes ou archaïques. C’est cet ensemble de théories qui valide l’existence des riches et des pauvres, des très très riches et des très très pauvres, qui trouve un sens à l’existence du chômage, qui donne un sens aux recommandations du FMI pour libéraliser les marchés du travail ou des compartiments ou secteurs économiques de pays sous la férule du FMI. C’est cet ensemble de théories qui organise et donne un sens, une légitimité au monde tel que nous le connaissons. Il n’y aurait pas l’économie, la richesse des uns ne serait qu’une forme d’injustice, de vol, de captation de la richesse de tous par quelques uns. 

Mais l’économie et la religion sont venues donner un sens, une légitimité, à tout cela, pour que les accapareurs deviennent des héros nationaux, des chevaliers d’industrie. 

L’économie est avant tout une imposture, une caution morale bancale servant à masquer un vol séculaire. D’où la nécessité d’une critique de cette économie, de ce corpus de théories.

 

D’ailleurs, même les plus zélotes, les plus zélés des admirateurs ou des défenseurs de l’économie détestent une fraction de ce système, et le plus souvent, il s’agit des banques. Les banques qui ne sont qu’un rouage de ces théories, un outil au service du fonctionnement de l’économie, mais c’est aussi ceux qu’il est le plus commode de détester. La haine des juifs trouve son prolongement dans la haine de l’argent et du banquier. 

 

Parmi les critiques de l'économie, il faut rappeler la place centrale de l’auteur du Capital, Karl Marx. Le Capital est l’ouvrage central de la critique de l’économie. Mais on peut aussi rappeler Veblen ou mon auteur préféré : Karl Polanyi et son ouvrage phare, «Trade and Market in the Early Empires, Economies in History and Theory».

 

1. L’idée du marché régulateur

 

On le trouve notamment à la fois chez Marx et chez Karl Polanyi. Ainsi le livre I du Capital. «Le premier chapitre [du Capital] détermine déjà la singularité de cette société, dont la structure est essentiellement économique et où l’organisation de la production se réalise à travers des marchés régulateurs, selon l’expression de Polanyi.»

 

Peut-on dire des marchés qu’ils sont régulateurs ? Ils semblent l’être effectivement, parfois avec l’aide des États ou d’organismes étatiques. Mais le comportement individuel de chaque acteur n’est pas régulateur, notamment lorsque ces acteurs deviennent de plus en plus gros. Ils recherchent la part de marché maximale, le chiffre d’affaires maximal, le bénéfice maximal, comme le démontre les comportements prédateurs de FaceBook, d’Elon Musk ou de Twitter. Si les marchés sont régulateurs, ce n’est pas grâce aux entreprises qui les composent, mais bien malgré eux. Et on peut imaginer que si une entreprise devenait si puissante qu’elle dépassait la puissance des États, l’agrégation de tous ses concurrents, le marché ne serait peut-être plus un lieu de régulation ?

 

Mais ce concept de marché régulateur éclaire d’un jour nouveau le concept éculé et apparemment indémontrable dans la réalité de la ‘main invisible des marchés’. Ces deux concepts sont au fond interdépendants. Et d’une certaine façon, aussi peu démontrable l’un que l’autre.

 

Les marchés ont-ils un fonctionnement régulateur ? On retrouve aussi la théorie de l’école néo-marxiste dite de la régulation, de Michel Aglietta. Comment des marchés composés d’entreprises qui recherchent le profit maximum et les normes les plus restreintes pourraient-ils s’avérer régulateurs, c’est-à-dire producteurs de normes et de régulation ? Les marchés financiers les premiers n’ont rien de marchés régulateurs, comme la crise des années 2007-2009 l’avait amplement démontré. Les marchés ne sont régulateurs que tant que d’autres entreprises, d’autres intervenants du marché servent de régulateurs. Tant que d’autres intervenants ne parient pas à l’inverse du reste des intervenants du marché. Mais si l’ensemble des intervenants prennent les memes decisions économiques ou financières, alors le mythe du marché régulateur explose. On se trouve face à une bulle spéculative, qui se nourrit des paris de tous les intervenants, jusqu’à ce que certains commencent à avoir peur, se retirent du marché. Et le marché continue à grimper encore pendant quelques semaines, avant qu’il ne s’effondre, victime de ceux qui font désormais le pari inverse. 

Le marché régulateur n’est au fond qu’un mythe supplémentaire visant à légitimer les fortunes gagnées ou perdues pendant ces crises financières. Un mythe visant à renommer l’organisation de l’économie moderne autrement que comme une pure loi de la jungle, où seuls les plus forts l’emportent, les plus forts perdurent et se reproduisent ; concept oh combien choquant pour des économistes qui se disent scientifiques. Le marché régulateur n’est qu’un concept concurrent de la planification administrative, soviétique ou française. Et pourtant, dans certains domaines, il n’existe rien de mieux que la planification lorsque la poursuite de l’enrichissement personnel de nos élites prime sur l’intérêt de la Nation !

 

On appelle en France planification ce que les américains nomment «Patriot Act». 

 
2. L’économie est-elle une science ?

Ma réponse est NON. Définitivement NON. Parce que l’économie présente sous le vocable de théorie économique de la main invisible, du marché régulateur, de sciences économiques, un fonctionnement qui s’apparente à la loi de la jungle, une lutte où seuls les plus forts l’emportent, les plus forts survivent, les plus riches, les mieux adaptés résistent.

 

Parce que l’économie a construit tout un corpus de règles, de principes, régissant son fonctionnement supposé à cent mille lieux de la réalité des interactions humaines. Les agents économiques sont sensés tous agir de manière rationnelle, maximiser notre utilité ou notre satisfaction personnelle ou collective, sans que cela n’est le moindre rapport avec la forme ou les raisons de nos propres décisions. L’homo aeconomicus est sensé avoir une calculatrice ou un ordinateur à la place du coeur. Mais ce n’est pas la réalité, en tout cas pour la majeure partie d’entre nous.

 

Une matière comme l’économie n’est pas une science parce que certains transcrivent certains comportements factices, idéalisés, sous forme de fonctions mathématiques. La simple présence des mathématiques ne suffit pas à faire de l’économie une science, surtout si ces mathématiques reposent sur des préceptes inapplicables de la concurrence pure et parfaite qu’il est parfaitement impossible d’observer dans la réalité.

 

Cette matière n’est pas non plus une science expérimentale sous prétexte qu’elle organise des expériences comparatives entre populations ou villages selon qu’on leur donne une subvention ou une indemnité mensuelle ou non (cf. les expériences d’Esther Duflo, lauréate du prix Nobel d’économie). On ne parle pas de sciences expérimentales parce qu’on rajoute un peu de sel dans l’eau et puis qu’on vérifie que le point d’ébullition arrive plus rapidement, à une température d’ébullition plus faible. Et surtout, on ne parlerait pas de science expérimentale si dans certains cas, on ne voyait pas de changement, si certaines expériences ne donnaient pas les résultats escomptés sans que l’on puisse l’expliquer. En physique, on penserait à la présence d’autres facteurs explicatifs. En économie supposée expérimentale, on élimine des cas tangents, parce qu’ils vont à rebours des idées préconçues des expérimentateurs qui se prennent pour Dieu le père (ou Dieu la mère dans le cas d’Esther Duflo)l parce qu’il faut éliminer les cas atypiques. Une science expérimentale qui n’est capable que d’expérimenter des cas microscopiques sans intérêt, dont on connaît déjà la réponse (les femmes de tel village s’en sortir ont-elles mieux si on leur verse une prime mensuelle de X euros qui si on ne leur verse rien ?) n’a rien d’expérimentale !

 

Dire que l’économie est scientifique constitue ainsi une aberration, une exagération. D’où la nécessité de refonder l’économie à rebours de tout dogmatisme mathématique ou expérimental, à rebours de toute la recherche économique de ces cent dernières années. 

 

Saucratès

 

 

A lire mes articles précédents 

https://saucrates.blog4ever.com/critique-de-l-economie-1

https://saucrates.blog4ever.com/critique-de-l-economie-2


03/12/2022
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Études comparées en économie, monnaie et philosophie morale

Études comparées en économie, monnaie et philosophie morale

 
Par Saucratès 

 

Saint-Denis de La Reunion, vendredi 21 janvier 2022
 

Dans cet article, je vais traiter en parallèle de deux matières qui me tiennent à cœur : d’économie et de monnaie d’abord, et en parallèle de philosophie morale. Vous me direz peut-être que ces deux matières donnent l’impression d’être à des centaines d’années-lumière l’une de l’autre. Elles ne traitent pas des mêmes sujets, elles n’utilisent pas les mêmes outils, elles ne sont pas utilisées par les mêmes personnes ; en un mot, on pourrait dire qu’elles n’ont rien à faire ensemble. Et pourtant. 

 

1) Dans les deux cas, un impossible principe d’universalité et d’universalisme

 

Leur premier point de convergence tient dans le fait que leurs principes théoriques, les théories d’ensemble qu’elles constituent à un moment donné, sont fonction de la société, des principes de la société dans laquelle ces ensembles théoriques sont construits, sont développés. La philosophie morale comme l’économie et la monnaie cherchent toutes les deux à expliquer de manière universelle les comportements, économiques ou moraux, de la société dans laquelle elles évoluent, dans laquelle leurs théories ont été assemblées, mais toutes les deux échouent dans cet essai parce que dès que le temps fait son œuvre, que la société change et évolue, ces théories universelles ne sont plus valables.

 

1.a. Sur la théorie économique et monétaire 

 

Ainsi, en économie, une matière que je connais un peu plus que la philosophie morale, les théories économiques ont varié au fil des évolutions technologiques et informationnelles, et des travaux des économistes.

 

- Au dix-huitième siècle, la théorie économique dominante est celles des physiocrates comme Quesnay ou Cantillon. Ils estiment schématiquement que toute la richesse provient de la terre et de l’agriculture.

 

- Au dix-huitième et dix-neuvième, changement de paradigme, avec le passage au principe de la valeur travail. La valeur travail que l’on retrouve dans les écrits de Marx, Smith et Ricardo expliquait parfaitement le monde qu’ils connaissaient. La valeur de chaque bien produit ou consommé était parfaitement expliqué par son contenu en force de travail. Certains ont essayé au maximum de continuer à expliquer le monde au travers de cette théorie de la valeur travail (comme Pierrot Sraffa à la fin du vingtième siècle) et ce n’est pas forcément faux puisque la valeur d’un bien reste le plus souvent déterminé par la somme de travail qui a été nécessaire pour le fabriquer et le faire fonctionner).

 

- Au dix-neuvième et au début du vingtième siècle, cette théorie de valeur-travail a été éclipsée par l’école classique d’économie (Say, Marshall) fondée sur la théorie de la valeur d’usage des biens, de leur utilité et par la rationalité de l’homo aeconomicus. Un autre principe de cette école est l’idée du voile de la monnaie, c’est-à-dire que la monnaie n’est qu’une illusion et que celle-ci n’a aucun impact sur la production et sur l’activité réelle de la société. Et l’autre principe fondateur est l’absence de tout interventionnisme de l’Etat, qui doit se contenter d’un simple rôle d’état gendarme.

 

- La crise économique de 1929 a évidemment conduit à la remise en cause de la théorie classique, qui ne permettait pas d’expliquer la catastrophe économique des années 1929-1945 et surtout la longueur de cette crise. Une nouvelle théorie économique s’est ainsi développée en réaction à la crise financière de 1929, qui a pris l’appellation de théorie keynésienne en lien avec les écrits de John Maynard Keynes. Cette théorie repose sur l’inverse des principes de l’école classique, prônant entre autres choses l’interventionnisme de l’Etat pour relancer et gérer finement les phases des cycles économiques, la reconnaissance de l’importance de la monnaie, des différents d’épargne (de précaution, de transaction …).

 

- Les crises nées des chocs pétroliers au cours des années 1970, et l’apparition de la stagflation (forte inflation combinée à une faible croissance économique), est venue remettre en cause les principes keynésiens et a mis en lumière les théories néoclassiques et leur pendant en théorie monétaire, à savoir le monétarisme de Milton Friedman. Ces théories remettaient au goût du jour les principes classiques de la rationalité de l’homo aeconomicus, ainsi qu’une réinterprétation de la théorie du voile monétaire dans le cadre du monétarisme. Les autorités monétaires doivent faire en sorte que la monnaie évolue de manière régulière pour ne pas perturber le bon fonctionnement de l’économie. Toute perturbation monétaire a un impact négatif sur l’économie réelle et les acteurs économiques anticipent parfaitement les conséquences à long terme des politiques budgétaires ce qui annule leurs effets positifs de court terme. Cette théorie explique ainsi parfaitement à la fois la crise de 1929, les réussites keynésiennes et leurs difficultés croissantes à fonctionner au cours des années 1960 et 1970.

 

A noter que ces grandes théories éclipsent forcément d’autres théories qui ont été moins hégémoniques, ou d’autres principes partiels qui ont été en opposition. Je pense aux oppositions en théorie monétaire entre « currency school » et « banking school » qui ont pourtant conduit la politique monétaire de cette époque et causé des désordres monétaires massifs tout au long du dix-neuvième siècle et conduit au déclenchement de nombreuses crises financières en lien avec des faillites bancaires. Je pense aussi aux théories sur l’entreprenariat et l’innovation de Joseph Schumpeter, ou aux tenants de la théorie de la régulation et de leur discours alternatif autour des crises économiques et financières (Aglietta). Cette théorie revient d’ailleurs régulièrement aux devants de la scène lors de chaque grande crise, comme notamment en 2007-2009, alors que parallèlement, les tenants de la théorie néo-classique et monétariste disparaissent médiatiquement, pour ne réapparaître que lorsque les économies repartent et que leurs discours moralisateurs contre les déficits budgétaires et pour l’orthodoxie monétaire redeviennent audibles.

 

- Les nouveaux outils (comme les programmes LTRO ou les instruments non conventionnels) utilisés par les banques centrales pour gérer la crise financière des années 2007-2009, la crise des dettes publiques qui lui a succédé dans les années 2010 puis la pandémie de coronavirus, outils qui ont pris la forme d’achats massifs de dettes et la mise en œuvre de programmes de soutien massif aux économies, ont conduit à l’émergence d’une nouvelle théorie monétaire, dite « théorie monétaire moderne (TMM) ».

 

Comme l’écrit Bernard Cherlonnneix dans la Revue Banque n°860 : «on peut se demander si elle n’est pas simplement la rationalisation opportune d’un naufrage financier des Etats occidentaux croulant sous le déficit et la dette – comme l’ont été, en leur temps respectif, le modèle d’équilibre budgétaire de l’économie classique en régime de monnaie convertible, puis le keynésianisme de la relance globale en temps de récession et le monétarisme des changes flottants après la suspension de la convertibilité-or du dollar, chaque mode économique venant à point nommé fournir la théorie de circonstance à une réalité économique prééxistante et à une attente politique de justification du fait accompli.»

http://www.revue-banque.fr/risques-reglementations/article/theorie-monetaire-moderne-doctrine-circonstance-re#restricted_content

 

Au fond, mon explication n’est pas très différente de la théorie exposée par Bernard Cherlonneix, même si lui semble ramener sa théorie aux différents régimes de change existant au cours de ces différentes époques, alors que je tente plutôt de lier ces évolutions des explications théoriques de l’économie à des évolutions de la société elle-même. Il reste néanmoins à déterminer ce qui a pu évoluer au cours de ces dernières années pour expliquer que l’explication monétariste de notre réalité économique ne fonctionne plus et qu’il faille passer à une nouvelle théorie monétaire et économique.

 

1.b. Sur les théories de philosophie morale

 

Il en va de même en philosophie morale. Là aussi, chaque théorie morale est rattachée à une époque, malgré le fait que toutes ces théories morales prétendent à une universalité.

 

M’y connaissant néanmoins beaucoup moins en philosophie morale qu’en économie, je ne prétendrais pas exposer l’évolution historique de chaque courant de la philosophie morale. La tâche serait d’ailleurs extrêmement complexifiée du fait que si l’économie est une discipline datant au mieux du dix-huitième siècle, la philosophie morale plonge ces racines dans l’antiquité grecque et romaine, et remonte au minimum au cinquième siècle avant JC, représentant donc 2.500 années d’histoires et de théories.

 

- Ainsi, la philosophie grecque antique de Platon ou Aristote ne peut être séparée de l’histoire de la polis grecque.

 

- De même, la philosophie aristotélicienne et chrétienne de Saint-Thomas d’Aquin ne peut être séparée de l’église chrétienne du treizième siècle et de ce haut moyen-âge qui redécouvre la philosophie grecque antique.

 

- La philosophie kantienne, malgré ces aspirations répétées à l’universalité, ne peut pas non plus être séparée de l’Allemagne du dix-huitième siècle et de la pensée protestante de cette période.

 

Ainsi, pour reprendre Marc Boss paraphrasant Alasdair Mac Intyre (Revue d’éthique et de philosophie morale n°304) : 

 

«Selon la thèse historiciste que Mac Intyre associe à l’héritage de Hegel, une morale qui ne serait la morale d’aucune société particulière n’existe pas. Les principes que Kant tenait pour les principes universels et nécessaires de l’esprit humain ne seraient en fait que les principes spécifiques à un moment, un lieu et un stade particuliers de l’activité et de la recherche humaines. Censés définir la morale en soi, les principes conçus par Kant ne définiraient en réalité qu’une morale hautement spécifique, une version sécularisée du protestantisme, qui a procuré à l’individualisme moderne libéral l’un de ses chartes fondatrices».

 

Malgré le fait qu’aujourd’hui encore, Kant irrigue encore toute la philosophie occidentale, il n’en demeure pas moins vrai que si sa philosophie ne correspondait pas « à un moment, un lieu et un stade particuliers », il n’y aurait plus de raisons à suivre Kant de continuer à réfléchir sur la philosophie morale au-delà de la simple lecture de ses écrits.

 

- Et ainsi de suite, il en va de même de tous les courants philosophiques, comme par exemple de la philosophie morale de John Borden Rawls qui rétablit notamment l’état de nature et le contrat social cher à Jean-Jacques Rousseau. Mais là aussi, le voile d’ignorance de Rawls est forcément lié à la société américaine et occidentale de la deuxième moitié du vingtième siècle.

 

A noter qu’en philosophie morale comme en économie, il existe de grands courants théoriques, voire théologiques, opposés et adversaires, qui connaissent parfois de plus ou moins longue éclipse, lorsque le courant adverse l’emporte, mais reviennent régulièrement sur le devant de la scène, en fonction des moments et des périodes. En philosophie morale, on oppose ainsi régulièrement les théories morales déontologiques aux théories morales utilitaristes, sans oublier celles en appelant à l’éthique des vertus. En économie, inversement, les théories néo-keynésiennes s’opposent aux théories classiques puis néo-classiques (le monétarisme n’en étant qu’un avatar), sans oublier les tenants de la théorie marxiste.

 
2. L’indispensable nécessité d’un complément éthique à l’économie et à la monnaie

 

Au fond, dire que ces deux matières se ressembleraient parce qu’elles prétendent toutes deux expliquer de manière universelle les phénomènes qu’elles étudient mais qu’elles échouent tout aussi régulièrement à expliquer de sorte que de nouvelles théories tout aussi supposément universelles et parfaites viennent remplacer, dire cela n’a peut-être pas grand sens. On pourrait dire la même chose de la physique, où des théories tout aussi universelles sont régulièrement remplacées parce que de nouvelles découvertes viennent les rendre obsolètes et inapplicables. Loi de la gravité universelle de Newton. Relativité restreinte et générale d’Einstein. Physique quantique. Théorie des cordes. Etc… Mais on pourrait peut-être aussi le dire de nombreuses autres sciences ou matières. Même si je ne vois pas lesquelles a priori.
 

Que cela soit vrai ou faux n’importe pas tant que cela. Ces deux matières se ressemblent malgré tout énormément par les enjeux qui les traversent et traversent les théories sensées les expliquer.

 

Et il existe surtout une deuxième raison à ma présentation conjointe et parallèle de ces deux matières : le fait que sans éthique, sans philosophie morale, les théories économiques n’ont plus aucun sens, plus aucun intérêt. On ne peut imaginer d’explications économiques ou monétaires du monde et des rapports sociaux sans chercher à imaginer, sans se mettre à espérer que derrière tous ces mécanismes économiques et monétaires se cachent des principes éthiques et moraux supérieurs, qui viendront donner une cohérence, un sens, à ce que l’on observe.

 

 

Saucratès 


20/01/2022
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