Critiques de notre temps

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Economie


Une problématique autour de quelques modèles économiques

Parlons d’économie. Quelle est la problématique à laquelle je souhaite m’attaquer dans cet article ?
 
La problématique porte sur la détermination du modèle économique qui peut permettre le développement d’un État comme la France, une zone géographique comme l’Europe ou les États-Unis d’Amérique. Faut-il privilégier le modèle ultra-libéral anglo-saxon, dans lequel c’est le régime de la libre-entreprise et du profit libre de toute entrave qui prime pour permettre le meilleur développement économique ? Faut-il privilégier le modèle semi-dirigiste de la planification à la française qui avait accompagné le développement de la France au cours des trente glorieuses ? Faut-il privilégier le système dirigiste communiste russe ou chinois ? Et enfin, on peut s’interroger sur ce qu’est le modèle de l’Union européenne actuel, normatif.


Des mutations économiques rapides 

Pour débuter mon argumentation, je rappellerais les mutations extraordinaires de l’économie au cours des dernières décennies. C’est valable pour la France mais plus largement, c’est valable pour le monde entier. Je n’invente évidemment rien. Ces mutations ont été démontrées par de multiples auteurs et économistes. 


En 1984, il y a quarante ans, la micro-informatique était encore balbutiante. Notre monde hyper connecté où chacun dispose chez soi d’un ordinateur, de téléphones portables plus puissants que les super-calculateurs du siècle dernier, n’existait pas il y a à peine quarante ans. En 1984, on utilisait des cassettes audio pour enregistrer des programmes et des jeux. On programmait soi-même ou on essayait de programmer ses propres jeux. On a commencé à y inventer les disquettes pour copier les données, puis les disques durs. Mais leur contenance se comptait en en dizaines ou en centaines de kilo-octets alors que l’on parle aujourd’hui de téraoctets (un milliard de kilo-octets). 

En 1990, il y a plus de trente ans, l’internet était lui aussi balbutiant en regard de son essor actuel. Évidemment, il existait déjà sommairement entre les universités américaines. Mais on pouvait difficilement s’y connecter depuis la Réunion. Dans les entreprises, on ne disposait ni d’internet, ni de messagerie, mais on utilisait des fax, des télex et des courriers postaux. Il n’existait ni réseaux sociaux, ni médias en ligne, ni sites internet, ni même de télétravail. Et avant la généralisation de la bureautique, pas de micro-informatique, mais des machines à écrire. 
 
En quarante ans, nous avons ainsi totalement changé d’époque. L’époque de la dématérialisation de toutes les opérations, des réseaux sociaux, du virtuel généralisé. 

 

Le modèle ultra-libéral anglo-saxon

Ces modifications s’expliquent par des innovations inventées notamment par des multinationales anglo-saxonnes, comme Google, Amazon, FaceBook ou Apple. Derrière ces multinationales, à chaque fois, il y a un homme, un inventeur, devenu milliardaire par la suite. Steve Job, Mark Zuckerberg, Bezos, Bill Gates ou Elon Musk. Ce sont eux qui ont révolutionné notre monde, mais peut-être que si cela n’avait pas été eux, s’ils n’avaient pas existé ou inventé ces choses, quelqu’un d’autre aurait inventé leur invention : les iPhone, les réseaux sociaux, le commerce en ligne, les navigateurs internet … Parmi ces inventions et innovations, rappelons l’arrivée de Google en 1998 et de Wikipédia en 2001, comparables à l’époque à l’arrivée de ChatGPT et des autres artefacts génératifs en 2022.

 

Etait-ce leurs inventions qui ont révolutionné le monde, autorisé par un système ultra-libéral qui valorise et encourage la richesse extrême et la réussite sociale, ou bien était-ce la société qui avait suffisamment évolué, une société qui était prête à accepter toute sorte d’innovations majeures. Cela a été leur réussite, leur coup de génie (comment faire gagner des milliards de dollars avec un navigateur qui te propose des réponses, ou avec un réseau social sur lequel tu marques tes centres d’intérêt et ton histoire ?), mais quelqu’un d’autre aurait pu inventer plus ou moins la même chose. On ne parlerait pas des GAFAM mais des XBRLU ; ça sonnerait juste moins bien aux oreilles.

 
Cette réussite aurait-elle été possible avec un autre système économique que le modèle ultra-libéral anglo-saxon, comme par exemple avec le modèle dirigiste français ? De manière surprenante, comme pour répondre à cette question, on peut noter que la Chine communiste a également réussi à développer de grandes multinationales autour d’une commerce en ligne (Alibaba), de la voiture électrique (BYD) ou de la téléphonie mobile (Huawei). Mais loin des principes et des canons de l’économie dirigiste communiste, on trouve aussi des milliardaires derrière chacune de ces inventions, chacune de ces entreprises tentaculaires. Comme si seul le profit réussissait aujourd’hui à révolutionner notre époque.

 

Le modèle de la planification à la française

Le modèle de la planification a permis à la France de découvrir et de développer le nucléaire civil, à égalité avec les plus grandes puissances mondiales. Elle a permis l’invention du train à grande vitesse, la mise au point du Concorde, de Airbus et Ariane Espace en partenariat avec des entreprises d’autres pays européens. Cette alliance de l’administration et de grands groupes industriels a fonctionné tout au long des années 1950 à 1970, permettant à la France de créer des champions industriels et des produits technologiques novateurs. Mais cela n’a duré que tant que durèrent les trente glorieuses.

 
Le projet planificateur s’est effondré, au choix, avec les crises pétrolières, la fin de l’empire colonial français, la présence puis la disparition de grands hommes politiques visionnaires, l’apparition de politique ultra-libéral en France, sous Giscard d’Estaing puis sous Chirac, Balladur puis Sarkozy, ou dans le monde (Ronald Reagan ou Margareth Thatcher). 
 

La disparition du concept même de planification à la française explique probablement son échec actuel. Il n’existe plus depuis les années 1990 de commissariat au plan et de réflexions purement industrielles. Le commissariat au plan a été remplacé par un organisme nommé France Stratégie mais son objectif n’est plus de monter des plans industriels à grande échelle, sur des décennies. Son objectif depuis des décennies n’est plus que de mesurer l’efficacité des politiques publiques, d’effectuer des calculs socio-économiques, dans un objectif de rationaliser l’action publique, les politiques publiques pour les rendre plus efficaces. Résultat, depuis les années 1970, la France s’enfonce dans les crises, dans la dette publique et nos champions industriels disparaissent (Thomson) ou se font racheter ou bien se développent à l’international et cessent de produire en France et d’être français (Arcelor, Saint-Gobain…). 
 

Existe-t-il des exemples de grandes réussites industriels françaises ? Quelques grands groupes internationaux sont encore français, comme les constructeurs automobiles Peugeot et Renault, dans le luxe (Pinault-Printemps ou LVMH), dans la beauté (Loréal) ou dans les services. Mais de réussites technologiques ou industrielles, à l’image du TGV, du Concorde, du nucléaire civil et militaire ? Un désert.

 

L’Allemagne semble s’en sortir mieux dans l’industrie, mais pour combien de temps face à la concurrence japonaise ou chinoise ? L’échec du modèle dirigiste français mais aussi communiste s’explique-t-il par l’abandon du principe même de la planification industrielle à grande échelle comme il a pu exister tout au long des années 1950, 1960 et 1970, ou bien s’explique-t-il par la suprématie économique du modèle ultra-libéral anglo-saxon, par la suprématie de l’attrait du profit sur celui de la régulation, sur la supériorité d’un modèle supposant qu’un génie saura découvrir et développer  l’invention miracle ?

 

Au fond l’échec du modèle de planification française s’explique par son abandon face à l’idéologie ultra-libérale. La France aurait-elle pu avoir les moyens de défendre et de créer de nouveaux champions industriels ou technologiques ? On l’ignore. Les multinationales ont désormais une puissance financière qui les rend égale aux grands états occidentaux, avec une agilité que les budgets de l’Etat ne possèdent pas, corsetés par des dépenses de fonctionnement rigides pour assurer les diverses missions de service public que ces états assurent, et une capacité d’endettement étranglée. 
 

Quel modèle européen ?

L’Europe a pu permettre la réussite d’un certain nombre de grands projets : Airbus, Ariane Espace, Eurofighter … essentiellement dans le domaine aérien, militaire ou spatial. Mais là aussi, ce modèle a vécu, remontant aux années 1970 et 1980. Rien de nouveau.

 

L’Europe aujourd’hui, c’est l’ouverture des marchés au sein de l’Europe, c’est la privatisation et le démantèlement de tous les champions industriels publics pour permettre la constitution de groupes privés charognards (le groupe du tchèque Daniel Kretínsky…) qui profitent des ouvertures des marchés nationaux imposés par Bruxelles, des normes édictées, comme le marché de l’électricité, le marché des réseaux ferrés. Voilà ce qu’est l’Europe aujourd’hui. Un zélote du modèle ultra-libéral anglo-saxon qu’elle impose dans chaque compartiment du marché européen qu’elle cherche à ouvrir et à démanteler. Un zélote de la conclusion d’accords commerciaux avec chaque zone commerciale étrangère (Canada, Mercosur, états ACP) avec cette idéologie mortifère pour les industries européennes que ce qui est bon pour le consommateur européen est bon pour l’Europe, quelqu’en soit les conséquences industrielles. Un modèle reposant sur l’édiction de règles et de normes impératives (jusqu’à libéraliser la notion de chocolat !) et sur l’ouverture tout azimut des marchés. 
 

La réussite américaine ne tient peut-être pas tant à la supériorité de son modèle ultra-libéral que dans l’abandon de la planification réfléchie à la française et au déploiement de l’idéologie mortifère de l’Union européenne et des ultra-libéraux qui la servent probablement de manière intéressée.

 

 

Saucratès 

 

 

Nota bene : Le commissariat général au plan existe de 1946 à 2006 mais son rôle est remis en cause dès 1986 lors de la première cohabitation et les plans quinquennaux sont abandonnés en 1993.

 

https://fr.wikipedia.org/wiki/Commissariat_général_du_Plan


20/11/2024
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Lundi noir sur les marchés financiers, notamment asiatiques

Lundi noir sur les marchés financiers, notamment asiatiques

Par Saucratès 

Saint-Denis de la Réunion, jeudi 8 août 2024

 

Selon Reuters, « les places boursières asiatiques ont accusé lundi 5 août 2024 l'une de leur pire séance depuis plusieurs années, voire décennies pour certains indices, dans le sillage d'un mouvement généralisé de vente provoqué par des craintes d'une récession économique aux Etats-Unis après de mauvais chiffres sur l'activité manufacturière et l'emploi. A Tokyo, l'indice Nikkei 225 a plongé de 12,4% le lundi 5 août 2024, à 31.458 points, soit sa plus forte baisse journalière en pourcentage depuis le 20 octobre 1987. Mais son repli en points (de - 4,451.28 points) dépasse la baisse accusée lors de cette précédente séance et constitue le recul journalier en points le plus important jamais enregistré. L'indice japonais affiche ainsi un repli de 27% depuis son pic du 11 juillet dernier, ce qui le place désormais en territoire baissier (le Nikkei 225 a néanmoins progressé de +10,23% le lendemain mardi 6 août 2024.

 

https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/08/05/les-bourses-redoutent-une-recession-et-plongent_6268577_3234.html

De son côté, la Bourse de Taïwan (TWII) a chuté de 8,4%, son plus fort repli en une séance depuis le 20 novembre 2000, selon des données de LSEG. En Corée du Sud, l'indice Kospi (KS11) a perdu 8,8%, sa plus forte baisse depuis octobre 2008 et la crise financière mondiale. Le plongeon a été tel - l'indice a perdu jusqu'à 10,8% - que cela a déclenché une restriction des échanges pour la première fois depuis quatre ans. En Asie du Sud, la Bourse de Singapour (STI) perd 4,4% pour se diriger vers sa plus mauvaise séance en quatre ans tandis que les places boursières en Indonésie (JKSE) et aux Philippines (PSI) perdent 3,3% et 2,6% respectivement.

On découvre aussi chaque jour de nouvelles règles et de nouvelles théories explicatives et prédictives des comportements des marchés financiers, comme la règle de Sahm, du nom de l'ancienne économiste de la Fed Claudia Sahm, qui a élaboré cette règle. Actuellement, Mme Claudia Sahm est économiste en chef chez New Century Advisors.

 
La règle dite de Sahm serait un indicateur précoce de récession historiquement précis. La règle de Sahm signale le début d'une récession lorsque la moyenne mobile sur trois mois des taux de chômage nationaux augmente de 0,5 point de pourcentage ou plus, par rapport au minimum des moyennes sur trois mois des douze mois précédents.

L'ancienne économiste de la Fed Claudia Sahm, qui a élaboré cette règle, explique que cette fois-ci, elle ne signale peut-être pas exactement une récession, mais qu'elle voit de nombreuses raisons de s'inquiéter de la trajectoire de l'économie.


«La règle de Sahm est un peu en avance sur elle-même parce qu'elle ne saisit pas ce pour quoi elle a été conçue», a-t-elle déclaré, citant les changements survenus dans l'économie après la pandémie de grippe aviaire et l'augmentation de l'immigration à la suite de pénuries de main-d'œuvre, qui perturbent les données.

Néanmoins, selon Mme Sahm, «Je ne pense pas que nous soyons en récession, mais la dynamique est en train de s'installer dans la mauvaise direction.» La raison invoquée par Mme Sahm est le retard pris par la Réserve fédérale américaine pour assouplir sa politique monétaire. «Étant donné que la FED a tardé à réduire ses taux d'intérêt, un rattrapage en septembre pourrait s'avérer très judicieux» (les marchés tablent sur une baisse des taux de 50 points de base lors de la réunion de septembre de la Fed, alors même que les inquiétudes liées à la récession ont ébranlé les marchés mondiaux lundi). «La Fed pourrait manquer de marge de manœuvre si elle n'agit pas rapidement, compte tenu du temps nécessaire pour que les baisses de taux aient un impact sur l'économie réelle.»

Les évolutions enregistrées par les marchés financiers américains et européens ont été beaucoup moins violents pour ce lundi 5 août 2024, avec une baisse de l’indice phare de la bourse de Paris (CAC40) de seulement -1,42% et de -2,60% seulement pour le Dow Jones Industrial Average, -3,00% pour le Standard and Poors 500, malgré le fait que Reuters titre sur la semaine de ‘la peur au ventre’ pour les actions américaines.

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Et pourtant, graphiquement, les évolutions enregistrées par les marchés financiers ne font pas apparaître de situation anormales pour l’instant. Ci-dessus l’évolution du CAC 40 sur les 20 dernières années (2004-2024) avec une figure sur les derniers mois qui n’est guère différent des mouvements de 2021-2022 et 2023.

 
Le recul de ces dernières séances de bourse ressemblent aux mouvements ou oscillations enregistrées régulièrement au cours des derniers semestres. Par ailleurs, les marchés de New York ou de Tokyo n’avaient jamais atteint de tels niveaux jusqu’au mois dernier, avec un Nikkei 225 a plus de 40.000 points. A son plus haut niveau avant la crise financière de 2007, le Nikkei 225 avait à peine dépassé les 18.000 points, soit son plus haut niveau depuis 1945.


Le Dow Jones a quant à lui aussi dépassé les 41.000 points éphémèrement en juillet 2024 alors qu’il dépassait à peine les 14.000 en octobre 2007. Pour mémoire, le Dow Jones était tombé à l'issue de la crise financière des subprimes à un minimum de 6.547 points en mars 2009. Les valorisations boursières américaines ou japonaises atteignent ainsi actuellement des niveaux jamais observés par le passé, largement supérieures au double des maximums précédents lors des précédentes bulles de valorisation boursière.  

 

Ceci peut ainsi expliquer l’extrême nervosité des marchés financiers. Une étincelle suffirait pour conduire à une explosion.

En 2007, les commentateurs des marchés financiers rappelaient une évidence. «Les arbres ne montent pas au ciel !» Aujourd’hui, les marchés financiers semblent avoir oublié cette évidence. On croyait aussi à cette époque avoir changé de logiciel, avoir changé d’époque. Mais ce n’était pas plus le cas en 2007 que ce n’était le cas lors de la bulle des valeurs internet de 1999-2000. Et il est peu probable que ce soit le cas le cas aujourd’hui, en 2024. Toute hausse a vraisemblablement une fin. La panique de ce lundi 5 août 2024 vient en somme nous rappeler une évidence. La moindre information alarmante dans un marché monstrueusement survalorisé se traduit mécaniquement par une chute vertigineuse des cours de bourse. Même si les cours boursiers de Tokyo ou de New York étaient divisés par deux, ils resteraient encore largement supérieurs aux plus hauts de 2007.

C’est un peu moins sensible pour la bourse de Paris et pour l’indice CAC40 qui a clôturé hier mardi 6 août 2024 à un peu plus de 7.100 points après avoir dépassé les 8.200 points en mai-juin 2024. Les précédents plus hauts de juillet 2007 s’élevaient à 6.000 points, avant que le CAC40 ne descendre à son plus bas niveau en mars 2009 à 2.569 points. A noter que son précédent plus haut niveau historique avait été atteint le 4 septembre 2000 avec 6.922,33 points. Soit pratiquement son niveau actuel d’août 2024.
 
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Cela n’empêche néanmoins pas de se rappeler que malgré le fait que la bourse parisienne semble moins survalorisée que les marchés américains ou japonais, elle demeure proche de ses plus hauts niveaux historiques. Et que cela n’avait pas empêché la bourse parisienne de s’effondrer comme ses consœurs japonaises ou américaines en 2001-2002 pendant la crise des dot.com ou en 2007-2009 lors des crises des subprimes.

 

 
Saucratès

 

 

Post scriptum : cet épiphénomène du lundi noir 5 août 2024 peut aussi n’avoir aucune conséquence et le mouvement de croissance des places boursières mondiales peut tout à fait se poursuivre encore quelques années. Cela fait des années, depuis 2018 ou 2019, que je pronostique une nouvelle crise financière qui n’arrive pas. 


08/08/2024
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Oligopole sur le marché de l’approvisionnement alimentaire

Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, il existerait des firmes multinationales qui contrôlent des pans entiers de l’économie mondiale sans que personne ne les connaissent, sans que personne ne sache qu’elles existent, sans que personne, même des économistes qui croient comprendre le monde et ses enjeux, ne prenne conscience de leur puissance et de leur leadership.

 

https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/07/22/aujourd-hui-cinq-entreprises-adm-bunge-cofco-cargill-et-louis-dreyfus-company-dominent-la-quasi-totalite-de-l-approvisionnement-alimentaire-dans-le-monde_6255170_3232.html

 
Nous connaissons évidemment tous les GAFAM ; ces multinationales hyper-puissantes qui contrôlent les nouvelles technologies de l’information au plan mondial. Initialement, les GAFA correspondaient aux initiales des quatre plus grandes sociétés américaines et mondiales cotées en bourse, à savoir : Google, Amazon, FaceBook et Apple. Celles-ci étaient sensées devoir révolutionner nos vies et elles l’ont révolutionné. Que seraient nos vies sans l’accès Google à Internet, sans les Smartphone inventés par Apple, que serait le commerce en ligne sans Amazon et nos vies sans les réseaux sociaux inventés par FaceBook ? Le M de GAFAM correspond enfin à Microsoft, qui a également révolutionné l’accès à Internet avec son logiciel Explorer. 
https://fr.wikipedia.org/wiki/Géants_du_Web

Mais depuis lors, ces entreprises ont changé de noms. Google est devenu Alphabet tandis que FaceBook est devenu Meta. Et une sixième et une septième entreprises ont rejoint ses géants d’Internet, dont une beaucoup moins connue que les autres pourtant pour l’instant : Nvidia, fabricant de puces électroniques, et Tesla. Et on parle ainsi désormais soit des «Six Merveillous» ou des «Magnificent Seven». Nvidia fabrique les puces de dernière génération qui permettent de faire tourner les ordinateurs pour l’intelligence artificielle mais elle est encore peu connue, tandis qu’on ne présente plus Tesla, qui a révolutionné le monde vénérable des constructeurs automobiles, pour la plupart implantés depuis le début du vingtième siècle, en réinventant la voiture électrique (même si elle est déjà menacée par la multitude de constructeurs chinois).

 

Néanmoins, je ne connaissais pas véritablement l’importance des cinq firmes internationales citées par l’économiste Xavier Dupret dans le marché de l’approvisionnement alimentaire mondial notamment en matières premières : Archer Daniels Midland (ADM), Bunge, Cofco, Cargill et Louis Dreyfus Company (LDC).

 

Au sein de ces cinq firmes, on a néanmoins probablement tous au moins entendu parler du géant américain Cargill. La pire entreprise du monde selon le journal Le Monde ou certains parlementaires américains. Même si la palme est disputée chez les parlementaires ou les écologistes puisqu’on trouve aussi dans ce petit cercle des ennemis jurés des écologistes les firmes Mosanto, Exxon Mobil ou Total.

 

https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/01/08/meme-l-entreprise-la-pire-du-monde-se-convertit-a-l-ecologie_6025152_3234.html

 

Inversement, j’ignorais complètement tout de la firme américaine Bunge, même si je me rappelle qu’elle avait reprise en 2003 la société Cereol issue du démantèlement de la société Eridania-Beghin-Say, dont une autre partie avait été reprise par le groupe sucrier Téréos bien connu des agriculteurs réunionnais.

 

https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/06/21/bunge-principal-importateur-de-soja-en-europe-accuse-de-contribuer-a-la-deforestation-au-bresil_6178526_3244.html

 

Concernant la firme Louis Dreyfus Compagnie (ou LDC), on connaît tous plus ou moins son ancien dirigeant historique Robert Louis-Dreyfus à travers le rachat mouvementé d’Adidas et de l’Olympique de Marseille. À noter que dès le début du vingtième siècle, dans les années 1900, le groupe Louis Dreyfus était déjà le leader mondial du négoce de céréales. Mais ses actifs en Russie furent confisqués en Russie suite à la révolution de 1917 tandis que ses actifs en France furent confisqués par le gouvernement de Vichy.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Robert_Louis-Dreyfus

 
Archer Daniels Midland (ADM) est une multinationale américaine. Enfin, Cofco («China National Cereals, Oils and Foodstuffs Corporation»), de son côté, est un conglomérat public chinois, dont le siège social semble être installé à Genève en Suisse. Avant que Cofco rejoigne le groupe des plus grands négociants de produits alimentaires au monde, on parlait du groupe ABCD en parlant de ses quatre concurrents (Archer, Bunge, Cargill et Dreyfus). 

https://fr.wikipedia.org/wiki/COFCO

 

Ainsi, selon l’économiste Xavier Dupret, l’inflation observée au cours des deux dernières années ne serait «pas tant le reflet de la hausse des cours mondiaux due à la guerre en Ukraine que celui de la hausse des profits de l’oligopole qui contrôle ces prix».

 

Selon Dupret, les profits record de ces mastodontes en 2022 serait très supérieurs à la moyenne de leurs bénéfices durant la période 2016-2020, avec «une augmentation de 300% pour ADM, 280% pour Bunge, 250% pour Cargill et 280% pour LDC».
 
Petite limite à cette information frappante, il était indiqué que le groupe Louis Dreyfus Compagnie n’avait jamais communiqué sur ses comptes financiers, hormis en 1939-1945 lorsqu’elle était sous le contrôle de Vichy et des Nazis. Ces bénéfices exceptionnels dégagés par ces quatre groupes sont-ils ainsi bien réels ? Deux de ces cinq firmes ne sont d’ailleurs même pas cotées en bourse et ne publient ainsi par leurs comptes (Cargill et Dreyfus) même si Wikipédia est néanmoins capable de citer leurs chiffres d’affaires et leurs résultats. Cofco est ainsi cotée à Hong Kong (KYG226921008) tandis que ADM (ADM sur le NYSE) et Bunge (BG) sont cotées sur le New York Stock Exchange (NYSE).

  

  • +61% pour ADM entre 2021 et 2022 avec 4,4 milliards $
  • +81% pour Bunge entre 2020 et 2021 avec 2,1 milliards $
  • +36% pour Cargill entre 2021 et 2022 avec 6,7 milliards $ (mais -43% en 2023)
  • +82% pour Dreyfus entre 2020 et 2021 avec 0,7 milliard $

 

À moins que la période de référence ne soit pas véritablement significative en intégrant l’année 2020 liée à la pandémie de Covid 19. Il faut peut-être se méfier de ces chiffres cités par l’économiste Xavier Dupret qui viseraient à choquer l’opinion publique et influer sur les politiques publiques ?
 

Malgré tout, il est économiquement probable que l’existence d’un tel oligopole doive forcément influer sur les prix et les marges. Mais le groupe Louis Dreyfus était déjà le leader de ce marché au début des années 1900. Cet oligopole n’est ainsi très probablement pas récent, même si quelques nouveaux acteurs le rejoignent au fil des décennies, comme Cofco récemment. Pour quelles raisons cet oligopole aurait-il donc brutalement et outrageusement accru ses marges à partir de 2022 ? Cela n’a peut-être pas grand sens en fin de compte.
 
 
Saucratès


25/07/2024
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Sur l’économie : comment allouer et produire des ressources rares pour atteindre des objectifs sociétaux

Ces quelques articles du Monde permettent d’éclairer mon souhait premier, initial, d’interroger l’économie et le fonctionnement de la société. Comprendre le fonctionnement de l’économie et expliciter les raisons qui font qu’il puisse y avoir des très riches, des riches, des classes moyennes et une majorité de pauvres et de très pauvres, voilà ce qui pourrait être une question idéale pour les sciences économiques. 

 
https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/06/08/l-economie-est-une-science-du-comment-elle-etudie-comment-allouer-et-produire-des-ressources-rares-pour-atteindre-les-objectifs-societaux_6237984_3232.html

 
 
 
https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/06/05/qui-est-riche-en-france-l-observatoire-des-inegalites-repond-et-relance-le-debat_6237508_3234.html
 
Il existe un certain nombre d’économistes français qui sont célèbres en France, adeptes des prises de position politiques dans les médias, qu’ils s’appellent Thomas Piketty, Jean Tirole ou Esther Duflo. Ils sont le plus souvent auréolés du titre pompeux et pécuniairement enrichissant de Prix Nobel d’économie, qui n’est d’ailleurs pas à strictement parler un Prix Nobel dans la réalité, mais un prix de la Banque de Suède en mémoire d’Alfred Nobel. Mais ces derniers s’intéressent-ils vraiment à expliquer les raisons du fonctionnement de nos économies, de nos sociétés ?
 
Le premier article a l’avantage de donner un objectif clair et compréhensible de l’économie, conformément au titre de l’article. Manifestement, le journaliste a mieux compris l’économie que nombre d’économistes.
 

«L’économie est une science du comment : elle étudie comment allouer et produire des ressources rares pour atteindre les objectifs sociétaux – et neutre vis-à-vis des motivations des individus qui la composent – motivations matérielles, sentiments moraux, besoins d’image et d’identité…»

 

https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/06/08/l-economie-est-une-science-du-comment-elle-etudie-comment-allouer-et-produire-des-ressources-rares-pour-atteindre-les-objectifs-societaux_6237984_3232.html

 

C’est devenu évident aujourd’hui pour nous tous ; la finitude de la Terre et des ressources que l’on peut y puiser. Cette Terre qui, jusqu’à peu, il y a à peine un siècle, n’était pas encore totalement découverte et arpentée, aujourd’hui nous comprenons tous que les biens que nous consommons ne sont pas en nombre infini, que les réserves de pétrole, de charbon, de métaux, de terres rares, vont s’épuiser. Et que même la nourriture que l’on y fait pousser ponctionne nos réserves. Autrefois, les famines s’expliquaient par de mauvaises récoltes, par des hivers trop froids ou un climat déréglé. Aujourd’hui, les famines s’expliquent par des dysfonctionnements des marchés. Mais elles s’expliquent aussi déjà par la finitude de la Terre, par le fait que l’on ne peut pas consommer chaque année le contenu de plusieurs Terres, par le fait que la population mondiale croît aussi continuellement. Aujourd’hui 8 milliards d’humains, bientôt 9 milliards. Alors qu’au fond, il y a encore peu de temps, nous n’avions besoin de produire que pour 3 milliards d’humains.

 

Lorsque je parle de la société, je pense à la société capitaliste occidentale. Mais il ne faut pas oublier que nombre de sociétés humaines existent encore parallèlement à la nôtre, même si celles-ci sont peu à peu contaminées, accaparées par notre société occidentale. Les jeunes de ces sociétés sont hypnotisés par les promesses de richesse et de consommation que nos médias et nos émissions véhiculent. Et les productions de ces sociétés éloignées sont également achetées, capturées par notre monde. Mais il doit encore exister des mondes préservés, même si leur planète ne le sera pas. Nous ne sommes pas la seule forme de société. 
 

Il y a bien évidemment les autres sociétés d’économie dirigées, la Russie ou la Chine, où les façons de s’enrichir et de demeurer au sommet de la société doivent différer de notre forme de société. Et c’est évidemment ce que cherchent à promouvoir tous les adeptes de la démocratie, pour que des contraintes militaires ou sécuritaires ne viennent pas perturber la recherche de la richesse et du pouvoir dans ces autres sociétés. 
 

La pensée capitaliste occidentale ne fait reposer l’existence des classes sociales que par la réussite personnelle, les bonnes décisions  prises au bon moment, le résultat du seul mérite individuel, de l’effort et la réussite comme récompense. Les pauvres, les classes moyennes, ne sont en fait que les perdants, les fainéants dans la compétition de la vie. Lorsque certains ne lui donnent pas une raison religieuse et philosophique. Leurs adversaires tiennent d’ailleurs le même discours lorsqu’ils abordent l’intersectionalité, qu’ils font reposer les causes de l’échec sur des discriminations liées au sexe ou à la couleur de peau. 
 

On peut évidemment estimer qu’en faisant cela, l’intersectionalité apporte une réponse à l’inégalité de la société occidentale capitaliste, même si je n’y crois pas. Parce que c’est notre système social lui-même qui repose sur une non-distribution équitable des ressources et des richesses entre les différents membres de la population.

 

L’intersectionalité ne cherche qu’à renverser l’ordre de la société pour que ces derniers en deviennent les prochains maîtres, remplacent les riches, au détriment des autres. Exactement de la même manière que la politique dite ‘affirmative action’ aux Etats-Unis discriminaient en fait ouvertement les étudiants considérés comme d’origine asiatique, dont les résultats scolaires et intellectuels dépassaient ceux des autres. 
 
Il en va de même des tentatives de mesurer la richesse en France. Ce besoin maladif de ces comités d’expert, des médias, des politiques socialistes (ou devrais-je dire hollandais) de pondre un chiffre, une frontière, pour dire que ceux-ci sont riches. Avec toujours à craindre l’irruption d’un «je hais les riches» à la François Hollande. Notre cher gouvernement occidental capitaliste étant toujours à la recherche d’une bonne excuse pour rembourser sa dette, d’un bouc émissaire commode à faire haïr qu’il pourra exhiber devant le peuple pour détourner sa colère. 

«Combien faut-il gagner pour être riche en France ? La somme de 3.860 euros mensuels après impôts pour une personne seule, 5.790 euros pour un couple, 9.650 euros pour une famille avec deux adolescents, répond l’Observatoire des inégalités, dans la troisième édition de son rapport sur les riches, publié mercredi 5 juin.

 

Dès lors, 4,7 millions de Français sont riches, calcule l’Observatoire, en se basant sur les données 2021 de l’Insee. Cela représente 7,4 % de la population. C’est moins qu’en 2011, lorsqu’on recensait 5,5 millions de riches dans le pays, un record sur les vingt dernières années.»

 

https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/06/05/qui-est-riche-en-france-l-observatoire-des-inegalites-repond-et-relance-le-debat_6237508_3234.html

 

J’ai un peu de peine à me dire qu’avec 3.860 euros par mois, après impôt, on puisse être considéré comme riche ! Lorsqu’il faut le plus souvent payer 1.000 à 1.500 euros de loyer pour se loger. Tout dépend avant tout selon moi de la richesse accumulée, du patrimoine immobilier hérité. Tout ceci est tellement simpliste et orienté politiquement !

 

Comme l’indique l’Observatoire, les riches sont moins nombreux mais ils se sont enrichis plus rapidement. Et si on dissolvait cet Observatoire, cela ferait sûrement quelques riches de moins ! Mais on leur trouverait certainement une autre sinécure grassement rétribuée en terme de renvoi d’ascenseurs.

 
Il reste cette question sur laquelle je devrais avancer mais à laquelle je n’ai pas apporté le moindre commencement de réponse : «Comprendre le fonctionnement de l’économie et expliciter les raisons qui font qu’il puisse y avoir des très riches, des riches, des classes moyennes et une majorité de pauvres et de très pauvres». J’y reviendrais ultérieurement. 
 
 
Saucratès


08/06/2024
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Théorie économique et cyclicité

Théorie économique et cyclicité

Par Saucratès 

Saint-Denis de la Réunion, lundi 1er avril 2024
 

En ce lundi soir de Pâques, en ce 1er avril 2024, je vais vous parler de théorie économique. Le principe même de la théorie en Économie, c’est de disparaître dès lors que la situation économique que l’on devrait expliquer s’avère en contradiction avec les fondements ou les prémices de la théorie que l’on défend. 

 

Tout le monde sait ainsi que la théorie keynésienne, fondée par l’économiste anglais John Maynard Keynes, est née à la suite de la Grande dépression des années 1930, et que cette théorie a été peu à peu invalidée par la fin des trente glorieuses et la montée concomitante de l’inflation et du chômage, ce que l’on a nommé la stagflation des années 1970-1980. Mais il demeure encore aujourd’hui des économistes keynésiens, ou plutôt néo-keynésiens, de la même manière qu’il demeure des économistes marxistes en Occident (voire même en Russie). Essentiellement parce que leur explication théorique de l’économie, leurs préceptes, sont compatibles avec les différentes phases que traversent les économies occidentales, voire de toutes les économies, aussi peu développées industriellement soient-elles. 

Le keynésianisme parle de la possibilité grosso-modo de réguler l’activité économique d’un État à travers la variation de la dépense publique, de l’endettement public et du taux d’intérêt. Malgré tout, cette théorie a connu une longue éclipse depuis une cinquantaine d’années du fait de la naissance de nouveaux paradigmes néolibéraux qui intéressent les puissants qui nous dirigent, les gouvernements qui décident, et les riches qui en profitent. Moins d’Etat, moins de protection des salariés, moins d’imposition des profits et des bénéfices. Ce néolibéralisme s’appuie sur les différents courants de l’économie néoclassique et monétariste. C’est plus ou moins la même théorie qui s’est appliquée tout au long du dix-neuvième siècle et qui a mené d’abord à la longue dépression des années 1870-1890, puis la Grande dépression des années 1929-1939. Opportunément, les adeptes de cette théorie se sont fait discrets au cours des années 1930, se contentant d’inventer de nouveaux concepts économiques cherchant à expliquer les insuffisances de leur modèle. Ils ont ainsi inventé les notions d’anticipations rationnelles des acteurs économiques, et que c’est à cause des interventions de l’Etat que les anticipations rationnelles des agents sont perturbées. Sans aucune intervention de l’Etat, la crise de 1929 n’aurait pas eu lieu.

 

On a bien vu plus récemment le même fonctionnement à l’œuvre, lors de la crise financière des années 2007-2009 et les mesures exceptionnelles budgétaires et monétaires nécessaires pour surmonter cette crise. Les économistes néolibéraux adeptes de l’autorégulation des marchés et de l’orthodoxie budgétaire et monétaire ont brutalement disparu des médias. Les journalistes se sont brutalement souvenus qu’il existait d’autres branches de l’économie qui pouvait expliquer la situation, comme des ecoles neo-marxistes ou Noé-keynésiennes, comme les théoriciens de la théorie de la régulation. 

Mais cela n’a évidemment pas duré. Les néolibéraux sont ressortis du bois dès lors que le pire de la crise était passé, pour appeler à nouveau à respecter les préceptes du moins d’Etat, des privatisations, de la baisse des dépenses publiques. Peu leur importe que leur théorie soit incapable d’expliquer ce qui s’est passé dans ces années 2007-2009, pour quelles raisons les marches censés être ultra efficaces, capables de s’auto réguler, ont lamentablement échoué et que seuls les préceptes de la théorie keynésienne ont à nouveau seuls été capables de sauvegarder les économies occidentales ou mondiales et permis d’éviter en pire une nouvelle Grande dépression ! Peu leur importe. Ce qui compte à leurs yeux et aux yeux des puissants, c’est que les velléités de contrôler l’économie et la richesse au niveau mondial tombent à l’eau, et que les seuls préoccupations des gouvernements soient de réduire à nouveau les aides aux plus démunis pour favoriser le retour du plein emploi !

 

En ce sens, le combat électoral aux Etats-Unis voit s’affronter deux adeptes de la même vision. Des néolibéraux démocrates contre des populistes néolibéraux conservateurs, avec comme principal argument et victimes les immigrés. Comme en France ou en Europe.

 

En matière de théorie monétaire, c’est également la même chose. La théorie monétariste, que je ne conteste pas, repose sur les mêmes préceptes que l’ancienne théorie classique selon laquelle la monnaie est un voile. Le monétarisme néoclassique a simplement innové en la combinant aux anticipations rationnelles des agents économiques, en estimant que la politique monétaire doit faire en sorte que les agents économiques pensent que les autorités monétaires feront toujours tout pour que l’inflation soit contenue à un niveau faible, quoi qu’il en coûte. Les autorités monétaires doivent être prêtes à bloquer l’économie si c’est nécessaire, afin que les agents économiques croient que l’inflation ne dépassera jamais les 2% par exemple que les Banques centrales européennes ou américaines estiment être un bon niveau d’inflation.

 

Mais les néoclassiques ne sont pas les seuls à se cacher dès lors que la situation économique ou financière leur donne tord. Il y a quelques années, on entendait parler d’une nouvelle théorie monétaire, ou théorie monetaire moderne (TMM), selon laquelle l’inflation n’était plus un problème, qu’elle était durablement faible pour des causes exogènes, et que l’on pouvait dès lors créer autant de monnaies que l’on pouvait souhaiter. Et d’une certaine façon, cette nouvelle théorie monétaire venait simplement corroborer les politiques monétaires menées par les grandes Banques centrales occidentales qui injectaient des monceaux de liquidités dans les marchés financiers ou monétaires pour relancer l’économie, politiques mises en œuvre après les années de la crise financière de 2007-2009 pour empêcher l’effondrement des économies occidentales. Mais dès lors que le déclenchement de la guerre en Ukraine et la sortie de la pandémie de coronavirus a fait s’envoler l’inflation en Occident jusqu’à atteindre des niveaux inusités entre 6 et 10%, les théoriciens de la théorie monétaire moderne ont disparu, ou alors ou plutôt, les journalistes qui leur donnaient un certain crédit se sont opportunément rappelés que cette théorie devait être farfelue. Gageons néanmoins que dans quelques années, on reverra apparaître ces mêmes adeptes ou théoriciens ou sous une forme édulcorée. 
 

https://la-chronique-agora.com/precisions-a-propos-tmm/

https://la-chronique-agora.com/sujet/theorie-monetaire-moderne/

 

Fin de ma chronique économique de ce jour. Et pas de poisson en ce premier avril 2024.

 
 

Saucratès

 

 

Post scriptum du 2 avril 2024 : Plus qu’un poisson d’avril, certaines affirmations de ce commentaire étaient peut-être excessives. Je semble en effet opposer les néo-keynésiens et les néoclassiques, en présentant les uns comme les gentils, et les autres comme les méchants.

 

Les partisans de ces deux écoles de pensée sont en fait rattachés à ce que l’on appelle parfois la ‘nouvelle politique économique’. Même s’ils défendent parfois des préceptes légèrement différents, il est néanmoins difficiles de les différencier nettement ou bien de rattacher une politique économique d’un État occidental à une école ou à une autre. Ces deux écoles ont désormais en horreur les mêmes choses : l’inflation, le déficit budgétaire, et elles cherchent toutes deux la même chose : le plein emploi par l’ouverture du marché du travail à la concurrence, comme l’écrivait l’économiste Jean-Paul Fitoussi dans Le Monde du 26 avril 2004, il y a près de vingt ans.
 

Ces deux écoles sont ainsi à mille lieux de la pensée de John Maynard Keynes : «Les deux vices marquants du monde économique où nous vivons sont que le plein emploi n’y est pas assuré et que la répartition de la fortune et du revenu y est arbitraire et manque d’équité», dans la ‘Théorie générale’.


01/04/2024
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